M. le président. « Art. 59. _ A l'article 197 du code général des impôts, il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. _ Pour l'imposition des revenus des années 1997, 1998, 1999 et 2000, en ce qui concerne les contribuables visés à l'article 4 B, il est fait application des règles suivantes pour le calcul de l'impôt sur le revenu :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu les taux de :
Revenus de 1997 |
Revenus de 1998 |
Revenus de 1999 |
Revenus de 2000 |
||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Tranches |
Taux |
Tranches |
Taux |
Tranches |
Taux |
Tranches |
Taux |
Supérieure à 27 630 F et inférieure ou égale à 50 380 F | 9,5 % | Supérieure à 29 780 F et inférieure ou égale à 50 380 F | 8,5 % | Supérieure à 32 510 F et inférieure ou égale à 50 380 F | 7,5 % | Supérieure à 40 190 F et inférieure ou égale à 50 380 F | 7 % |
Supérieure à 50 380 F et inférieure ou égale à 88 670 F | 23 % | Supérieure à 50 380 F et inférieure ou égale à 88 670 F | 22 % | Supérieure à 50 380 F et inférieure ou égale à 88 670 F | 21 % | Supérieure à 50 380 F et inférieure ou égale à 88 670 F | 20 % |
Supérieure à 88 670 F et inférieure ou égale à 135 000 F | 32 % | Supérieure à 88 670 F et inférieure ou égale à 122 300 F | 31 % | Supérieure à 88 670 F et inférieure ou égale à 111 660 F | 29 % | Supérieure à 88 670 F et inférieure ou égale à 101 000 F | 28 % |
Supérieure à 135 000 F et inférieure ou égale à 211 000 F | 41 % | Supérieure à 122 300 F et inférieure ou égale à 187 500 F | 39 % | Supérieure à 111 660 F et inférieure ou égale à 165 760 F | 37 % | Supérieure à 101 000 F et inférieure ou égale à 143 580 F | 35 % |
Supérieure à 211 000 F et inférieure ou égale à 275 000 F | 46 % | Supérieure à 187 500 F et inférieure ou égale à 261 900 F | 44 % | Supérieure à 165 760 F et inférieure ou égale à 248 800 F | 43 % | Supérieure à 143 580 F et inférieure ou égale à 233 620 F | 41 % |
Supérieure à 275 000 F | 52 % | Supérieure à 261 900 F | 50 % | Supérieure à 248 800 F | 48,5 % | Supérieure à 233 620 F |
47 % » |
« 2. Les premier et deuxième alinéas du 2 du I sont applicables ; toutefois,
par dérogation aux dispositions du premier alinéa, la réduction d'impôt
résultant de l'application du quotient familial ne peut excéder 10 000 F par
demi-part s'ajoutant à une part pour les contribuables célibataires et divorcés
qui bénéficient des dispositions des
a
et
b
du 1 de l'article
195.
« 3. Les dispositions du 3 du I sont applicables.
« 4. Le montant de l'impôt résultant de l'application des dispositions
précédentes est diminué, dans la limite de son montant, de la différence entre
:
« _ 2 580 francs et son montant, pour l'imposition des revenus de 1997 ;
« _ 1 900 francs et son montant, pour l'imposition des revenus de 1998 ;
« _ 1 220 francs et son montant, pour l'imposition des revenus de 1999.
« 5. Les dispositions du 5 du I sont applicables. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
La réforme de l'impôt sur le revenu est bien loin de correspondre aux attentes
légitimes de la population.
Est-il d'ailleurs indispensable ou même bienvenu de procéder dès aujourd'hui à
une remise en forme du barème de l'impôt sur le revenu, dont on sait que la
conséquence principale sera de renforcer
a priori
le nombre déjà élevé
de contribuables exonérés ?
Les véritables enjeux de la réforme fiscale sont tout autres. Il y en a un,
essentiel et incontournable d'ailleurs, à nos yeux. Je veux parler du
traitement inégalitaire des revenus dans l'assiette actuelle de l'impôt sur le
revenu et le fait que les allégements qui nous sont proposés ne portent que sur
les taux d'imposition.
On sait, de surcroît, que les mesures préconisées ont une portée fort inégale
selon les contribuables, l'objectif essentiel de cet allégement des taux étant,
notamment, de réduire sensiblement la tranche d'imposition la plus élevée.
Or, si l'on souhaite réellement réformer l'impôt sur le revenu, c'est bien en
direction des revenus du travail, le plus souvent imposés dans les premières
tranches de l'impôt sur le revenu, que doit porter l'effort.
On ne peut en effet admettre que les allégements de taux soient compensés par
des mesures comme l'imposition des allocations maternité, la réduction des 10 %
appliqués aux retraites, la discrimination croissante envers les contribuables
célibataires ou divorcés, qui sont d'ailleurs les plus nombreux.
On ne peut pas non plus accepter que soient maintenues en l'état, sans remise
en cause plus profonde, des réductions d'impôt portant sur la souscription de
parts de copropriété de navires ou sur les investissements réalisés
outre-mer.
On ne peut pas plus accepter que le régime de taxation séparée des plus-values
ne soit pas remis en question ou que l'essentiel des revenus du capital et de
la propriété échappent dans les faits à toute imposition au barème progressif.
D'ailleurs, lorsqu'ils commencent à être imposés, ils le sont par le biais de
la contribution sociale généralisée et de la CRDS à un taux proportionnel,
également appliqué aux salariés dont les revenus n'échappent pas, eux, à
l'impôt sur le revenu !
Dans le rapport Ducamin, la caractérisation du traitement fiscal des revenus
du capital est sans appel. La simple lecture des points abordés est claire. J'y
lis que : « Les régimes d'imposition de l'épargne financière et foncière
aboutissent à une taxation d'ensemble souvent favorable mais dépourvue de ligne
directrice claire. » On parle, plus loin, de « dispositifs incitatifs nombreux
mais d'un coût élevé. »
C'est là qu'il y a incontestablement du « grain à moudre » pour améliorer le
rendement de l'impôt sur le revenu et envisager éventuellement une baisse des
taux qui serait appuyée sur une extension nécessaire et plus équitable de
l'assiette de l'impôt sur le revenu.
Votre démarche, monsieur le ministre, a quelque chose de pathétique. Vous
tentez de prouver, par exemple, à un peu plus d'un million de salariés de notre
pays, bénéficiant de déductions supplémentaires, que leur impôt va baisser,
alors que ce sont 2 milliards de francs de recettes nouvelles au terme de la
réforme que l'on va récupérer sur ces salaires et vous oubliez, en chemin, que,
sur plus de 530 milliards de francs de revenus du patrimoine et du capital,
seuls 90 milliards de francs subissent aujourd'hui les rigueurs du barème
progressif.
Il y donc erreur de cible dans les choix de l'article 59, erreur de cible ou
volonté politique de masquer aux Français la réalité des injustices fiscales
qui demeurent posées.
De surcroît, si tant est que l'on estime indispensable une réduction du
montant des prélèvements obligatoires, force est de constater que, pour
l'essentiel, le choix opéré n'est pas le bon.
Dans un rapport sénatorial récent, rédigé sous la direction de notre collègue
M. Barbier, le groupe d'études des phénomènes macro-économiques souligne,
s'appuyant sur la mise en oeuvre du modèle MOSAIQUE de l'Observatoire français
de conjoncture économique, qu'une réforme fiscale se devait de commencer par
réduire, non pas l'impôt sur le revenu, mais bien plutôt le taux normal de la
taxe sur la valeur ajoutée. Ce choix est d'ailleurs guidé par une meilleure
efficacité, en termes d'emploi et de croissance, de la mesure visant à réduire
la TVA.
Alors, pourquoi ne pas le faire ? Par pur choix idéologique, sous des
motivations diverses, mais dont le caractère essentiel est de répondre aux
aspirations d'une minorité de priviligiés qui ne supportent pas que le poids de
l'impôt puisse être justement réparti entre les contribuables.
Nous faisons le choix inverse, et nous voterons donc contre cet article 59.
M. le président.
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une décision
commune.
Par amendement n° II-158, M. Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise,
Massion, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° II-159, M. Masseret, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Lise,
Massion, Miquel, Moreigne, Régnault, Richard, Sergent et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent :
I. - De rédiger comme suit l'article 59 :
« Le taux visé à l'article 278 du code général des impôts est ramené à 18,60 %
à compter du 1er janvier 1998. »
II. - La perte de ressources résultant, pour l'Etat, des dispositions du I
ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une majoration des taux
mentionnés au 2e alinéa de l'article 219 du code général des impôts ainsi qu'au
a bis
du même article, des montants fixés par l'article 223
septies
ainsi que du tarif prévu à l'article 885 U du même code.
Par amendement n° II-119, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent :
A. - De supprimer le 2 du texte présenté par l'article 59 pour le II de
l'article 197 du code général des impôts.
B. - Pour compenser la perte de ressources résultant du A ci-dessus, de
compléter l'article 59 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - A la dernière ligne du tableau du I de l'article 197 du code général
des impôts, les pourcentages : "52 %", "50 %", "48,5
%" et "47 %" sont remplacés par le pourcentage "56,8
%". »
Par amendement n° II-191, M. Lambert, au nom de la commission des finances,
propose, à la fin du texte présenté par l'article 59 pour le 2 du II de
l'article 197 du code général des impôts, de remplacer les mots : «
a
et
b
du 1 de l'article 195 » par les mots : «
a
,
b
et
e
du 1 de l'article 195 ».
Par amendement n° II-120, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent :
A. - De supprimer le 4 du texte présenté par l'article 59 pour le II de
l'article 197 du code général des impôts.
B. - Pour compenser la perte de ressources résultant du A ci-dessus, de
compléter l'article 59 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... A la dernière ligne du tableau du I de l'article 197 du code général des
impôts, les pourcentages : "52 %", "50 %", "48,5
%" et "47 %" sont remplacés par le pourcentage : "56,8
%". »
La parole est à M. Richard, pour défendre les amendements n°s II-158 et
II-159.
M. Alain Richard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos
ne sera pas très différent de celui de ma collègue Mme Beaudeau.
L'article 59 de la loi de finances, qui vise à établir le barème de l'impôt
sur le revenu jusqu'à l'an 2000, relève d'une méthode législative pour le moins
singulière. Sans connaître ni l'évolution des recettes de l'Etat ni l'évolution
moyenne des revenus ni l'évolution des autres impôts, l'on prétend définir -
îlot de connaissance dans un océan d'incertitude ! - le barème de l'impôt sur
le revenu.
Une telle démarche facilite notre argumentation, il n'est jamais facile pour
un groupe parlementaire de s'opposer à une réduction d'impôt, même future.
En l'occurrence, nous n'avons pas le sentiment de faire preuve d'un courage
politique particulier en nous opposant à cet article, puisque, d'ores et déjà,
l'opinion lui a réservé l'accueil que, je crois, il méritait : elle considère
en effet que l'avenir risque d'être assez nuageux.
Nous ne croyons pas qu'il soit de bonne méthode fiscale de priver l'Etat de
recettes aussi importantes - il s'agit en effet de dizaines de milliards de
francs - et ce avec quatre ans d'anticipation. Nous proposons donc, par
l'amendement n° II-158, de supprimer l'article 59.
Avec l'amendement n° II-159, nous plaçant dans une perspective à moyen terme
dégageant des marges de baisse de l'imposition, nous proposons de réduire le
taux de la TVA.
Entre 1993 et 1995, nous avons connu plusieurs augmentations d'imposition qui,
pour l'essentiel, ont porté sur des impôts concernant l'ensemble des citoyens
et pas seulement ceux qui sont imposables sur le revenu ; il y a notamment eu
une augmentation de deux points du taux normal de la TVA.
Nous proposons de réviser le taux moyen de la TVA plutôt que de réformer
entièrement le barème de l'impôt sur le revenu pour les quatre années à
venir.
M. le président.
La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° II-119.
M. Claude Billard.
Cet amendement corrigeant l'article 59 du présent projet de loi porte, quant
au fond, sur les questions relatives à la prise en compte de la situation des
contribuables divorcés ou célibataires au titre du plafonnement des effets du
quotient familial.
Il s'agit, en effet, dans les termes actuels de l'article, et singulièrement
de l'alinéa 2 du nouveau II du code général des impôts, de limiter à 10 000
francs par demi-part les conséquences de l'application du quotient familial en
termes d'impôt à payer.
Nous voyons donc réapparaître dans ce débat la question posée par la
modification votée l'an dernier en matière de quotient familial.
En effet, dans la loi de finances de 1996, on a décidé de réduire d'une
demi-part le quotient familial des célibataires parents d'au moins un enfant,
sous le prétexte de les assimiler, en termes de traitement fiscal, aux couples
mariés.
Je formulerai plusieurs observations à ce sujet.
L'effort d'équité n'a pas été jusqu'à appréhender l'ensemble des questions
fiscales posées par ces situations particulières, situations d'ailleurs
aujourd'hui vécues par un peu plus de 2 millions d'assujettis à l'impôt sur le
revenu. On a ainsi oublié le problème des droits de succession entre concubins,
lesquels sont autrement plus importants que ceux qui sont appliqués aux couples
mariés.
Aujourd'hui, c'est donc une nouvelle étape qui est franchie avec le
plafonnement des effets de la demi-part de quotient familial sur le montant des
impôts à payer.
A y regarder de plus près, on constate d'ailleurs qu'il n'est pas impossible
que ce changement du régime fiscal des couples non mariés, des célibataires et
des divorcés soit à la source de la hausse du produit de l'impôt sur le revenu
observée en 1996 et que le collectif budgétaire évalue à un peu plus de 2
milliards de francs.
On s'apprête donc à faire supporter à certains contribuables dont les charges
fixes sont pourtant bien souvent plus élevées, toutes proportions gardées, que
celles des couples mariés une surcharge fiscale pour le moins déroutante dans
une optique de baisse annoncée de l'impôt sur le revenu.
Rien ne justifie, sur le plan de l'équité fiscale, la mesure préconisée.
Il ne faut en effet jamais oublier que lorque l'on est célibataire, on atteint
très vite les tranches du barème pour lesquelles le montant de l'impôt à
acquitter dépasse 10 000 francs.
De même, divorcer est rarement, qu'on le veuille ou non, une décision que l'on
prend pour convenance personnelle ; c'est la conséquence de l'échec de la vie
commune, de la difficulté croissante que rencontrent aujourd'hui les familles à
se prémunir contre les accidents de la vie.
Combien de divorces sont issus de ces épreuves majeures traversées aujourd'hui
par les familles à cause du chômage, de la précarité des conditions de logement
ou de vie et des atteintes permanentes aux droits fondamentaux des individus
qui marquent notre société en crise ?
On ne divorce jamais par commodité ou pour convenance personnelle, même si les
procédures ont été simplifiées, grâce à la mise en oeuvre du divorce par
consentement mutuel.
On ne divorce pas non plus par souci d'optimisation fiscale, d'autant qu'une
part importante des affaires touche des familles où l'une des premières
conséquences du jugement sera de placer l'épouse dans l'obligation de subvenir
à ses besoins en travaillant et où le niveau de revenu des personnes concernées
justifie qu'elles sollicitent l'aide juridictionnelle.
Pour toutes ces raisons, je ne peux que vous inviter, mes chers collègues, à
adopter cet amendement de notre groupe.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n°
II-191.
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
Il s'agit d'un amendement de coordination avec un
amendement qui a été adopté en première partie ; il répare un oubli dans la
rédaction de l'article 59.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° II-120.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
L'un des objets de la réforme de l'impôt sur le revenu que nous examinons
consiste à supprimer la décote appliquée aujourd'hui aux petits
contribuables.
On souligne, à l'appui de cette démarche, qu'elle serait justifiée par
l'allègement général du barème. Il convient tout de même d'y regarder de plus
près.
Prenons, par exemple, la situation d'un contribuable célibataire sans enfant
disposant d'un revenu imposable annuel de 75 000 francs. En appliquant au
montant de son impôt sur le revenu le montant actuel de la décote, ce
contribuable est assujetti à verser 2 540 francs. En appliquant le seuil de
décote résultant de la rédaction actuelle de l'article 2 du projet de loi de
finances, son impôt s'élève à 3 470 francs, puisque, dès cette année, le
contribuable cesse de bénéficier de l'application du principe de décote.
Dans les faits, ce sont donc des contribuables disposant d'à peine plus de 6
000 francs de revenus mensuels en moyenne - on est dans ce cas au-dessous de
120 % du SMIC - qui vont, dès cette année, perdre le bénéfice de la décote.
On complète donc, dans la réalité, les dispositions discriminatoires pesant
sur les revenus moyens de ménages de célibataires ou de divorcés avec enfants
par une remise en cause des allégements fiscaux dont bénéficient ceux de ces
ménages qui disposent de ressources faibles.
La même observation peut être faite pour l'année 1998, où ce sont les revenus
de célibataires inférieurs aux 75 000 francs évoqués à l'origine qui vont subir
la suspension de la décote.
La réforme, si le dispositif de décote est effectivement abandonné, aboutira
même à rendre imposables à l'impôt sur le revenu des salariés célibataires
percevant 60 000 francs par an, soit moins que le SMIC net en 1996 !
Il ne nous semble pas que le Gouvernement nous donne là un exemple de justice
fiscale, au moment où on laisse en l'état l'avoir fiscal et où l'on devise
gravement sur le mal-vivre.
Sous le bénéfice de ces observations, je ne peux évidemment qu'inviter le
Sénat à adopter notre amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-158, II-159,
II-119 et II-120 ?
M. Alain Lambert,
rapporteur général.
La commission a adopté le principe de la réforme de
l'impôt sur le revenu et elle a souhaité l'allègement de l'impôt. Par
conséquent, elle ne peut qu'être défavorable à l'amendement n° II-158.
En ce qui concerne l'amendement n° II-159, la commission le rejette également.
Je signale qu'il ne serait pas raisonnable, pour ne pas dire qu'il serait
imprudent, de fixer à l'avance une baisse du taux de la TVA. Il s'agit là d'un
motif supplémentaire pour repousser cet amendement.
Pour ce qui est de l'amendement n° II-119, il est contraire à l'économie
générale de la réforme. La commission y est donc défavorable.
Enfin, elle repousse également l'amendement n° II-120. J'ai déjà eu
l'occasion, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de
finances, d'expliquer notre désaccord sur cette proposition.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?
M. Alain Lamassoure,
ministre délégué.
J'aimerais apporter quelques éléments de réponse aux
observations qui ont été faites par les auteurs des amendements.
Je voudrais d'abord replacer l'article 59, que nous évoquons maintenant, dans
le cadre de la politique économique d'ensemble du Gouvernement.
Le Gouvernement souhaite réduire la part de l'Etat dans l'activité économique,
réduire les dépenses publiques ; de manière à pouvoir diminuer la pression
fiscale et les prélèvements obligatoires. C'est la raison pour laquelle nous
avons proposé, en ce qui concerne les dépenses, un budget pour 1997 qui soit
une simple reconduction en francs courants, donc une baisse en francs
constants, du budget de 1996.
En ce qui concerne la baisse de la pression fiscale, le Gouvernement estime
que, dans notre système fiscal, parmi les grands impôts, le plus archaïque, le
plus injuste, c'est l'impôt sur le revenu.
Celui-ci a été fondé, pour l'essentiel, en 1959, donc au tout début de la Ve
République. Au départ, il était simple et juste. Avec le temps, il s'est
formidablement compliqué, et plus aucun contribuable n'y comprend rien.
Les dégrèvements, les exemptions, les « niches » - comme on les appelle
familièrement - se sont multipliés et cet impôt est devenu injuste. En effet, à
l'heure actuelle, pratiquement la moitié des foyers fiscaux ne paient pas
l'impôt sur le revenu ; mais il ne s'agit pas de la moitié la plus défavorisée,
puisqu'un salarié célibataire dont la rémunération ne dépasse pas le SMIC paie,
aujourd'hui, l'impôt sur le revenu. En revanche, des impôts comme l'impôt sur
les sociétés ou la TVA ont été modernisés pendant la période récente et, de ce
point de vue, sont donc plus satisfaisants.
D'où la volonté du Gouvernement de réformer l'impôt sur le revenu, avec
l'objectif à la fois de le simplifier, de le rendre plus juste et de le
réduire.
C'est parce que l'impôt sur le revenu nous est apparu comme la pièce la plus
archaïque de notre système fiscal que nous avons décidé de commencer la baisse
de la pression fiscale par là.
Aussi, je ne peux accepter ni l'amendement n° II-158 tendant à supprimer
l'article 59 ni l'amendement n° II-159 visant à réduire le taux de la TVA.
M. Richard est - si je comprends bien - très sceptique sur la portée d'un vote
qui consisterait à prévoir, dans la loi de finances pour 1997, une baisse du
barème de l'impôt sur le revenu au cours des quatre années qui viennent.
Juridiquement, rien ne nous empêche de le faire. En outre, politiquement,
cette mesure correspond à un engagement très fort avant une échéance électorale
importante, les élections législatives du printemps 1998.
A ce moment-là, nous aurons déjà acquis, sur 1997 et 1998 - si le Sénat vote
ce que le Gouvernement propose - la moitié de la baisse du barème de l'impôt
sur le revenu et chaque parti politique pourra, au cours de cette campagne
électorale de 1998, s'engager soit à poursuivre l'application de la réforme
telle qu'elle aura été votée par le Parlement cet automne, soit à la remettre
en cause pour en réduire les effets ou, au contraire, les accentuer.
En fait, il faut bien comprendre qu'indépendamment de tout calendrier
politique une réforme tendant à baisser de pratiquement un quart le barème d'un
impôt sur le revenu qui représente 300 milliards de francs, conformément à ce
qui a été voté lors de l'examen des articles de la première partie du projet de
budget par le Sénat, ne peut pas être réalisée en une seule année.
Nous prévoyons donc une baisse de 9 % pour l'année prochaine et de 25 %, à
savoir de 75 milliards de francs, au bout des cinq années.
On ne peut pas le faire, je le répète, en une seule année, compte tenu de
l'état de nos finances publiques ; il faut prévoir d'étaler la réforme sur
plusieurs années.
Par ailleurs, le fait d'inscrire cette disposition dans la loi et de ne pas
s'en tenir à un simple engagement verbal pris devant le Parlement lui donne une
portée politique importante.
J'ajoute que nous avons calibré la baisse de manière qu'elle soit compatible
avec deux autres éléments : d'une part, avec une prévision de croissance
d'environ 2,5 % sur les cinq ans qui viennent - prévision raisonnable,
puisqu'elle est plutôt inférieure au potentiel de croissance de l'économie
française - et, d'autre part, avec notre volonté de réduire l'ensemble des
déficits publics non seulement à 3 % du PIB en 1997, mais même, et le plus vite
possible, à 2 % du PIB, car ce n'est qu'en dessous de 2 % que nous commencerons
de « dégonfler » la charge de la dette.
Il s'agit là d'une politique cohérente : nous demandons aux Français de faire
un certain nombre d'efforts, qui se traduisent notamment par des économies
budgétaires importantes sur les trois quarts des budgets pour 1997, mais, dès
la première année, nous intéressons les Français aux résultats de leurs efforts
en redistribuant une partie des dividendes par le biais de la baisse de l'impôt
sur le revenu.
C'est la raison pour laquelle je ne peux accepter ni les amendements n°s
II-158 et II-159, ni l'amendement n° II-120.
En ce qui concerne les modalités d'application de la réforme, l'amendement n°
II-119 est relatif à la demi-part supplémentaire accordée aux personnes seules
sans charge de famille. A cet égard, je rejoins tout à fait la démonstration
qui a été faite par M. le rapporteur général et, comme lui, je suis défavorable
à cet amendement.
En revanche, la commission a fait oeuvre utile par l'amendement n° II-191, qui
permet d'assurer un traitement fiscal identique des contribuables célibataires
ou divorcés qui bénéficient d'une demi-part supplémentaire pour leurs enfants
majeurs imposés directement, en plafonnant cet avantage fiscal dans les mêmes
conditions, qu'il s'agisse des propres enfants du contribuable ou d'enfants
qu'il a adoptés.
En résumé le Gouvernement est favorable à l'amendement n° II-191 et
défavorable aux autres.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-158, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-159.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la taxe sur
la valeur ajoutée est-elle un impôt neutre ?
C'est la question essentielle qui résulte de l'analyse de l'amendement de nos
collègues du groupe socialiste qui vise à réécrire l'article 59 du projet de
loi de finances par substitution de la baisse du taux normal de la taxe sur le
valeur ajoutée à la prétendue réforme de l'impôt sur le revenu.
Il n'est pas étonnant que la majorité de notre assemblée, comme le
Gouvernement libéral qu'elle soutient, se soit attachée à faire de la réduction
de l'impôt sur le revenu le principal élément de la réforme fiscale annoncée au
mois de septembre à grand renfort de publicité.
Cela procède en effet d'une opposition quasi historique des forces
conservatrices de ce pays, au principe même d'un impôt progressif et à son goût
prononcé pour les impôts indirects, réputés vertueux parce que « neutres »,
mais qui frappent avant tout la consommation.
Sans remonter à l'Ancien Régime et aux impôts spécifiques à la consommation,
comme la gabelle, souvenons-nous du débat qui a eu lieu au début du siècle sur
l'instauration de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, débat
particulièrement serré puisque cet impôt n'a été institué qu'en 1917 et qu'il a
valu à Joseph Caillaux de solides inimitiés au sein de la classe politique !
Ainsi, si la majorité des membres de la commission des finances demandent
aujourd'hui une sorte de pause fiscale, elle est aussi à l'avant-garde d'un
combat d'arrière-garde qui consiste autant que faire se peut, dans un contexte
de consommation déprimée, à limiter la pression fiscale sur le capital
financier et le patrimoine, et à gager cette réduction sur la hausse de la
fiscalité sur les revenus et la consommation.
Ce choix-là n'est pas neutre !
Oui, l'impôt sur le revenu a besoin d'une réforme, mais pas celle qui consiste
à faire comme si l'on avait rien vu et qui se limite à réduire les taux
appliqués aux tranches d'imposition.
La vraie réforme de l'impôt sur le revenu, c'est celle qui procéderait, par
exemple, de l'imposition au premier franc des revenus du capital et de la
propriété, aujourd'hui largement exonérés de l'application du barème
progressif.
C'est celle qui résulterait de la rénovation d'un système d'imposition
particulier des plus-values qui n'a de sens que lorsqu'il y a une inflation
réelle alors qu'aujourd'hui celle-ci est aux alentours de deux points.
C'est aussi celle qui résulterait de la réduction des cotisations
proportionnelles, type CSG ou RDS, qui pèsent plus lourdement sur les revenus
du travail et qui, de plus en plus, apparaissent comme une sorte de cotisation
minimale de l'impôt sur le revenu.
Il y a, de surcroît, une motivation macroéconomique à vouloir baisser la TVA
plutôt que le produit sur le revenu.
Le rapport de l'OFCE situe en effet à plusieurs dixièmes de points l'impact
positif sur l'emploi et la croissance que pourrait avoir le fait de retenir une
baisse de la TVA plutôt que de l'impôt sur le revenu. La hausse de la TVA -
nous le savons mes chers collègues maintenant - freine la consommation.
Quelle meilleure démonstration du caractère très discutable de la fameuse
neutralité fiscale de la TVA peut-on faire que celle ci ? La hausse du taux
normal de la TVA a eu d'incontestables effets récessifs.
Alors la TVA n'est pas un impôt neutre. D'ailleurs ceux là même qui ont voté
la hausse du taux normal en juillet 1995 ont passé plusieurs heures, lors de la
discussion du projet de loi de finances pour 1996 et de la présente discussion
du budget 1997 à essayer de réduire le taux de la taxe sur un certain nombre de
produits et de services.
En vérité, je le redis, la TVA est un impôt qui n'est pas neutre, et c'est
donc pourquoi, sans hésitation, le groupe communiste républicain et citoyen
votera l'amendement n° II-159 de réécriture proposé par nos collègues
socialistes.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-159, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-119, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-191.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
l'explication de vote que je souhaite fournir au nom de mon groupe sur cet
amendement de la commission des finances relatif au quotient familial
commencera par une petite explication de texte.
Que nous dit en effet l'article 195 du code général des impôts ?
Il dispose que « par dérogation aux dispositions qui précèdent » - il s'agit
ici des termes de l'article 194 relatif au quotient familial - « le revenu
imposable des contribuables célibataires, divorcés ou veufs n'ayant pas
d'enfant à leur charge est divisé par 1,5 lorsque ces contribuables :
«
a)
Ont un ou plusieurs enfants majeurs ou faisant l'objet d'une
imposition distincte,
«
b)
Ont eu un ou plusieurs enfants qui sont morts, à la condition que
l'un d'eux au moins ait atteint l'âge de seize ans ou que l'un d'eux au moins
soit décédé par suite de faits de guerre ; ».
J'interromps provisoirement ma citation de l'article pour marquer que le texte
gouvernemental s'arrête là dans la rédaction actuelle de l'article 59 mais je
la reprends pour indiquer qu'avec l'amendement II-191 la commission des
finances propose de prendre en compte la disposition suivante :
«
e)
Ont adopté un enfant, à la condition que, si l'adoption a eu lieu
lorsque l'enfant était âgé de plus de dix ans, cet enfant ait été à la charge
de l'adoptant comme enfant recueilli dans les conditions prévues à l'article
196 depuis l'âge de dix ans. Cette disposition n'est pas applicable si l'enfant
adopté est décédé avant d'avoir atteint l'âge de seize ans ; ».
La dépense fiscale occasionnée par l'article 195 est aujourd'hui de 8,9
milliards de francs au titre des trois points que je viens de rappeler.
Il importe ici de souligner que cette dépense fiscale a une origine ancienne -
elle date pour une part essentielle de la loi de finances pour 1946, datée du
31 décembre 1945, époque où n'existait même pas encore le barème progressif de
l'impôt sur le revenu sous la forme que nous connaissons - et qu'elle est
encore aujourd'hui complétée par des dispositions relatives aux veuves, aux
invalides du travail ou aux anciens combattants, dont le coût est globalement
de 2,75 milliards de francs.
Elle est également applicable dans des conditions bien connues des
contribuables concernés, qui font qu'on ne peut requérir l'octroi de la
demi-part supplémentaire en vertu de l'article 195 qu'au titre d'une seule des
conditions admises, condition donc seule nécessaire, mais suffisante.
Il n'y a pas, dans les faits, de cumul des diverses dispositions de l'article
195.
Le projet de loi de finances nous invite donc à mettre en oeuvre un
plafonnement de la baisse d'impôt résultant de l'application de la majoration
de quotient familial pour les célibataires et divorcés.
Je m'étonne même, monsieur le ministre, que vous ayez eu l'idée de cette
mesure. Car, enfin, de quoi s'agit-il ?
Nous nous entendrons sur les effets de la mesure.
Plafonner à 10 000 francs l'avantage en impôt procuré par la demi-part
supplémentaire signifie que,
a priori,
l'impôt dû est au moins
équivalent à 15 000 ou 16 000 francs annuels.
Nous avons regardé le barème de l'impôt tel qu'il est fixé par l'article 2 du
projet de loi.
En 1997, la mesure frapperait
a priori
des contribuables disposant de
ressources annuelles d'environ 150 000 francs.
Il me semble que les choses sont bien claires : cette mesure frappera des
foyers où il y a, par exemple, une femme seule ayant achevé une carrière de
cadre dans l'administration et dont les enfants sont majeurs.
La mesure touche donc au premier chef des ménages de salariés, même si ce sont
des salariés dont la rémunération est significative et d'ailleurs tout à fait
justifiée.
Force est aussi de constater que, trop souvent, les femmes salariées sont, à
niveau de responsabilité équivalent, moins payées que leurs collègues
masculins.
Toutefois, cette mesure pose la question des présupposés idéologiques qui la
guident.
On propose en effet à des contribuables qui ont pu vivre des événements
douloureux dans l'existence - divorce, décès d'un enfant, longue attente pour
adopter l'enfant que le ménage n'a pas pu avoir, etc. - de payer plus d'impôts
qu'auparavant, sous le prétexte affiché de l'équité fiscale et sous le
véritable prétexte de la nécessité de tenir, coûte que coûte, les critères de
convergence.
Nous avons bien lu le barème : les personnes qui commencent d'être frappées
par la mesure sont imposées au taux de 24 % en fin de réforme, assez loin de la
tranche supérieure de l'impôt sur le revenu...
M. le président.
Je vous invite à conclure, madame Beaudeau !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je termine, monsieur le président.
La mesure touche donc des foyers qui n'ont certes pas de difficultés
financières majeures, mais qui sont souvent loin des pratiques d'optimisation
fiscale qui animent les 216 000 foyers de la tranche supérieure, objet de
toutes les attentions de la part du Gouvernement.
Elle pénalise des ménages où les salaires, le produit du travail, continuent
de constituer l'essentiel, sinon la totalité du revenu imposable.
M. le président.
Je vous demande de conclure !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Elle est donc socialement injuste, et c'est la raison pour laquelle le groupe
communiste républicain et citoyen votera contre l'amendement n° II-191.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-191 accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-120, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 59, modifié.
(L'article 59 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 59