M. le président. « Art. 3. - L'article 145-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« I et II. - Non modifiés.
« III. - Les deux dernières phrases du troisième alinéa sont ainsi rédigées :
« Cette décision ne peut être renouvelée lorsque la peine encourue est inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement. Lorsque la peine encourue est supérieure à cinq ans d'emprisonnement, cette décision peut être renouvelée selon la même procédure, sous réserve, lorsque la peine encourue est inférieure à dix ans d'emprisonnement, que la personne mise en examen ne soit pas maintenue en détention provisoire plus de deux ans. »
Par amendement n° 3, M. Othily, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le paragraphe III de cet article :
« III. - Les deux dernières phrases du troisième alinéa sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :
« Cette décision ne peut être renouvelée lorsque la peine encourue est inférieure à dix ans d'emprisonnement. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Georges Othily, rapporteur. La divergence entre les deux assemblées sur cet article concerne les seules affaires pour lesquelles la peine encourue est comprise entre cinq et dix ans d'emprisonnement.
Le Sénat propose une durée maximale d'une année ; l'Assemblée nationale, quant à elle, propose une durée maximale de deux ans, afin de tenir compte de la complexité de certaines affaires punies de sept ans d'emprisonnement, telle l'escroquerie en bande organisée.
La commission juge excessive une durée de détention provisoire de deux années en matière délictuelle, tout au moins lorsque l'infraction imputée à la personne mise en examen n'entre pas dans la catégorie des délits les plus graves, punis de dix ans d'emprisonnement.
Elle s'interroge, par ailleurs, sur l'argument, avancé à l'Assemblée nationale, relatif à la complexité des affaires pouvant donner lieu à une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans. Il n'est pas démontré qu'il existe une relation entre la peine encourue et la complexité de l'affaire.
La commission vous propose donc un amendement tendant à revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Ce débat a déjà eu lieu en première lecture. Le texte initial du Gouvernement ne comportait pas de butoir. L'Assemblée nationale propose une durée maximale de deux ans et le Sénat d'un an. Je rappelle, en outre, qu'il n'existe pas actuellement de butoir.
Le délai plus long prévu par l'Assemblée nationale me paraît tout de même meilleur. Il s'agit en effet d'infractions qui sont passibles de cinq à dix ans d'emprisonnement - les tribunaux prononcent, en pratique, une peine de sept ans - et qui correspondent à des délits graves, particulièrement complexes. Je citerai notamment les escroqueries commises en bandes organisées ou par des personnes qui font appel au public par l'émission de titres ou en vue de la collecte de fonds dans des buts humanitaires ou sociaux. Ces escroqueries, qui font plusieurs milliers de victimes, peuvent porter sur des millions, voire des dizaines de millions de francs, et elles créent naturellement un trouble social extrêmement grave. Entrent, par exemple, dans cette catégorie un certain nombre de délits commis à l'occasion de ce qu'on appelle l'« affaire de l'ARC ».
Il me paraît tout à fait inopportun de fixer à moins de deux ans, voire à un an comme le propose le Sénat, la durée de la détention provisoire s'agissant de telles infractions complexes, lourdes et ayant de douloureuses conséquences pour le corps social.
C'est la raison pour laquelle je propose de maintenir le délai de deux ans prévu par l'Assemblée nationale plutôt que d'adopter le délai d'un an retenu par la commission des lois du Sénat, comme vient de le proposer M. Othily.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Je veux simplement rappeler que, en 1975, l'accent avait déjà été mis sur l'existence d'infractions complexes en matière financière. On avait également dit qu'une détention provisoire qui ne peut excéder six mois n'était pas compatible avec une bonne administration de la justice. Il est heureux que cette disposition ait été votée nonobstant ces critiques, car elle est aujourd'hui l'une des meilleures garanties contre des détentions provisoires beaucoup trop longues.
La relation entre la qualification de l'infraction et la peine encourue, d'une part, la complexité des faits, d'autre part, n'a jamais été constante. Certaines infractions, telles que des escroqueries ou des délits très complexes en matière de société, sont punies de peines pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement. Leurs auteurs n'en sont pas moins susceptibles aujourd'hui de bénéficier du butoir que j'évoquais.
Je rappelle aussi que le Sénat a déjà adopté une disposition tendant à limiter à un an la durée de la détention provisoire. C'est l'Assemblée nationale qui a décidé de porter ce délai à deux ans. Je pense, pour ma part, que la fixation du délai à un an serait une très bonne mesure.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, ainsi modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 5