M. le président. « Art. 2. - Il est inséré dans le code électoral un article L.O. 228-1 ainsi rédigé :
« Art. L. O. 228-1. - Sont en outre éligibles au conseil municipal ou au Conseil de Paris les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne autres que la France qui :
« a) Soit sont inscrits sur la liste électorale complémentaire de la commune ;
« b) Soit remplissent les conditions légales autres que la nationalité française pour être électeurs et être inscrits sur une liste électorale complémentaire en France et sont inscrits au rôle d'une des contributions directes de la commune ou justifient qu'ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l'année de l'élection. »
Par amendement n° 11, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article L.O. 228-1 du code électoral :
« Sont en outre éligibles au conseil municipal ou au Conseil de Paris les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne autres que la France dont l'Etat d'origine accorde aux Français qui y résident un droit d'éligibilité équivalent dans les conditions prévues par le traité sur l'Union européenne et selon sa législation nationale propre, et qui : ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement, n° 12, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de compléter le texte présenté par l'article 2 pour l'article L.O. 228-1 du code électoral par un alinéa ainsi rédigé :
« Les membres du Conseil de Paris qui n'ont pas la nationalité française ne peuvent pas siéger à ce conseil lorsqu'il se réunit en qualité de conseil général. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 30, présenté par M. Allouche et les membres du groupe socialiste et apparentés, et visant à compléter le texte proposé par l'amendement n° 12 pour le dernier alinéa de l'article L.O. 228-1 du code électoral par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, ils sont remplacés par le candidat français venant immédiatement après le dernier candidat élu de la liste sur laquelle ils se sont présentés à l'élection au Conseil de Paris. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 12.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Cet amendement a trait au cas particulier des membres du Conseil de Paris qui n'auraient pas la nationalité française et qui ne pourraient pas siéger à ce conseil lorsqu'il se réunit en qualité de conseil général.
Il s'agit donc du statut très particulier de la ville de Paris, ainsi que nos collègues l'ont fait observer. Il convient effectivement de tenir compte de la particularité de ce statut.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Allouche, pour défendre le sous-amendement n° 30.
M. Guy Allouche. Il s'agit d'un sous-amendement de conséquence à l'amendement n° 12.
Nous avons pensé qu'il fallait assurer la permanence de l'effectif au Conseil de Paris siégeant en qualité de conseil général. Etant donné qu'il y aura peut-être un jour des conséquences d'ordre politique quant à l'équilibre des forces en présence au Conseil de Paris, il nous a paru nécessaire de faire en sorte que les conseillers de Paris européens non français qui y siègent soient remplacés par des conseillers français lorsque le Conseil de Paris siège en qualité de conseil général.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 30 ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je l'ai rappelé tout à l'heure ; je crois être, avec la permission de M. Allouche, le père naturel de cet enfant dont il est le père légitime et je ne puis donc, dans ces conditions, que l'aimer encore plus !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On ne s'en vante pas, en général ! (Sourires.)
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Certes, mais dans ce domaine il y a des exceptions ! Vous savez, les moeurs évoluent rapidement !
Quoi qu'il en soit, la commission accepte le sous-amendement n° 30.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 30.
En revanche, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 12. En effet, cet amendement, qui tend à interdire aux élus non français de participer aux délibérations du Conseil de Paris quand il se réunit en qualité de conseil général du département de Paris, se heurte à deux objections de fond et à une objection de forme.
Sur le fond, le législateur intervient dans un texte qui s'intègre dans l'article 88-3 de la Constitution. La loi organique règle les conditions dans lesquelles le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux citoyens de l'Union résidant en France, aux termes de la Constitution. Si le législateur intervenait en cette matière qui touche à l'organisation des collectivités territoriales - et à l'organisation de deux d'entre elles au moins, la ville de Paris et le département de Paris - qui relève de la loi simple, il excèderait sa compétence.
On pourrait dire aussi, à certains égards, que l'équilibre des forces au sein du Conseil de Paris se trouverait modifié par l'exclusion des élus qui n'ont pas la nationalité française. Il est vrai que leur remplacement par des conseillers français est une réponse à cet argument de fond.
S'agissant de la forme, ce sujet étant étranger au droit électoral, la disposition en cause aurait sa place non pas dans le code électoral, mais dans le code général des collectivités territoriales aux articles relatifs au fonctionnement du Conseil de Paris siégant en qualité de conseil général.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne peux que donner un avis défavorable à l'amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 30.
M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. On ne peut pas accepter le sous-amendement sans être favorable à l'amendement.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Les deux sont liés !
M. Jacques Larché, président de la commission. Nous avons longuement discuté ce point ce matin en commission.
Dans un premier temps, nous nous sommes fondés sur un arrêt du Conseil d'Etat qui ne semblait pas faire de différence : il concernait un ancien maire de Paris qui était en même temps conseiller général de Corrèze, autant que je me souvienne, et qui, de ce fait, avait vu sa situation de maire de Paris et de conseiller général de Paris contestée. Le Conseil d'Etat avait trouvé une formule selon laquelle les conseillers généraux de Paris n'étaient pas de vrais conseillers généraux.
M. Jean-Jacques Hyest. Oh !
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Eh bien oui ! Cela a été dit.
M. Jacques Larché, président de la commission. C'était un peu cela.
M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Le conseil général de Paris n'est pas un conseil général !
M. Jacques Larché, président de la commission. Je résume sommairement un arrêt du Conseil d'Etat qui, évidemment, ne se permettrait pas de dire des choses de ce genre, vous vous en doutez ! Il n'était donc pas un vrai conseiller général et le problème ne se posait donc pas.
Un de nos collègues nous a fait remarquer - c'est pour cela que nous avons modifié notre position - que la loi de 1982 réformant le statut de Paris est venue modifier la situation juridique, tout au moins apporter des précisions, en opérant très nettement la distinction et en indiquant bien qu'il y a, dans la personne élue au Conseil de Paris, une double personnalité, une double fonction : elle est à la fois conseiller municipal et conseiller général. La Constitution nous permet de donner la qualité de conseiller municipal à des ressortissants communautaires. La loi de 1982 dispose : « Outre la commune de Paris, le territoire de la ville de Paris recouvre une seconde collectivité territoriale, le département de Paris. Les affaires de ces collectivités sont réglées par les délibérations d'une même assemblée ».
Le problème se pose donc de savoir, pour éviter des contentieux éventuels, si le conseiller municipal d'origine communautaire peut siéger au Conseil de Paris lorsqu'il se réunit en qualité de conseil général.
Après avoir beaucoup réfléchi, nous avons estimé qu'il ne le pouvait pas. Nous n'avons pas, je dois le dire très honnêtement, de certitude absolue, mais cette solution nous paraissait, du point de vue juridique, la plus correcte. Par voie de conséquence, nous en avons déduit que, pour des raisons d'équilibre, il fallait prévoir le remplacement de ce conseiller dans un certain nombre de cas. Tel est l'objet du sous-amendement n° 30 de M. Allouche.
Il existe donc bien un lien intellectuel entre l'amendement et le sous-amendement.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il est vrai que, là encore, nous nous sommes heurtés à une querelle quelque peu byzantine. C'est comme Dieu en trois personnes ! Il s'agit d'un élu qui est non seulement conseiller municipal, mais aussi conseiller général. Il est très difficile de démêler ce genre de querelle...
M. Guy Cabanel. Ce n'est pas très républicain !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Pas très républicain, peut-être, encore que la République...
Il faut adopter des dispositions claires. Il nous paraît tout de même qu'être membre du Conseil de Paris quand celui-ci statue comme conseil municipal n'est pas la même chose qu'en être membre quand il statue comme conseil général. Nous avons donc pensé, à la demande des élus parisiens de la commission, qu'il fallait proposer un texte spécial.
Ce dernier, qui excluait les Européens de la possibilité de participer au vote lorsque le Conseil de Paris statue en tant que conseil général, risquait de créer des vides, voire de renverser une majorité, dans l'hypothèse où celle-ci n'aurait été acquise qu'à une ou deux voix, la majorité du conseil général devenant différente de celle du conseil municipal, conséquence fâcheuse et contestable !
Ainsi que nous le verrons tout à l'heure à propos des membres des conseils municipaux qui participent aux élections sénatoriales, nous avons trouvé la solution que j'exposais dans mon introduction et qui consiste à faire voter le candidat français venant immédiatement après sur la même liste. Le système est donc cohérent : c'est le sous-amendement n° 30 de M. Allouche.
Tout se tient et signifie clairement que le Conseil de Paris, quand il se réunira en qualité de conseil général, sera composé un peu différemment s'agissant de ses membres étrangers.
M. Philippe Richert. C'est logique !
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 30.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je considère que le Conseil de Paris est élu au cours d'élections municipales. Il se trouve que l'on a confié à ce conseil municipal des fonctions qui sont attribuées aux conseils généraux ; mais les élections se font au même moment.
Est-il imaginable d'interdire à certains candidats, parce qu'ils sont européens, d'intervenir sur le programme relatif au département ? Il me paraît extrêmement difficile de faire une telle distinction !
De plus, l'argument selon lequel la loi de 1982 aurait rendu caduc l'arrêt du Conseil d'Etat ne me paraît pas pertinent dans la mesure où cette loi de 1982 a repris des dispositions qui existaient pour la ville de Paris dans le statut antérieur et qui prévoyaient des fonctions différentes. Or il y avait toujours un seul conseil municipal de Paris !
Je rappelle d'ailleurs à certains que la ville-département n'a pas existé depuis la Constituante puisque le département de la Seine n'a été découpée qu'en 1964.
Je considère que les élus du Conseil de Paris qui seraient membres de l'Union européenne pourraient participer à toutes les délibérations. Mais, en même temps, comme il se pose véritablement un problème constitutionnel, si l'amendement est voté, il est évident que le Conseil constitutionnel aura à se prononcer. C'est une précaution nécessaire parce qu'il pourrait en effet y avoir des contentieux si l'on ne soulevait pas ce point de vue.
En ce qui me concerne, je suis défavorable à l'amendement n° 12 et au sous-amendement n° 30, mais je m'abstiendrai lors du vote de ces textes pour permettre au Conseil constitutionnel de nous départager.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je suis intéressé par le raisonnement que je viens d'entendre, à l'exception de sa conclusion, parce que si tout le monde s'abstient, le Conseil constitutionnel n'aura pas à nous départager !
M. Jean-Jacques Hyest. Tout le monde ne s'abstiendra pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne comprends pas l'argument du Gouvernement.
M. le ministre nous dit, alors que nous sommes en train de discuter d'un projet de loi organique, que le Conseil de Paris relève d'une loi simple. Or c'est dans le texte même qui nous est proposé par le Gouvernement que l'on parle du Conseil de Paris. Nous ne faisons donc, par le sous-amendement n° 30 et l'amendement n° 12 qui sont liés, que suivre le Gouvernement sur le terrain qu'il nous a tracé ! C'est ma première observation.
Ensuite, le Gouvernement a bien fait d'évoquer le cas du Conseil de Paris, compte tenu du statut hybride de celui-ci, qui est à la fois conseil municipal et conseil général.
Personnellement, je ne vois aucun inconvénient à ce que des ressortissants de l'Union européenne siègent au Conseil de Paris, même lorsqu'il statue en tant que conseil général.
Je ne verrais même aucun inconvénient à ce que des étrangers ayant une ancienneté certaine siègent dans les conseils municipaux ainsi qu'au conseil municipal de Paris, mais nous risquons de voir les décisions du Conseil de Paris statuant comme conseil général annulées parce que la Constitution ne permet pas que des ressortissants de l'Union européenne non français siègent autre part que dans un conseil municipal. Or il est évident que le Conseil de Paris est, dans certains cas, autre chose qu'un conseil municipal !
Voilà pourquoi nous voterons, bien entendu, le sous-amendement n° 30 et également l'amendement n° 12.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 30, accepté par la commission et par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3