M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, votre plan, conçu en juillet dernier, prévoit le transfert au Crédit immobilier de France d'une partie des activités du Crédit foncier et le licenciement de près de la moitié de son personnel. Il ne peut aboutir qu'au démantèlement de cet établissement.
Les salariés de ce véritable pilier de l'Etat luttent depuis plus d'un an pour sauver leur emploi et l'intégrité de leur entreprise et pour obtenir le retrait de ce plan. Ils veulent préserver l'accomplissement des missions d'intérêt général que le Crédit foncier assure en de nombreux domaines, notamment en ce qui concerne la construction de logements sociaux.
Ainsi, malgré un environnement difficile, les salariés du Crédit foncier, par leur travail et leur savoir-faire, viennent de montrer, s'il en était besoin, que leur entreprise peut et doit vivre. En effet, en 1996, l'établissement a dégagé un milliard de francs de bénéfices et a contribué à la construction de 50 000 logements sociaux.
De plus, il dispose aujourd'hui d'un encours de prêts hypothécaires de 400 milliards de francs dans le seul domaine de l'accession sociale à la propriété.
Si le Gouvernement s'acharne à programmer son démantèlement, c'est qu'il a décidé d'abandonner toute véritable politique sociale du logement et de satisfaire coûte que coûte aux critères de convergences imposés par le traité de Maastricht et le passage à la monnaie unique.
En effet, avec la suppression des prêts aidés pour l'accession à la propriété, les PAP, les collectivités locales sont confrontées à des difficultés supplémentaires pour monter des opérations de construction de logements mixtes destinés à accueillir à la fois des accédants à la propriété et des locataires.
Cette véritable curée menée contre la politique sociale du logement se complique d'un manque de transparence, qui a été relevé non seulement par les parlementaires communistes,...
M. Philippe François. C'est ringard !
Mme Nicole Borvo. ... qui ont demandé la constitution d'une commission d'enquête sur le Crédit foncier,...
M. Philippe François. Vous avez un siècle de retard !
Mme Nicole Borvo. ... mais aussi par de nombreux observateurs.
Ainsi, un article d'un journal économique soulignait ce matin que « la transparence n'a jamais été faite sur la situation financière réelle du Crédit foncier. Le ministre de l'économie s'est même battu pour éviter la création d'une commission d'enquête parlementaire sur la gestion passée du Crédit foncier. »
Les salariés du Crédit foncier ont consenti hier un geste significatif.. Il appartient maintenant aux pouvoirs publics de faire un pas dans la bonne direction.
Plusieurs sénateurs du RPR. La question ! La question !
M. le président. Veuillez poser votre question, madame Borvo.
Mme Nicole Borvo. Ma question sera brève, monsieur le ministre : allez-vous retirer votre plan et écouter les salariés qui poursuivent dans l'unité, avec détermination et courage, l'occupation du siège parisien de l'établissement ? Ils sont soutenus par des milliers de salariés du secteur financier qui se sentent également concernés et ils bénéficient de la sympathie de la population. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées socialistes et du RDSE.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Madame le sénateur, je souhaiterais rétablir la vérité, ...
M. Gérard Delfau. Nous aussi !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Acceptez la création d'une commission d'enquête !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finannces. ... et je ne vois pas pourquoi vous faites référence à des licenciements. En effet, le Gouvernement se bat pour éviter les licenciements secs.
La situation actuelle du Crédit foncier de France résulte de deux égarements.
Tout d'abord - premier égarement - le gouvernement socialiste l'a encouragé, à partir de 1988, ... (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR. - Rires et exclamations sur les travées socialistes.)
M. Aubert Garcia. Vous remontez au déluge !
M. Guy Fischer. C'est le prêt à taux zéro !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... à se livrer à des opérations spéculatives qui nous ont obligés, en 1995, dans un souci de transparence, à faire apparaître la situation réelle, c'est-à-dire une perte de près de 11 milliards de francs.
M. Gérard Delfau. Et le prêt à taux zéro ?
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Le second égarement, madame le sénateur, c'est d'avoir engagé le Crédit foncier de France à s'écarter de la vocation qui est la sienne, à savoir le financement du logement social. Voilà où nous en sommes, voilà l'héritage que nous avons à assumer ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR. - Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jacques Mahéas. C'est vous qui avez supprimé les PLA, c'est scandaleux ! C'est vous qui avez coupé les pattes au Crédit foncier !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie des finances. Aujourd'hui, madame le sénateur, le Crédit foncier de France ne peut poursuivre seul son activité ; il lui faut un partenaire, et le Gouvernement est disposé à entendre tous les candidats. Jusqu'à présent, un seul s'est déclaré...
M. Gérard Delfau. Vous les avez découragés !
M. Jean Arthuis. ministre de l'économie et des finances. ... et il convient donc d'étudier avec lui selon quelles modalités peut être élaboré un projet qui préserve la situation des salariés du Crédit foncier de France. C'est cela, la préoccupation du Gouvernement ! (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Philippe François. Malgré la gauche !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Laissez-moi vous dire, madame le sénateur, que, voilà un an, la situation était telle que le Crédit foncier de France ne pouvait plus emprunter et qu'il a fallu le concours de la Caisse des dépôts et consignations pour lui permettre d'obtenir 20 milliards de francs.
M. Gérard Delfau. L'argent a été rendu !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Voilà un an, le Crédit foncier de France était en faillite. (Protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Le Gouvernement a assumé ses responsabilités pour assurer la pérennité et maintenir l'emploi. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Hier, nous sommes enfin sortis d'une situation qui était en marge de la légalité, à savoir la séquestration du Gouverneur et des membres du comité exécutif.
M. Gérard Delfau. C'est votre faute et votre responsabilité !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. C'est en effet depuis hier après-midi que les conditions du dialogue sont enfin réunies.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Les employés du CCF vous aident à trouver la solution !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Je souhaite que M. Rouvillois, qui a été désigné par M. le Premier ministre pour faciliter ce dialogue, dispose de toutes les informations, de tous les moyens dont il a besoin, et je m'engage à ce qu'il en soit ainsi pour une opération de transparence.
Une commission d'enquête, madame le sénateur, n'est pas nécessairement le gage d'une parfaite transparence. (Exclamations sur les travées socialistes et celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jacques Mahéas. Ça alors !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. J'ai à l'esprit la commission d'enquête sur le Crédit Lyonnais. (Sourires sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.) Il a fallu engager des actions judiciaires. Permettez-moi de vous dire que c'est sur la base du rapport de la Cour des comptes que j'ai pu saisir M. le garde des sceaux.
M. Gérard Delfau. Merci pour nos collègues députés !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Voilà où nous en sommes.
Nous sommes préoccupés par la transparence. Il y a au sein de la commission des finances du Sénat comme de celle de l'Assemblée nationale, des rapporteurs spéciaux qui ont des pouvoirs illimités d'investigation sur place et sur pièces. Je ferai en sorte que la transparence soit établie et que les faits susceptibles d'être poursuivis devant les juridictions...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Sous la pression !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. ... soient soumis en effet aux juridictions pénales. C'est l'engagement que j'ai pris devant l'Assemblée nationale et je le réitère aujourd'hui devant le Sénat.
Mme Hélène Luc. Il faut faire participer les employés du CFF à la commission d'enquête !
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances. Nous sommes préoccupés par le devenir des salariés du Crédit foncier de France. Madame le sénateur, je vous mets au défi d'affirmer que le Gouvernement a imaginé un seul instant qu'il puisse y avoir des licenciements secs. Nous nous préoccupons, croyez-le bien, de la situation des salariés du Crédit foncier de France. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ils pensent le contraire !
Mme Nicole Borvo. Il y a des précédents !
SITUATION DU CRÉDIT FONCIER DE FRANCE (suite)