M. le président. « Art. 26. _ Les besoins de trésorerie des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres et des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement peuvent être couverts par des ressources non permanentes dans les limites suivantes :
(en milliards de francs)
« Régime général 20,0
« Régime des exploitants agricoles 8,5
« Caisse nationale de retraite des agents des
collectivités locales 2,5
« Caisse autonome nationale de sécurité sociale
dans les mines 2,3
« Fonds spécial des pensions des ouvriers des
établissements industriels de l'Etat 0,5
« Les autres régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille
cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres, lorsqu'ils
disposent d'une trésorerie autonome, ne sont pas autorisés à recourir à des
ressources non permanentes. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 26, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose :
A. - De rédiger comme suit la première ligne du tableau figurant à cet article
:
« Régime général, 15. »
B. - De supprimer la troisième ligne de ce même tableau.
Par amendement n° 49, M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose
de supprimer la troisième ligne du tableau figurant à l'article 26.
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 26.
M. Charles Descours,
rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.
J'espère que le dernier amendement présenté par la commission - je ne parle
pas de l'article 1er, dont nous allons discuter dans un instant - va réveiller
ceux de nos collègues qui ont bien voulu rester aussi tard
(Exclamations sur
de nombreuses travées.)...
M. Guy Fischer.
Nous ne sommes pas endormis !
M. Charles Descours,
rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.
... puisqu'il concerne la CNRACL, caisse à laquelle le Sénat a toujours été
extrêmement attentif.
La commission des affaires sociales vous propose de rétablir au niveau fixé
par le projet initial le plafond des avances de trésorerie du régime général et
de supprimer celui qui est prévu pour la CNRACL.
S'agissant du régime général, il est anormal d'accorder des marges aussi
élevées par rapport au déficit prévisionnel de 12 milliards de francs.
D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi on a évoqué des marges aussi élevées,
car tout dépassement devra être clairement justifié devant le Parlement.
Je vous prie, madame le ministre, de bien vouloir m'excuser de faire des
procès d'intention, mais on a le sentiment qu'en autorisant des marges aussi
élevées on donne une sorte d'autorisation de mauvaise gestion aux gestionnaires
des caisses. Je sais que ce n'est pas ce que vous voulez faire, mais c'est
comme cela que des mauvais esprits pourraient l'interpréter.
Nous sommes donc totalement contre le niveau fixé pour ces marges.
L'amendement adopté à l'Assemblée nationale visait à prendre en considération
le coût du basculement des cotisations maladie vers la CSG. Nous voudrions
savoir une nouvelle fois, madame le ministre, si ce coût a été évalué.
En ce qui concerne la CNRACL, la mesure visant à lui permettre de recourir à
des avances de trésorerie à hauteur de 2,5 milliards de francs est
inacceptable.
Chacun le sait, le régime est structurellement excédentaire : trois cotisants
pour un retraité. Il est déséquilibré essentiellement en raison des versements
de surcompensation effectués à concurrence de 10 milliards de francs chaque
année. C'est donc ce régime de surcompensation qui doit être remis à plat en
priorité.
Par ailleurs, 2,5 milliards de francs représentent un trimestre d'acomptes de
surcompensation. Autrement dit, la CNRACL pourrait parfaitement différer d'un
trimestre ses versements sans être obligée d'emprunter dans des conditions
forcément défavorables sur le marché, ce qui génère des frais financiers. En
effet, la Caisse des dépôts et consignations, qui est le gestionnaire de ce
régime, ne peut être à la fois son banquier, et la CNRACL ne bénéficiera donc
pas des conditions les plus favorables, le président de cette caisse nous l'a
dit lui-même.
Enfin, il s'agit d'une mesure ponctuelle et non concertée, qui est tout à fait
insatisfaisante. Le président de la CNRACL, qui n'est pourtant pas un de vos
adversaires politiques, nous a dit qu'il n'avait pas du tout été consulté dans
cette affaire.
La CNRACL attend depuis plusieurs années une réforme structurelle de son
financement qui lui garantisse l'équilibre financier.
Je crois qu'au moins sur la deuxième partie de cet amendement, concernant la
CNRACL, nous pourrions obtenir l'unanimité du Sénat.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
49.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Monsieur le président, cet amendement est satisfait
par l'amendement n° 26.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 26 et 49 ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Défavorable.
Je me suis déjà longuement exprimée sur la CNRACL. D'ores et déjà et pour
cette année, le Gouvernement a décidé de repousser une partie des acomptes de
compensation sur le début de l'année 1999.
Pour le reste, nous travaillons, vous le savez, sur ce régime comme sur les
autres.
Je n'aurais pas eu d'objections à ramener le plafond d'avances de trésorerie
du régime général à 15 milliards de francs - je l'avais demandé, d'ailleurs, à
l'Assemblée nationale - si les mesures proposées par le Gouvernement avaient
été adoptées ; mais, compte tenu de l'accroissement du déficit prévisionnel
pour 1998, conséquence des amendements que vous avez adoptés, je pense qu'un
plafond de 15 milliards de francs pourrait être insuffisant. Je m'oppose donc
également à cet aspect de votre amendement.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je tiens à préciser de
manière claire que ni la commission des affaires sociales du Sénat ni les
sénateurs n'ont aggravé le déficit prévu pour 1998.
M. François Autain.
Mais si !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Le Sénat a bien voulu
voter la majoration de la CSG affectée à la branche famille pour compenser la
non-suppression des allocations familiales en direction des ménages aisés et,
en contrepartie, nous avons fait des économies, réduit l'ONDAM et majoré la
taxe sur les tabacs. Il n'y a donc pas d'aggravation du déficit.
Je m'inscris en faux contre ce que vient de dire Mme la ministre : à l'issue
du débat au Sénat, le déficit est de 12,7 milliards de francs, c'est-à-dire
qu'il est analogue à celui qui figure dans le texte adopté par l'Assemblée
nationale. Je défie le Gouvernement de m'apporter la preuve du contraire !
Quant à la CNRACL, il a fallu un estomac formidable aux acteurs financiers de
ce pays pour avoir, depuis dix ans, vidé consciencieusement tous les excédents
de cette caisse de retraite - pour financer, par exemple, le déficit de la
caisse de retraite de la SNCF - et pour nous proposer aujourd'hui d'autoriser
cette caisse à emprunter alors que le seul problème auquel elle est confrontée
est le respect du calendrier des versements de compensation démographique et de
surcompensation.
Il faut vraiment avoir l'esprit tordu pour inventer des mécanismes de cette
nature, je tiens à le dire de la manière la plus claire en ma qualité de
président du comité des finances locales.
M. Paul Blanc.
C'est pour enrichir les banquiers !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur Fourcade, il doit y
avoir beaucoup d'esprits tordus dans le monde politique auquel nous appartenons
les uns et les autres, puisque ce régime fonctionne de cette manière-là depuis,
comme vous l'avez dit, une bonne dizaine d'années. Mais ce n'est pas pour cela
qu'il ne faut pas essayer d'affronter cette réalité, et c'est ce que nous
allons essayer de faire.
Dès mon intervention liminaire, j'ai dit que je craignais que, par vos
propositions, le déficit ne s'accroisse si celles-ci devaient être retenues. Et
je n'ai toujours pas obtenu les réponses aux questions que j'avais posées.
Sur quoi allez-vous prendre les économies de gestion de 1,4 milliard de francs
de la CNAM ? Où va-t-on réaliser les 3,5 milliards de francs d'économies sur
l'ONDAM ? Comment va-t-on financer le transfert du RMI de l'Etat de 1 milliard
de francs ?
Ce sont des questions parmi d'autres parce que, par exemple, vous considérez
aussi que le 0,1 % de CSG va vous rapporter 4,6 milliards de francs alors qu'en
fait il ne va pas être appliqué en année pleine.
Vous comprendrez que, si j'additionne un certain nombre de mesures de cette
nature, je me pose un certain nombre de questions sur la façon dont ces
économies pourraient être réalisées. Je suis perplexe sur le résultat du
déficit que vous affichez !
M. Charles Descours,
rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.
A la suite de l'intervention de Mme le ministre, je formulerai quelques
remarques.
Cette discussion sur la réalité des comptes aurait été moins confuse si vous
aviez répondu, vous et vos services, madame le ministre, aux demandes
d'information que nous vous avons adressées par écrit le 24 octobre. En effet,
nous n'avons reçu aucune réponse à ce jour sur le rendement que vous escomptez
de votre dispositif.
Vous nous faites des procès d'intention sur ce que rapportera telle ou telle
mesure. Eh bien, madame le ministre, quand on bascule plus de quatre points de
cotisations d'assurance maladie vers la CSG, en ignorant aujourd'hui ce que
rapportera toute la partie non salariale,...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je l'ai dit : 500 millions de
francs !
M. Charles Descours,
rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.
... c'est que l'on a bien des incertitudes sur un budget qui est beaucoup plus
global que le nôtre. Et ces incertudes sont bien plus fortes que les nôtres,
qui portent peut-être sur 1 milliard de francs, alors que vous vous fondez sur
une masse considérable : 300 milliards de francs. Et vous nous indiquez que
votre budget est équilibré à 500 millions de francs près ?
Alors, madame le ministre, je dois vous dire très sincèrement, incertitudes
contre incertitudes, que nous ne saurons sans doute pas ce que notre budget
aurait donné à la fin de l'année puisque, probablement, au terme de la navette,
il ne sera pas adopté ; mais je prends le pari que, à la fin de l'année, nous
mesurerons les écarts avec les prévisions que vous avez faites aujourd'hui.
M. Paul Blanc.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 49 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 26, ainsi modifié.
(L'article 26 est adopté.)
M. le président.
Nous en revenons à l'article 1er et au rapport annexé, qui ont été
précédemment réservés.
APPROBATION DU RAPPORT
Article 1er et rapport annexé
(précédemment réservés)