M. le président. « Art. 2. _ Au I de l'article 219 du code général des impôts, il est inséré un a quater ainsi rédigé :
« a quater. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 1997, le régime des plus et moins-values à long terme cesse de s'appliquer à la plus ou moins-value provenant de la cession des éléments d'actif, à l'exception des parts ou actions visées aux premier et troisième alinéas du a ter.
« Les moins-values à long terme afférentes à des éléments d'actif désormais exclus du régime des plus et moins-values à long terme en application de l'alinéa précédent, et restant à reporter à l'ouverture du premier exercice ouvert à compter du 1er janvier 1997, peuvent, après compensation avec les plus-values et les résultats nets de la concession de licences d'exploitation continuant à bénéficier de ce régime, s'imputer à raison des 19/33,33e de leur montant sur les bénéfices imposables. Cette imputation n'est possible que dans la limite des gains nets retirés de la cession des éléments d'actifs exclus du régime des plus et moins-values à long terme en application de l'alinéa précédent ; ».
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. J'ai souhaité prendre la parole maintenant pour rappeler très brièvement ce que j'ai dit ce matin, dans la discussion générale, sur l'article 2.
Je souhaite, en particulier, rappeler que la commission des finances estime que la taxation au taux de droit commun des plus-values placerait la France dans une situation non concurrentielle par rapport à ses partenaires.
S'il est vrai que la quasi-totalité des pays européens imposent les plus-values, ils ont atténué la rigueur de cette législation fiscale, soit par des dispositifs d'exonération sous condition de réemploi, ce qui ne nous est pas proposé, soit par une réévaluation de la valeur des actifs, ce qui permet de neutraliser les plus-values qui sont purement nominales ; cela ne nous a pas, non plus, été proposé.
La taxation au taux de droit commun des plus-values à long terme aurait pour conséquence de renchérir le coût des mutations, d'encourager l'inertie économique et de freiner la mobilité des actifs. C'est le plus sûr moyen d'assécher les produits qui sont issus des mutations d'actifs.
La question de la rétroactivité a été évoquée ce matin et à nouveau cet après-midi. A cet égard, je fais miennes les conclusions de mon ami M. Cléach. Je crois en effet qu'il existe dans ce texte d'incontestables éléments de rétroactivité ; je parle ici sous le contrôle de M. le président Poncelet, qui préside un groupe de travail sur la rétroactivité des lois fiscales, groupe de travail dans lequel siègent des personnalités aussi éminentes que M. François Luchaire. Or la rétroactivité des lois fiscales a des effets économiques extrêmement préjudiciables pour notre pays.
Il est clair que, dans le dispositif qui nous est proposé, le changement de régime de taxation des plus-values à long terme ne se limitera pas aux seules plus-values réalisées depuis le 1er janvier dernier : il s'appliquera aux plus-values réalisées depuis bien plus longtemps si l'on considère celles dont la taxation peut être légalement différée pendant deux ans - je pense aux indemnités qui sont perçues en cas d'expropriation d'une immobilisation ou en cas de sinistre - ou les plus-values qui bénéficient d'un sursis d'imposition à la suite d'opérations telles que des fusions ou des scissions.
Il y a donc bien, mes chers collègues, rétroactivité de la loi fiscale, ce qui n'est pas fait pour encourager les investisseurs. Cela crée, au contraire, une sorte d'insécurité fiscale qui nuit considérablement à la confiance dont les investisseurs ont besoin.
De plus, il y a des actifs qui ont été réalisés et dont les produits sont déjà réinvestis. Je vous laisse imaginer les difficultés que va susciter le versement d'un impôt quand l'entreprise aura déjà réaffecté le produit de l'actif réalisé !
Le maintien du régime de taxation de faveur pour contrer les effets de l'inflation est toujours justifié, selon la commission des finances, pour les plus-values qui proviennent de cessions de biens acquis depuis une très longue période. Certes, Dieu merci ! l'inflation est aujourd'hui bien moindre que par le passé, mais il est des actifs qui ont été acquis voilà bien des années.
Le texte emporte aussi des conséquences tout à fait fâcheuses en matière de licence d'exploitation de brevet et de cession de brevet. D'autres collègues, qui maîtrisent mieux que moi ces questions, y reviendront.
Pour toutes ces raisons, la suppression de l'article 2, que je vous proposerai, au nom de la commission, me paraît constituer la solution raisonnable pour éviter de pénaliser nos entreprises.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je voudrais insister à mon tour sur le caractère dommageable, rétroactif et discriminatoire de la disposition qui nous est présentée.
Je considère, comme M. le rapporteur, que cette mesure est inopportune. Certes, les réponses qui nous ont été apportées tout à l'heure peuvent tempérer quelque peu les craintes qui s'étaient exprimées concernant les brevets. J'espère que les instructions qui seront diffusées par l'administration confirmeront les aménagements qui ont été annoncés mais qui ne me semblaient pas ressortir du texte.
Cela étant, je crois que la remise en cause à laquelle il est procédé est grave de conséquences et lourdes d'effets pervers.
Nous aurons une fiscalité encore plus complexe, qu'il sera singulièrement difficile d'expliquer aux agents économiques, en particulier aux investisseurs, qui peuvent comparer les systèmes fiscaux de différents territoires. Car cette mesure expose la France à la concurrence fiscale internationale ; le rapport écrit de M. Lambert fait ressortir très clairement les comparaisons européennes en la matière.
Par ailleurs, je m'interroge sur la rupture de l'égalité devant l'impôt entre les entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés et les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu, dans la mesure où ces dernières continueront à bénéficier du taux réduit d'imposition.
Tout à l'heure, à propos de l'article 1er, maintenant supprimé, je craignais qu'il n'y eût inégalité de traitement entre des entreprises se trouvant dans des situations économiques analogues. A l'article 2, c'est encore pire !
Quant au caractère rétroactif de la mesure, il est incontestable.
Enfin, comme M. le rapporteur nous l'indiquait, le chiffrage de cette mesure, près de 7 milliards de francs en 1997, ne nous paraît pas convaincant car, en regard de cette somme et de celle qui est évaluée pour 1998, il y aura des moins-values provenant de la cession d'actifs désormais exclus du régime des plus-values à long terme, ce qui est probablement de nature à limiter l'impact de cette mesure en termes de rentabilité fiscale.
Pour l'ensemble de ces raisons, je crois qu'il convient, une nouvelle fois, de suivre la commission des finances.
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