PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour
1998 concernant la culture.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'aborderai à
grands traits trois sujets : le budget, le sens de la politique des arts et de
la culture, le pluralisme artistique et culturel dans le monde
d'aujourd'hui.
Je formulerai cinq remarques sur ce projet de budget.
Premièrement, vous stoppez, madame la ministre, la « descente » des crédits
qui, ces dernières années, a fragilisé, voire cassé, nombre de pratiques et
lieux culturels petits ou grands dans la diversité de leur forme,
particulièrement en ce qui concerne la jeunesse.
Le budget de votre ministère était devenu insaisissable, recomposé avec des
compétences nouvelles chaque année, gelé pour une part, à peine voté puis
diminué au printemps, encore à l'automne. Il était comme mis en procès au sein
même de l'Etat.
Cette tendance s'inverse avec une hausse de 3,8 % à compétences constantes.
C'est bien ! Il faut résolument continuer.
Deuxièmement, c'est d'aurant plus important que, par ailleurs, le marché sans
rivage régule de plus en plus culture et médias avec les conséquences que l'on
sait contre les audaces et le pluralisme de la création et, j'ajouterai, le
patrimoine.
Pensons, par exemple, aux vestiges archéologiques de l'église de Saint-Amand à
Rodez, traités à la légère par une société immobilière, autorisée formellement
par le dernier gouvernement, et ce en contradiction avec la loi.
Les comptes attaquaient les contes dans un espace jusqu'ici piloté par
l'alliance d'un libéralisme d'Etat et du libéralisme d'affaires, tempéré si
nécessaire d'humanitaire, dans les quartiers en difficulté, par l'envoi
d'artistes chargés de traiter le pauvre dans l'homme et non l'homme dans le
pauvre.
A la Villette, vous avez dit, madame la ministre, que les artistes ne peuvent
être employés dans un rôle de médecin du social. C'est très bien, d'autant
qu'il y a, dans le monde des arts et de la culture, du combustible à haute
teneur de civilisation, atout incontournable pour qui veut - c'est je crois
votre cas - travailler au réalisme du changement qu'appellent les mutations de
notre société, qui doit venir à bout du réalisme du
statu quo.
Il est grand temps de réguler l'intégrisme financier en culture. Il y a des
déprivatisations à opérer.
Malheureusement, quelques mesures récentes concernant cinéma et télévision ne
me semblent pas prendre le tournant nécessaire. J'évoque là le
non-conventionnement des chaînes étrangères.
Troisièmement, vous réaffirmez avec le Premier ministre votre attachement au 1
% dans la clarté. Je fus le porte-parole de cette campagne dans les années
soixante-dix. Nous étions cent trente-sept organisations dans un comité
national pour le 1 %, chiffre symbolique voulant instituer définitivement la
notion de responsabilité publique en culture.
Depuis, le 1 % a connu une histoire disons brouillée ; gardons-le mais,
surtout, chiffrons les budgets en fonction des besoins. Je pense que le 1 % est
un plancher et qu'il faut l'utiliser plus comme élan que comme but.
Quatrièmement, une campagne est menée dans un quotidien sur le thème : les
subventions étouffent-elles la créativité ? C'est une constante tendant à faire
renoncer les pouvoirs publics à leur responsabilité permanente dans l'histoire
culturelle de notre pays.
Je veux dire que les Français, à 60 %, veulent maintenir ou augmenter la
responsabilité des pouvoirs publics en culture, y compris en temps de crise,
selon l'enquête que le service des études et de la recherche du ministère a
effectuée voilà un an.
Peter Brook, venant de Grande-Bretagne, où le thatchérisme aurait eu des
vertus créatrices, a bien répondu : « Il ne faut pas sortir les vieux clichés
qu'on crée mieux dans la misère ; il vaut mieux des aides que pas d'aide. » Il
ajoute : « En Angleterre, l'idée de théâtre nationalisé lancée par Bernard Shaw
s'est concrétisée après un demi-siècle, et nous avons aujourd'hui le National
Theatre, le Royal Shakespeare Theatre ou le Royal Court, dynamiques grâce à
leurs subventions. Le théâtre a vécu sur cette lancée, malgré les coupes
budgétaires criminelles de Margaret Thatcher, qui ont touché la culture. »
Cinquièmement, bien évidemment, je regrette la forte annulation de crédits de
juillet dernier, que vous avez trouvée sur votre bureau en arrivant et qui a
fait que votre budget - l'un des plus modestes - a été parmi les plus touchés.
Un geste significatif et symbolique aurait été nécessaire. Dans les recettes du
budget, avec Ivan Renar, nous avons proposé vainement un ajustement à partir de
La Française des Jeux.
Je souhaite enfin que le budget que nous allons voter ne soit pas remis en
cause en cours d'année.
J'aborde maintenant le sens de la politique des arts et de la culture.
Beaucoup de réflexions sont en cours au ministère, chez les professionnels et
bien au-delà. Je souhaite y participer, à partir de l'article que vous avez
fait paraître dans
Le Monde
de vendredi dernier, intitulé
Pour une
politique des arts de la scène.
Je note d'abord ce que vous voulez voir inclure dans une charte du service
public pour les arts de la scène.
Vous êtes pour « un effort constant de démocratisation ». Vous dites que «
hommes et oeuvres doivent être assurés d'une plus grande circulation sur
l'ensemble des scènes publiques ». Vous notez que « les jeunes n'ont pas
toujours la place qui leur revient dans l'effort public consenti pour la
culture ». Vous affirmez « une volonté d'approfondir et d'élargir la relation
des gens aux langages du théâtre, comme de la musique et de la danse ». Vous
déplorez « l'absence de politique nationale claire et forte ».
J'adhère à ces démarches auxquelles j'ajoute quelques mots sur la création,
très soucieux de ce domaine essentiel de l'activité humaine.
L'Etat a une responsabilité envers la création artistique, sa liberté, ses
audaces, son pluralisme. Or, vous le savez, la dernière mode de pensée est de
tirer sur les artistes, qui ne savent ni être compréhensifs pour ceux-là ni
être Dupont-la-Joie pour quelques autres, ni être gestionnaires pour
beaucoup.
Maurice Schumann accueillant François Jacob sous la coupole déclarait
récemment : « La seule faute que le destin ne pardonne pas au peuple est
l'imprudence de mépriser les rêves. »
C'est le courage de la création et, s'il y a à travailler à la manière
d'Heiner Müller : « L'herbe même il faut la faucher afin qu'elle reste verte »
disait-il, l'approche des institutions culturelles, notamment avec ceux qui y
crééent, il y a à réaffirmer deux droits : premièrement, celui des artistes à
créer dans la liberté et le pluralisme ; deuxièmement, celui des citoyens à
rencontrer les créations et à pouvoir s'exprimer. Ces deux droits, l'histoire
le prouve, s'épaulent, mais en même temps se choquent. C'est une permanence de
la vie artistique que Cocteau avait bien vue : « Picasso m'a enseigné à courir
plus vite que la beauté, je m'explique, disait-il : celui qui court à la
vitesse de la beauté ne fera que pléonasme et carte-postalisme. Celui qui court
moins vite que la beauté ne fera qu'une oeuvre médiocre ; celui qui court plus
vite que la beauté, son oeuvre semblera laide, mais il oblige la beauté à la
rejoindre et, alors, une fois rejointe, elle deviendra belle définitivement.
»
L'art, comme tout un chacun, souffre de ce processus « du rejoindre », mais si
il cède, il n'y a plus d'invention possible. On ne peut vivre qu'en avançant
et, en art, il n'y a pas de démocratie. L'invention artistique sert la
démocratie, elle lui est même incontournable, mais elle ne saurait s'y
soumettre. Ce qui est vrai, c'est que dans « le rejoindre » se mêlent
reconnaissance de la création, travail du partenaire, option d'autrui,
c'est-à-dire la vie, qui a du mal à sortir du monde soit-disant fini d'avant la
chute du mur - et des deux côtés - pour appréhender le monde de l'infini - « La
défense de l'infini » écrivait Aragon - le monde du multiple, où nous
entrons.
Nous sommes contemporains de nouveaux « nouages » à faire vivre. L'oeuvre dite
réussie n'est pas la simple atteinte d'un effet projeté, pas plus que vu de
l'autre côté, l'idée discernée en elle par le lecteur, ne peut prétendre saisir
la chose en son entier. Il en va d'un vrai dialogue où l'imprévisible survient.
Il y a là un degré d'activité, un travail du lecteur, d'autant plus important
qu'un artiste, aujourd'hui, quelle que soit la nature de son art, doit lutter
contre un flot qui émousse toute réceptivité. Charles Péguy a traité aussi de
cela dans un magnifique poème,
Le marbrier de Carrare.
En recherche, on retrouve la même question d'en finir avec les tentations
d'instrumentalisation réciproque et ces dénis imaginaires de la complexité du
réel, qui sont aussi bien le fantasme de l'expertise sociale que celui du refus
du concept et de l'analyse au nom du vécu.
A Aubervilliers, dans la ville où j'ai des responsabilités, il y a une
floraison d'expression, notamment de la jeunesse, en musique, en danse et en
théâtre. C'est un écho du travail de création depuis longtemps à l'oeuvre et
aussi un réel besoin d'expression lié au « bouger » de la société. Nous faisons
tout pour qu'il n'y ait pas enfermement. La tâche est inouïe.
A La Villette, Nicolas Frize disait que, rencontrant ces jeunes en expression,
son souci était qu'ils se posent moins la question : qui suis-je ? que la
question : qui je deviens ? moins la question de leur expression que celle de
leur propre élaboration. Toutes les équipes, dans leur diversité, travaillant
sur le programme culturel de quartier de Cognac parlent dans le même registre,
en tout cas témoignent qu'il n'y a pas de voie courte, sauf à avoir une pensée
restreinte du commun.
On ne peut ni parler ni agir avec l'art comme avec la culture. Au-delà de la
charte du service public, tout à fait nécessaire pour les arts de la scène, je
pense qu'il faut mettre au jour une responsabilité publique générale en art et
en culture, l'art ne s'identifiant pas à la culture, la question étant même de
faire entrer la création contemporaine en culture.
L'art travaille sur l'exception, la culture sur la règle. L'art convoque la
pensée, même s'il est le lieu de « l'impossible théorie », comme le dit si
finement Paul Ricoeur. La culture, souvent assujettie à la « gestionnite » peut
gérer des déficits de pensée. L'art résiste. Il y a une culture de
renoncement.
Catherine Diverrès, François Bon, Armand Gatti, beaucoup de jeunes cinéastes,
souvent des femmes, disent des mots très forts sur ce sujet. Ils sont, dans
leurs oeuvres, de plus en plus du monde, mais sans commenter l'histoire, avec
laquelle ils sont cependant de plus en plus liés au quotidien.
Je voudrais, très brièvement, évoquer mon troisième point : l'accord
multilatéral sur l'investissement, l'AMI, dont les négociations, menées dans un
quasi-secret depuis 1995 au siège de l'OCDE, à Paris, sur l'initiative des
Américains, visent à une libéralisation totale des investissements.
En voici quelques aspects.
Les investissements étrangers bénéficieront du même traitement que les
investissements nationaux, sans en avoir les obligations ; les investisseurs
n'auront plus à recourir à leur Etat d'origine, en cas de conflit d'affaire,
pour attaquer éventuellement l'Etat d'accueil. Le droit d'auteur, considéré
comme un investissement, court-circuitera le droit moral. Les accords européens
sur l'audiovisuel risquent de devenir lettre morte.
Luciana Castellina, députée européenne avec qui vous avez beaucoup et bien
travaillé, madame la ministre, et qui m'accompagnait lors d'une conférence de
presse ici même, il y a quelques semaines, ainsi que le directeur général de la
SACD, a eu ces mots : « On n'est pas toujours conscient qu'il s'agit non pas
d'un marché plus vaste, mais surtout d'un marché différent, avec des
protagonistes différents, des mécanismes différents, des produits différents,
réglementés par d'autres législations. »
Et elle ajoutait : « Si l'espace, le territoire, est unique, et donc a besoin
de règles ou de législation à cette échelle, il n'y a pas de Parlement à ce
même niveau global. Alors, qui fixe les règles ? De qui émanent ces normes ?
»
Les gouvernements sont désormais sous le contrôle des marchés financiers,
disait un des participants, et pas le moindre, du forum de Davos. Allons-nous
vers l'épanouissement d'une « république mercantile universelle », pour
reprendre une expression d'Armand Mattelart ?
Devant ce déferlement-bouleversement, il y a trois attitudes : soit soutenir,
soit pratiquer l'impuissance démissionnaire, soit se recroqueviller sur son «
chez soi ». Tout cela serait fatal !
Il faut bâtir une alternative mais, tout de suite, réclamer une clause
d'exception culturelle générale. Vous l'avez dit vous-même à Beaune, madame la
ministre, lors des rencontres cinématographiques de l'ARP, en octobre
dernier.
Je veux dire à nos collègues, comme aux artistes et à nos concitoyens, que ce
sujet intéressant les arts et la culture les concerne tous dans leur quotidien,
dans leurs rêves : il y a besoin qu'il en soit parlé publiquement. Le plus vite
sera le mieux, les négociations devant être conclues au printemps prochain. Les
acquis du GATT ont été conquis, mais ils ne l'ont été que pour cinq ans. La
bataille contre l'actuelle conception de l'AMI, qui mutile le pluralisme, fait
partie de ce que la métaphore de Torga approche : « L'univers, c'est le local
sans les murs. »
Voilà ce que je souhaitais dire, madame la ministre, en pensant aussi au
Métafort d'Aubervilliers, qui a besoin pour s'élancer de notre commune
attention.
Pour conclure, je demande une nouvelle fois la tenue d'un grand débat sur les
arts et la culture au Parlement, un grand débat franc, adulte, en plein
pluralisme, en pleine tension vibrante, avec, en son coeur, en tout cas pour
moi, cette éthique de Picasso : « A force de sauter, on peut retomber du
mauvais côté de la corde. Mais si on ne risque pas de se casser la gueule,
comment faire ? On ne saute pas du tout ! »
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal.
Madame la ministre, le projet de budget que vous présentez devant la Haute
Assemblée marque un changement : il s'agit d'une approche nouvelle de la
politique culturelle.
La présentation effectuée par les différents rapporteurs, M. Maurice Schumann
et Philippe Nachbar, en témoigne. Sans entrer dans le détail des éléments
comptables, je retiendrai et soulignerai essentiellement la hausse de 3,8 % du
budget de la culture, qui représente une progression de 550 millions de francs
par rapport à 1997.
Contrairement à ce qui s'était passé les années précédentes, la culture a
franchi avec succès l'étape des redoutables arbitrages budgétaires et nous
voyons là le témoignage de la volonté gouvernementale de rompre avec la
tendance à l'immobilisme qui se manifestait, hélas ! ces derniers temps.
Oui, ce budget traduit bien une ambition et un projet de société où la
culture, comme l'éducation nationale, occupe une place centrale, de façon à
donner aux citoyens les clés du savoir, de la connaissance, et à leur permettre
l'accès à la découverte du monde des arts.
C'est là un véritable défi que vous engagez pour notre pays, et nous vous en
félicitons, car nous savons combien votre démarche est animée par la
préoccupation constante d'assurer le rayonnement de la France à travers sa
culture.
Ce rayonnement n'aurait aucune signification sans la participation des
citoyens, et nous accueillons très favorablement votre décision d'augmenter le
montant des crédits affectés aux actions artistiques en milieu scolaire.
Nous avons en effet, dans ce domaine, accumulé un retard préoccupant. Il
convient donc d'engager des actions de sensibilisation et d'éveil aux
différents arts dès le plus jeune âge.
Dans cette perspective, il sera intéressant de confier cette mission à des
jeunes gens ou jeunes filles, dans l'optique des emplois-jeunes proposés par
Martine Aubry.
La diffusion de la culture auprès des enfants doit être une priorité, de même
que son offre, car nous savons combien l'accès à la culture demeure encore lié
à la condition sociale.
Cette préoccupation, vous la partagez, et nous comptons sur votre
détermination pour favoriser l'initiation aux arts le plus tôt possible et
donner à chaque enfant les éléments de connaissance qui le conduiront sur les
chemins de la découverte culturelle.
Appréhender une culture, c'est aussi percevoir à travers elle une identité
forgée, tout au long de l'histoire, par l'apport d'innombrables créations, sans
distinction d'origine ou de race. En ce sens, une politique culturelle
ambitieuse contribue à renforcer la cohésion sociale, mais aussi à resserrer
les fils du tissu social.
Vous souhaitez, madame la ministre, démocratiser l'accès à la culture,
renforcer son rôle d'intégration ; sur ce point, nous ne pouvons que vous
suivre, car nous mesurons tous les dangers d'une culture sélective.
Par ailleurs, vous avez inscrit parmi vos priorités la valorisation de
l'architecture, que vous rattachez fort justement au patrimoine.
Il aurait été facile pour vous de gérer simplement le transfert récent de la
direction de l'architecture vers votre ministère, mais vous allez au-delà, en
réformant cette direction et en donnant à l'architecture toutes ses lettres de
noblesse.
A cet égard, je rappellerai simplement la progression de 14 % des crédits
destinés à l'enseignement de l'architecture. Elle traduit votre volonté de
réformer cet enseignement, mais aussi votre souci de promouvoir l'architecture
par le biais de différentes actions de sensibilisation, en particulier dans le
milieu scolaire.
Enfin, et surtout, après la forte baisse des crédits du patrimoine monumental,
nous notons avec intérêt leur augmentation de plus de 30 %.
Ces orientations démontrent votre volonté d'inverser les tendances, et je peux
vous assurer que les élus locaux, qui sont confrontés à des difficultés
financières pour restaurer et entretenir le patrimoine monumental de leur
commune, apprécieront ces choix budgétaires.
Emettons le voeu que la politique de contractualisation entre l'Etat et les
collectivités locales soit poursuivie et renforcée, car ces contrats permettent
de mieux finaliser les objectifs, de soutenir des actions culturelles
conjointes et, surtout, de mieux diffuser l'offre culturelle sur l'ensemble du
territoire.
A ce titre, nous saluons votre volonté d'attacher un intérêt particulier aux
actions culturelles innovantes qui participent à la politique d'aménagement du
territoire.
Je voudrais, à l'occasion du débat de ce soir, attirer votre attention sur les
décisions de classement du patrimoine, notamment du patrimoine industriel.
Le classement est souvent synonyme, dans les esprits et dans les actes, de
classement de patrimoine architectural.
Dans chaque région existent pourtant des sites industriels, le plus souvent en
friche, qui témoignent de l'histoire sociale et économique qui a forgé leur
identité. Notre collègue Philippe Nachbar l'a d'ailleurs démontré avec force en
présentant son rapport.
Le Languedoc-Roussillon garde ainsi la trace de sites miniers dans les hauts
cantons du département de l'Hérault ou d'anciennes manufactures de
l'arrondissement de Lodève, dans les Cévennes gardoises. Ces sites constituent
autant de lieux de mémoire et d'histoire sociale, dont la valeur pédagogique
est incontestable.
Aussi serait-il souhaitable d'encourager de manière plus affirmée le
classement de ces sites, qui témoignent de l'histoire industrielle de la
France, et de réfléchir au moyen de les réhabiliter et de les mettre en
valeur.
Je ne saurais parler du patrimoine sans évoquer les mesures qu'il serait
souhaitable de prendre dans le domaine de la facture instrumentale, et je pense
en particulier à la restauration et à la construction des orgues.
La réduction de 32 %, en 1997, des crédits affectés à cette restauration avait
beaucoup inquiété les facteurs d'orgues, toutes générations confondues,
menacés, il est vrai, de voir disparaître leur métier, avec les conséquences
qu'on peut imaginer tant sur le plan économique que sur le plan culturel.
Notre collègue Daniel Hoeffel a récemment attiré votre attention par le biais
d'une question orale sans débat, non seulement sur l'avenir de la facture
d'orgues, mais aussi sur l'intérêt de la restauration des instruments et du
maintien de ce patrimoine.
Nous connaissons, madame la ministre, votre intérêt pour cette question, et il
nous serait agréable que vous nous confirmiez votre décision de soutenir ce
secteur d'activité très important en France comme en Europe.
Madame la ministre, votre budget trace des perspectives encourageantes : c'est
une première étape qui s'inscrit dans un projet de société ambitieux, où la
politique culturelle retrouve toute sa place. Nous vous apporterons notre
soutien avec sincérité et détermination.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Il n'est pas toujours facile d'être artiste, femme ou homme de culture dans
notre pays ; mais il serait injuste de vous en faire porter la responsabilité,
madame le ministre, vous qui êtes au gouvernail depuis moins de six mois. Et
chacun connaît le dynamisme culturel de la ville de Strasbourg, qui est presque
aussi grand que celui d'Aubervilliers, me disait à l'instant mon collègue Jack
Ralite.
(Sourires.)
Cela étant, obstacles et difficultés en tout genre ne manquent pas, et je
voudrais vous faire part de trois préoccupations.
La première concerne la fiscalisation des activités de structures culturelles,
celles qui fonctionnent sous forme d'association régie par la loi de 1901.
Ces structures ont à faire face à de nombreux contrôles et redressements
fiscaux, certaines activités comme la publicité, la billetterie étant désormais
assimilées à des activités commerciales. Sont donc exigées, avec effet
rétroactif sur plusieurs années, TVA, taxe professionnelle et autres impôts sur
les sociétés.
Cette vision fiscale et commerciale de la création et de la diffusion
culturelles pose de graves problèmes. Elle rejoint celle des comptables,
supérieurs, arrogants et glacés, qui nous parlent toujours du coût de la
culture mais se gardent bien d'évoquer le coût de l'absence de culture.
Certaines de ces structures ne peuvent faire face aux sommes exigées : nous
avons tous en tête quelques exemples. Permettez-moi de citer celui de La Grande
Ecurie et la Chambre du Roy, cet ensemble dirigé par Jean-Claude Malgoire, qui
est contraint à la liquidation judiciaire pour assumer un redressement !
Il y a là un grave danger pour la vie culturelle. Un tel dévoiement de la
notion de culture menace cette exceptionnalité française héritée de notre
histoire. Il y a le risque d'un appauvrissement culturel. Mon ami Jack Ralite
le soulignait à l'instant en évoquant la mise en cause de la subvention
publique, qui est en fait la trace d'un lien avec la société.
Car l'activité culturelle n'a rien de commercial. J'ai pu prendre connaissance
de rapports du fisc sur des structures culturelles ; j'avais l'impression de
vivre sur une planète différente !
En attendant, l'Etat reprend d'un côté ce qu'il donne de l'autre ; d'un côté,
il libère, de l'autre, il asservit.
Il est donc urgent, selon moi, de redéfinir un cadre précis, un statut, y
compris sur le plan fiscal, plus adapté à la réalité des activités
culturelles.
Des propositions de loi existent ou sont en attente, visant par exemple à la
création d'établissements publics culturels. Un projet de loi a également été
annoncé, modifiant l'ordonnance de 1945 sur le spectacle vivant. Il importe
d'agir vite, mais tout changement des « règles du jeu » doit naturellement se
faire dans la clarté et la concertation.
Je sais que cette situation vous préoccupe et que vous agissez.
Dans l'immédiat, l'Etat doit prendre ses responsabilités en faisant cesser les
procédures en cours ; c'est un minimum. Il y va de la survie de nombreuses
structures.
Je voudrais maintenant vous faire part de certaines inquiétudes concernant les
projets de regroupement de la direction du théâtre et de la direction de la
musique, ainsi que des craintes que fait naître la déconcentration des
crédits.
Parmi les musiciens et les gens de théâtre, on redoute que la spécificité
inhérente à chacun de ces deux arts et les responsabilités de l'Etat dans ces
domaines ne disparaissent au profit d'une organisation peut-être trop vague du
spectacle vivant.
Si la déconcentration a pour avantage, tout au moins sur un plan théorique, de
rapprocher l'Etat des citoyens, le risque n'existe-t-il pas de voir être mises
en oeuvre vingt-six politiques culturelles différentes dans vingt-six régions
?
Les exemples que nous connaissons - Vitrolles, Marignane, Orange, Toulon - en
témoignent : l'Etat est le garant de l'unité nationale et de la « santé » de la
culture. Comment concilier cet impératif et la déconcentration envisagée ? Vous
le savez, le prince est souvent plus éclairé que les gouverneurs de ses
provinces.
Sans m'éloigner des propos qui précèdent, je souhaiterais, enfin, évoquer
brièvement les problèmes auxquels sont confrontées les compagnies du spectacle
vivant, notamment les plus modestes d'entre elles.
Un projet de loi dont nous aurons à connaître tout prochainement prévoit de
modifier la licence d'entrepreneur de spectacles. Les compagnies ont, certes,
besoin de la reconnaissance de leur existence, mais sûrement pas d'une
autorisation d'exercice.
Peut-être conviendrait-il de mettre en place un statut juridique spécifique
non pas assis sur des autorisations administratives, mais bien plutôt sur une
reconnaissance de la capacité des compagnies à réaliser des spectacles.
Une commission de professionnels, au sein de laquelle seraient représentées
ces petites compagnies, pourrait être une solution intéressante, à l'instar du
régime d'autorisation ayant cours dans les professions cinématographiques.
L'absence de statut juridique et fiscal précis ainsi que de contreparties
réelles à cette licence revisitée sont vécues par les artistes, les plus
jeunes, en particulier, comme une atteinte fondamentale au droit de produire du
spectacle.
Ce problème, parmi d'autres, impose que nous redéfinissions les objectifs de
la politique culturelle dans notre pays.
Lisibilité de l'action culturelle menée par l'Etat, lisibilité des aides
apportées à la culture, redéfinition des moyens mis en oeuvre, tels sont les
axes politiques attendus par nos concitoyens. Les jeunes compagnies, les plus
modestes peuvent y tenir leur place pleine et entière, mais aussi les
associations, afin de promouvoir une politique du spectacle vivant
audacieuse.
Madame le ministre, j'ai voulu brièvement évoquer quelques aspects du vécu
quotidien qui perturbent l'excellent travail qu'accomplissent nos structures
culturelles, dans l'immense majorité des cas, non pour donner, comme le disait
M. Nachbar, un supplément d'âme, mais bien parce que, comme l'affirmait si bien
André Malraux, « si le mot culture a un sens, il est ce qui répond à l'homme
quand il se demande ce qu'il fait sur Terre. Tout le destin de l'art, tout le
destin de ce que les hommes ont mis sous le mot culture tient en une seule idée
: transformer le destin en conscience. »
C'est tout le bien que nous vous souhaitons, madame le ministre, en votant
votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication, porte-parole du
Gouvernement.
Je tiens, au préalable, à adresser de très vifs
remerciements à MM. les rapporteurs et à l'ensemble des orateurs qui ont abordé
tous les aspects de ce budget et qui ont tenu des propos encourageants à
l'égard de mon action. Je comprends l'attente qu'ils ont manifestée et
j'apprécie l'intérêt qu'ils ont porté à la fois aux crédits du budget de mon
ministère mais aussi aux perspectives ouvertes par ce budget.
Ce budget, comme vous l'avez souligné, augmente de 550 millions de francs par
rapport à la loi de finances initiale de 1997. Si l'on y ajoutait, monsieur
Ralite, les crédits qui ont été annulés cet été, il augmenterait même de 1,174
milliard de francs.
Vous avez souligné à quel point il était important de maintenir ces crédits.
En plaçant la culture au coeur de la citoyenneté, vous avez exprimé une
conviction très forte. J'entends trop souvent dire, en effet, que l'exception
culturelle que nous défendons est une spécificité française qui ne servirait
guère nos intérêts au-delà de nos frontières.
Si nous avons conçu cette exception culturelle et si elle reste au coeur des
négociations internationales, c'est parce que nous mesurons la place que la
culture tient dans la démocratie. Elle permet à nos concitoyens de comprendre,
de procéder à des échanges, de savoir qui ils sont, de s'intéresser aux autres,
de s'ouvrir à leur regard, mais aussi de cheminer par l'esprit et non pas
seulement en fonction de leur condition sociale ou de leur pays d'origine.
L'effort consenti pour 1998 permet de replacer le budget de la culture au
coeur de l'action qui doit être menée en direction de nos concitoyens. Il
s'agit d'un budget de reconstruction. L'effort ne devra pas s'arrêter là. Pour
certains d'entre vous, consacrer 1 % du budget général à la culture est un
objectif quelque peu mythique, jamais atteint. Je considère, pour ma part, que
ce taux doit être compris non pas comme un plafond, mais comme un plancher.
En effet, les élus locaux connaissent bien le poids de l'effort culturel dans
nos villes, nos villages et nos quartiers. Cet effort, supporté à concurrence
de 60 % par les collectivités territoriales doit être conforté par l'Etat afin
que la culture soit accessible à tous, quel que soit le lieu de résidence,
l'âge ou la profession.
L'effort entrepris est donc un effort de démocratisation. C'est sous cet angle
que j'ai voulu aborder l'ensemble des crédits qui sont soumis à votre examen.
En effet, la concentration de cet effort sur la démocratisation de la culture
ne signifierait rien si elle ne se traduisait pas dans les chiffres.
En examinant le budget de l'exercice en cours ainsi que les budgets
antérieurs, je me suis rendu compte que deux domaines d'actions ont
particulièrement souffert de la diminution des crédits. Il s'agit du patrimoine
et du spectacle vivant. Cela me semble très dangereux.
Le patrimoine permet, en effet, à chacun, même s'il ne sait pas lire, de
connaître des lieux, un cadre, une histoire, la vie de ceux qui nous ont
précédés. Il permet, même à un petit enfant, de savoir où il est et où il vit.
L'intégration dans le cadre de vie de cette formation à l'esthétique, à la
forme, à l'espace et à la construction proprement dite éveille la curiosité.
Si le patrimoine, pour moi, est vivant et si j'ai voulu traduire cette vie en
l'associant à l'architecture, c'est parce que je crois qu'il est en constante
évolution. Nous le construisons sans cesse. Il ne faut pas nous en
désintéresser. Douter du patrimoine ou s'en désintéresser reviendrait à douter
de notre capacité à continuer de le construire.
C'est pourquoi je voulais restaurer les crédits consacrés au patrimoine.
Ceux-ci sont en augmentation de 39 %. Comme vous l'avez souligné, monsieur
Schumann, ils sont revenus, à 17 millions de francs près, au niveau prévu par
la loi de programme. Il importe de reconduire régulièrement ces crédits année
après année. Par ailleurs, nous devons poursuivre nos efforts en direction du
patrimoine industriel. Celui-ci a d'ailleurs été cette année particulièrement à
l'honneur, lors des journées du patrimoine.
Notre mémoire ne doit pas être sélective ; il ne faut pas oublier le
patrimoine paysan et ouvrier de notre pays. A l'aube de l'ère des nouvelles
technologies de la communication, il ne faut pas oublier que nous devons aussi
notre prospérité au labeur de nos anciens.
Nous devons non seulement concentrer nos efforts sur notre patrimoine mais
aussi respecter les hommes et les femmes qui ont bâti la civilisation de notre
pays. Nous avons, sans doute, pris du retard dans la protection d'une partie de
ce patrimoine modeste, qui était parfois déconsidéré car il était lié à des
technologies qui n'étaient plus employées.
Mais l'histoire même de la technologie nous permet aujourd'hui de comprendre
où nous nous situons. Le patrimoine est donc un acte non pas de conservation
mais de confiance.
Le deuxième pilier de ce budget est le spectacle vivant. La musique, la danse
et le théâtre, toutes ces disciplines appartiennent aux arts de la scène et
participent de cette priorité. A l'heure où nos concitoyens ont les yeux rivés
sur le petit écran, le spectacle vivant est une présence et en même temps un
contact avec le public.
Ce contact-là, c'est-à-dire la découverte d'une oeuvre à partir de la présence
physique de comédiens, de danseurs, de chanteurs, de musiciens doit être
encouragé, car nous en avons besoin. En effet, une société ne peut être vécue «
par écrans interposés ». Elle doit s'ouvrir à l'échange, à la présence et à la
création.
Voilà pourquoi ce budget est, pour moi, à la fois un acte de confiance et un
acte de conviction. A l'heure où l'art contemporain est particulièrement
critiqué et où certains de nos concitoyens estiment que la création
contemporaine est inaccessible et incompréhensible, il faut encourager la
création et donner à ceux qui prennent le risque de créer la possibilité de
continuer de le faire et d'aller au contact du public. A cette fin, des crédits
sont nécessaires. Le patrimoine et toutes les activités qu'il induit retrouvent
toute leur vigueur.
Les crédits consacrés au spectacle vivant augmentent de plus de 270 millions
de francs, ce qui permettra de soutenir les orchestres, les compagnies de danse
et de théâtre, bref, tous ceux qui créent aujourd'hui dans notre pays.
Cette augmentation permettra aussi de rendre, grâce à la charte de service
public, cette création accessible à ceux qui s'en sentent aujourd'hui parfois
exclus.
Nous avons également souhaité définir une troisième priorité. Il s'agit du
rôle que peuvent jouer les collectivités sur l'ensemble du territoire, que ce
soient les communes, les départements ou les régions. Ce sont eux qui
supportent aujourd'hui la plus grande part de l'effort culturel dans notre
pays.
Nous avons souhaité innover, en introduisant, dans ce projet de budget pour
1998, un fonds de contractualisation doté de 23 millions de francs, qui
permettra de soutenir les expériences innovantes et celles qui traduisent un
engagement commun des collectivités publiques dans des projets culturels. En
effet, nous pouvons, grâce à ce fond, soutenir et encourager la coopération
intercommunale, et en même temps affirmer la présence de l'Etat dans ces
initiatives.
Je reviendrai un instant sur quelques aspects de ce projet de budget. Vous
avez souligné, pour l'approuver, l'effort qui a été fait en termes de crédits
pour l'architecture et le patrimoine. Vous avez également souligné ce qui
permet de poursuivre la transformation du patrimoine existant et de réaliser de
grands projets sur l'ensemble de notre territoire. Il est vrai que chacun est
sensible à ce qui permet d'assurer la diffusion de la culture partout, qu'il
s'agisse de lieux ou d'activités culturelles qui correspondent aux aspirations
de nos concitoyens.
Quelques-uns de ces grands chantiers ont été évoqués. Vous avez cité,
notamment, la restauration du Grand Palais, le nouveau Centre de la mémoire
contemporaine de Reims ou le Centre national du costume de scène à Moulins. Il
y en a bien d'autres, comme le Cargo, à Grenoble, qui rouvrira en 1998.
A cet égard, je voudrais préciser que notre politique ne se limite, à des
projets architecturaux.
Certains d'entre vous ont fait référence à l'économie qui résulte, en 1998, de
l'achèvement des grands projets réalisés au cours des dernières années. Certes,
ces bâtiments sont pratiquement terminés. Cependant, nous devons assurer le
fonctionnement et la montée en charge des institutions que ces bâtiments
abritent.
Tel est notamment le cas pour la Bibliothèque nationale de France. Lors de la
préparation du projet de budget pour 1998, nous nous sommes demandé si cette
bibliothèque devait être ouverte totalement ou partiellement et si elle devait
être entièrement accessible au public. J'ai fait un choix et je l'ai défendu.
Il a été accepté que cette bibliothèque non seulement soit ouverte au public et
aux chercheurs, mais aussi joue son rôle de coeur de réseau pour l'ensemble des
bibliothèques françaises.
Nous devons, à chaque fois, raisonner avec la volonté d'« optimiser » en
quelque sorte l'argent public, afin que tous les établissements majeurs de
notre pays soient le plus possible ouverts à toutes les activités liées à leur
mission, mais aussi au maximum de personnes.
Ainsi, j'ai souhaité que la Bibliothèque nationale de France soit ouverte aux
jeunes de seize ans. A partir de cet âge, en effet, on a des exposés à faire au
lycée et un certain nombre de recherches à effectuer. Il faut avoir le contact
avec le livre. Je remercie l'orateur qui a évoqué ce point. La lecture est au
coeur du devoir que nous avons. En effet, nous ne pouvons nous passer de la
lecture, mais encore faut-il, dans toute la mesure possible, permettre aux plus
jeunes d'entre nous d'accéder à l'écrit.
J'ai également pris note de différents propos concernant les musées. J'y
reviendrai dans un instant, en répondant directement aux questions qui ont été
posées.
S'agissant des acquisitions, l'une de mes inquiétudes portait sur le fait que
nous disposions en 1997 de crédits très faibles, non seulement pour financer
les acquisitions traditionnelles des musées, mais aussi pour acquérir les
oeuvres qui sont bloquées en douane et qui risquent de quitter le territoire.
Nous avons pu, dans le projet de budget pour 1998, renforcer considérablement
les crédits d'acquisition, puisqu'ils augmentent de 29 millions de francs. Par
ailleurs, le Fonds du patrimoine sera doté, au total, de 97 millions de francs,
réservés en priorité à l'acquisition des oeuvres ayant fait l'objet d'un refus
de certificat pour éviter leur sortie du territoire et, par conséquent, un
appauvrissement de notre patrimoine artistique national.
Il s'agit donc d'une première étape, d'un premier pas, qu'il faudra, bien
évidemment, confirmer.
En ce qui concerne le spectacle vivant, je voudrais apporter une précision.
J'ai signalé, au début de mon intervention, que les crédits alloués à celui-ci
progressent de 277 millions de francs. Au total, ce sont 4,240 milliards de
francs qui seront consacrés en 1998 au spectacle vivant.
Cette évolution, cette place tenue par le spectacle vivant témoigne de notre
attachement à cette forme de création artistique.
Quant au cinéma, qui fait également partie de mes priorités, 222,7 millions de
francs en dépenses ordinaires y seront consacrés en 1998 sur le budget du
ministère de la culture. S'y ajouteront, je le rappelle pour mémoire, après M.
le rapporteur, 2,85 milliards de francs à travers le compte de soutien, contre
2,29 milliards de francs en 1997.
Ainsi, non seulement le spectacle vivant mais aussi la production
cinématographique bénéficieront d'une progression des moyens qui leur sont
alloués, ce qui, je crois, devrait dynamiser l'ensemble des professions liées à
ces disciplines artistiques.
Pour le spectacle vivant, nous avons axé nos efforts selon deux orientations :
conforter le réseau d'institutions et d'établissements publics qui sont les
acteurs majeurs de la diffusion et renforcer les moyens consacrés à
l'enseignement des disciplines du spectacle.
En ce qui concerne la charte du service public, nous avons souhaité commencer
par l'appliquer au spectacle vivant mais il est vrai que cette démarche peut
parfaitement être étendue à d'autres disciplines que celles qui relèvent des
arts de la scène. Cette charte sera élaborée en concertation avec l'ensemble
des professions intéressées. Elle permettra de donner corps à notre objectif
d'élargissement des publics, tout en définissant des références communes à
l'ensemble des partenaires.
Ce qui m'importe en effet dans cette concertation, c'est que les
professionnels puissent avoir l'occasion non seulement de dialoguer avec le
ministère et avec les différents partenaires concernés, mais aussi entre eux.
En effet, il est important que les professionnels aussi aient un débat sur la
manière dont ils conçoivent le service public et le service du public, qui peut
être, et doit être, leur but.
Je souhaite aussi, à travers cette réflexion, que l'on puisse réfléchir à
l'allocation des moyens logistiques et financiers qui y sont attribués. Je
pense que certains lieux peuvent avoir un usage pluridisciplinaire et être
largement ouverts, en tout cas plus qu'ils ne le sont aujourd'hui.
La formation et l'enseignement des disciplines artistiques du spectacle seront
renforcés. J'en veux pour preuve les crédits qui y sont consacrés : 8 millions
de francs de crédits d'intervention supplémentaires pour ce qui concerne
l'enseignement de la musique et 11 millions de francs d'autorisations de
programme pour réaliser les investissements nécessaires. Ces crédits nous
permettront de consolider le réseau des conservatoires nationaux de région et
les écoles nationales de musique pour améliorer la qualité de l'enseignement
mais aussi, et surtout, pour favoriser l'enseignement des disciplines
nouvelles.
J'en viens aux interventions en milieu scolaire, qui constituent l'un des
soucis que vous avez fortement exprimés. Elles seront multipliées, car elles
sont l'un des plus sûrs moyens de sensibiliser les jeunes à la création
musicale.
Je souhaite aussi, au cours de l'année prochaine, promouvoir, en relation avec
le ministère de l'éducation nationale, l'éducation à l'image, notamment en
direction des plus jeunes, car il faut aussi leur apprendre à comprendre et à
décoder les images, comme on leur apprend à lire.
Il est, selon moi, essentiel de ne pas disjoindre la démocratisation des
pratiques culturelles et la politique d'excellence. Je crois que l'une ne va
pas sans l'autre. S'agissant du théâtre, ma collègue Mme Marie-George Buffet
est tout à fait d'accord pour que le théâtre amateur rejoigne le ministère de
la culture, ce qui nous permettra de mener une action cohérente dans ce
domaine. Cela sera un pas en avant. En effet, il paraît étrange que,
contrairement à la musique, à la danse ou aux arts plastiques, il existe, dans
le monde du théâtre, cette séparation un peu artificielle qui ne favorise pas
les liens entre la création et la diffusion des pratiques culturelles.
Parallèlement, j'envisage de promouvoir les formes nouvelles de création dans
le domaine du spectacle. Huit millions de francs supplémentaires seront alloués
en 1998 au soutien à la création théâtrale et aux arts de la rue. La création
chorégraphique sera, pour sa part, encouragée. La création du Centre national
de la danse, installé à Pantin, va participer de cet effort.
De même, je souhaite que les musiques actuelles bénéficient de moyens
nouveaux. A ce effet, j'ai prévu 5,3 millions de francs de plus en crédits
d'intervention et 4 millions de francs supplémentaires en investissement pour
rendre possible la création ou la transformation de lieux appropriés à cette
nouvelle forme de création artistique. Nombre d'élus, qui ne siège pas dans
cette assemblée, ont compris l'opportunité ainsi offerte. En effet, je suis
assaillie de projets et de demandes.
Je répondrai maintenant aux questions de MM. les rapporteurs et des divers
intervenants.
J'ai déjà dit un mot en ce qui concerne les grands travaux, je n'y reviens
pas. Cela me permet d'enchaîner sur la répartition des crédits entre Paris et
la province, question qui a été lancée par M. Schumann et reprise par plusieurs
d'entre vous.
Hors établissements publics, pour 1998, le rapport est le suivant : 39 % pour
Paris, 5,5 % pour l'Ile-de-France et 55,5 % pour la province. Si l'on prend en
compte les établissements publics, 54 % des crédits sont consacrés à Paris, 4,5
% à l'Ile-de-France et 41,5 % à la province.
On peut constater, ainsi que cela a été souligné, que les établissements
publics nationaux changent l'équilibre et empêchent une diminution de la part
des crédits consacrés à Paris. En effet, l'Etat a aussi une responsabilité
vis-à-vis de ces grands établissements publics : il faut les soutenir, mais
aussi correctement les calibrer et les gérer.
Abordons maintenant la question de l'organisation du ministère, pour laquelle
je nourris, effectivement, une grande ambition. Les fonctionnaires qui y
travaillent, qu'il s'agisse de l'administration centrale ou des services
déconcentrés, doivent sortir de la précarité, de l'incertitude dans laquelle
ils ont dû travailler au cours des dernières années. En effet, la tâche est
dure quand on ne sait pas comment répondre, quand on ne sait pas non plus
comment programmer les investissements et les réalisations du ministère de la
culture.
Ce ministère doit être un grand ministère de notre pays pour être digne de
l'ambition culturelle qu'il exprime. C'est bien la raison pour laquelle je
souhaite fortement le consolider.
Cette consolidation du ministère est fondée sur la transformation de plusieurs
secteurs. J'ai déjà évoqué le rapprochement du patrimoine et de l'architecture,
qui a été bien compris à la fois par votre assemblée et par les interlocuteurs
intéressés.
Ce rapprochement permet de travailler autrement sur l'espace public et de
prendre en compte l'ensemble de la démarche urbaine pour inscrire les monuments
dans leur cadre urbain et changer la politique d'investissements et de
restauration du patrimoine classé. A cet égard, je pense que les restaurations
doivent prendre moins de temps et que nous devons parfois faire des choix pour
que nos concitoyens comprennent quelle est l'intention des reponsables
publics.
Vous l'aurez remarqué, je préfère ce terme de « rapprochement » à celui de «
fusion ». En effet, il s'agit, certes, de rapprocher des disciplines
différentes, mais tout en conservant, notamment pour les arts de la scène, des
politiques artistiques indépendantes, même si elles communiquent entre
elles.
Il y a en effet des logiques communes à l'ensemble des arts de la scène. Il
convient, par exemple, de chercher à traiter mieux et de façon plus efficace
vis-à-vis de nos partenaires les problèmes sociaux et fiscaux, les questions
relatives aux droits d'auteur et aux artistes interprètes, ainsi que les
rapports avec les collectivités locales.
Par ailleurs, le maire ou le professionnel ne doivent pas avoir à passer par
trente-six bureaux pour présenter leur projet ou poser leurs questions. C'est à
l'administration de se transformer et de rendre au public et à ses partenaires
un service meilleur.
J'ai donc souhaité que la direction du théâtre et des spectacles et la
direction de la musique et de la danse se rapprochent au sein d'une direction
qui définira les orientations et les directives communes aux deux domaines et
donnera leur sens et leur finalité aux crédits déconcentrés dans les régions.
Cela ne veut pas dire que je remette en cause les prérogatives locales, mais je
rappelle que les DRAC sont composées de fonctionnaires du ministère et je
considère qu'il y a une plus grande cohérence à trouver dans le fonctionnement
des services de l'Etat en région, au regard des actions qui sont décidées par
le Parlement et engagées à l'échelon national.
Tout cela doit se faire tranquillement, avec du temps, car je ne crois pas aux
décisions magiques. Ce n'est pas parce que l'on décide, à un moment donné, de
créer des entités que celles-ci se créent immédiatement. Il y a des traditions,
des cultures, des habitudes de travail dont il faut tenir compte et, en tout
état de cause, si l'on veut bien servir un projet, encore faut-il que les
personnes qu'il concerne se sentent impliquées. C'est la raison pour laquelle
j'ai demandé tant à M. François Barré, directeur de l'architecture et du
patrimoine, qu'à M. Dominique Wallon, tout récemment nommé, de conduire ce
projet et de mettre en oeuvre les orientations que j'ai fixées de façon la plus
ouverte et avec le plus de concertation possible, afin que chacun puisse
comprendre la démarche et y apporter sa contribution. Je pense ici, notamment,
aux personnels de cette administration. Ils sont en effet les premiers
impliqués.
En ce qui concerne la direction du développement et des formations, madame
Pourtaud, vous relevez une certaine baisse de l'activité et de la stimulation
qu'exerce cette direction. Celle-ci doit continuer d'assumer les missions qui
relèvent de l'action territoriale, des enseignements et de la démocratisation
de la culture. Connaissant maintenant mon projet et la manière dont je souhaite
pouvoir le conduire, vous aurez compris à quel point cette direction devient
stratégique, essentielle, même à l'intérieur du ministère. Nous devons, là
aussi, consolider, remettre sur pied et développer tout ce qui relève de la
direction du développement et des formations.
La déconcentration a fait couler beaucoup d'encre. Pourtant, il faut bien
constater que, sur 3,3 milliards de francs de crédits d'intervention, 1,3
milliard de francs sont d'ores et déjà déconcentrés en 1997. On en connaît les
effets, et ils sont positifs. Les lois de décentralisation ont permis, avec les
crédits déconcentrés, de responsabiliser autrement et d'équilibrer la relation
partenariale entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Les subventions déjà déconcentrées reviennent aux orchestres régionaux, aux
théâtres lyriques et à une grande part des compagnies dramatiques.
En 1998, les crédits déconcentrés s'élèveront à 1,7 milliard de francs. De
nouvelles structures seront concernées, comme les scènes nationales, les
centres dramatiques nationaux et les centres chorégraphiques.
Cependant, j'ai obtenu du Premier ministre un délai supplémentaire d'un an
pour mener à son terme, dans le cadre de la réforme de l'Etat, le processus de
transformation du ministère et des services déconcentrés que j'ai souhaité
enclencher. Cette année supplémentaire nous laissera le temps de traiter avec
attention et opportunément chaque situation spécifique.
Surtout, la déconcentration ne prend tout son sens qu'à la condition, que
j'entends bien remplir, d'une politique nationale forte. Je parlais
précédemment de directives. Je crois que la charte du service public traduit
également cette intention. De la même façon, le développement de la politique
de contractualisation, qui sera possible grâce aux contrats de Plan
Etat-région, sera une autre opportunité.
Mais nous avons beaucoup parlé de l'activité du ministère pour 1998. Qu'en
est-il de l'an 2000 ? La célébration du changement de millénaire est évidemment
un moment très important pour notre pays. Quand j'ai pris mes fonctions, j'ai
trouvé le dossier en l'état. Si la concertation et l'appel à projets avaient
déjà été lancés depuis quelque temps, en ce qui concerne le financement, rien
n'était véritablement clarifié. A part l'hypothèse d'un financement par
prélèvement sur les recettes d'un jeu, aucun crédit budgétaire n'était
envisagé. A l'issue des premiers échanges qui ont eu lieu avec le Premier
ministre, nous avons pu mobiliser des crédits plafonnés à 500 millions de
francs. Je rappelle que nous avons aujourd'hui une contrainte, ne pas faire
exploser les dépenses publiques, et qu'il nous faut donc, à ce titre, trouver
des financements complémentaires. Savoir si ce sera un jeu ou autre chose, le
débat est encore largement ouvert.
Je puis simplement vous rassurer sur la volonté du Gouvernement,
singulièrement du Premier ministre, de préparer une célébration du prochain
millénaire digne de notre pays, à la fois pour nos concitoyens et pour l'image
de la France dans le concert européen et international.
M. Schumann m'a interrogée sur la loi « musées ». Ce projet de loi date de
1992 ; il est donc assez ancien. Je crois important de rénover le statut
juridique des musées, dont l'origine remonte à 1945, mais j'ai souhaité, dans
un calendrier législatif chargé, prendre le temps de l'expertise sur ce projet
que j'ai trouvé à mon arrivée.
Je désire, en particulier, que l'on approfondisse la réflexion sur deux
questions importantes que soulève ce texte. Il s'agit, d'une part, des
questions de domanialité publique pour les objets mobiliers et, d'autre part,
des bases du contrôle technique sur les musées des collectivités locales.
J'ai pris connaissance des positions des associations d'élus. Au-delà d'une
approbation de principe du texte, elles ont manifesté clairement le souhait
d'une concertation approfondie sur les objectifs autant que sur les moyens. Je
me suis engagée vis-à-vis des grandes associations d'élus à répondre à leur
attente. Pour ce qui a trait à la situation de la Réunion des musées nationaux,
il faut reconnaître qu'elle s'était effectivement gravement dégradée, ce qui
s'était traduit, en 1996, par un déficit important lié, non seulement à la
diminution de la fréquentation des musées, mais aussi et surtout aux résultats
préoccupants des services éditoriaux et commerciaux.
C'est pourquoi, comme vous l'avez rappelé, un plan d'action a été mis en place
pour une durée de trois ans. Il vise à rééquilibrer les comptes de la Réunion
des musées nationaux et à ramener son fonds de roulement à son niveau de
1993.
J'ai plaisir à vous annoncer ce soir que les résultats enregistrés à la fin du
mois d'octobre traduisent une amélioration plus sensible encore que celle que
l'on pouvait envisager. Si cette tendance se poursuit, la RMN devrait
enregistrer un résultat positif de 18 millions de francs, au lieu des 5
millions de francs que le plan prévoyait pour cette année. Il n'en reste pas
moins que l'effort doit être poursuivi et qu'il faut parvenir à une gestion
tout à fait stabilisée. Sachez que je m'en préoccupe !
Pour ce qui est des multiplexes, plutôt que de les diaboliser, il faut, je
crois, être très attentif à la manière dont on les implante. J'ai donc envisagé
de modifier la réglementation en vigueur, car elle ne permet pas de résoudre
les problèmes de concurrence qui se posent parfois dans les zones urbaines où
plusieurs équipements peuvent être projetés, avec un risque de concurrence et
de dégradation des programmations.
Il est clair qu'intervenir dans la programmation de cinémas qui relèvent d'une
gestion privée est évidemment délicat. Cependant, au nom de la diversité de la
diffusion, qui doit être notre objectif, il est important que ces équipements
soient considérés comme des équipements culturels et non pas simplement comme
des instruments de diffusion de masse. Il faut donc aussi soutenir, ce que j'ai
souhaité faire, les salles alternatives, essentielles pour leur rôle de
découvreur de talents et d'animation culturelle. J'ai demandé au comité
consultatif de la diffusion cinématographique d'examiner les conditions dans
lesquelles certains engagements pourront être demandés aux opérateurs en
situation de position dominante. C'est d'ailleurs cette voie qui a été choisie,
par exemple, dans le cadre de l'implantation d'un multiplexe Gaumont à
l'Aquaboulevard. En attendant la modification de la législation, je n'hésite
pas non plus à user de mon pouvoir de recours contre certaines décisions.
Parallèlement, un guide d'information destiné aux élus est en voie
d'achèvement. Il pourra donc être diffusé très prochainement.
J'ai souhaité également renforcer les aides financières destinées aux salles
indépendantes, qui bénéficieront, en 1998, de 20 millions de francs
supplémentaires dans le cadre du compte de soutien sélectif.
Que ceux qui s'interrogent sur le devenir du Palais du cinéma se rassurent.
C'est un projet auquel je tiens beaucoup, et il sera réalisé. Le Gouvernement
doit encore rendre très prochainement des arbitrages en matière de grands
travaux sur Paris, et c'est à la suite de ces arbitrages que la décision
définitive sera connue. Mais ni le principe de la réalisation de ce grand
projet, qui date de 1993, ni la perspective de le réaliser dans des délais
proches ne sont remis en question.
Concernant la valorisation du patrimoine cinématographique, vous avez souligné
l'importance de l'enveloppe destinée au plan nitrate et le travail accompli
tant par les services des archives du film du CNC que par la Cinémathèque
française pour retrouver les oeuvres et les restaurer. Je souhaite que ces
efforts contribuent à une meilleure diffusion des oeuvres, que ce soit sous
forme de cassettes ou de copies accessibles au public, ou grâce à la création
d'un réseau national de salles associées à la Cinémathèque. Ce serait une bonne
façon de lancer et de soutenir l'initiation cinématographique.
En ce qui concerne le patrimoine rural non protégé, je rappellerai un chiffre.
Au chapitre 66-20, les autorisations de programme prévues vont être portées de
32 millions de francs à 35 millions de francs. Nous maintenons donc l'effort en
faveur de ce type de patrimoine.
Par ailleurs, la Fondation du Patrimoine - projet que j'ai trouvé bien en
difficulté en prenant mes fonctions - inaugurera son premier chantier le 18
janvier prochain.
J'en viens aux enseignements artistiques et à la politique du livre, sujets
qui ont été évoqués par plusieurs intervenants.
S'agissant de la lecture, ma priorité est véritablement le public jeune. En
effet, c'est dans les classes, que ce soit dans les zones d'éducation
prioritaires ou dans les zones rurales, que l'on peut engager des parrainages
de classes, par exemple, et un travail à long terme.
Nous avons décidé de soutenir de façon plus importante les relais-livres en
campagne, services polyvalents liés à la lecture, mais incluant également
l'accès aux nouvelles technologies. Plusieurs projets sont en cours. Nous
signons ces jours-ci les premières conventions, qui seront financées, en 1998,
sur des crédits déconcentrés.
Plusieurs actions seront également menées en faveur des publics éloignés du
livre, que ce soit dans les hôpitaux ou dans les prisons. Nous apporterons
notre soutien à l'ouverture de services d'accès à Internet et à la formation à
ces techniques à un public le plus large possible, notamment au sein des
bibliothèques.
S'agissant des crédits liés à la lecture, il faut replacer les crédits
directs, que vous avez évoqués, dans l'ensemble des dépenses consacrées
aujourd'hui au livre et à la lecture.
Avec une augmentation de 1 % et un peu plus de 1 milliard de francs de
crédits, l'action en faveur du livre et de la lecture représente pratiquement
le quart des crédits d'intervention, en raison du poids de la dotation générale
de décentralisation.
Il faut en effet, pour être juste, compter dans la capacité d'intervention du
ministère la dotation générale de décentralisation, qui représente un effort
considérable sur le plan financier, avec une évolution à la hausse qui nous
permet de déclencher les nouvelles initiatives.
L'enseignement artistique est véritablement l'une des clés et l'une des
orientations que nous devons développer.
J'ai souhaité consacrer l'année 1998 à un travail approfondi sur un projet de
réforme des enseignements artistiques en liaison avec l'éducation nationale, et
ce dans l'ensemble des disciplines. Simultanément, nous voulons réformer les
formations spécialisées. En effet, à mon avis, nous devons assurer aux
professionnels des métiers culturels une formation initiale et un droit à la
formation continue et, dans certains cas, à la réinsertion professionnelle
dignes de l'effort de formation qu'ils ont consenti au début de leurs
apprentissages.
Par conséquent, s'agissant des métiers culturels qui dépendent de mon
ministère, je pense que nous devons revaloriser l'ensemble des formations et
améliorer la reconnaissance de celles-ci. Nous nous y consacrerons en 1998, ce
qui supposera un gros effort de l'Etat sur le plan financier. Je compte bien
justifier une part de la demande budgétaire pour l'exercice 1999, dès le mois
de janvier prochain, sur la base de ce projet de réformes. Puisque vous avez
beaucoup insisté sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que
je pourrai compter sur votre appui déterminé.
La collaboration avec l'éducation nationale se développe bien. Je considère
même qu'il faut, avant d'envisager des textes de loi, commencer par agir et par
développer les projets de façon très concrète, afin de convaincre les personnes
réticentes. En effet, cela permet d'avancer beaucoup plus rapidement
ensuite.
En ce qui concerne les intermittents du spectacle, nous devons, puisqu'il
s'agit de professionnels, appliquer intégralement les conclusions du rapport
Cabanes. Nous nous y sommes en effet engagés. Il a été fait référence au projet
de loi qui viendra en discussion devant le Parlement au printemps prochain et
qui prévoit la création de la licence d'entreprise de spectacles. Les
réticences des petites compagnies à cet égard proviennent surtout, je pense,
d'un manque d'explication et de compréhension, car cette licence ne crée
d'empêchement ni quant à leur liberté de programmation ni quant à leur
activité.
En revanche, comme le guichet unique, comme le croisement des fichiers
sociaux, elle permet de lutter contre les entreprises du spectacle que je
qualifierai d'« illégales », contre la concurrence déloyale et contre aussi,
parfois, le travail illégal.
J'en viens à la problématique fiscale des associations, question à laquelle je
vous sais très sensible, monsieur Renar. Elle concerne d'ailleurs aussi,
au-delà du secteur de la culture, les domaines du sport et de l'action
sociale.
Le problème tient souvent au fait que l'assujettissement des associations à la
TVA entraîne juridiquement leur assujettissement à la taxe professionnelle et à
l'impôt sur les sociétés.
Un expert en fiscalité, mandaté par le Gouvernement, étudie actuellement les
issues envisageables.
Par ailleurs, j'ai demandé au Premier ministre, qui attend évidemment le
résultat de cette expertise pour trancher, que le spectacle vivant, qui peut
aujourd'hui bénéficier d'une exonération de la taxe professionnelle à hauteur
de 50 %, voie cette exonération passer à 100 %.
Mon collègue Dominique Strauss-Kahn vous a d'ailleurs récemment annoncé que,
comme je le lui avais vivement demandé, il suspendra les poursuites dans
l'attente du rapport de l'expert. Ce sera à mon avis une très bonne chose pour
sortir des contentieux qui existent aujourd'hui.
M. Philippe Nachbar,
rapporteur pour avis.
Très bien !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
D'un mot, messieurs les
rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais encore une fois
vous exprimer toute ma gratitude. Votre décision sera pour moi non seulement un
encouragement, mais aussi l'expression de votre volonté de voir ces crédits
respectés et non gelés,...
M. Maurice Schumann,
rapporteur spécial.
Voilà !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
... afin d'évaluer et
d'expertiser le résultat des actions qui pourront être menées grâce à votre
vote.
(Applaudissements.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la culture
et figurant aux états B et C.
ETAT B
M. le président. « Titre III : 184 432 629 francs. »