M. le président. « Art. 71. - Il est inséré, après l'article 361 du même code, un article 361-1 ainsi rédigé :
« Art. 361-1 . - Si, lorsqu'il est fait application des dispositions de l'article 349-1, la cour d'assises a répondu positivement à la première question et négativement à la seconde question, elle déclare l'accusé coupable. Si elle a répondu négativement à la première question ou positivement à la seconde question, elle déclare l'accusé non coupable. »
Par amendement n° 290, le Gouvernement propose :
I. - Après le texte présenté par cet article pour l'article 361-1 du code de procédure pénale, d'insérer un article 361-2 ainsi rédigé :
« Art. 361-2. - Après qu'il a été répondu aux questions posées en application de l'article 356, la cour d'assises statue sur les éléments à charge ou à décharge. En cas d'acquittement, l'approbation par quatre personnes suffit à leur adoption. »
II. - En conséquence, à la fin du premier alinéa de cet article, de remplacer les mots : « un article 361-1 ainsi rédigé » par les mots : « deux articles 361-1 et 361-2 ainsi rédigés ».
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Il s'agit d'un amendement de coordination avec le texte qui a été adopté après un long débat par le Sénat, voilà quinze jours, concernant la motivation devant le tribunal criminel.
En effet, ce texte prévoit effectivement des explications, les éléments à charge et à décharge qui ont convaincu le tribunal criminel.
Il s'agit maintenant de faire de même pour la cour d'assises. Nous poursuivons notre objectif, à savoir rendre explicables et explicites les décisions rendues en matière criminelle, que ce soit devant le tribunal criminel ou devant la cour d'assises.
Nous aurons certainement l'occasion de revenir sur ce point au cours de la navette. Je crois que notre dispositif est équilibré. Il respecte - c'est le point essentiel - le secret de tous les votes, qu'il s'agisse du secret du vote sur les questions relatives à la culpabilité ou du vote sur les éléments à charge et à décharge dans le texte de la motivation. Il s'agit là d'un des points auxquels le Sénat est très attaché.
Il n'y a donc plus de différé dans l'adoption des éléments à charge et à décharge, les jurés pourront explicitement dire à tous, et particulièrement au peuple au nom duquel la justice est rendue, pourquoi la décision a été prise de la culpabilité et pourquoi la décision a été prise de la peine.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 290.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sur la forme, je me souviens de notre position sur cette question des éléments à charge ou à décharge, mais je ne me souviens pas que le Sénat ait prévu, en ce qui concerne le tribunal, en cas d'acquittement, que l'approbation par quatre personnes soit suffisante. D'ailleurs, mieux vaudrait dire « quatre voix », car l'expression « quatre personnes » me paraît curieuse, même si elle s'applique à la fois aux membres de la cour proprement dite et aux membres du jury.
Cela dit, nous sommes opposé à cet amendement, ne serait-ce que par coordination !
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Mes chers collègues, vous vous souvenez que la question de la motivation a été au coeur de nos débats, voilà trois semaines. A cet égard, il est évident que, par rapport au texte tel qu'il a été soumis au Sénat, des progrès importants ont été réalisés.
Cependant, l'amendement qui a été adopté sous forme d'accord transactionnel, ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire et comme je le crois profondément, ne satisfait pas du tout aux exigences de la cour d'assises. Cela ne fonctionnera pas !
Le système proposé consiste à demander aux jurés de se prononcer d'abord sur la question essentielle, le fait principal : par exemple, l'accusé a-t-il commis un homicide volontaire ? Il leur est ensuite demandé de statuer sur les éléments à charge ou à décharge.
C'est un processus que la logique même contredit. Demander aux jurés de dire si l'accusé est coupable et s'ils le déclarent tel, leur demander ensuite d'expliquer pourquoi ils l'ont considéré comme coupable me paraît être une démarche, contraire à la logique et au principe de l'intime conviction.
A mon avis, la formule qui avait été proposée par la commission des lois était meilleure. La logique et la simple bonne administration de la délibération commandent que soient posées les questions portant sur les éléments de preuve, qui commandent la décision sur la culpabilité elle-même, et auxquelles les jurés seront appelés à répondre par oui ou par non.
Nous proposons donc de décomposer aussi à propos d'un homicide volontaire, les questions :
Premièrement : « X - l'accusé, a-t-il tiré ? » Oui ou non !
Deuxièmement : « L'expertise balistique a-t-elle prouvé que les balles tirées par le pistolet saisi chez X étaient celles qui avaient causé la mort ? »
Troisièmement : « Résulte-t-il des témoignages que l'homicide a été prémédité ? »
A chaque question, je le répète, il doit être répondu par oui ou par non.
Nous apportons ainsi satisfaction à la préoccupation des auteurs du projet de loi : il s'agit de comprendre par quel cheminement, de preuve en preuve, les jurés ont été amenés à prendre leur décision. L'intime conviction est respectée puisque c'est par oui ou par non qu'ils répondent aux questions posées.
Nous établissons un processus logique. Les jurés répondent sur les éléments de preuve et en tirent les conclusions.
Je suis convaincu que nous reviendrons sur cette question au cours de la navette afin de trouver les meilleurs moyens pour résoudre au mieux ce qui constitue indiscutablement, sur un plan juridique et pratique, la difficulté la plus grande quant à la mise en oeuvre du double degré de juridiction en matière criminelle.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Voilà quelques instants, notre collègue M. Dreyfus-Schmidt disait ne pas se souvenir que le problème du nombre de voix requis en cas d'acquittement avait été abordé à propos du tribunal. Je veux donc simplement rafraîchir les mémoires.
Le texte qui vise le tribunal d'assises a été voté au cours de la séance publique, sur proposition du Gouvernement.
Il est ainsi rédigé : « Après qu'il a été répondu aux questions posées en application de l'article 231-127, le tribunal criminel statue sur les éléments à charge ou à décharge. En cas d'acquittement, l'approbation par trois personnes suffit à leur adoption. »
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ne croyez-vous pas qu'il vaudrait mieux écrire « trois voix » au lieu de « trois personnes », surtout s'agissant d'un vote secret ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Je veux simplement confirmer ce que vient de dire M. le rapporteur : puisqu'il faut trois voix au tribunal, il en faut quatre à la cour d'assises. Voilà l'explication de ce texte.
Je précise naturellement que si, dans le cours de la navette, je réussissais à faire en sorte que le Parlement adopte le nombre de huit voix pour la condamnation, et non pas de neuf comme cela a été évoqué voilà un instant, nous devrions alors, par coordination, remplacer quatre par cinq.
Je veux souligner par là que le Gouvernement n'est pas favorable à quatre voix. S'il l'a inscrit, c'est par logique mathématique, mais sa position est respectivement de huit et de cinq.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 290, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 71, ainsi modifié.
(L'article 71 est adopté.)
Article 72