M. le président. « Art. 1er. _ I. _ Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 235 ter ZB ainsi rédigé :
« Art. 235 ter ZB . _ Les personnes morales sont assujetties, dans les conditions prévues aux II à V de l'article 235 ter ZA, à une contribution temporaire égale à une fraction de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au I de l'article 219.
« Cette fraction est égale à 15 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée conformément au deuxième alinéa de l'article 37, entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 1998 inclus. Elle est réduite à 10 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 1999 inclus.
« Sont exonérées les personnes morales ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions de francs. Le chiffre d'affaires à prendre en compte s'entend du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise au cours de l'exercice ou la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et, pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. Le capital des sociétés, entièrement libéré, doit être détenu de manière continue, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes conditions dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques. Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 1 bis de l'article 39 terdecies entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds. »
« II. - A l'article 213 du code général des impôts, après les mots : "235 ter ZA", sont ajoutés les mots : ", la contribution temporaire mentionnée à l'article 235 ter ZB". »
« III. - Le 2° du f du I de l'article 219 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 1 bis de l'article 39 terdecies entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds. »
« IV. _ Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous engageons la discussion des articles dans des conditions nouvelles pour la première fois depuis quatre ans.
C'est sans doute l'occasion pour la commission des finances de décider la forme qu'elle juge la meilleure pour offrir à notre débat démocratique une très forte exigence de clarté, une très forte exigence de compréhension de la différence qu'il peut y avoir entre les propositions du Gouvernement et les positions que vous recommande la commission des finances.
Cela n'exclut pas, monsieur le secrétaire d'Etat, le débat courtois que vous avez évoqué tout à l'heure, qui fait honneur à la démocratie. Le ton que vous avez vous-même utilisé nous invite à être tout à fait courtois et à tâcher nous-mêmes de faire honneur à la démocratie.
Mes chers collègues, je résumerai très simplement ma proposition, afin qu'elle soit facile à comprendre : je suggère que nous ne nous abandonnions, bien sûr, à aucune opposition systématique, même si celle-ci doit être marquée. En même temps, il faut que nous n'ayons aucun complexe et aucune complaisance idéologique.
Cela m'amène, au nom de la commission des finances, à vous dire qu'il ne nous paraît pas sain d'entrer dans une logique qui ne serait pas la nôtre.
C'est pourquoi nous serons conduits à vous proposer tout à l'heure de rejeter les trois premiers articles de ce projet de loi, dont la logique n'est pas compatible avec la nôtre.
M. Marcel Deneux. Très bien !
M. Alain Lambert, rapporteur. A la lumière de ces explications, qui marquent une certaine conception du débat démocratique - et qui, encore une fois, n'entache en rien notre souci de courtoisie, de compréhension et d'écoute des uns et des autres - je souhaite maintenant éclairer le Sénat sur la position de la commission des finances sur l'article 1er.
Je commencerai par rassurer nos collègues qui pourraient s'émouvoir des aspects évoqués, en particulier ce matin par M. le ministre de l'économie et des finances, relatifs au respect des engagements de la France.
Lorsque nous parlons du respect des engagements de la France, donc de l'honneur de la France, votre inquiétude pourrait être grande. Je voudrais la lever.
S'agissant des versements que nous devons aux Communautés pour 1996 - M. le ministre de l'économie et des finances nous a dit qu'il souhaitait que le Gouvernement respecte les engagements de la France - il faut savoir que, par rapport à ce qui avait été prévu, la Cour des comptes nous l'a rappelé, la sous-exécution du budget communautaire en 1995 a entraîné la diminution de la contribution européenne. La France en a bénéficié comme tous les autres Etats membres.
En conséquence, la France a intégralement respecté ses engagements européens même si, dans cette assemblée, nous rappelons régulièrement aux gouvernements successifs - c'est l'occasion pour moi de vous le rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, mais je suis sûr que c'est votre conviction aussi - combien il faut veiller à ce que la « frénésie » budgétaire européenne soit contenue.
C'était, je crois, une précision que nous devions apporter à tous ceux qui partagent l'idée européenne dans cette assemblée, y compris M. Hamel.
L'article 1er ne mérite pas d'être adopté et je défendrai dans quelques instants un amendement de suppression. Pourquoi ? Selon la logique de la commission des finances, encore une fois c'est une de ses positions constantes, une lutte contre les déficits passe en priorité par la maîtrise des dépenses et non par l'accroissement des recettes.
M. Denis Badré. Très bien !
M. Alain Lambert, rapporteur. Par ailleurs - même si vous nous avez présenté un certain nombre d'arguments, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis sûr que vous accepterez que nous ne les fassions pas nôtres - le creusement du déficit budgétaire qui était constaté par l'audit pouvait être relativisé, notamment en ne dépensant pas immédiatement les 10 milliards de francs qui avaient été gelés.
Nous savons parfaitement que l'exécution d'une loi de finances n'est pas linéaire. Il demeure que le solde budgétaire, fin juillet 1997, est celui que j'ai indiqué ce matin.
En matière d'exécution budgétaire, mes chers amis, regardez, lors des quinze dernières années, quels sont les gouvernements qui ont été les plus proches, en terme d'exécution, des prévisions initiales. Vous pourrez alors établir un classement selon leur crédibilité.
S'agissant de l'accroissement de l'impôt sur les sociétés, il va à contre-courant - je rappelle très brièvement les observations que j'ai formulées ce matin - des politiques qui sont conduites par nos principaux partenaires.
S'il ne s'agit pas de s'auto-flageller ou de considérer que les entreprises françaises sont moins bonnes que les autres, il ne faut pas entraver leur compétitivité. Or la mesure tendant à accroître l'impôt sur les sociétés entrave la compétitivité de ces dernières, les menace et met en danger les emplois.
J'entends à tout propos, mes chers collègues, que le précédent gouvernement aurait augmenté l'impôt sur les sociétés. Mais je n'ai pas cru comprendre qu'une proposition du nouveau gouvernement tendait à supprimer l'augmentation instaurée par l'ancien.
Je rappelle que cette augmentation a été adoptée par le Parlement, même si elle a été proposée par le précédent gouvernement.
Quoi qu'il en soit, selon moi, il ne faut pas critiquer une mesure antérieure dès lors qu'on l'utilise ou, pire encore, qu'on l'aggrave.
M. René Régnault. Je rappelais simplement que vous aviez pris une telle décision !
M. Alain Lambert, rapporteur. Je souhaite rappeler que les investissements sont menacés par cet accroissement de fiscalité. C'est ce qui nous conduit, mes chers collègues, à vous recommander de ne pas adopter cet article et à adopter l'amendement de suppression que je présenterai très brièvement.
J'ajoute que la législation qui est proposée est complexe, qu'elle est rétroactive - nous pourrons en reparler tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat - et qu'elle institue une discrimination entre les entreprises. Ce n'est pas le choix de la commission des finances, ce n'est pas le choix du Sénat de manière constante depuis plusieurs années. Je souhaitais le rappeler très clairement dès l'ouverture de la discussion de l'article 1er, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. En début d'après-midi, en commission des finances, nous avons eu le plaisir d'entendre l'un des membres de la Commission de l'Union européenne, M. Mario Monti, s'exprimer sur l'harmonisation fiscale.
M. Monti a évoqué en particulier les efforts réalisés pour éviter des distorsions qui, par leurs effets artificiels, conduiraient à des détournements d'épargne ou à des détournements d'investissements. Il a par ailleurs bien voulu répondre à un grand nombre de questions posées par les sénateurs.
Sans se mêler, bien sûr, de ce qui ne le regarde pas, c'est-à-dire, assurément, du pouvoir fiscal que seul exerce le Parlement français en toute souveraineté, il a cependant donné une information d'ordre quelque peu général sur ce qui se passe ici et là chez nos partenaires, c'est-à-dire sur les évolutions en cours au-delà de nos frontières et qui concernent très directement nos entreprises puisque celles-ci sont confrontées, les unes et les autres, au jeu de la libre compétition sur un libre marché avec des entreprises obéissant à des régimes fiscaux différents. Pour lui, dirais-je en résumé, la tendance est partout à la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés.
Son message, que je viens de résumer, fut clair, extrêmement argumenté, précis et présenté d'une façon imparable.
Monsieur le secrétaire d'Etat permettez-moi de répéter la mise en garde que je me suis permis d'exprimer ce matin : certes, votre projet de loi prévoit que cette mesure est temporaire et que, sauf décision contraire, elle a vocation à voir ses effets disparaître à terme, mais vous prévoyez une telle mesure en sachant que celle-ci va à l'encontre de l'évolution générale à laquelle nous sommes confrontés et dont nous devons tenir compte, comme les autres.
Raisonnablement, nous ne pouvons pas vous suivre, et M. Strauss-Kahn et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, devez reconnaître que, dans quelques années, il faudra supprimer cette surtaxe qui constitue un handicap pour la compétitivité de nos entreprises.
C'est fondamentalement pour cette raison, monsieur le secrétaire d'Etat, que je réitère mon opposition très ferme à cette mesure. Je le fais tout en vous remerciant à mon tour du ton et de la qualité de l'écoute dont vous avez témoigné tout à l'heure dans votre réponse.
La majorité sénatoriale aborde ce texte sans concession sur le fond, c'est son rôle. Cela n'empêche pas, bien au contraire, l'échange courtois et aussi documenté que possible des arguments...
M. Christian Poncelet, président de la commission. Qui est de règle chez nous !
M. Philippe Marini. ... qui est effectivement de règle dans cette enceinte et qui doit assurément se poursuivre, d'autant plus d'ailleurs que l'on est davantage en opposition sur le fond.
Ainsi, tout sera clair, à la fois dans cette maison et en dehors, dans l'opinion et dans les médias. Nous assumons clairement nos oppositions, nous en prenons la responsabilité.
Au demeurant, monsieur le secrétaire d'Etat, et je voudrais terminer par là, notre rôle n'est pas de faire l'exercice à votre place. De ce point de vue, je voudrais réagir à quelques-uns des propos de certains collègues qui siègent de l'autre côté de l'hémicycle.
Nous sommes une opposition qui exerce son rôle d'opposition. Nous ne nions en aucune façon que l'exécution spontanée du budget de 1997 aurait conduit à un solde excessif par rapport aux prévisions et par rapport aux objectifs européens. En revanche, nous nions formellement qu'il y ait eu, du temps du précédent gouvernement, insuffisance dans la maîtrise de la dépense publique.
C'est sur cet aspect des choses que nous avons insisté. La croissance n'a pas été au rendez-vous et, en conséquence, l'amplification des recettes fiscales ne s'est pas produite comme nous nous y attendions au début de l'année, et le solde s'est dégradé, c'est exact. Il eût donc été inéluctable de procéder à un collectif budgétaire pour recadrage. Mais nous aurions fait d'autres choix, puisque nos idées ne sont pas les mêmes.
En ce qui concerne les dépenses publiques, disais-je, et il faut en donner acte au précédent gouvernement, ce qu'ont d'ailleurs fait les deux conseillers maîtres à la Cour des comptes elles ont été correctement tenues et correctement maîtrisées. (M. René Régnault s'exclame.) On ne peut prétendre que les mesures aujourd'hui soumises au Parlement sont provoquées par je ne sais quel laxisme ou je ne sais quelle insuffisance de maîtrise dans l'application du budget que nous avions voté à la fin de l'année dernière.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques considérations qui, bien sûr, viennent à l'appui du vote que j'émettrai dans quelques instants avec, je pense, la plupart de nos collègues lorsque l'amendement n° 1 sera mis aux voix.
M. le président. Sur l'article 1er, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 1, M. Lambert, au nom de la commission, propose de supprimer l'article 1er.
Par amendement n° 10, MM. Adnot, Darniche, Durand-Chastel, Foy, Grandon, Habert, Türk et Maman proposent :
I. - Dans la première phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 235 ter ZB du code général des impôts, de remplacer le nombre : 50 par le nombre: 280.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, après le paragraphe I de l'article 1er, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes pour l'Etat résultant de l'augmentation de la taille des sociétés concernées par la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés est compensée par le relèvement à due concurrence des droits prévus aux articles 575, 575 A et 403 du code général des impôts. »
Par amendement n° 6, MM. Arnaud, Michel Mercier, Huchon, Moinard, Jean-Louis Lorrain, Souplet, Amoudry et Hérisson proposent d'insérer, à la fin du texte présenté par le paragraphe I de l'article 1er pour l'article 235 ter ZB du code général des impôts, un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également exonérées les entreprises visées à l'article 1465 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur. pour défendre l'amendement n° 1.
M. Alain Lambert, rapporteur. Monsieur le président, compte tenu des informations que j'ai données au Sénat tout à l'heure, je me bornerai à dire que cet amendement de suppression est totalement opportun.
M. le président. La parole est à M. Adnot, pour défendre l'amendement n° 10.
M. Philippe Adnot. Je partage l'opinion de M. le rapporteur général, et je sais très bien que cet amendement n'aura plus d'objet dans quelques instants. Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, si je l'ai présenté, c'est afin que l'on comprenne bien que le seuil de 50 millions de francs est le seuil européen des petites entreprises et non pas des petites et moyennes entreprises.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Pour les PME, c'est 280 millions de francs !
M. Philippe Adnot. En effet, le chiffre qui correspond aux PME est 280 millions de francs.
Tout le monde s'accorde à le dire, je le rappelle, ce sont les PME et les PMI qui vont créer les emplois ; la France manque considérablement d'entreprises de cinq cents salariés et le seuil qui est adopté va, en fait, continuer à faire en sorte que les entreprises ne cherchent pas à progresser.
En France, on n'encourage pas ces entreprises à conforter leurs fonds propres ; ces entreprises sont pourtant les plus fragiles et risquent de ce fait de ne pas se développer.
Je voulais que vous teniez compte de ces observations car je sais pertinemment que, même si le Sénat vote la suppression de l'article 1er, ce texte reviendra en discussion.
En taxant les petites entreprises, soyez conscients que vous allez les empêcher de conforter leurs fonds propres et les mettre encore un peu plus en difficulté. Or c'est dans cette catégorie d'entreprises qu'il y a le plus d'impayés.
Par ailleurs, il s'agit souvent d'entreprises sous-traitantes qui doivent pouvoir se développer.
M. le président. La parole est à M. Arnaud, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Philippe Arnaud. Comme M. le rapporteur, je serai extrêmement bref puisque, dans la discussion générale, j'ai pu exposer l'objet de cet amendement qui vise à exonérer l'ensemble des entreprises situées en zone de revitalisation rurale de l'augementation de l'impôt sur les sociétés. Même si je sais que cet amendement, comme l'amendement précédent, n'aura plus d'objet après le rejet de l'article 1er, je tenais à le déposer parce que le sujet est important.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 10 et 6 ?
M. Alain Lambert, rapporteur. L'amendement n° 10 a un grand mérite, celui de nous permettre d'insister sur les inconvénients du dispositif de l'article 1er.
M. Adnot a expliqué de manière très convaincante que le chiffre d'affaires tel qu'il est fixé va avoir pour effet, si cette mesure est finalement adoptée, de pénaliser des entreprises qui ne sont ni grandes, ni même moyennes.
A fort juste titre, il a fait référence à la recommandation de la Commission européenne : le plafond prévu par la Commission est en effet de 280 millions de francs, ce qui, naturellement, n'a rien à voir avec les 50 millions de francs du dispositif qui nous est proposé.
Après M. le secrétaire d'Etat au budget, je dirai que cela ne date pas d'aujourd'hui. Mais, lorsque nous avons adopté le dispositif en cause à l'égard des PME, nous avions mesuré, dès cette époque, les inconvénients des mesures discriminatoires en matière fiscale.
Je suis donc en fâcheuse position pour émettre un avis défavorable au nom de la commission. Toutefois, si, par malheur, l'amendement de suppression n'était pas adopté, je redemanderais la parole pour bien préciser la position de la commission des finances.
S'agissant de l'amendement n° 6, le remarquable plaidoyer de M. Arnaud en faveur des entreprises en milieu rural, lors de la discussion générale, se suffit à lui-même. La commission des finances a parfaitement compris l'esprit de son amendement.
Mais, comme pour l'amendement précédent, la commission a émis un avis défavorable, puisque sa préférence va à la suppression de l'article 1er.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Vous ne serez pas surpris, monsieur le président, que je sois en désaccord avec le premier amendement. Le Gouvernement est fermement convaincu de la nécessité d'adopter cette disposition fiscale figurant à l'article 1er.
En ce qui concerne l'amendement n° 10 et le seuil de 50 millions de francs, je souhaiterais ajouter un argument afin d'apporter ma contribution au débat. Ce seuil est celui qui avait été retenu par la majorité précédente, lors de l'adoption de la loi de finances pour 1997 pour l'imposition au taux réduit de 19 %. Par conséquent, peut-être, rétrospectivement, auriez-vous dû placer ce seuil plus haut et sans doute avons-nous donc péché par défaut d'imitation.
Enfin, pour ce qui est de l'amendement n° 6, j'ai été très sensible à l'argument portant sur les zones de revitalisation rurale, mais je crois vous avoir répondu en évoquant les difficultés immédiates qui se poseraient à la suite de votre recommandation.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. René Régnault. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Notre groupe était contre cet amendement et il n'a trouvé que des raisons supplémentaires de s'y opposer en écoutant la majorité sénatoriale s'exprimer.
On a parlé de la maîtrise des dépenses publiques, très bien ! Mais oublierait-on que certaines de ces dépenses n'étaient pas financées ? Par conséquent, pour ce qui est du compliment adressé au gouvernement précédent, permettez-moi de dire qu'il me fait plutôt sourire ; en toutcas, je ne peux y souscrire.
C'est vrai, c'est un choix - vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat - que de financer certaines dépenses nouvelles.
On vient de manifester quelques inquiétudes à propos du secteur rural et j'aurais pu y joindre ma voix, mais les maires et les familles ont apprécié que 800 postes supplémentaires aient été créés à la rentrée. Quelle aurait été l'ambiance sans une telle disposition, sans les mesures en faveur du financement des frais de cantine, sans l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, toutes mesures qui sont bien perçues !
Je n'ai pas parlé non plus - personne ne l'a fait - du plan emploi-jeunes ; il est vrai que la majorité sénatoriale a tout mis en oeuvre hier et cette nuit pour s'opposer à ce dispositif... Certaines des dispositions qui ont été adoptées ici et qui ont été repoussées ce matin en commission mixte paritaire ont mis en évidence le fait que la majorité sénatoriale dans son ensemble n'était pas favorable au projet de loi que nous a soumis le Gouvernement.
Il faut maintenant le financer, car nous sommes conséquents avec nous-mêmes. Non seulement nous avons envie que les jeunes qui sont en situation de difficulté par rapport à l'emploi retrouvent une activité durable, mais nous avons également pensé aux moyens financiers d'atteindre cet objectif.
Quant à la discrimination qu'instaurerait ce texte, autorisez-moi à vous dire qu'on ne peut pas tout à la fois proclamer que l'on pense aux petites et moyennes entreprises et, par ailleurs, reprocher au Gouvernement de faire un sort particulier aux entreprises ayant réalisé un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions de francs. Il est certain que vous n'avez pas eu ce souci, voilà peu, lorsque vous avez retenu une majoration de l'impôt de solidarité pour tous les assujettis !
M. Philippe Marini. Vous reconnaissez qu'il y a discrimination.
M. René Régnault. Je ne rappellerai pas les chiffres que j'ai indiqués tout à l'heure concernant le résultat des entreprises, qui, on le sait, ont été multipliés par cinq au cours des dernières années. Tant mieux pour elles ! Cela nous autorise à vous dire qu'il nous paraît plus raisonnable d'avoir choisi cette voie plutôt que d'imposer les ménages.
En fait, vous n'allez pas jusqu'au bout de votre sentiment ; vous être contre cette mesure, mais vous ne dites pas que vous auriez préféré que l'on charge encore un peu les ménages et que l'on réduise, par conséquent, le pouvoir d'achat, donc la demande intérieure et, ainsi, la croissance.
J'en viens au second argument que vous avez avancé, à savoir que l'on irait à contre-courant de l'évolution des fiscalités européennes. J'ai écouté avec vous tout à l'heure les propos qu'a tenus M. le commissaire européen sur la question, et je me suis senti parfaitement à l'aise par rapport à la place que j'occupais et au groupe que je représentais, en songeant que, s'agissant de l'impôt sur les sociétés, les propositions que nous faisons aujourd'hui nous placent dans une situation tout à fait confortable pour aborder l'harmonisation de la fiscalité des entreprises.
M. Christian Poncelet, président de la commission. Interprétation audacieuse !
M. René Régnault. Par conséquent, ne nous dites pas qu'il y aurait là matière à s'opposer à l'article 1er.
Vous pouvez comprendre dès lors notre hostilité à l'amendement n° 1. Nous voulons rendre possible la mise en oeuvre d'un choix judicieux, faire en sorte que le budget de la France soit un budget réel et que certaines mesures nouvelles entrent très vite en application, tant elles sont nécessaires et attendues.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vous comprendrez que je tienne à préciser les raisons qui font que les membres de notre groupe ne voteront pas l'amendement de la commission des finances, comme il est évident que les membres de la majorité sénatoriale se devaient, dans leur logique, mais aussi, par simple positionnement idéologique, de proposer la suppression de l'article 1er.
Je dirai tout d'abord que l'attitude prise par M. le rapporteur et M. Marini, à propos de l'article 1er, consiste à faire beaucoup de bruit pour rien.
On s'insurge que les entreprises soient mises à contribution pour moins de 20 milliards de francs...
M. Alain Lambert, rapporteur général. Une petite somme ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... alors que le produit intérieur brut marchand représente quelque 8 000 milliards de francs - ou peu s'en faut - et que, je l'ai rappelé lors de la discussion générale, les entreprises de ce pays ont versé près de 420 milliards de francs en 1996, chiffre en hausse de 11 % par rapport à l'exercice 1995.
Chacun le sait car tous les membres de la commission des finances ont l'habitude d'examiner les éléments fournis par le rapport annuel de l'INSEE sur les comptes de la nation.
Vous nous permettrez donc de souligner de nouveau notre appui sans réserve à la mesure prévue par l'article 1er.
Croyez-vous sérieux de prétendre que cette légère égratignure dans les comptes de certaines de nos entreprises va réellement remettre en cause leur compétitivité ou leur position internationale ?
Permettez-moi simplement de souligner quelles conséquences la mesure prévue à l'article 1er aura réellement sur l'impôt sur les sociétés.
L'ensemble des entreprises assujetties l'est au taux de base de 33,33 %. Ce socle de l'impôt sur les sociétés est affecté, chacun le sait, de nombreux correctifs qui portent tant sur la prise en compte des déficits éventuels des exercices antérieurs que sur le traitement fiscal des provisions, les exonérations temporaires ou « géographiques », etc., sans parler des effets du régime des groupes qui, sous ses diverses caractéristiques, permet d'ailleurs aux entreprises directement concernées par l'article 1er de se dédouaner à bon compte de leurs obligations fiscales.
La loi de finances de 1997 a ajouté à l'ensemble de ces dispositifs, dispositifs particulièrement coûteux puisque leur montant excède aujourd'hui les 60 milliards de francs, le principe de l'imposition à 19 % des 200 000 premiers francs de bénéfice des PME.
Je conçois fort bien que cette perspective d'impôts supplémentaires sur les sociétés n'enchante pas tout à fait ceux qui ont oeuvré pour dénaturer, comme c'est le cas aujourd'hui, le contenu de l'impôt sur les sociétés, mais elle est pour nous tout à fait intéressante et offre des pistes pour une réflexion plus large encore sur la nécessaire conjonction entre justice sociale - tel est le sens que nous donnons à l'article 1er - et efficacité économique.
C'est donc, je le répète, sans réserve et sans état d'âme, que nous voterons contre l'amendement n° 1 de la commission.
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Naturellement, contrairement à ce que l'orateur précédent vient de dire, nous ne considérons pas du tout le dispositif proposé comme une simple égratignure dans les comptes de sociétés déjà lourdement taxées.
Nous ne considérons pas du tout non plus que c'est faire « beaucoup de bruit pour rien » que de s'opposer à cet article 1er.
Il vise en fait à instituer de nouvelles impositions très lourdes sur les entreprises. Le rapport de la commission donne des chiffres très précis à cet égard. Une fois de plus, nos entreprises vont être très gravement pénalisées.
En outre, cette mesure va à l'encontre de l'évolution des fiscalités européennes. Elle est aussi totalement en contradiction avec les dispositions qui avaient été prises par le gouvernement de M. Bérégovoy pour favoriser le développement de nos entreprises.
Il s'agit donc d'une disposition rétrograde et pénalisante. Bien entendu, nous voterons l'amendement de suppression proposé par la commission des finances.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. A l'issue du débat qui vient d'avoir lieu, on ne sera pas surpris que l'ensemble du groupe du RPR vote l'amendement n° 1.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 3:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 217 |
Contre | 97 |
En conséquence, l'article 1er est supprimé et les amendements n°s 10 et 6 n'ont plus d'objet.
Article 2