M. le président. « Art. 3. - Réseau ferré national est soumis en matière de gestion financière et comptable aux règles applicables aux entreprises industrielles et commerciales. Il tient sa comptabilité conformément au plan comptable général. Il dispose de la faculté de transiger et de conclure des conventions d'arbitrage. Il peut créer des filiales ou prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes ayant un but connexe ou complémentaire à ses missions.
« Réseau ferré national est soumis au contrôle économique, financier et technique de l'État. Un décret en Conseil d'État précise les règles de gestion financière, comptable et domaniale qui lui sont applicables, ainsi que les modalités du contrôle de l'État. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je souhaite, dans le cadre de cette intervention liminaire sur l'article 3, évoquer assez brièvement les données des problèmes que nous pose, sur le plan de l'éthique financière, la création du nouvel EPIC gestionnaire de l'infrastructure.
Reprenons, si vous le voulez bien, les termes de cet article, qui est quasiment, selon toute apparence, un article de coordination :
« Réseau ferré national est soumis en matière de gestion financière et comptable aux règles applicables aux entreprises industrielles et commerciales. Il tient sa comptabilité conformément au plan comptable général. »
Ce n'est pas encore le moment d'évoquer les modifications que ce plan comptable semble devoir être amené à subir, ces prochaines années, du fait de la spécificité des normes comptables françaises au regard de normes internationales anglo-saxonnes reconnues et estampillées, soulignons plutôt ce que la stricte application du plan comptable général va avoir comme conséquence pour le nouvel EPIC.
S'agissant du compte d'exploitation, le nouvel EPIC sera naturellement en déficit, le montant des redevances qu'il va percevoir étant largement inférieur à celui de la rémunération qu'il va acquitter à la SNCF et péniblement équilibré par la contribution de l'Etat aux charges d'infrastructure.
Cependant, dans le calcul original, on ne peut oublier que l'entreprise devra naturellement rémunérer ses 150 salariés, acquitter quelques charges fiscales - taxe professionnelle par exemple - et doter les provisions pour amortissements et risques d'exploitation.
Le compte d'exploitation sera donc largement déficitaire.
Dans l'absolu, il ne sera peut-être équilibré que grâce à la situation de TVA de l'établissement, normalement créditrice du fait de la structure même de ses ressources, mais ce n'est pas là une opération visible en tant que telle sur les opérations du compte, toujours calculées hors taxes.
Quant au compte financier, il sera, lui, particulièrement déséquilibré, puisque seule, dans un premier temps, la dotation en capital de l'Etat, et son placement éventuel sur les marchés, sera en mesure de prendre en charge l'énorme montant des charges financières de la dette transférée et de l'amortissement de son encours.
On se retrouvera donc, dans la stricte application du plan comptable général, avec un compte d'exploitation déficitaire dans des proportions éventuellement réduites, mais aussi avec un compte financier totalement déséquilibré.
Il ne restera donc plus que des opérations exceptionnelles - des cessions d'actifs, par exemple, assorties de plus-values éventuelles - pour équilibrer ou escompter équilibrer des comptes lourdement hypothéqués dès le départ. Nous serons très vite confrontés à des choix de gestion particulièrement douloureux.
L'un de ces choix pourra être - vous avez raison de le noter, monsieur Hérisson - de relever le niveau de la redevance de la SNCF au nouvel EPIC en vue, par exemple, de dégager un excédent d'exploitation venant limiter la casse du compte financier.
En arrivera-t-on à une opération vérité des prix qui consistera, en gros, à tripler le montant de la redevance perçue par RFF ? Qui paiera la facture ?
Nous le savons : ce sont une fois encore les usagers qui feront les frais du montage financier associé au projet de loi.
On peut aussi concevoir que les prestations de la SNCF seront réduites d'un montant de 2 milliards ou 3 milliards de francs, par exemple, ce qui signifierait moins d'entretien, moins de sécurité et plus d'inconvénients pour les voyageurs.
On peut concevoir qu'à ce mouvement sera associé un relèvement graduel de la redevance perçue par RFF d'un montant de 2 milliards ou 3 milliards de francs.
Ces quelques considérations sur les conséquences comptables du projet de loi dont nous débattons nous amènent, bien entendu, à renforcer encore notre opposition de principe à son adoption.
M. le président. La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, moderniser et développer les réseaux SNCF et RATP est le seul moyen d'apporter une solution à long terme aux problèmes de transport en région parisienne et de s'attaquer à la pollution urbaine.
En abordant l'examen des règles comptables et financières prévues pour RFF, permettez-moi de dresser un constat accablant : la part des déplacements motorisés couverte par les transports collectifs - métros, bus, trains et taxis - ne cesse de baisser. Elle était de 30 % en 1996.
C'est la quantité et la qualité des transports collectifs qui incitera les habitants à choisir ceux-ci pour leurs déplacements quotidiens.
Pour atteindre cet objectif, il faudrait mettre en application une véritable complémentarité des moyens de transport en commençant, bien évidemment, par les transports publics.
Le Conseil national des transports, organisme des plus officiels, avance deux raisons à l'origine de la baisse de fréquentation importante des transports collectifs franciliens : hausse des tarifs et insuffisance des infrastructures.
Pour 1997, le budget de la RATP prévoit la disparition de 150 emplois et une baisse de 19 % des sommes allouées pour les autorisations de programme afin d'étendre les réseaux.
En revanche, il est prévu une hausse des tarifs de 4,8 %. De toute évidence, les pouvoirs publics n'ont pas tenu compte des analyses du Conseil national des transports.
A la RATP, il manque quelque 3 700 postes pour assurer l'offre de services actuelle, et si l'on voulait que la part des déplacements motorisés couverte par les transports collectifs dépasse 40 %, il faudrait créer dix mille emplois pour la seule RATP.
L'insuffisance des moyens attribués à cette dernière est aussi préjudiciable au bon fonctionnement des transports assurés par la SNCF.
En effet, comme mon amie Nicole Borvo l'avait dit dans sa question orale sans débat portant sur la quatorzième ligne de métro, l'arrivée de trois mille voyageurs de plus à l'heure de pointe sur la ligne 13 à Saint-Lazare avec la mise en circulation d'Eole posera un problème quasi insurmontable en l'état actuel des choses, surtout si l'on y ajoute les quinze mille voyageurs prévus les jours de match au Grand Stade.
C'est pourquoi nous nous prononçons pour la mise en place d'une quatorzième ligne de métro, ce qui implique la réalisation du tracé nord de Météor et le dédoublement de la ligne 13-13 bis à partir de Paris, en créant une nouvelle ligne de Paris à Gennevilliers. On permettrait ainsi la prolongation de la ligne dans de bonnes conditions jusqu'à Stains.
Mais ce n'est pas seulement en matière de transports en commun que les pouvoirs publics font les mauvais choix pour la capitale et l'Ile-de-France.
En effet, il est notoire que l'agglomération parisienne souffre gravement de la pollution engendrée par le choix du « tout route », qui est en outre source d'accidents. Du fait de ce choix, les camions, en particulier, sont de plus en plus nombreux sur les artères de la région et sur le périphérique.
J'ai pu le vérifier moi-même ce matin : une heure et demie pour me rendre au Sénat depuis Fontenay-sous-Bois ! Croyez-moi, c'est vraiment très long !
La fermeture des centres PTT de la gare du Nord, de la gare de l'Est, de la gare Saint-Lazare, de Paris-Brune et la menace de fermeture des centres PLM, Paris gare d'Austerlitz et CESA-Evangile, qui assuraient de manière performante le transport des colis par le fer, constituent autant de sources de pollution et de suppression d'emplois.
En procédant de cette manière, non seulement on brade, on liquide des infrastructures récentes et coûteuses, mais on augmente de façon considérable le trafic des camions à Paris, alors que c'est une source de pollution et d'accidents.
Pourtant, des infrastructures comme les gares de marchandises, la petite ceinture, les zones de stockage, les plates-formes plurimodales et les agences du SERNAM constitutent autant d'atouts qu'il faut utiliser au mieux afin d'organiser plus rationnellement des dessertes marchandises vitales pour la capitale.
Cette grande politique des transports nécessite la création de milliers d'emplois stables et qualifiés à la SNCF comme à la RATP, ainsi que des investissements importants.
Les moyens pour les financer existent, à condition de faire payer les vrais bénéficiaires du réseau des transports collectifs. Ainsi, il faudrait augmenter, par exemple, le taux de versement transport qu'acquittent les entreprises qui ne pourraient fonctionner sans l'existence de ce réseau et calculer l'augmentation de ce taux de façon à favoriser l'emploi.
M. le président. Sur l'article 3, je suis saisi de douze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 55 est présenté par MM. Garcia, Bony, Chervy, Courteau, Fatous, Mélenchon, Peyrafitte et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 127 est présenté par MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer l'article 3.
La parole est à M. Garcia, pour défendre l'amendement n° 55.
M. Aubert Garcia. Cet article, qui fixe les règles de gestion du nouvel établissement public, peut être dangereux : en prévoyant la possibilité, pour cet organisme, de créer des filiales, il ouvre la voie à un démantèlement.
Par ailleurs, cette possibilité est en contradiction avec le discours du Gouvernement selon lequel le nouvel établissement public doit être une structure légère et, en quelque sorte, la cheville ouvrière de l'Etat en matière d'infrastructure. Il n'a donc pas vocation à se disperser en menant de multiples activités.
Par ailleurs, les infrastructures étant d'intérêt général, on ne saurait guère tolérer l'existence de filiales.
Je saisis cette occasion pour dire à M. Cabanel que je regrette le retrait de son amendement, car je l'aurais volontiers voté.
Au demeurant, à partir du moment où l'on ne parle plus que de « clients », on peut effectivement considérer que les usagers n'ont plus leur mot à dire !
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour présenter l'amendement n° 127.
M. Guy Fischer. Cet article du projet de loi présenterait presque un caractère de simple coordination avec l'article 1er s'il ne comportait aussi quelques dispositions qui méritent la plus grande attention.
En effet, l'article 3 prévoit que l'établissement public gestionnaire de l'infrastructure est soumis, en matière comptable et financière, aux règles précisées dans le cadre du plan comptable général.
Cette disposition serait presque superfétatoire si elle ne soulignait un fait très significatif : le réseau jusqu'ici possédé en propre par l'Etat et confié à la SNCF par la loi d'orientation sur les transports intérieurs de 1982, transféré à Réseau ferré de France par le présent projet, devient un objet d'éventuelle transaction.
L'article 3 autorise en quelque sorte l'établissement gestionnaire à disposer, en tant que de besoin, du patrimoine de la nation. Ne serait-ce que pour cette raison, il conviendrait de le supprimer.
Mais c'est notre position de principe, tendant à refuser la partition des actifs actuellement détenus par la Société nationale des chemins de fer français et la séparation juridique et comptable des missions de gestion d'infrastructure et d'exploitation du réseau, qui a d'abord motivé notre amendement.
Notre position a été exposée dès la discussion générale : il n'y a pas lieu, si l'on veut remettre la SNCF en situation de faire face aux nécessités de son développement et lui permettre d'accomplir les missions de service public qui lui sont assignées, de procéder à une transformation juridique.
Nous avons rappelé que la comptabilité actuelle de la société nationale permet aujourd'hui, de par l'analyse des comptes d'exploitation et du compte d'infrastructure, de retracer avec une certaine fidélité la situation respective des diverses activités de la Société nationale.
L'exploitation est analysée selon les principales fonctions de l'entreprise, qu'il s'agisse du réseau grandes lignes, de la desserte de la banlieue parisienne, de la situation des transports régionaux ou du résultat des activités de transport de fret, ces activités pouvant même être individualisées selon la nature des marchandises véhiculées.
Il apparaît clairement que le réseau grandes lignes dégage un excédent, que le réseau à vocation régionale et l'activité fret tendent à entamer, tandis que l'activité en région d'Ile-de-France est naturellement équilibrée, du fait de l'existence de règles de compensation fondées sur un engagement public et sur des produits fiscaux ad hoc.
Reste le problème du compte d'infrastructure, qui est, de par sa nature, structurellement déficitaire. Ce déficit s'est d'ailleurs sensiblement creusé ces dernières années sous les effets du retournement du coût de la dette de la SNCF, celle-ci étant rigidifiée par des taux fixes, alors que tend à s'amplifier le mouvement de baisse des taux d'intérêt, un mouvement que le Gouvernement, confronté au service de la dette publique, qui va encore croître et embellir en 1997 - on parle en effet d'émissions de titres pour un montant de 650 milliards de francs -, souhaite d'ailleurs encore prolonger dans les prochains mois.
Illustre cette volonté politique la décision de réduire d'un point la rémunération de l'épargne logement, en vue de favoriser éventuellement sa décollecte. Nous aurons peut-être l'occasion de revenir, lors de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, sur cette question, mais permettez-moi dès à présent de formuler une simple suggestion. Si l'on réduit à 4,25 % la rémunération de l'épargne logement, et "l'on sait qu'elle est assez largement sous-utilisée, car les épargnants ne peuvent s'engager tous les ans dans l'achat d'une résidence principale", pourquoi ne pas utiliser une partie de l'encours de cette épargne, relativement peu coûteuse à collecter, pour « reprofiler » la dette de la SNCF ?
M. le président. Il va falloir conclure, mon cher collègue !
M. Guy Fischer. Nous avons donc d'un côté 860 milliards de francs de collecte et de l'autre une dette de 203 milliards de francs, dont l'essentiel est constitué par une dette à long terme de 170 milliards à 180 milliards de francs.
Quoi qu'il en soit, les règles comptables que l'on souhaite imposer au nouvel établissement public traduiront rapidement son incapacité à faire face à ses besoins de financement.
M. le président. Par amendement n° 128, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit l'article 3 :
« L'établissement public " Fonds de financement du réseau ferré national " est soumis, sauf dérogations prévues dans la présente loi, en matière de gestion financière et comptable aux règles applicables aux établissements de crédit.
« Il est également soumis au contrat économique, financier et technique de l'Etat.
« Un décret en Conseil d'Etat précise ces règles de gestion financière et comptable qui lui sont applicables, ainsi que les modalités du contrôle de l'Etat. »
Du fait de l'adoption, hier, de l'amendement n° 42, cet amendement n'a plus d'objet.
Par amendement n° 130, Mme Luc, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer la dernière phrase du premier alinéa de l'article 3.
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. La dernière phrase du premier alinéa de cet article pose le principe selon lequel le nouvel établissement public chargé des infrastructures pourrait créer des filiales, voire prendre des participations dans le capital de sociétés, groupements ou organismes poursuivant des buts connexes ou complémentaires à ses missions.
Ainsi, quelle que soit sa dénomination, ce nouvel établissement pourrait prolonger, à son niveau, une politique de filialisation et de participations croisées qui, jusqu'à présent, a surtout servi à mettre en cause la cohésion de la SNCF et à creuser le déficit de sa caisse de prévoyance en la privant des cotisations d'une partie des personnels employés par ses filiales.
L'autonomie de gestion confiée par la SNCF à ses filiales et son manque d'insistance pour impliquer les entreprises où elle a des participations dans une logique de complémentarité de groupe et d'intermodalité des transports devraient nous alerter : l'Etat ne doit pas refaire avec RFF les erreurs qu'il a commises avec la SNCF.
A notre avis, il n'est pas concevable que les activiés du groupe SNCF et, maintenant, de RFF soit filialisées, voire en partie privatisées dès qu'elles deviennent un tant soit peu rentables. Cette logique participe de l'accroissement du déficit global de l'entreprise et porte atteinte au développement du service public.
Nous demandons, pour notre part, que soit préservée l'unité du groupe SNCF et que, à l'intérieur de celui-ci, on renforce les synergies des différents éléments pour consolider la cohérence globale du groupe, dont les éléments devraient pouvoir contribuer bien plus efficacement au désendettement de l'entreprise publique.
Ce n'est manifestement pas le chemin que prennent le Gouvernement et sa majorité, qui ne songent qu'au cantonnement d'une partie de la dette sur l'établissement responsable des infrastructures et à la poursuite de la politique de filialisation et de privatisation de l'entreprise par appartements.
Nous sommes d'autant plus inquiets que, vis-à-vis des autorités de l'Union européenne, le Gouvernement a toujours, à cet égard, malgré quelques démonstrations médiatiques et précautions de style, la même attitude favorable et « volontariste ».
Ainsi, en juin 1995, le gouvernement de M. Juppé ne s'est pas opposé, au nom de la France, aux deux directives d'application de la directive de 1991 et, depuis, il n'en a demandé ni l'abrogation ni même la révision.
Je rappelle que la première concerne les modalités d'octroi des licences permettant aux entreprises privées d'exercer une activité de transport ferroviaire et que la seconde, dans son article 3, prévoit que chaque Etat membre désigne un organisme chargé de la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire sur une base équitable et non discriminatoire.
Même s'il est précisé qu'une priorité pourra être accordée aux services fournis dans l'intérêt du public, cette priorité ne correspond pas véritablement à la notion de « service public » ni à celle d'« intérêt général ».
Cela est si vrai que M. Gerbaud indique, à la page 34 de son rapport écrit, que, « avec l'adoption par le Conseil de ces deux directives en juin 1995, plus rien ne s'opposait, au moins en théorie, à l'arrivée de nouvelles entreprises dans le secteur ferroviaire, à conditions qu'elles répondissent aux conditions prévues par la directive de 1991 ».
Les sociétés, groupements et organismes dans le capital desquels le nouvel établissement public responsable du réseau ferroviaire serait susceptible de prendre des participations ne pourraient donc que profiter de sa caution de service public pour mettre ce dernier en cause et se livrer à des activités très lucratives à partir des infrastructures.
L'objectif réel des dispositions de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 3 est donc bien la mise en concurrence de divers opérateurs publics et privés sur le réseau ferré national et sur le réseau de télécommunication qui lui est lié. Il s'agit, par conséquent, d'organiser la mise en concurrence de la SNCF et de France Télécom au détriment du service public, ce que, pour notre part, nous refusons.
Compte tenu de l'importance de cet amendement, je demande, au nom de mon groupe, qu'il soit soumis au vote du Sénat par scrutin public.
M. le président. Les quatre amendements suivants sont présentés par MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 131 tend, dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article 3, à supprimer les mots : « créer des filiales ou ».
L'amendement n° 132 vise, dans la dernière phrase du premier alinéa de cet article, après le mot : « participations », à insérer le mot : « majoritaires ».
L'amendement n° 133 a pour objet, dans la dernière phrase du premier alinéa de ce même article, après le mot : « participations », à insérer les mots : « constituant au moins une minorité de blocage ».
L'amendement n° 134 tend à compléter in fine le premier alinéa de ce même article par les mots : « à la condition de ne pas porter atteinte à la mission de gestionnaire unique de l'infrastructure confiée à la Société nationale des chemins de fer français ».
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 131.
M. Guy Fischer. L'orientation fondamentale du projet de loi consiste, nous l'avons vu à l'examen des dispositions de l'article 1er, à confier à un nouvel établissement la gestion de l'infrastructure ferroviaire du pays.
Cette infrastructure est composée d'éléments divers puisqu'elle recouvre à la fois des actifs immobiliers, des voies ferrées à usage différencié, des lignes à grande vitesse dont la durée de vie est différente et dont le coût est aussi assez largement différent.
Le réseau se compose essentiellement de deux grands ensembles : d'une part, des lignes à grande vitesse dont l'ouverture relativement récente fait qu'elles sont surtout, pour l'heure, des charges d'investissement ; d'autre part, un réseau plus ancien où ce sont les coûts de maintenance et d'entretien qui sont les plus importants.
Dans le même temps, la classification des lignes selon la nature des matériels roulants qui circulent sur les voies soulève la question des éventuels investissements à engager pour leur remise en état ou leur modernisation.
Même si la qualité globale du réseau français est réelle au regard de la situation que connaissent de nombreux pays voisins, il n'en demeure pas moins que des lignes d'une importance déterminante doivent être modernisées et notamment électrifiées.
Il convient donc de garder à l'esprit la situation de départ du nouvel établissement gestionnaire de l'infrastructure. Nous avons souligné que l'établissement ne disposera, à l'origine, que de 8 milliards de francs de dotation en capital, qui ne sont d'ailleurs pas inscrits dans la loi de finances. Ces crédits sont, semble-t-il, gagés sur la réussite de telle ou telle opération de privatisation.
On aura d'ailleurs tout gagné dans l'affaire, puisqu'au démantèlement de la SNCF s'ajoutera - l'expérience le laisse augurer - le désastre de la privatisation du Crédit lyonnais, de Thomson ou du Crédit industriel et commercial.
L'établissement public sera donc amené, très rapidement, à lever sur les marchés financiers les ressources indispensables à son financement.
Il peut d'ailleurs difficilement attendre de l'Etat le moindre concours supplémentaire. En effet, la presse économique s'est fait par exemple l'écho, ces jours-ci, de la volonté du Gouvernement de procéder au gel de 20 milliards de francs de crédits budgétaires, alors que la loi de finances pour 1997 vient à peine d'être votée : je laisse à l'expert-comptable qui dirige l'administration de Bercy le soin de nous expliquer que tout va bien et que notre économie est sur la bonne voie...
Dans les faits, le nouvel EPIC devra donc opérer de douloureux choix de gestion, pouvant passer notamment par une restructuration juridique. Cette restructuration en filiales, destinée, si l'on peut dire, à isoler les poches de déficit dues à la gestion des infrastructures que l'EPIC supportera de manière endémique et structurelle, peut très bien être conçue autour de la création de filiales dédiées par exemple à la gestion du réseau grande vitesse, du réseau affecté au transport de marchandises ou encore du réseau des TER, les trains express régionaux.
On peut même concevoir de créer une sorte de filiale à vocation quasiment immobilière, dont la mission serait de gérer les conséquences des déclassements et des fermetures éventuelles de dessertes et de négocier les offres de reprise d'exploitation émanant du secteur privé.
On peut aussi imaginer l'installation d'une filiale purement financière, chargée de gérer l'importante dette obligataire de l'EPIC.
Nous refusons de faciliter la mise en oeuvre de ce scénario catastrophe, qui consisterait à confondre création d'un nouvel EPIC et fabrication de poupées russes.
Sur le fond, en effet, on peut penser que la filialisation de telle ou telle activité finirait par conduire à l'affaiblissement général de l'établissement, ce qui laisserait la porte ouverte à toutes les opérations de démembrement et de vente par appartements, que nous nous refusons à approuver eu égard aux besoins du service public ferroviaire.
Pour un peu, on en reviendrait assez rapidement à la situation antérieure à la création de la SNCF, avec des réseaux concédés à des sociétés privées qui étaient, en toute bonne logique libérale, régulièrement appelées à demander le concours de l'Etat.
C'est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons donc à adopter cet amendement de bon sens.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 132.
Mme Marie-Claude Beaudeau. La dernière phrase du premier alinéa de l'article 3 dispose que le nouvel établissement public chargé de la gestion de l'infrastructure du réseau ferré national pourra « créer des filiales ou prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes ayant un but connexe ou complémentaire à ses missions ».
Or, comme nous l'avons dit voilà quelques instants, nous ne souhaitons pas que ce nouvel établissement public puisse créer des filiales.
En effet, si l'ouverture de cette possibilité peut être envisagée dans une certaine mesure pour la SNCF, il nous semble en revanche que cela ne pourrait que provoquer la sectorisation des activités de RFF, laquelle serait préjudiciable à l'unicité du réseau en permettant sa privatisation partielle.
Il s'agit donc d'un problème important, dont il convient de prendre toute la mesure et d'envisager dès à présent toutes les conséquences possibles.
Si vous acceptez néanmoins d'autoriser RFF à créer des filiales et à prendre des participations dans le capital d'autres sociétés, il nous semble cependant indispensable que le nouvel établissement public détienne la majorité. Cela permettrait de maintenir la prédominance, dans l'activité de ces entreprises, des missions de service public et de la satisfaction de l'intérêt général.
Sans revenir sur ce que nous avons déjà dit à maintes reprises au cours de ce débat à propos de la politique de filialisation poursuivie par la SNCF depuis une douzaine d'années, il convient de bien prendre la mesure de ce qu'elle a coûté et de ce qu'elle rapporte à l'entreprise publique. Pourquoi faudrai-il que, dès qu'une activité est susceptible de rapporter de l'argent à la SNCF, elle soit filialisée ou partagée avec une entreprise privée ?
A ce jour, ni les cheminots, ni les usagers, ni les sénateurs n'ont obtenu le moindre élément de réponse sérieux de la part du Gouvernement.
La SNCF est désormais, par le biais de ses filiales et de ses participations dans d'autres entreprises, le premier transporteur routier de ce pays et l'un des tout premiers de l'Union européenne, sans que cela vise à renforcer la nécessaire synergie entre le transport par fer et le transport routier, et sans que cela se traduise par une amélioration significative de ses comptes de résultat.
Qu'en sera-t-il demain si le nouvel établissement public chargé de la gestion de l'infrastructure, qui, je le rappelle, sera, dès sa création, « plombé » par une dette de plus de 130 milliards de francs, prend des participations minoritaires dans une société ayant un but connexe ou complémentaire à ses missions ? Quels seront le rôle et quel sera le poids de l'établissement public au sein des sociétés dont il sera actionnaire ?
Il y a fort à parier, mes chers collègues, que son rôle pourra difficilement aller au-delà de la simple délivrance de l'autorisation d'utiliser l'infrastructure dont il est censé être responsable. En fait, il s'agit bien de poursuivre la privatisation des secteurs les plus rentables de l'activité ferroviaire.
Quels sont donc ces « sociétés, groupements ou organismes ayant un but connexe ou complémentaire au réseau ferré national » évoqués dans votre texte, monsieur le ministre ? Vous allez très certainement nous répondre ce matin, mais je crois - c'est une hypothèse que nous formulons - qu'il s'agit des entreprises de transport routier, des entreprises capables, à l'instar de la SNCF, d'exploiter un réseau ferré, comme le fait actuellement la CGE, la Compagnie générale d'électricité, sur une partie du réseau britannique, des groupements et organismes susceptibles de gérer une plate-forme multimodale ou de l'un de ces petits réseaux de chemin de fer industriel. Il faut nous répondre, monsieur le ministre !
Nous sommes donc ici en pleine logique de remise en cause de l'unicité du réseau et du service public et de mise en concurrence de la SNCF.
En interdisant une prise de participation minoritaire de RFF dans le capital d'autres entreprises, groupements ou organismes, l'amendement n° 132 constitue donc un dispositif de préservation des missions les plus essentielles du service public. Si le Sénat partage encore cette préoccupation, il serait bien avisé de le voter.
M. le président. La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 133.
M. Claude Billard. En proposant de réserver au nouvel établissement une minorité de blocage dans le capital des sociétés, groupements ou organismes dans lesquels il serait autorisé à prendre des participations, nous souhaitons, autant que faire se peut face à une évolution que nous n'approuvons pas, préserver l'exercice des missions essentielles inhérentes au service public.
Je ne reviendrai pas sur le détail de l'argumentation que viennent de développer mes collègues à propos des risques de privatisation des activités liées à la gestion de l'infrastructure qu'implique la dernière phrase du premier alinéa de l'article 3.
Ces risques ne sont pas seulement bien réels, ils constituent de surcroît l'un des objets fondamentaux de ce projet de loi, qui, sous prétexte de faciliter le désendettement de la SNCF, tend en fait à édifier une construction juridique propice au franchissement d'une nouvelle étape dans la mise en concurrence des activités ferroviaires.
Il s'agit là d'une volonté politique profonde du Gouvernement, qui s'inscrit toujours à plus ou moins long terme dans une perspective d'accès des tiers au réseau conforme à ses prises de position en faveur de la réalisation de l'Europe de Maastricht.
Le Gouvernement ne s'est d'ailleurs pas opposé à la directive d'application de juin 1995, ce qui est tout à fait révélateur de son attitude et de ses intentions.
C'est pourquoi nous proposons, par notre amendement, de permettre au nouvel établissement public de conserver une minorité de blocage dans tous les organismes, sociétés et groupements au capital desquels il prendrait part, afin de préserver l'accomplissement des missions de service public dont il est chargé.
Il nous semble en effet particulièrement inacceptable que le nouvel établissement public devant gérer le réseau ferré national puisse servir de faire-valoir, dans certaines opérations économico-financières, aux entreprises privées qui auraient pour dessein de se servir du service public, et non pas de le servir, en vue de réaliser leurs petites affaires lucratives.
Notre conception des objectifs du service public est tout autre, puisqu'il s'agit, à nos yeux, de concourir à l'intérêt général et non de servir les intérêts particuliers.
La création du nouvel établissement public ne doit donc pas constituer, à l'aube de l'an 2000, un retour, très loin en arrière, aux principes sur lesquels reposait, à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle, l'exploitation d'entreprises et d'infrastructures ferroviaires.
Afin de défendre ce qu'il resterait des possibilités d'accomplissement des missions du service public si l'entité juridique chargée de la gestion des infrastructures entrait dans le jeu pernicieux des filialisations et autres prises de participations financières dans diverses structures d'intérêt privé, il vaut mieux, selon nous, attribuer une sorte de droit de veto à RFF ou à tout autre établissement appelé à jouer le rôle qui lui est dévolu par le texte que nous examinons. Je crois que ce serait là une sage précaution de la part du législateur.
Par conséquent, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, je demande au Sénat de bien vouloir adopter notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 134.
M. Guy Fischer. Il s'agit ici d'un amendement de repli, car nous contestons fondamentalement la philosophie du projet de loi.
Il tend à éviter d'ouvrir la gestion de Réseau ferré de France à de multiples opérateurs dans une optique de libre concurrence.
Nous considérons donc que les dispositions du premier alinéa de l'article 3 ne pourront être un jour applicables que si la SNCF, et elle seule gère l'infrastructure qui lui est confiée par le nouvel établissement public.
Je tiens à souligner que nous n'étions pas seuls à défendre cette position, puisque M. Franck Borotra, aujourd'hui ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications, dans son rapport du mois d'octobre 1995 intitulé Faut-il défendre le service public ? indiquait que « une séparation organique serait initialement complexe pour des résultats incertains. La séparation en plusieurs branches de la SNCF serait artificielle et impliquerait un mécanisme complexe de coordination ; elle supprimerait la synergie entre les différentes branches et menacerait, à terme, l'unicité du statut du personnel, entravant la mobilité au sein de l'entreprise ».
Comme ce ministre parlait bien !
M. Franck Borotra concluait en déclarant ouvertement que « les avantages sont incertains, si ce n'est de permettre la mise en place d'une sorte d'accès des tiers aux réseaux ».
Celui qui allait devenir ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications quelques semaines plus tard adoptait donc une position plus tranchée encore que celle des auteurs du présent amendement, puisqu'il repoussait l'idée de l'éclatement de la SNCF.
Le futur ministre concédait même que l'avantage essentiel, si l'on peut s'exprimer ainsi, était l'ouverture à la concurrence de la gestion de l'infrastructure.
Or c'est précisément ce que nous vous proposons d'empêcher par l'adoption de notre amendement, car, faut-il le répéter, nous estimons que la notion de libre concurrence est profondément contradictoire avec l'idée même du service public, fondée sur l'intérêt général. A l'inverse, la libre concurrence, c'est la lutte des intérêts privés au détriment de la collectivité.
M. Nicolas About, auteur en avril 1996 d'un rapport intitulé L'Europe : une chance pour la SNCF, évoquant la séparation comptable entre gestion de l'infrastructure et exploitation, estimait qu'« il n'est pas souhaitable que cette situation évolue à l'avenir ».
Il apparaît donc comme un moindre mal, par rapport aux positions adoptées par MM. Franck Borotra et Nicolas About, de confier dans tous les cas à la SNCF la gestion de l'infrastructure dépendant du nouvel établissement public.
Etant donné l'importance de ce point, nous demandons un scrutin public.
M. le président. Par amendement n° 29, M. Haenel, au nom de la commission des finances, propose de compléter le premier alinéa de l'article 3 par une phrase ainsi rédigée :
« Dans le cadre des objectifs du groupe, ces filiales ont une gestion financière autonome elles ne peuvent pas recevoir les concours financiers de l'Etat mentionnés à l'article 12. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 276, présenté par Mme Luc, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 29 de la commission des finances, après le mot : « autonome », à ajouter les mots : « et contribuent à l'apurement de la dette de la Société nationale des chemins de fer français au 31 décembre 1996. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 29.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cet amendement a pour objet de bien clarifier les dispositions de l'article 3, afin d'éviter tout malentendu ou équivoque.
Je rappelle qu'il est spécifié que l'établissement Réseau ferré de France pourra créer des filiales s'il en éprouve le besoin et je précise à mes collègues qu'il s'agira de véritables filiales de RFF, et non de filiales privées ou privatisées comme certains le craignent.
Cependant, il faut prévoir une autonomie de ces filiales par rapport à l'Etat afin qu'elles ne puissent pas recevoir de concours financiers de celui-ci. Dans un souci de transparence et de cohérence, c'est donc RFF qui doit recevoir les concours financiers de l'Etat et s'en arranger avec ses filiales. Je rappelle que c'est déjà le cas pour la SNCF aux termes de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982. Par cet amendement, la commission des finances souhaite parvenir à un parallélisme des formes entre RFF et la SNCF, en respectant la lettre et l'esprit de la loi d'orientation des transports intérieurs.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre le sous-amendement n° 276.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ce sous-amendement prévoit, à défaut de pouvoir retenir le principe de la non-création de filiales, de mettre les filiales éventuellement créées par le nouvel EPIC, établissement public à caractère industriel et commercial, en situation de participer aux missions assignées à cet établissement.
Nous avons indiqué, lors de l'examen de l'article 1er, notre position de fond en ce qui concerne ces missions dévolues au nouvel EPIC.
Si l'on peut concevoir que l'EPIC soit gestionnaire de l'infrastructure - ce n'est pas un cadeau à lui faire, puisque la comptabilité fonctionnelle de la SNCF qui existe depuis 1990 fait du compte d'infrastructure le principal élément de difficulté financière de la Société nationale - on ne peut oublier qu'il y a lieu de mettre cet établissement en situation d'accomplir effectivement une autre mission, celle de contribuer à l'apurement de la dette de la SNCF.
Nous avons également souligné, dans la discussion des précédents amendements portant sur cet article 3, que la création de filiales du nouvel établissement public pouvait avoir comme raison d'être de permettre une sorte de cantonnement ou d'isolement des poches de déficit d'infrastructure.
Pour autant, si on crée des filiales, il est assez évident que se pose immédiatement la question de leur capitalisation.
Comment fera-t-on ? Va-t-on, par exemple, démembrer les capitaux propres du nouvel EPIC en apportant aux filiales dédiées la valeur des actifs transférés et mixer cet apport avec des concours en capital financier accordés par des entreprises privées ou par des collectivités publiques ?
On peut ainsi fort bien imaginer que, à la suite de la création d'une filiale gestionnaire d'un réseau régional de transport de voyageurs, on vienne demander aux collectivités locales de mettre un peu d'argent - c'est un euphémisme - dans le capital de ladite filiale, quitte à devoir renoncer, avant une échéance plus ou moins longue, à tout versement de participation aux résultats.
De la même manière, on peut fort bien concevoir que les collectivités locales seront sollicitées pour accorder leurs garanties à la levée d'emprunts ouverts par l'EPI au profit de sa filiale régionale.
L'amendement de la commission a le mérite de la clarté : il situe en fait assez clairement le sens dans lequel on souhaite faire tendre la filialisation des activités. C'est le sens d'une mixité des financements au plus près à partir d'un engagement des collectivités territoriales - nous venons de le voir - ou des entreprises - là, il est à craindre que l'on ne se trouve confronté à des problèmes de rémunération, sous quelque forme que ce soit, de l'investissement en capital.
Les filiales n'ont, pour notre part et en dernier lieu, de sens que si elles permettent effectivement d'atteindre des objectifs d'apurement de la dette de long terme transférée au nouvel EPIC.
Elles n'ont de sens que pour mutualiser des coûts, pour permettre des économies d'échelle dans le cadre du gestionnaire d'infrastructure et pour envisager des solutions appropriées et socialement acceptables et efficaces aux questions de la gestion de notre réseau ferroviaire et de son développement futur.
Elles doivent donc contribuer à répondre aux objectifs d'apurement de la dette de la SNCF. C'est l'objet de ce sous-amendement, que je vous invite, mes chers collègues, à adopter.
M. le président. Pour la clarté du débat, il convient de statuer dès à présent sur le sous-amendement n° 276.
Quel est donc l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. François Gerbaud, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 276, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Les trois amendements suivants sont présentés par MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 135 tend à compléter in fine la première phrase du second alinéa de l'article 3 par les mots : « et pour ce qui est de son ressort au contrôle de la Cour des comptes. »
L'amendement n° 136 vise, après la première phrase du dernier alinéa de l'article 3, à insérer une phrase rédigée comme suit :
« Les dispositions de la loi n° 94-631 complétant le code du domaine de l'Etat et relative à la constitution de droits réels sur le domaine public ne sont applicables ni à Réseau ferré national, ni à la Société national des chemins de fer français. »
L'amendement n° 129 a pour objet, au début de la seconde phrase du second alinéa de l'article 3, après les mots : « un décret en Conseil d'Etat », d'insérer les mots : « après avis des organisations syndicales représentatives du personnel de l'établissement ».
La parole est à M. Billard, pour défendre l'amendement n° 135.
M. Claude Billard. L'article 3 du projet de loi prévoit que RFF, en matière de gestion financière et comptable, est soumis aux règles applicables aux entreprises industrielles et commerciales.
Nous souhaitons ajouter au premier alinéa de cet article que RFF sera soumis au contrôle de la Cour des comptes.
Vous me répondrez que cela va de soi s'agissant de l'établissement public industriel et commercial ainsi créé, mais...
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Ce qui va sans dire va encore mieux en le disant !
M. Claude Billard. ... nous pensons que cela va mieux en l'écrivant.
Tout le monde connaît le rôle important de la Cour des comptes qui, dans son rapport annuel, fournit toujours un remarquable éclairage sur les dysfonctionnements de l'Etat, des collectivités locales et des entreprises publiques.
Ce rapport est remis chaque année par le premier président de cette institution au Président de la République et est déposé sur le bureau des deux chambres du Parlement.
La Cour des comptes joue ainsi un rôle de commissaire aux comptes et d'audit des administrations.
Elle transmet un dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière si elle découvre non pas des erreurs de gestion, mais des délits comptables.
On note qu'en 1995 le nombre des affaires déférées à la Cour de discipline budgétaire et financière a augmenté : trente-trois contre vingt et une en 1994.
En dehors de cette procédure, la Cour des comptes fait également des remarques importantes sur les dysfonctionnements administratifs, invitant les administrations concernées à en tirer les conséquences.
C'est ainsi que le rapport de 1996 a critiqué sévèrement le dispositif des contrats emploi-solidarité - CES - dont les principes ont été dévoyés afin de contenir la progression du chômage dans les statistiques.
Aussi la Cour des comptes a-t-elle demandé que les agences nationales pour l'emploi jouent un rôle accru dans le placement des CES.
C'est donc parce que la Cour des comptes a pour rôle de relever notamment les erreurs, les gaspillages et les surcoûts dans le fonctionnement de l'Etat, des entreprises publiques et des collectivités locales que nous souhaitons voir préciser dans le texte de loi que l'EPIC sera effectivement soumis au contrôle de la Cour. Tel est l'objet de cet amendement.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. C'est un coup de chapeau à la Cour des comptes !
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 136.
M. Guy Fischer. Cet amendement tend à interdire que les dispositions de la loi n° 94-631 complétant le code du domaine de l'Etat et relative à la constitution de droits réels sur le domaine public soient applicables à RFF et à la SNCF.
Que prévoit cette loi ?
Cette loi, contre laquelle les sénateurs de mon groupe avaient voté, permet la constitution de droits réels sur le domaine de l'Etat, laissant ainsi aux investisseurs une liberté de manoeuvre encore plus grande, le domaine public devenant du même coup un espace privilégié pour de puissants intérêts privés.
En clair, ce texte permet d'ouvrir la porte à une véritable privatisation.
De plus, la loi de 1994 vise à insérer pleinement notre pays dans la mise en place de l'acte unique européen, en supprimant tout ce qui fait la spécificité française et qui pourrait entraver l'application du traité de Maastricht.
Elle a également comme objet de faciliter la libre circulation des capitaux et la mainmise des capitaux étrangers sur des biens de la nation.
A l'époque, mon ami Robert Pagès, s'exprimant dans la discussion générale, évoquait la situation de la SNCF en ces termes : « Si l'on prend maintenant l'exemple des plates-formes ferroviaires, force est de constater que la SNCF privilégie le "tout-TGV" et néglige toutes les autres liaisons. Pourquoi agit-elle ainsi ? Elle se trouve prise dans une course à l'Europe, et ce dans un contexte financier difficile. Il en résulte que certaines voies et gares voient leur existence menacée et que les plates-formes de triage vont jusqu'à être désaffectées. »
Il poursuivait ainsi : « Verra-t-on la SNCF confier ses emprises ferroviaires périurbaines à des promoteurs immobiliers ? Ainsi, on ouvre grand la porte aux sociétés privées, faisant reculer du même coup le service public et le statut social du personnel. Qui oserait nier que l'on offre ainsi à de puissants prédateurs spéculatifs des biens de la nation comme autant de proies ? »
Nous étions, à l'époque, pour le stato quo , avec éventuellement quelques aménagements, sans pour autant mettre en cause la domanialité publique ni engager une déréglementation ayant pour conséquence de mettre en concurrence des emplois dotés d'un statut avec d'autres dépourvus des garanties sociales équivalentes.
Comme vous pouvez le constater, nos interrogations et remarques d'hier sont toujours d'actualité.
Vous comprendrez dès lors que, soucieux de garantir les biens de la collectivité contre toute dilapidation, contre tout démembrement de la propriété de l'Etat, contre tout dépeçage du fonds patrimonial de la nation, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen proposent un amendement visant à préciser que la loi de 1994 n'est applicable ni à RFF ni à la SNCF.
Notre démarche se trouve à l'opposé de celle du Gouvernement, qui préfère privatiser - j'allais dire « brader » - les établissements publics ou les transformer en sociétés à capitaux mixtes plutôt que de sauvegarder la libre disposition pour les générations futures.
Sous le bénéfice de ces observations, nous soumettons cet amendement à votre appréciation, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 129.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement est très proche, par son contenu, d'un autre amendement que notre groupe a déposé à l'article 2.
Le présent amendement prévoit en effet que le décret qui précisera « les règles de gestion financière, comptable et domaniale qui lui sont applicables, ainsi que les modalités du contrôle de l'Etat » ne pourra être pris qu'après avis des organisations syndicales.
L'importance des mesures renvoyées à ce décret est suffisamment évidente pour que je ne m'y attarde pas et je souhaite concentrer mon argumentation sur la nécessité d'une concertation avec les organisations syndicales représentatives de cheminots.
Les agents de la SNCF expriment leur besoin de démocratie et leur aspiration à être partie prenante des décisions concernant leur vie, leur avenir et celui de leurs enfants. Ce besoin, qui était largement apparu lors des mouvements sociaux de novembre et de décembre 1995, n'a pas disparu, je crois même qu'il s'est renforcé.
Le désir des cheminots d'être consultés sur l'ensemble du projet et sur les décrets qui lui sont liés est très fort, vous le savez, monsieur le ministre.
Bien sûr, le Gouvernement a dû concéder, face à l'action, le principe d'un débat national permettant de définir la politique ferroviaire du pays dans les prochaines années.
Ce ne peut évidemment pas être l'affaire, et vous le reconnaissez, de quelques spécialistes ou « experts » en économie des transports, encore moins celle des élites européennes.
Notre amendement ne vise donc qu'à répondre aux exigences de démocratie qui se développent à l'intérieur de la SNCF.
Notons au passage que le Gouvernement ne répond pas à ces exigences au niveau auquel les salariés les ont portés à la SNCF.
En tout cas, il nous semble que le Gouvernement, puisqu'il affirme privilégier le débat, doit aller plus loin et doit accepter que les décrets liés au présent projet de loi soient, avant leur publication, soumis à l'avis des organisations syndicales.
Les organisations syndicales ont fait preuve de leur esprit de responsabilité ; nous pouvons et nous devons leur faire confiance. Selon nous, c'est une condition nécessaire de la transparence et de la démocratie. C'est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, d'approuver cet amendement.
M. le président. Madame Beaudeau, vous avez dit que l'amendement que vous défendiez était un amendement de coordination avec un autre amendement. Comme ce dernier a été repoussé, on aurait pu, à la limite, considérer que la question était tranchée.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Peut-être pas. La nuit porte conseil...
M. le président. Je vous ai laissé l'exposer par courtoisie.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements n'émanant pas d'elle ?
M. François Gerbaud, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements n°s 130, 131 et 132 - nous ne sommes pas des législateurs sans frontière, cela relève du pouvoir réglementaire - ainsi que sur les amendements n°s 133 et 134. En revanche, elle est favorable à l'amendement n° 29. Par ailleurs, elle s'oppose aux amendements n°s 135, 136 et 129.
Je suis l'objet de citations nombreuses, ce dont je suis fort flatté. Cela étant, tout à l'heure, à l'occasion de l'examen de l'amendement n° 130, M. Billard a cité un extrait de mon rapport écrit, concernant les relations avec l'Europe. Je rappellerai que, à la page 40 de ce rapport figure le principe suivant : « La directive n° 91-440, soit, mais rien que la directive ». Voilà qui est clair. (Mme Heinis, MM. Chérioux et Le Grand applaudissent.)
M. le président. Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure citation pour terminer votre exposé, car cela a laissé quelques souvenirs !
Monsieur le ministre, quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 55, car il souhaite voir appliquer au nouvel établissement public les mêmes règles de gestion financières et comptables que celles qui sont appliquées à la SNCF. Il en est de même, s'agissant de l'amendement n° 127.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 130, car, pour un bon accomplissement de sa mission, RFF peut souhaiter créer des filiales, comme la SNCF l'a fait depuis sa création. Il est défavorable à l'amendement n° 131 pour les mêmes raisons.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 132, car cette proposition introduit une contrainte inopportune, donc très lourde.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 133, et ce pour les mêmes arguments.
Il est également défavorable à l'amendement n° 134, car les rôles de la SNCF et de RFF sont bien définis dans la LOTI et dans le présent projet de loi, y compris en ce qui concerne la gestion de l'infrastructure.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 29, bien qu'il pense qu'une telle disposition pourrait se réveler contraignante à l'avenir.
Il émet un avis défavorable sur l'amendement n° 135, qui vise à prévoir une disposition inutile dans la mesure où l'intervention de la Cour des comptes est de plein droit.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 136 ; en effet, cette disposition pourrait faire obstacle à une gestion dynamique du domaine des deux établissements.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 129. Je me suis déjà exprimé sur la concertation avec les organisations syndicales.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 55 et 127, repoussés par la commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 130, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 131, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 132, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 133, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 134, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 75:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 94 |
Contre | 223 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, accepté par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 135, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 136, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 129, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 3