M. le président. Par amendement n° II.17, M. Cluzel propose :
A. - Après l'article 62 quater , d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est créé un fonds pour l'aide à l'exportation des programmes audiovisuels.
« Ce fonds participe, par l'octroi de prêts ou de garanties, au financement des programmes audiovisuels de nature à être diffusés à l'étranger.
« Il peut prendre des participations dans des sociétés ayant pour objet la production ou la distribution de programmes audiovisuels.
« Il concourt, en liaison avec tous les organismes publics ou privés concernés, aux opérations de promotion commerciale de nature à favoriser les exportations de programmes audiovisuels.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article.
« II. - A compter du 1er janvier 1999, le taux du prélèvement affecté au fonds national pour le développement du sport prévu à l'article 48 de la loi de finances pour 1994 (n° 93-1352 du 30 décembre 1993) est porté à 3,4 %.
« III. - Le début de l'article 36 de la loi de finances pour 1984 (n° 83-1179) du 29 décembre 1983 est ainsi rédigé :
« I. - Il est institué, à compter du 1er janvier 1999, une taxe assise :

« 1°) sur les abonnements et autres rémunérations acquittés par les usagers afin de recevoir les chaînes de télévision diffusées par voie hertzienne ou par satellite ; (le reste sans changement). »
B. - En conséquence, de faire précéder cet article additionnel d'une division ainsi rédigée : « Culture et communication ».
La parole est à M. Cluzel.
M. Jean Cluzel. Monsieur le président, si vous le voulez bien je défendrai mon amendement à titre personnel, puis je donnerai l'avis de la commission, en tant que rapporteur spécial.
Nous connaissons tous la situation de notre pays en matière d'exportation de produits audiovisuels. Quelques chiffres suffisent à la décrire. Nous occupons moins de 2 % du marché mondial. En 1996, nous avons exporté pour 496 millions de francs de programmes audiovisuels, quand les Etats-Unis en exportaient dans la seule Europe pour cent fois plus.
Nous assistons actuellement au passage des Etats-Unis d'une position de suprématie, où ils étaient les meilleurs, à une position d'hégémonie, où ils vont devenir les seuls.
Nous avons consenti de grands efforts en faveur de notre cinéma, et nous avons bien fait. Ce sont en effet ces efforts, accomplis sous des gouvernements successifs et d'orientations différentes, qui permettent au cinéma français d'exister.
De tels efforts, nous devons, me semble-t-il, dans l'intérêt de notre pays, en faire pour les programmes audiovisuels.
Pareille action s'est-elle produite à travers le monde ? Oui, au Canada.
Le Canada se trouvait dans la même situation que nous à la fin des années soixante-dix. Il a pris des décisions courageuses de fixation de quotas, de contenu canadien des programmes, mais aussi d'aide à l'industrie canadienne de programmes audiovisuels.
Par conséquent, le moment paraît venu, pour nous tous, de prendre les décisions qui s'imposent, d'autant que, Mme Danièle Pourtaud le rappelait tout à l'heure à la tribune, Bruxelles ne semble pas très favorable à la création d'une aide européenne.
Si l'Europe soutient la France dans les domaines économique, social ou financier, il ne semble pas qu'elle ait beaucoup soutenu nos industries de programmes audiovisuels.
J'arrêterai là mon propos, madame la ministre. Toutefois, cet amendement soulève un problème de recevabilité.
Dans la mesure où je n'ai aucun amour-propre d'auteur, je souhaite que vous indiquiez au Sénat si vous acceptez de créer un fonds ad hoc. Vous pouvez le faire soit maintenant, soit à l'Assemblée nationale, avant la fin de la discussion budgétaire. Si, pour telle ou telle raison ce n'était pas possible, je souhaite que vous puissiez intégrer cette disposition dans le projet de loi sur la communication audiovisuelle que vous nous avez annoncé. J'attends donc avec intérêt et espoir les précisions que vous voudrez bien apporter au Sénat.
M. le président. Si je comprends bien, la commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement avant de se prononcer sur l'amendement n° II-17. (Sourires.)
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Absolument, monsieur le président.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Cluzel, vous aviez déjà insisté, lors de l'entretien que nous avions eu, sur la nécessité de soutenir la diffusion des programmes produits par les entreprises françaises. Le constat que vous avez dressé dans votre rapport et que vous venez de rappeler est tout à fait exact ; il correspond bien à la réalité. Les exportations des oeuvres américaines représentent certes 75 % des échanges mondiaux de produits cinématographiques et audiovisuels mais il ne faut pas sous-estimer pour autant les efforts accomplis par les producteurs et les distributeurs français avec le soutien des diffuseurs pour améliorer notre taux de couverture et notre extension.
Les pouvoirs publics soutiennent ces efforts non seulement en accroissant chaque année, avec l'accord du Parlement, les crédits consacrés à l'industrie des programmes audioviduels et cinématographiques - ils s'élèvent cette année à 1,6 milliard de francs, ce qui n'est pas rien - mais aussi grâce à des subventions particulières au doublage et au sous-titrage pour le Centre national du cinéma et aux subventions aux organismes interprofessionnels assurant la promotion des exportations. Ces dernières s'élèvent à 6 millions de francs.
J'ai demandé, par ailleurs, à mes services d'étudier, en liaison avec les services compétents du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la façon la mieux appropriée d'adapter le dispositif actuel de soutien à l'exportation afin de tenir compte des particularités du marché des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles.
Vous avez souligné, à juste titre, que la réglementation française apporte aux producteurs les garanties nécessaires à une solide implantation sur le marché national, alors que les chaînes publiques et privées ont de fortes obligations à l'égard des producteurs indépendants puisqu'elles représentent entre 15 % et 20 % de leur chiffre d'affaires.
Cette situation, qui rend inopportune toute taxation supplémentaire des diffuseurs, sauf l'adaptation en cours du dispositif de soutien aux chaînes diffusées par câble ou par satellite, doit permettre aux producteurs d'être plus offensifs et plus compétitifs sur le marché international.
Le cinéma français est l'un des plus présents au monde, et sa position me paraît très affirmée en Europe. Il faut souhaiter que cette situation perdure ; les signes en ce sens sont éminemment positifs.
Les exportations audiovisuelles ont, pour leur part, doublé en trois ans. Je n'oublie pas non plus l'investissement consenti à l'échelon européen au titre du plan média II, qui est fortement soutenu par la France.
Si, comme je l'indiquais tout à l'heure, aucune décision susceptible de nous réjouir aujourd'hui n'a été prise lors du dernier conseil des ministres de la culture, j'ai néanmoins fait adopter un amendement qui a été repris à l'unanimité et qui tendait en quelque sorte à « passer le bébé » à la présidence anglaise, qui sera chargée de résoudre cette question. Or, ce sont parfois ceux qui sont le plus hostile à certaines dispositions qui sont amenés à les prendre. J'ai constaté assez fréquemment que cette règle s'appliquait en politique. Puisque la présidence britannique a décidé de faire de ce secteur une véritable priorité et sa figure de proue, comme je l'ai déjà dit à mon collègue anglais, il faudra aboutir à des résultats. J'y compte bien.
Néanmoins, je reprendrai votre suggestion, monsieur le sénateur, comme je reprendrai celle de Mme Pourtaud.
Je précise, au passage, que les questions qu'elle a posées ne sont pas nécessairement liées à la seule réflexion sur le 1 % hors média ; elles le sont aussi à l'évolution des réglementations et des recettes du secteur de l'audiovisuel.
Quoi qu'il en soit, nous poursuivrons la réflexion, y compris avec les entreprises elles-mêmes. C'est pourquoi il est nécessaire de disposer encore d'un peu de temps avant d'ajouter une taxe supplémentaire.
Je vous donne cependant l'assurance que nos préoccupations sont pleinement partagées, tant par mon collègue des finances que par mon collègue du ministère des affaires étrangères.
Nous aurons, lors de la discussion du projet de loi sur la communication audiovisuelle mais aussi lorsque des mesures concrètes seront prises, la possibilité de revenir sur votre proposition.
En conséquence, la création d'un fonds pour l'aide à l'exportation des programmes audiovisuels me paraît quelque peu anticipée.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Monsieur le président, je remercie Mme la ministre de ses explications. Le rapporteur spécial informe l'auteur de l'amendement qu'il n'est pas recevable (Sourires.) et ce dernier, tout en le regrettant, le retire. (Nouveaux sourires.)
M. le président. L'amendement n° II-17 est retiré.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. M. Cluzel ayant accepté de retirer son amendement, je me dois d'ajouter que nous allons orienter, dans toute la mesure possible, les crédits dont nous disposions déjà dans le sens qu'il souhaite.
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial. Je vous remercie, madame le ministre.
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la communication.

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