M. le président. « Art. 4. _ L'article L. 324-12 du code du travail est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 324-9 sont recherchées par les officiers et agents de police judiciaire, les agents de la direction générale des impôts et de la direction générale des douanes, les agents agréés à cet effet et assermentés des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole, les inspecteurs du travail et fonctionnaires de contrôle assimilés au sens de l'article L. 611-10, les officiers et les agents assermentés des affaires maritimes ainsi que les contrôleurs et les adjoints de contrôle des transports terrestres, et constatées par ces agents au moyen des procès-verbaux transmis directement au parquet. Ces procès-verbaux font foi jusqu'à preuve contraire. » ;
« 2° et 3° Supprimés ;
« 4° Au second alinéa, les mots : " Pour effectuer cette constatation " sont remplacés par les mots : " Pour la recherche et la constatation de ces infractions " ;
« 5° L'article est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« A l'occasion de la mise en oeuvre de ces pouvoirs, ils peuvent se faire présenter :
« a) Les documents justifiant que l'immatriculation, les déclarations et les formalités mentionnées à l'article L. 324-10 ont été effectuées ;
« b) Les documents justifiant que l'entreprise s'est assurée, conformément aux dispositions des articles L. 324-14 ou L. 324-14-2, que son ou ses contractants se sont acquittés de leurs obligations au regard de l'article L. 324-10 ou, le cas échéant, des réglementations d'effet équivalent de leur pays d'origine ;
« c) Les documents commerciaux relatifs aux prestations exécutées en violation des dispositions de l'article L. 324-9.
« Les agents agréés susmentionnés des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole et les agents de la direction générale des impôts sont en outre habilités à interroger en quelque lieu que ce soit et avec son consentement toute personne rémunérée par l'employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature de ses activités, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s'y rapportant, y compris les avantages en nature.
« Les magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes peuvent, à l'occasion de leurs contrôles, rechercher et constater des infractions relatives au travail dissimulé. »
Sur l'article, la parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j'interviens sur cet article 4, c'est qu'il est, à mon sens, un des articles clés de ce projet de loi. Il vise, en effet, à accroître les compétences des agents de contrôle et à mieux préciser la procédure dudit contrôle.
Une innovation d'importance réside dans la modification de l'article L. 324-12 du code du travail en vue de permettre aux agents de contrôle non plus seulement de constater les infractions au travail clandestin, mais également de les rechercher ainsi que de se faire communiquer les documents nécessaires à leurs investigations.
Ces dispositions seront donc de nature à améliorer l'efficacité du contrôle et à remédier à l'impuissance de certaines catégories d'agents confrontés à des indices de travail clandestin à l'occasion de leur mission principale.
Comme je le rappelais hier dans la discussion générale, c'est l'impuissance de certains services qui m'avait conduit à déposer une proposition de loi tendant à renforcer les pouvoirs des agents de contrôle de l'URSSAF et de la mutualité sociale agricole.
Bien évidemment, cette proposition de loi n'avait pas pour ambition de traiter la question de la lutte contre le travail clandestin dans son ensemble, mais de mettre en relief une difficulté particulière.
En effet, les agents des URSSAF et de la MSA effectuent des opérations de contrôle au cours desquelles ils découvrent des fraudes au droit du travail, puisque leur mission est de contrôler le respect des dispositions du code de la sécurité sociale, le recouvrement des cotisations en matière d'assurances sociales et l'application de certaines dispositions du code du travail telles que celles qui sont relatives au travail clandestin.
Le contrôle des agents de l'URSSAF, en matière sociale, ne porte que sur l'assiette des cotisations et les contrôleurs ont compétence, au même titre que les inspecteurs du travail, pour vérifier que tous les salariés sont bien déclarés.
L'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale permet aux fonctionnaires et agents du contrôle de poser des questions directement aux salariés, notamment pour leur demander leur nom, leur adresse et le montant de la rémunération, y compris les avantages en nature, dont ils bénéficient. Il ne précise ni où ni quand cet interrogatoire peut avoir lieu.
Se fondant sur cet article, la chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 6 juin 1996, a considéré que : « Attendu qu'il résulte de ce texte que les agents de contrôle de l'URSSAF ne sont autorisés qu'à entendre les salariés eux-mêmes, dans l'entreprise ou sur les lieux de travail ; que les auditions opérées en violation de ce texte entraînent la nullité du contrôle... »
Bref, l'interprétation ainsi faite de l'article R. 243-59, qui ne mentionne expressément aucune condition particulière de lieu ou de temps, est un peu étonnante, sauf à comprendre que les dispositions de cet article émanent d'un décret du 31 janvier 1996 pris en application de la loi du 25 juillet 1994 - article L. 243-11 du code de la sécurité sociale - qui organise le contrôle dans l'entreprise.
C'est pourquoi, tant dans un souci de protection sociale des salariés que dans celui d'une concurrence loyale, il m'a paru souhaitable de permettre aux agents de contrôle d'interroger les salariés à leur domicile, étant entendu que les intéressés y parlent évidemment plus librement.
Je suis heureux de constater que cette proposition trouve globalement satisfaction dans la rédaction du paragraphe 5 de l'article 4, à la nuance près qu'il n'est plus fait référence au domicile puisqu'il est précisé que l'audition peut se faire « en quelque lieu que ce soit ».
Je tiens quand même à préciser que, dans mon esprit, cette audition au domicile du salarié n'avait, bien entendu, rien d'attentatoire à la vie privée : je suis trop soucieux du respect des libertés fondamentales pour qu'il puisse en être autrement. J'avais d'ailleurs indiqué que les conditions de cette audition seraient fixées par un décret en Conseil d'Etat. Peut-être eût-il mieux valu préciser que l'audition ne pourrait se faire sans le consentement du salarié, mais, avec la rédaction qui a été retenue, c'est maintenant chose faite.
Néanmoins, et même si je comprends parfaitement l'expression « en quelque lieu que ce soit », je m'interroge sur sa portée. Peut-on, en effet, imaginer que les agents de contrôle s'adressent au salarié, sur le domaine public ou ailleurs, avant que celui-ci exprime son consentement ? Ne serait-ce pas, alors, attentatoire à une autre liberté tout aussi fondamentale, celle d'aller et venir librement ? Dans ce cas, quelles seraient les garanties de discrétion pour le salarié ?
Dans son rapport, au premier paragraphe de la page 37, notre collègue Louis Souvet indique que ces contrôles devraient pouvoir se faire sur place ou sur convocation du salarié. Soit ! Mais, sauf précision contraire, l'article 4 ne le prévoit pas.
Enfin, la commission des affaires sociales nous proposera de remplacer le verbe « interroger » par le verbe « entendre », lequel est, en effet, moins inquisitorial. Je n'y vois, évidemment, aucune objection.
En conclusion, je suivrai les suggestions de M. le rapporteur.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir tenu les engagements que vous aviez pris devant l'Assemblée nationale le 12 décembre dernier concernant les pouvoirs des officiers et des agents de police judiciaire en la matière, puisque les dispositions de l'article 4 bis, supprimées en seconde délibération, sont intégralement reprises à l'article 10 du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration, que nous examinerons dans quelques jours.
M. le président. Par amendement n° 57, MM. Fischer et Pagès, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - Dans la première phrase du texte présenté par le 1° de l'article 4 pour le premier alinéa de l'article L. 324-12 du code du travail, de remplacer les mots : « sont recherchés » par les mots : « sont constatés ».
II. - En conséquence, de supprimer le 4° de cet article.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à supprimer la disposition introduite par l'article 4 et modifiant l'article L. 324-12, qui élargit la mission légale des corps de contrôle compétents depuis la loi du 3 janvier 1991 contre le travail clandestin - police nationale, gendarmerie, fisc, douanes, URSSAF, affaires maritimes, inspection du travail, contrôleurs des transports terrestres - en leur donnant, au-delà de leur mission traditionnelle, celle de rechercher le travail illégal.
Cette notion nouvelle me paraît, ainsi qu'au représentant des inspecteurs du travail que j'ai pu rencontrer, bien trop floue et permet toutes les interrogations sur l'utilisation qui pourrait en être faite.
Je crains que cet élargissement à la « recherche » de l'infraction, qui concerne donc également les forces de police, ne soit, en fait, le pendant, dans le code du travail, des dispositions figurant dans le projet de loi relatif à l'immigration et modifiant le code de procédure pénale, dispositions qui permettraient l'intervention de la police et de la gendarmerie dans les entreprises au prétexte de lutter contre le travail clandestin : elles pourront contrôler l'identité des salariés, vérifier leur inscription sur le registre du personnel et leur déclaration préalable à l'embauche.
Cela se fera hors des garanties et contrôles judiciaires normaux, c'est-à-dire non pas sous la responsabilité du juge d'instruction intervenant parce que des présomptions d'infraction existent, mais sur simple réquisition du parquet.
A terme, on permet, et pour la première fois, aux forces de police d'intervenir dans les conflits du travail, d'organiser de véritables rafles contre les travailleurs étrangers, a priori suspects, et ensuite - pourquoi pas ? - de déclencher la répression contre les délégués syndicaux et contre le droit de grève.
Ces dispositions rappellent certaines périodes noires de notre histoire.
J'ai montré, dans la discussion générale, à quel point les deux textes, le projet sur le travail illégal et le projet sur l'immigration, sont liés. C'est en les rapprochant que l'élargissement à la « recherche » des infractions, qui peut paraître de prime abord relativement anodin, prend toute sa dimension et révèle sa dangerosité.
Au-delà du problème de l'intervention de la police, ce sont les compétences exclusives de l'inspection du travail, son indépendance par rapport à la police, sa mission de contrôle de l'ensemble de la législation du travail en vigueur qui sont en jeu. Je crains que sa mission protectrice des travailleurs, ses moyens et prérogatives d'action ne soient ainsi atteints.
Avec la rédaction proposée par le présent projet de loi pour le premier alinéa de l'article L. 324-9, ne risque-t-on pas de transformer la mission des inspecteurs du travail, qui n'est pas avant tout de poursuivre les fraudeurs ou de contrôler et de soupçonner les salariés, mais de défendre les salariés ?
Les inspecteurs du travail, ainsi que les autres corps énumérés, seront-ils cantonnés au rang de supplétifs de la police dans la chasse aux travailleurs illégaux immigrés ?
En tout cas, je ne pense pas que le fait de garder sur ce point la législation actuelle soit un obstacle à une lutte efficace contre le travail illégal.
Les représentants des inspecteurs du travail, avec qui nous avons eu des contacts, nous l'ont confirmé : si l'efficacité dans la lutte contre le travail illégal est insuffisante, il faut leur donner des moyens supplémentaires, alors que l'on supprime des postes dans la loi de finances pour 1997. Il faut que le parquet mène jusqu'au bout les procédures contre les donneurs d'ordre et les entreprises ayant recours au travail clandestin !
C'est sous le bénéfice de ces explications que je vous demande, mes chers collègues, d'approuver notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. J'ose espérer, mon cher collègue, que le tableau que vous venez de décrire n'existe que dans votre esprit.
M. Guy Fischer. Nous l'espérons aussi !
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement n° 57, parce qu'il est contraire à la philosophie d'un texte qui vise à renforcer les pouvoirs de contrôle des agents.
Si nous suivions votre proposition, mon cher collègue, nous en reviendrions à la situation actuelle, qui ne nous donne pas satisfaction - pas plus qu'à vous.
J'ajoute que les pouvoirs des corps de contrôle sont définis par les textes qui leur sont applicables, et non pas par le code du travail. Votre souhait ne serait donc pas satisfait par votre amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. En principe, monsieur Fischer, il est préférable que le contrôle serve à rechercher plutôt qu'à constater ! Je suis donc, comme M. le rapporteur, défavorable à cet amendement.
Par ailleurs, je souhaite faire une mise au point : nous n'avons pas réduit le nombre des inspecteurs du travail dans la loi de finances, mais certains inspecteurs qui étaient rattachés au ministère du travail le sont maintenant au ministère des transports, tout en exerçant les mêmes fonctions. Il s'agit simplement d'assurer une meilleure lisibilité des tâches des uns et des autres.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 57, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 63, MM. Jourdain et Ostermann proposent, dans la première phrase du texte présenté par le 1° de l'article 4 pour le premier alinéa de l'article L. 324-12 du code du travail, après les mots : « inspecteurs du travail », d'insérer les mots : « , les contrôleurs du travail ».
La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Il s'agit d'un amendement de précision : il semble que les contrôleurs du travail aient été oubliés dans la rédaction de l'article 4, alors qu'ils sont mentionnés à l'article L. 611-10 du code du travail, article auquel l'article 4 fait référence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission émet un avis favorable et remercie nos deux collègues MM. Jourdain et Ostermann, car cette précision enrichit le texte en complétant utilement la liste des agents de contrôle.
Je rappelle d'ailleurs que, même s'ils ne sont pas expressément mentionnés dans le texte, les contrôleurs du travail effectuaient déjà le contrôle du travail clandestin ou dissimulé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement est lui aussi favorable à l'amendement de MM. Jourdain et Ostermann : bien que les missions de ces contrôleurs recouvrent déjà ces activités, il est bon de souligner leur rôle.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 63, accepté par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 7 rectifié,M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales, propose, dans la première phrase du texte présenté par le 1° de l'article 4 pour le premier alinéa de l'article L. 324-12 du code du travail, après les mots : « affaires maritimes », d'insérer les mots : « , les fonctionnaires des corps techniques de l'aviation civile commissionnés à cet effet et assermentés ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Avec cet amendement, nous contribuons à la lutte contre le travail dissimulé dans un secteur où il est loin d'être absent.
Pourquoi l'avons-nous rectifié ? Parce que, parmi les agents des corps techniques de l'aviation civile, 2 000 fonctionnaires environ sont chargés, notamment, de la formation et des contrôles. Or, point n'est besoin de 2 000 personnes pour effectuer lesdits contrôles ! L'aviation civile assermentera et commissionnera donc le nombre de contrôleurs dont elle aura besoin.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement est, bien entendu, favorable à cet amendement, qui permet d'associer un autre corps de l'Etat à cette mission d'intérêt public.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 8, M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales, propose, dans le premier alinéa du 5° de l'article 4, de remplacer le mot : « trois » par le mot : « six ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un simple amendement rédactionnel relatif au décompte des alinéas.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 50, M. Masson, au nom de la commission des lois, propose, dans le troisième alinéa b du texte présenté par le 5° de l'article 4, de remplacer le mot : « contractants » par le mot : « cocontractants ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Paul Masson, rapporteur pour avis. Cet amendement est purement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 50, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 64, MM. Jourdain et Ostermann proposent, dans le quatrième alinéa c du texte présenté par le 5° de l'article 4 pour compléter l'article L. 324-12 du code du travail, de remplacer les mots : « les documents commerciaux relatifs » par les mots : « les devis, les bons de commande ou de travaux, les factures et les contrats commerciaux relatifs ».
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 36 est présenté par Mme Dieulangard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 58 est déposé par MM. Fischer et Pagès, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent, dans le c) du texte proposé par le 5° de l'article 4 pour compléter l'article L. 324-12 du code du travail, après les mots : « les documents commerciaux », à insérer les mots : « et comptables ».
La parole est à M. Jourdain, pour défendre l'amendement n° 64.
M. André Jourdain. Par cet amendement, je propose que l'on en revienne à la rédaction initiale du projet, qui me paraît beaucoup plus précise que l'expression « documents commerciaux ». Je me demande d'ailleurs si cette expression a un fondement juridique.
M. le président. La parole est à M. Mazars, pour défendre l'amendement n° 36.
M. Georges Mazars. L'accès aux documents comptables est indispensable pour s'assurer que les salaires versés correspondent bien à des emplois déclarés et pour contrôler les versements aux organismes de protection sociale. Ces éléments indispensables à la protection des salariés ne se trouvent pas dans les documents commerciaux.
Bien que très court, cet amendement est important si l'on veut lutter efficacement contre le travail clandestin, illégal ou dissimulé.
L'accès aux documents comptables est, en effet, le principal moyen pour les agents de contrôle de remonter les filières jusqu'aux donneurs d'ordre. Cette possibilité est demandée par l'ensemble des agents. En effet, si l'infraction est caractérisée à partir de l'existence d'une prestation ou d'une vente, dans l'hypothèse d'un travail dissimulé, il est fort possible que les documents commerciaux fassent défaut. En revanche, il existe nécessairement des documents comptables, relatifs aux salaires versés par exemple.
Dans le même temps, il est possible, par le seul accès aux documents comptables, de constater si les relations avec l'URSSAF sont en règle. Il est évident que cela ne se trouvera pas dans des documents purement commerciaux.
Dans le cas d'une sous-traitance, le problème est le même : il faut avoir accès aux documents comptables du donneur d'ordre comme du sous-traitant pour s'assurer que les masses financières en jeu ne transitent pas sur des comptes bancaires « taxis » qui servent à blanchir l'argent du travail clandestin.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 58.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à élargir aux documents comptables les documents mis à la disposition des agents luttant contre le travail illégal.
J'ai dit, à propos de l'amendement n° 57, que la principale question était celle des moyens mis à la disposition de ces agents. Nous proposons de leur permettre l'accès à tous les documents nécessaires aux enquêtes. Ils devraient donc avoir accès aux documents comptables quand il y a présomption de travail illégal.
Il ne s'agit nullement d'une pratique inquisitoriale pour les entreprises, mais d'un moyen réellement efficace, facilitant notamment la tâche des inspecteurs du travail, qui doivent faire face à des organisations de plus en plus complexe entre les entreprises ayant recours au travail illégal, que ce soient les faux travailleurs indépendants ou les sous-traitants en cascade.
Comment vérifier que les sommes versées aux sous-traitants correspondent à des emplois déclarés si l'on ne peut avoir accès aux documents comptables ?
Des amendements identiques ont été refusés par le Gouvernement et l'Assemblée nationale. Cette position nous conduit à nous interroger sur la réalité de la détermination du Gouvernement à remonter jusqu'aux gros bonnets du secteur. Il est vrai qu'il est plus facile de s'en prendre aux salariés victimes du travail clandestin !
Le résultat du vote sur notre amendement constituera un indice sérieux de la volonté de notre assemblée de lutter réellement contre le travail illégal et de celle du Gouvernement de faire de cette lutte une priorité nationale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 64, ainsi que sur les amendements identiques n°s 36 et 58 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement n° 64 parce qu'il lève toute ambiguïté sur ce que l'on entend par documents commerciaux.
Elle est défavorable aux amendements n°s 36 et 58, car ils donnent au contrôle un caractère inquisitorial qui va à l'encontre des libertés publiques. De plus, ils sont inutiles - c'est du moins le sentiment de la commission - puisqu'il s'agit, en l'espèce, d'établir le lien juridique susceptible d'exister entre les divers cocontractants et que, de ce point de vue, les documents comptables n'apportent absolument rien.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Il est favorable à l'amendement n° 64, qui reprend, en effet, la rédaction originelle du Gouvernement.
Faisant siens les arguments que vient de développer M. le rapporteur, il s'oppose aux amendements n°s 58 et 36, dont on voit bien qu'ils sont inutiles.
Il n'est pas besoin d'envisager un droit de communication plus étendu. Le projet de loi prévoit les investigations nécessaires aux agents de contrôle pour effectuer les recherches en leur donnant accès aux documents commerciaux. Par conséquent, il n'y a pas lieu de procéder à une extension.
Ce que je veux dire au Sénat, c'est que, s'il est une loi à l'application de laquelle nous devrons veiller avec le plus grand soin, c'est bien celle-là.
C'est d'ailleurs pour cette raison que Mme Couderc sera, par délégation du Premier ministre et avec l'autorité qui s'attache à cette procédure, chargée d'animer un véritable comité interministériel pour coordonner l'action de l'Etat.
Nous entendons faire en sorte que cette loi ait des conséquences tout à fait pratiques, qu'elle soit efficace. J'y veillerai personnellement, car, pour le parlementaire que je suis resté dans mon coeur, ce qui importe, c'est non pas d'avoir un arsenal de mesures toujours plus vaste, mais d'avoir des outils et de s'en servir.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales et M. Paul Masson, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. Je viens d'être informé par MmeDieulangard et les membres du groupe socialiste et apparentés qu'ils souhaitaient transformer leur amendement en un sous-amendement à l'amendement de M. Jourdain.
Il s'agit du sous-amendement n° 36 rectifié, qui tend, dans le texte de l'amendement n° 64, après les mots : « les factures », à insérer les mots : « les documents comptables ».
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Nous tenons à maintenir dans ce texte l'accès, à la demande, bien entendu, des agents de contrôle, aux documents comptables, qui, selon nous, est absolument indispensable, dans un certain nombre de cas, pour remonter la filière du travail dissimulé, frauduleux, clandestin, bref, du travail illégal.
Voilà pourquoi nous avons transformé notre amendement en sous-amendement à l'amendement n° 64 de M. Jourdain, qui mentionne les documents commerciaux : nous ajoutons les documents comptables.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 36 rectifié ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Je ne vois pas en quoi le fait de déplacer la demande changerait l'avis de la commission !
M. le président. Le règlement du Sénat m'obligeait à vous poser la question, monsieur le rapporteur.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement partage l'avis, plein de bon sens, lui semble-t-il, du rapporteur.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 36 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 64, accepté par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 58 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 9, M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales, propose, dans le cinquième alinéa du texte proposé par le 5° de l'article 4 pour compléter l'article L. 324-12 du code du travail, de remplacer les mots : « à interroger » par les mots : « à entendre ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il apparaît à la commission que le verbe : « interroger » confère aux agents des organismes de contrôle des prérogatives qu'ils n'ont pas, alors que le verbe : « entendre » semble moins inquisitorial et mieux adapté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Favorable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 51, M. Masson, au nom de la commission des lois, propose de supprimer le dernier alinéa du texte proposé par le 5° de l'article 4.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Paul Masson, rapporteur pour avis. A l'Assemblée nationale, on a ajouté, par amendement, à la liste des agents qui pourraient être habilités à opérer dans ces matières, les magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes. Ainsi, ces derniers pourraient, à l'occasion de leur contrôle, rechercher et constater les infractions relatives au travail dissimulé.
La commission des lois s'est interrogée sur le sens de cet amendement. En effet, de quel travail dissimulé peut-il s'agir, en l'espèce ?
S'il s'agit de celui qui est commis par les entreprises privées, manifestement, je ne vois pas ce que la Cour des comptes et les chambres régionales pourraient avoir à faire en cette matière !
S'il s'agit du travail dissimulé qui serait effectué dans le secteur public, j'observe, et la commission avec moi, que la plupart des agents du secteur public ne relèvent pas du code du travail.
Certes, il y a, dans le secteur public, des agents de droit privé. Mais chacun sait ici que ces agents de droit privé ne peuvent être payés, en vertu du principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables, que sur mandat d'un receveur, qui peut alors exercer un contrôle.
J'ajoute qu'une disposition de cette nature doit être précédée ou d'une décision du maire ou d'une délibération du conseil municipal et que, là aussi, un contrôle de légalité s'opère en amont.
J'ajoute, enfin, que la Cour des comptes ou une chambre régionale est obligée, de par la loi et en vertu de l'article 40, alinéa 2, du code de procédure pénale, de saisir le procureur de la République si elle s'aperçoit, au cours d'un contrôle, qu'il y a infraction.
En conséquence, la commission des lois suggère de supprimer purement et simplement le dernier alinéa du texte proposé par le paragraphe 5° de l'article 4.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Pour les raisons qui viennent d'être excellemment développées par M. le rapporteur pour avis, la commission est favorable à l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de l'Assemblée nationale sur ce point, tout en faisant des observations qui n'étaient pas sans ressembler aux observations pertinentes de M. Masson.
Je ne peux donc qu'adopter la même attitude devant le Sénat : je m'en remets à sa sagesse.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 51, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 4