M. le président. Par amendement n° 59. MM. Fischer et Pagès, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 432-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité d'entreprise a accès aux documents communiqués aux fonctionnaires et agents de contrôle prévus par l'article L. 324-12 du code du travail dans leur mission de lutte contre le travail illégal. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Avec cet amendement, nous proposons d'offrir aux institutions représentatives du personnel la possibilité d'avoir accès aux renseignements et aux documents communiqués aux fonctionnaires et aux agents dans leur mission de lutte contre le travail clandestin.
Pour nous, il est important d'assurer la prévention et la transparence en matière de lutte contre le travail illégal, ce qui exige des pouvoirs réels des comités d'entreprise.
En effet, les représentants des travailleurs sont particulièrement bien placés pour connaître les cas de dissimulation de travail dans leur entreprise et surtout chez leurs sous-traitants.
Dans cet objectif, ils pourraient favoriser notamment les coopérations entre les représentants des salariés des grandes entreprises et des sous-traitants dans les secteurs particulièrement touchés comme le textile, le bâtiment, et ce au niveau local, départemental, régional et national.
En outre, il paraît justifié que tous les documents que les administrations peuvent consulter à l'occasion de contrôles puissent être transmis aux élus des salariés.
Puisque le projet de loi affirme vouloir agir résolument contre le travail clandestin et reconnaît dans ses intentions que les salariés en sont les premières victimes, il me semble opportun d'offrir de nouveaux droits aux représentants des travailleurs afin de contribuer à la lutte contre ce fléau national.
C'est le sens de cet amendement que je vous invite, mes chers collègues, à approuver.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 59. En effet, le comité d'entreprise - M. Fischer le sait bien - reçoit déjà beaucoup d'informations, notamment sur l'emploi. Aller plus loin le transformerait quasiment en une instance de jugement puisque l'amendement concerne le travail illégal, ce qui, bien sûr, est très large.
Il est préférable de s'en remettre aux professionnels du contrôle. Il est évident que le comité d'entreprise ne sera pas tenu dans l'ignorance d'une éventuelle condamnation, vous l'imaginez bien.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 59.
Il ne paraît pas opportun de donner aux comités d'entreprise l'accès aux documents communiqués aux fonctionnaires et agents de contrôle. Cette institution n'a pas pour finalité d'exercer une mission de lutte contre le travail illégal. Elle a par ailleurs la possibilité de saisir certaines institutions de contrôle, notamment l'inspection du travail, lorsqu'elle a connaissance d'une situation de travail dissimulé dans l'entreprise.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 59, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 25, MM. Ostermann, Grignon et Vasselle proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 611-9 du code du travail, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art... - Une stucture spécialement chargée de lutter contre le travail dissimulé est instituée dans chaque département. Elle porte le nom de « brigade de lutte contre le travail clandestin ».
« Elle est composée d'inspecteurs du travail, d'une part, et de policiers et gendarmes, d'autre part, qui appliquent conjointement les dispositions du code du travail et des codes pénal et de procédure pénale.
« Elle intervient sur simple demande afin de constater immédiatement l'infraction de travail dissimulé et d'engager les poursuites à l'égard des contrevenants.
« Son organisation et son fonctionnement seront définis par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier, dans la discussion générale, j'ai longuement expliqué le sens de cet amendement.
La constatation des infractions en matière de travail clandestin est rendue difficile par l'éclatement des compétences entre les divers services concernés : inspection du travail, d'une part, police et gendarmerie, d'autre part.
Les inspecteurs du travail disposent d'un droit d'entrée à tout moment et de visite des établissements où s'applique le code du travail. Ils ont le pouvoir de consulter les documents rendus obligatoires par le code du travail et celui d'interroger les salariés. En revanche, ils ne sont pas compétents pour procéder aux contrôles d'identité et à la vérification des titres de séjour.
Quant aux officiers et agents de police judiciaire, en dehors de trois cas, ils ne peuvent pénétrer dans les locaux professionnels, alors qu'ils sont seuls habilités à procéder aux contrôles d'identité et à la vérification des titres de séjour.
Aussi, le présent amendement tend à instituer une structure nouvelle plus efficace, composée d'inspecteurs du travail, d'une part, et de policiers et gendarmes, d'autre part. Cette structure aurait l'immense avantage d'allier deux types de compétences pour constater les infractions.
Par rapport à la disposition proposée à l'article 10 du projet de loi sur l'immigration, le présent amendement, qui entre dans le cadre du code du travail, permettrait de satisfaire tant les inspecteurs du travail, qui conserveraient l'intégralité de leurs compétences, que les policiers et les gendarmes, qui pourraient intervenir à tout moment, sans autorisation, et ce sans porter atteinte aux libertés.
Enfin, cette structure opérationnelle serait à même de compléter, au niveau local, le travail de coordination effectué par la future commission nationale de lutte contre le travail clandestin.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Il existe déjà des structures de coordination de lutte contre le travail illégal. Il en est ainsi de la mission de liaison interministérielle pour la lutte contre le travail clandestin, l'emploi non déclaré et les trafics de main-d'oeuvre, ou MILUTMO, cela à l'échelon national, et des commissions départementales.
Le Gouvernement - mais il le redira lui-même, je pense - envisage de renforcer ces dispositifs qui, d'ailleurs, sont d'ordre réglementaire. L'amendement est donc, je crois, déjà satisfait, raison pour laquelle la commission souhaite que son auteur veuille bien le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Monsieur Ostermann, il s'agit de l'organisation des services de l'Etat, et cela relève du domaine réglementaire.
Certes, je comprends votre intention. Mais, je vous le demande : une telle brigade ne servirait-elle pas de prétexte aux autres corps pour ne pas s'engager comme ils le doivent - et comme nous souhaitons qu'ils le fassent - dans la bataille ?
En conséquence, tout en comprenant votre désir d'efficacité, le Gouvernement n'est pas favorable à votre amendement.
M. le président. Monsieur Ostermann, votre amendement est-il maintenu ?
M. Joseph Ostermann. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je vais vous décevoir.
J'ai déposé une proposition de loi dont la brigade spécialisée constitue le point essentiel. J'ai proposé ce texte avec l'accord des chambres de métiers, qui estiment que la lutte du Gouvernement contre le travail illégal et clandestin est essentielle et qu'une brigade spécialisée serait un élément déterminant dans chaque département.
Dans ces conditions, malgré l'insistance de la commission et malgré les explications et apaisements apportés par M. le ministre, je maintiens cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 25.
M. Claude Estier. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier Nous sommes évidemment totalement opposés à cet amendement, qui, contrairement à ce que vient de dire M. Ostermann, s'il était adopté, constituerait une grave atteinte aux libertés publiques.
Sur le principe, nous sommes contre l'entrée des officiers de police judiciaire dans les entreprises ou sur les lieux de travail de manière générale, s'ils n'y ont pas été autorisés dans les formes régulièrement prévues : flagrant délit, commission rogatoire, ordonnance du président du tribunal. De ce point de vue, la notion de domicile est très nette et a justement pour objet la protection des droits fondamentaux du citoyen.
Je rappelle que les inspecteurs du travail peuvent déjà entrer dans les ateliers de jour et de nuit, mais pas au domicile privé.
La procédure applicable aux officiers de police judiciaire est, bien entendu, plus restreinte. En ce qui concerne l'identité des personnes, s'il est exact que les inspecteurs du travail ne peuvent contrôler les identités, l'employeur ne peut pas refuser de leur communiquer l'identité des personnes qui travaillent sur le site. Mais on préfère souvent oublier ce détail pour ne prôner que l'intervention des officiers de police judiciaire.
De même, les inspecteurs du travail ont le droit de ne pas transmettre toutes les informations dont ils disposent au parquet, ce qui permet avant tout de protéger les salariés, ce qui est leur raison d'être.
Il a été beaucoup question depuis hier, et cela va sans doute continuer, de la liberté des entreprises, en réalité des seuls employeurs, et de la nécessité d'éviter des contrôles que l'on qualifie systématiquement de tatillons. Il est, au contraire, fort peu question des droits des salariés. C'est d'abord l'inspection du travail qui, dans le champ de ce projet de loi, est concernée par leur défense, et voilà bien l'occasion de le rappeler. L'approche de la relation de travail en entreprise par l'inspection du travail tient d'abord compte de la subordination obligée du salarié, qui a besoin d'un revenu. Et cette subordination est d'autant plus forte, vous le comprenez, mes chers collègues, dans le contexte actuel.
Quels que soient leurs mérites par ailleurs, les officiers de police judiciaire n'ont pas la même conscience de ce fait. Ils n'ont pas reçu la même formation. Leur optique est d'abord celle de la répression, et la distinction n'est pas toujours évidente alors entre l'employeur et le salarié.
Cela étant dit, nous nous refusons à imaginer l'utilisation qui pourrait être faite de ces brigades de « cow boys » qui feraient des descentes dans les entreprises, de préférence sans doute devant des caméras de télévision et, par exemple, lorsque des immigrés en situation irrégulière sont en cause. On transformerait l'application de la loi en instrument de propagande pour montrer que l'on peut faire aussi bien dans ce domaine que le Front national.
Je n'invente rien, puisque, dans un journal du soir, vous pouvez lire, aujourd'hui même, une déclaration d'un dirigeant de ce parti, qui demande, précisément, la création d'une « brigade anti-immigration clandestine dont une des missions serait de lutter contre le travail clandestin ». Voyez que les choses se rejoignent !
En réalité, l'efficacité de la lutte contre le travail clandestin passe d'abord par un renforcement des moyens qui y sont consacrés. Or, rien de tel dans le budget pour 1997 ! Il y faut d'abord une volonté politique.
C'est ce qui crée le malaise qu'exprime avec une certaine forme de naïveté et de brutalité cet amendement : nous examinons un texte d'affichage qui ne vise pas à renforcer la lutte contre le travail clandestin, mais à dire qu'on le fait et que l'on sera impitoyable à l'égard des étrangers sans titre de travail. On ne chasse pas les donneurs d'ordre, qui sont les vrais responsables, on ne se donne à aucun moment les moyens de remonter les filières, on se contente de montrer du doigt les 6 % d'étrangers sans titre de travail. Cela s'appelle la logique du bouc émissaire, et les conséquences politiques peuvent être lourdes.
C'est bien pourquoi nous sommes totalement opposés à cet amendement.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Ce matin, lors de la réunion de la commission des affaires sociales, j'ai qualifié cet amendement de « scélérat ». (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jacques Habert. Il ne faut pas exagérer !
M. Joseph Ostermann. Oh !
M. Henri de Raincourt. On s'est ému de ce propos !
M. Guy Fischer. C'est peut-être caricatural mais, de toute évidence, cet amendement vise à faire rentrer par la fenêtre la disposition que le Conseil d'Etat avait disjointe de ce texte et réintégrée sous la forme de l'article 10 dans le projet de loi sur l'immigration.
L'amendement, manifestement illégal, présenté par MM. Ostermann, Grignon et Vasselle, qui n'a pas été retiré, en dépit de la demande formulée par M. le rapporteur et par le M. le ministre et qui reprend le texte de l'article 5 d'une proposition de loi du 7 août 1996 présenté par M. Ostermann est d'une extrême gravité.
Il s'agit d'une attaque frontale contre les droits des travailleurs et contre le code du travail, une de plus, serais-je tenté de dire.
J'ai dénoncé, à propos de l'article 4 - je n'étais pas hors sujet - les risques d'une dérive de la mission des inspecteurs du travail.
Il faut avouer que l'amendement de M. Ostermann est bien plus clair : il s'inscrit explicitement dans une logique d'instrumentalisation de l'inspection du travail sous prétexte de lutte contre le travail clandestin.
En réalité, il inscrit cette institution républicaine chargée de veiller au respect d'une législation protectrice des travailleurs dans une logique policière de contrôle des individus - et non plus des entreprises, comme le veut la philosophie du projet de loi - et, en premier lieu, des étrangers.
Il faut dire qu'en la matière le Gouvernement donne le mauvais exemple. En effet, cette même logique a déjà conduit le Gouvernement à créer l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre, et cela, comme par miracle, le jour où M. Ostermann déposait sa proposition de loi, à savoir le 7 août 1996.
M. Paul Masson, rapporteur pour avis. Il a été inspiré par le Saint-Esprit !
M. Guy Fischer. Quelle coïncidence chronologique entre la proposition de loi de notre collègue Ostermann et la création de l'Office chargé de coordonner l'action dans ce domaine, y compris celle des inspecteurs du travail !
Et qui met-on à la tête de cette structure ? On pourrait penser à quelqu'un du ministère du travail. Or, vous le savez fort bien, monsieur Ostermann, le directeur de cet office est le grand patron de la direction centrale du contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi des clandestins, laquelle dépend non pas du ministère du travail, mais du ministère de l'intérieur !
Les syndicats ont « attaqué » devant le Conseil d'Etat ce décret qui place, de fait, l'inspection du travail sous la houlette des préfets et du ministre de l'intérieur. Nous savons que l'office central est en train d'essaimer dans tous les consulats afin d'effectuer un contrôle à la source, qui relevait plutôt, jusqu'à présent, du ministère des affaires étrangères, ce que j'ai dit hier.
Allez-vous accepter une telle évolution, vous qui représentez ici, monsieur le ministre, le ministère du travail ? C'est grave !
Nous refusons cet amendement qui s'attaque aux droits de l'ensemble des travailleurs et qui cherche à liquider le rôle protecteur de l'inspection du travail à l'égard des salariés. Pour sa part, le groupe communiste républicain et citoyen appelle à rejeter cet amendement scandaleux.
Aujourd'hui, nous sommes au coeur d'un débat qui, de toute évidence, tend de plus en plus, surtout à la lumière de l'article paru dans la presse cet après-midi, a démontrer qu'il s'agit peut-être d'un texte en trompe-l'oeil, d'un texte alibi, en tout cas d'un texte qui vise d'autres objectifs, des objectifs d'ailleurs clairement exprimés dans un tract émanant d'un parti majoritaire de ce pays. L'amalgame existe donc bien !
Pour ces raisons, je demande un scrutin public sur cet amendement.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je savais qu'à un moment ou à un autre ce débat déboucherait sur une grande controverse politique.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'adopter un texte qui améliore les procédures actuelles de lutte contre le travail illégal.
Le travail illégal est dû soit à l'embauche clandestine de personnes qui sont au chômage, qui touche le RMI et qui, comme l'on dit, travaillent au noir - il peut parfaitement s'agir de citoyens français, qui sont d'ailleurs très nombreux - soit à des particuliers qui font travailler à leur domicile des personnes sans les déclarer ni payer leurs cotisations sociales, et même en oubliant parfois toute forme de déclarations, notamment en matière d'accidents du travail, soit à l'utilisation de travailleurs qui sont en situation irrégulière - mais ces derniers, dont personne n'est capable d'évaluer le nombre, ne sont visés que par une partie du texte dont nous discutons.
Monsieur Estier, je ne crois pas, surtout compte tenu de l'article paru ce soir sur ce sujet dans Le Monde ... pardon : dans un quotidien que chacun lit, qu'il faille faire, sur cet amendement n° 25, un débat à scandale !
Ce que veut M. Ostermann, et ce qui était d'ailleurs un des motifs de la proposition de loi qu'il avait déposée conjointement avec un certain nombre de collègues, notamment MM. Plasait et de Raincourt, c'est mieux coordonner la lutte contre le travail que je qualifierai pour ma part de frauduleux, à savoir le travail offert par des personnes qui ne satisfont ni à leurs obligations fiscales ni à leurs obligations sociales.
Quels que soient les chiffres que l'on a en tête, il est clair que si l'ensemble de ceux qui emploient aujourd'hui dans ce pays des travailleurs s'acquittaient de leurs obligations fiscales et sociales, il n'y aurait pas de déficit des régimes de protection sociale et le déficit budgétaire serait moins élevé. Par conséquent, c'est un objectif national que de limiter et de réduire le travail dissimulé que, pour ma part, j'appelle le travail frauduleux.
M. Ostermann veut donc assurer de manière structurelle une coordination entre toutes les administrations intéressées afin d'arrêter la progression du travail clandestin ou illégal.
Si la commission des affaires sociales n'a pas accepté cet amendement et si elle demande au Sénat de ne pas l'adopter, ce n'est ni pour une raison de fond ni pour une raison de politique nationale ou internationale ; c'est parce qu'il lui apparaît que, compte tenu de la séparation des pouvoirs qui est un principe fondamental de notre République, il appartient au Gouvernement d'organiser les services publics et non au Parlement de décider de la création d'une brigade, d'une structure, d'une section nouvelle. Il ne faut pas mélanger les fonctions du Gouvernement et celles du Parlement.
Voilà la raison pour laquelle nous vous demandons de ne pas adopter cet amendement. M. Ostermann pourrait d'ailleurs parfaitement le retirer, puisqu'il est manifestement sorti du domaine législatif pour entrer dans le domaine réglementaire.
Pour le reste, j'ai cru comprendre, dans l'intervention flamboyante de M. Estier - et je rends hommage à son talent, bien connu de nous tous - que le seul intérêt de ce texte serait de trouver des boucs émissaires. Non ! On peut lutter contre le travail frauduleux autrement qu'en renforçant les pouvoirs de l'inspection du travail ! L'inspection du travail est un service de l'Etat chargé de contrôler l'application du code du travail et de protéger les salariés ; elle n'est pas chargée de juger de l'opportunité de toutes les actions des entreprises.
Le fait de mieux définir le travail illégal ou dissimulé, de mieux coordonner l'action des services publics qui concourent à contrôler ce qui se passe aussi bien chez les particuliers, on l'a déjà dit, que dans les entreprises, de modifier les sanctions - puisque nous examinerons tout à l'heure une partie du texte consacrée aux sanctions - va, selon nous, dans le bon sens et permettra de réduire l'importance du travail dissimulé, ou frauduleux.
Alors, je vous en prie, pas d'amalgame ! Il ne s'agit pas d'un texte d'apparence ; il s'agit d'un texte qui renforce les moyens que s'est donnés le Gouvernement. Je crois que la majorité de cette assemblée doit accepter, dans son ensemble, l'esprit de ce texte, corrigé par les deux commissions, qui ont oeuvré en parfaite harmonie pour éviter qu'on n'aille trop loin et que l'on ne transforme des mécanismes de lutte contre certaines faiblesses de notre sustème économique en un dispositif rigide qui permettrait à n'importe qui d'aller consulter les documents comptables, qui renforcerait les pouvoirs de tel ou tel.
Je souhaite que M. Ostermann retire son amendement, qui n'a ni le caractère scandaleux ni le caractère politique qu'on a bien voulu lui prêter sur certaines travées. Manifestement, il est hors du domaine législatif ! conformément à la Constitution de la Ve République, il faut laisser au Gouvernement la tâche fondamentale d'organiser les services publics.
M. le président. Monsieur Ostermann, l'amendement est-il maintenu ?
M. Joseph Ostermann. M. Fourcade a fort bien résumé la situation, et brillamment comme toujours.
M. Henri de Raincourt. Comme d'habitude !
M. Joseph Ostermann. Tout d'abord, s'agissant du terme « brigade », nous disposons dans ce pays de brigades fluviales et elles ne choquent personne. Il est bizarre que, tout à coup, des cris effarouchés s'élèvent pour dénoncer la brigade de lutte contre le travail clandestin que je propose.
Ensuite, monsieur Fischer, je ne me suis absolument pas concerté avec le Gouvernement lorsque j'ai déposé cet amendement. Vous connaissez l'adage : « Tout ce qui est exagéré est insignifiant ». Précisément, votre propos est exagéré, et je voulais vous le dire.
Enfin, monsieur Estier, avec tout le respect que je vous dois, ne pratiquez pas l'amalgame entre cet amendement et les problèmes liès à l'immigration. Vous savez très bien que ce n'est l'objet ni de l'amendement ni du projet de loi. Comme je l'ai dit hier, le travail clandestin ne concerne pas plus de 10 % de travailleurs immigrés.
Monsieur le président, je retire l'amendement, mais je considère que la discussion était nécessaire et utile.
MM. Paul Masson, rapporteur pour avis, et Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 25 est retiré.
Par amendement n° 37, Mme Dieulangard et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le quatrième alinéa (2°) de l'article L. 611-9 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 3° les documents commerciaux et comptables relatifs aux prestations contrôlées. »
La parole est à M. Debarge.
M. Marcel Debarge. Sans être brillant ni flamboyant, (Sourires), je dirai que cet amendement de coordination que nous présentons vise à une plus grande transparence de l'action possible, transparence à laquelle tout le monde est, me semble-t-il, sensible et qui peut aider les inspecteurs du travail à remonter plus aisément les filières du travail clandestin.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, par coordination avec les votes précédents.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Je ne crois pas que les inspecteurs du travail souhaitent que nous revenions sur leurs attributions. Ils ont à jouer un rôle qui est important et qui n'est pas facile. Il n'est pas nécessaire de leur compliquer encore la tâche.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 37, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5