PROTOCOLE ADDITIONNEL À LA CONVENTION-CADRE EUROPÉENNE SUR LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE DES COLLECTIVITÉS OU AUTORITÉS TERRITORIALES
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 371, 1996-1997)
autorisant l'approbation du protocole additionnel à la convention-cadre
européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités
territoriales (ensemble trois déclarations). [Rapport n° 420 (1996-1997)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des
affaires européennes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, le protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la
coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales
manifeste la volonté d'Etats membres du Conseil de l'Europe d'offrir des bases
institutionnelles à la coopération décentralisée transfrontalière, qui a connu,
au cours des dernières années, un développement accéléré.
Il est destiné à compléter le cadre juridique de la convention-cadre
européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités
territoriales, dite de Madrid, signée le 21 mai 1980 et entrée en vigueur pour
la France le 15 mai 1984. Celle-ci visait à encourager et à faciliter la
conclusion d'accords entre collectivités territoriales de part et d'autre de la
frontière. Elle était toutefois peu contraignante : les Etats signataires
s'engageaient seulement à favoriser les initiatives des collectivités
territoriales dans ce domaine et à résoudre les difficultés d'ordre juridique,
administratif ou technique que celles-ci pouvaient engendrer.
L'évolution du droit interne français, à travers notamment la loi
d'orientation du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la
République, et la réflexion entreprise sur le plan bilatéral par la France et
ses voisins ont contribué à la création, au sein du Conseil de l'Europe, d'un
comité restreint d'experts pour la coopération transfrontalière : ce dernier,
alors sous présidence française, a élaboré, au terme de longues négociations,
le protocole additionnel qui a été ouvert à la signature, à Strasbourg, le 9
novembre 1995, des Etats signataires de la convention-cadre.
Le protocole additionnel rappelle que les collectivités locales ont le droit
de conclure des conventions de coopération transfrontalière dans les limites de
leurs compétences et dans le respect non seulement des engagements
internationaux mais aussi des règles de légalité interne propres à chaque Etat
dont dépendent les collectivités concernées ; une transposition en droit
interne des actes pris dans le cadre des accords de coopération est nécessaire
pour qu'ils aient une valeur juridique en droit interne.
Le texte laisse les parties contractantes libres, d'une part, de créer un
organisme de coopération transfrontalière, d'autre part, de le doter ou non de
la personnalité juridique et de lui attribuer une nature de droit public.
La France a d'ores et déjà indiqué officiellement que, en vertu du choix
laissé aux parties contractantes par l'article 8, elle appliquerait l'article 4
et non l'article 5 du protocole additionnel.
En effet, l'article 4 permet de créer un organisme de coopération dont la
personnalité juridique est définie par la loi de la partie contractante dans
laquelle il a son siège, les autres parties contractantes concernées
reconnaissant la personnalité juridique de l'organisme conformément à leur
droit national. Il s'agit donc d'une structure existant dans le droit interne
des parties contractantes, avec les procédures de contrôle qui s'y
rattachent.
En revanche, l'article 5, que la France, en signant, a choisi de ne pas
appliquer, permet de créer une nouvelle catégorie d'organisme de coopération,
inspirée du régime en vigueur au Benelux et dotée de pouvoirs très importants
qui ne s'accordent pas, ou mal, avec le régime juridique français.
A ce jour, le protocole additionnel a été ratifié par le Luxembourg et les
Pays-Bas, qui appliqueront, pour leur part, les articles 4 et 5, ainsi que par
la Suède, qui appliquera l'article 4. Il a été signé par la France,
l'Allemagne, la Belgique, la Suède et la Suisse. Il doit entrer en vigueur
trois mois après la quatrième ratification.
L'approbation du protocole additionnel permettra donc l'entrée en vigueur du
texte puisque nous sommes précisément en train de voter la quatrième
ratification. Son intérêt est double : d'une part, parce qu'il s'est enrichi de
l'expérience acquise par la France sur le plan bilatéral et multilatéral du
fait de la signature d'accords de coopération transfrontalière avec l'Italie,
l'Espagne, l'Allemagne, le Luxembourg et la Suisse, il mettra à la disposition
des collectivités territoriales un outil qui est apparu indispensable à la mise
en oeuvre de la coopération décentralisée, l'organisme local de coopération
transfrontalière ; d'autre part, dans la mesure où il sera complété par un
deuxième protocole additionnel, consacré, lui, à la coopération
interterritoriale, il permettra d'exporter les conceptions françaises en
matière de coopération décentralisée vers tous les pays membres du Conseil de
l'Europe, lequel - je le rappelle dans cette enceinte - vient de tenir à
Strasbourg son deuxième sommet, qui fut un plein succès.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
principales observations qu'appelle le protocole additionnel à la
convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des
collectivités ou autorités territoriales, qui fait l'objet du projet de loi
proposé à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Alloncle,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, le Sénat a abordé à deux reprises, dans un passé récent, la question
de la coopération transfrontalière entre collectivités locales au travers de
deux accords internationaux : l'accord de Karlsruhe entre la France,
l'Allemagne, le Luxembourg et la Suisse, et le traité de Bayonne entre la
France et l'Espagne.
La coopération transfrontalière est aujourd'hui une composante importante de
l'aménagement du territoire. C'est une aspiration forte de nos collectivités
qui, sous l'effet conjugué de l'ouverture européenne et de la décentralisation,
multiplient les initiatives et les projets communs avec des collectivités de
pays voisins.
L'une des difficultés majeures auxquelles se heurtent ces initiatives est
d'ordre juridique : comment, tout en respectant la législation française,
parvenir à mettre en place, avec des collectivités régies par un droit
différent, les instruments capables de réaliser ou de gérer des équipements
communs ?
Pour surmonter ces difficultés, un cadre juridique s'est peu à peu édifié, à
la fois grâce à l'évolution du droit français et sous l'effet d'accords
interétatiques, comme l'accord de Karlsruhe ou le traité de Bayonne. Je
rappelle notamment qu'en France la loi de 1992 sur l'administration
territoriale et celle de 1995 sur l'aménagement du territoire ont reconnu la
capacité des collectivités locales de contracter avec des collectivités
étrangères et de participer à des organismes de droit étranger, de même que des
collectivités étrangères peuvent participer en France à des groupements
d'intérêt public ou à des sociétés d'économie mixte.
Le protocole que nous examinons aujourd'hui participe à cette évolution, mais
sur un plan plus général puisqu'il a vocation à concerner l'ensemble des
membres du Conseil de l'Europe.
Il complète la convention de Madrid qui a été ratifiée par vingt pays du
Conseil de l'Europe, mais qui demeurait un texte très général dépourvu de
portée juridique concrète.
Dès 1990 est apparue la nécessité de disposer d'un instrument plus précis et
plus complet offrant un cadre juridique solide et permettant à la coopération
transfrontalière de se développer concrètement. La France a participé très
activement aux négociations qui ont permis l'élaboration de ce protocole, dont
l'apport est double.
D'une part, il reconnaît la liberté de principe des collectivités locales de
passer des accords de coopération transfrontalière, à condition qu'elles
respectent leur domaine de compétence et la législation interne. En vertu de
ces dispositions, pour les parties au protocole, la conclusion d'un accord
bilatéral entre Etats ne s'imposera plus préalablement aux accords entre les
collectivités locales.
D'autre part, le protocole définit un cadre juridique de base pour les
organismes de coopération transfrontalière et permet ainsi de fixer les grandes
lignes d'un statut de maître d'ouvrage tranfrontalier capable de réaliser des
projets et de gérer des équipements.
Le protocole a également défini deux modèles de statuts, l'un s'intégrant dans
le droit national du pays où l'organisme siège, l'autre permettant de prendre
en compte des formules prévues par la convention du Benelux et conduisant à
créer une sorte de collectivité locale transfrontalière. La France mais aussi
l'Allemagne et la Suède ont déclaré, lors de la signature, qu'ils
n'appliqueront que le premier modèle qui présente l'avantage de respecter la
souveraineté des collectivités locales et de s'inscrire dans le cadre des
législations nationales existantes.
Au terme de cette rapide analyse, on peut considérer que ce protocole, d'un
strict point de vue français, apportera peu d'innovations puisque, par sa
législation et par les accords passés avec ses voisins, la France dispose déjà
d'un cadre juridique solide et se situe donc « en avance » par rapport à la
plupart des membres du Conseil de l'Europe. L'intérêt principal du protocole
réside dans l'effet d'entraînement qu'il pourrait provoquer en incitant un
certain nombre de pays européens à adapter leur législation.
D'une manière plus générale, il faut souligner le rôle moteur joué par la
France dans l'élaboration de ce texte. Ce sont les solutions mises en pratique
par la France qui, au travers de ce protocole, vont s'exporter dans les pays
membres du Conseil de l'Europe. Aussi le développement de la coopération
transfrontalière s'effectuera-t-il en harmonie avec la législation
française.
Pour cet ensemble de raisons et en rappelant que la coopération
transfrontalière constitue l'une des applications les plus concrètes de la
construction européenne, la commission des affaires étrangères vous invite, mes
chers collègues, à adopter le présent projet de loi.
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le protocole
qui nous est soumis a une valeur concrète, mais aussi une forte valeur
symbolique. En effet, la coopération transfrontalière entre collectivités
territoriales est reconnue depuis 1992 dans la loi ATR, confirmée en 1995 par
la loi pour l'aménagement et le développement du territoire.
L'accord de Karlsruhe, qui vient d'être évoqué, franchit une étape de plus,
puisqu'il prévoit la création de groupements locaux de coopération
transfrontalière entre collectivités locales. Je souhaite d'ailleurs à ce
propos que le code général des collectivités territoriales soit le plus
rapidement possible adapté en conséquence pour permettre à ces groupements de
fonctionner normalement. C'est en l'occurrence un instrument concret pour
développer la coopération transfrontalière.
Le protocole additionnel qui nous est soumis doit être considéré au-delà comme
un facteur d'entraînement, comme un facteur stimulant pour la coopération
transfrontalière. En effet, si l'Europe se construit au sommet, elle doit
aussi, je le crois, se construire à la base...
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
... et particulièrement dans les espaces transfrontaliers et avec le concours
concret des collectivités locales.
C'est avec cet espoir et dans cet esprit que, bien entendu, je voterai le
protocole qui nous est soumis.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation du protocole
additionnel à la convention-cadre européenne sur la coopération
transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (ensemble trois
déclarations), fait à Strasbourg le 9 novembre 1995 et dont le texte est annexé
à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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