M. le président. « Art. 56 bis . - Il est inséré, après l'article 342 du même code, un article 342-1 ainsi rédigé :
« Art. 342-1 . - Si un témoin ou un expert cité devant la cour d'assises n'est pas présent à l'audience, le président ordonne, d'office ou à la demande du ministère public ou d'une partie, qu'il soit procédé à l'audition de l'enregistrement sonore de la déposition de ce témoin ou cet expert intervenue le cas échéant devant le tribunal d'assises. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 252, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer cet article.
Les trois amendements suivants sont présentés par M. Jean-Marie Girault, au nom de la commission.
L'amendement n° 291 a pour objet, dans le texte présenté par l'article 56 bis pour l'article 342-1 du code de procédure pénale, de remplacer le mot : « Si » par les mots : « S'il constate qu' » et les mots : « n'est pas présent » par les mots : « est dans l'impossibilité absolue d'être présent ».
L'amendement n° 91 tend, dans le texte présenté par l'article 56 bis pour l'article 342-1 du code de procédure pénale, à remplacer les mots : « ou un expert » par les mots : « , un expert ou une personne entendue à titre de renseignements ».
L'amendement n° 92 vise, dans le texte présenté par l'article 56 bis pour l'article 342-1 du code de procédure pénale, à remplacer le mot : « ordonne » par les mots : « peut ordonner ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 252.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ne s'agit pas, ici, de coordination, puisque nous sommes devant la cour d'assises.
Il y a eu appel, et l'article 56 bis du projet de loi dispose : « Si un témoin ou un expert cité devant la cour d'assises n'est pas présent à l'audience, le président ordonne, » - ou, comme le propose la commission, « peut ordonner » - « d'office ou à la demande du ministère public ou d'une partie, qu'il soit procédé à l'audition de l'enregistrement sonore de la déposition de ce témoin ou cet expert intervenue le cas échéant devant le tribunal d'assises. »
C'est précisément ce que nous ne voulons pas ! L'appel est intervenu. On recommence le procès. Dans ces conditions, les témoins et experts doivent être entendus devant la cour d'assises, comme ils l'ont été devant le tribunal.
Nous entendons bien qu'il peut y avoir des cas particuliers : ainsi, lorsque l'intéressé est décédé et, qu'à titre de renseignement, soit rappelé ce qu'il avait dit.
En revanche, si le témoin ou l'expert peuvent se présenter, ils doivent le faire, parce qu'ils peuvent dire très exactement le contraire de ce qu'ils avaient dit devant le tribunal. Il arrive que les témoins ou les experts, expliquant qu'ils avaient été mal compris, tiennent à préciser leur pensée !
Nous voulons donc éviter que les témoins ou les experts considèrent qu'il est inutile de revenir déposer sous prétexte qu'ils l'ont déjà fait, qu'il a été procédé à un enregistrement et qu'il suffira de l'écouter.
Suivre ce raisonnement reviendrait à sacrifier le débat devant la cour d'assises.
Ce n'est évidemment pas concevable. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cette disposition. Si les débats recommencent, ils doivent recommencer pleinement, avec l'audition et des témoins et des experts.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 291, 91 et 92, et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 252.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. La commission des lois a eu, ce matin, un débat sur ce problème.
Il est tout à fait exact que la tonalité d'un témoignage peut varier par rapport à ce qui a été dit devant le tribunal d'assises. Nous avons donc pensé que la solution raisonnable était de n'admettre l'audition de l'enregistrement réalisé devant le tribunal d'assises que lorsque le témoin se trouve dans l'impossibilité absolue d'être présent en appel, par exemple s'il est décédé entre-temps ou s'il est gravement malade ou très éloigné, malgré sa volonté de venir.
Nous avons donc déposé un amendement qui évoque l'impossibilité absolue pour le témoin d'être présent, et nous en avons déposé un autre qui laisse au président le soin d'apprécier la situation.
Le dépôt de ces deux amendements nous conduit à émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 252, défendu il y a un instant par notre collègue M. Dreyfus-Schmidt.
En résumé, l'amendement n° 91 tend à étendre la faculté pour la cour d'assises d'entendre l'enregistrement de la déposition faite devant le tribunal par une personne absente à l'audience de la cour. Quant à l'amendement n° 92, je l'évoquais voilà un instant, il tend à donner la faculté au président d'ordonner l'audition de l'enregistrement alors que le projet de loi lui impose cette audition.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Satisfaits par l'esprit des amendements de la commission, nous retirons l'amendement n° 252.
M. le président. L'amendement n° 252 est retiré compte tenu de la clarté des explications de M. le rapporteur. (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Explications inspirées par notre amendement ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 291, 91 et 92 ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je suis favorable à l'amendement n° 291. Toutefois, je ne suis pas sûr que le qualificatif « absolue » ait une réelle valeur juridique, et je pense que « impossibilité » tout court suffirait.
Quoi qu'il en soit, je suis d'accord sur le sens de la proposition de la commission non seulement pour l'amendement n° 291, mais également pour les amendements n°s 91 et 92.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 291.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour la suite des travaux, notamment devant l'Assemblée nationale, je voudrais souligner la nécessité de l'adjectif « absolue ». En effet, si l'intéressé est absent parce qu'il assiste à un baptême ou à un mariage, cette raison ne suffira pas pour que lecture de sa déposition soit donnée.
Il faut vraiment que l'impossibilité soit absolue, et c'est le président qui appréciera s'il en est ainsi ou non.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s'agit là, en effet, d'un amendement tout à fait important et souhaitable. En effet, le principe absolu - ai-je besoin de le rappeler ? - est que l'audience criminelle soit orale afin que les jurés puissent forger leur conviction.
A cet égard, nous savons tous que ce qui importe n'est pas seulement le contenu d'une déposition, mais aussi la voix, le visage, l'hésitation à répondre, les contradictions possibles qui survienent entre ce qui est dit et ce que l'on aurait éventuellement voulu dire. C'est tout cela qui constitue la vie même de l'audience criminelle ! Il est donc tout à fait souhaitable que cette disposition soit prise.
S'agissant de l'adjectif « absolue », M. le garde des sceaux pense que ce n'est peut-être pas le meilleur qualificatif. M. Michel Dreyfus-Schmidt a souligné, à juste titre, que cela ne pouvait pas être laissé à la convenance de celui qui est cité. Au cours de la navette, nous aurons sans doute la possibilité d'améliorer le texte en évoquant la possibilité, pour celui qui ne défère pas, de justifier de son impossibilité de déférer.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Sans vouloir prolonger la discussion, il est tout à fait clair que si le président a la faculté d'ordonner, cela s'oppose à l'injonction qui lui est faite, en quelque sorte, et à laquelle il ne peut échapper, par l'épithète « absolue ».
J'ajoute qu'il n'existe qu'une seule impossibilité absolue, celle où le témoin est décédé entre la première instance et l'audience en cour d'appel.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le témoin peut être à l'hôpital en réanimation !
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Tout est relatif ! On suspend alors la procédure et on attend qu'il puisse venir témoigner.
M. Robert Badinter. S'il est en salle de réanimation !...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'avais proposé que l'on parle de cas de force majeure !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 291, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 91, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 92, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 56 bis , modifié.
(L'article 56 bis est adopté.)
Article 56 ter