M. le président. Par amendement n° II-56, Mme Terrade, MM. Lefebvre, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 49, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 302 bis ZC du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 302 bis ZC. - I. - Il est institué une taxe sur les logements non occupés, non déclarés résidences secondaires, propriété de personne morale ou physique dans les communes où il existe un déséquilibre entre l'offre et la demande, à l'exception des logements gérés par les organismes visés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation.
« Le montant de la taxe est calculé en rapport avec le prix moyen des loyers pratiqués dans le secteur géographique :
« - un mois de loyer au bout de six mois d'inoccupation ;
« - deux mois de loyer au bout de dix-huit mois d'inoccupation ;
« - trois mois de loyer au bout de trente mois d'inoccupation. »
« II. - Le taux prévu à l'article 150 M du code général des impôts est réduit à due concurrence. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement tend à instituer, dans les communes où il existe un déséquilibre entre l'offre et la demande, une taxe sur les logements vacants non déclarés en tant que résidences secondaires par leurs propriétaires, qu'il s'agisse de personnes morales ou physiques.
Nous proposons d'exempter de cette taxe les logements gérés par des organismes d'HLM, afin de prendre en compte les différents motifs de vacance.
Il s'agit en effet ici de taxer les propriétaires qui s'orientent vers la spéculation, et non les organismes qui ont parfois, selon les quartiers et les types de logement, du mal à attribuer l'ensemble des logements de leur parc.
Cette proposition, qui traduit notre volonté de considérer le logement comme un produit de première nécessité, devrait inciter les propriétaires immobiliers à louer leurs biens.
En effet, nous ne pouvons oublier que des centaines de milliers de logements restent vides, alors que, comme en a fait état le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, 5 048 000 personnes sont mal ou pas du tout logées. A l'aube du xxie siècle, c'est inadmissible !
Par ailleurs, nous avons voté cette année des crédits pour financer la construction de 80 000 logements neufs, alors que l'INSEE, l'Institut national de la statistique et des études économiques, estime qu'il en faudrait 360 000.
L'Etat doit donc mettre à contribution les bailleurs privés, afin de combler le déficit en logements, qui croît d'année en année. Grâce à l'instauration de cette taxe, qui aurait une valeur incitative et dont le montant serait variable en fonction du nombre de mois de vacance, nous introduirons des garanties supplémentaires pour l'attribution de l'ensemble des logements inoccupés à des personnes mal logées ou sans abri.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Une discussion très approfondie a eu lieu sur ce thème lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, et il a alors paru extrêmement difficile d'identifier les logements laissés délibérément vacants.
La mesure préconisée par Mme Terrade risquerait donc, si elle était adoptée, de frapper des propriétaires qui souhaitent donner une destination définitive à leur bien et qui, pour des raisons juridiques ou autres, sont dans l'impossibilité de le faire.
Instaurer cette taxe sur la vacance n'est donc pas la bonne solution. Celle-ci serait plutôt de soutenir les organismes qui, à l'instar de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, aident à la réhabilitation de logements.
C'est la raison pour laquelle la commission des finances a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Madame le sénateur, le Gouvernement souhaite lui aussi limiter le nombre des logements vacants.
Nous réfléchissons d'ailleurs à la création d'une surtaxe spécifique dont seraient redevables, en sus de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle ils sont déjà assujettis, les propriétaires de logements vacants.
Mes services travaillent, en concertation avec ceux du secrétariat d'Etat au logement, sur les conditions et les modalités de l'instauration d'une telle surtaxe. Le Parlement sera probablement saisi de cette question en 1998.
En tout état de cause, la mesure de gage que vous proposez, madame Terrade, ne me semble pas véritablement aller dans le sens de la justice fiscale. Son adoption aurait, de plus, un effet psychologique très négatif sur le marché de l'immobilier, dont la relance favorisera la reprise de la croissance.
C'est pourquoi je vous demande, madame le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Madame Terrade, l'amendement n° II-56 est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. Au bénéfice de la réponse de M. le secrétaire d'Etat, je le retire.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Très bien !
M. le président. L'amendement n° II-56 est retiré.
Par amendement n° II-57, Mme Terrade, MM. Lefebvre, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 49, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L... Une aide personnelle temporaire d'insertion, destinée aux personnes dont les revenus sont des minima sociaux est instituée pour prendre en charge l'intégralité de leur charge logement, la première année d'accès à un nouveau logement. »
« II. - Le taux prévu à l'article 150 M du code général des impôts est réduit à due concurrence. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Par cet amendement, nous proposons de créer une aide personnelle temporaire d'insertion venant en complément de l'APL.
Le bénéfice de cette allocation serait réservé aux personnes dont les revenus sont constitués par des minima sociaux, comme par exemple le RMI ou les allocations de fin de droit.
La première année suivant l'accès à un nouveau logement, elle permettrait de couvrir l'intégralité des frais, à savoir les loyers, les charges et les cautions.
En effet, le logement est un droit, au même titre que l'éducation ou la santé. Ce principe a d'ailleurs été réaffirmé, monsieur le secrétaire d'Etat, dans une loi qui porte le nom de M. Besson, secrétaire d'Etat au logement.
Depuis peu, le logement est considéré comme équivalant à un produit de première nécessité.
Cette disposition constituerait, si elle était retenue, un véritable moyen d'insertion. Elle offrirait notamment aux personnes sans domicile fixe la possibilité de sortir du cercle vicieux dans lequel ils vivent. Ouvrir aux SDF une autre perspective que celle des foyers et des lieux d'hébergement temporaires me semble urgent, car l'accès effectif au logement est une condition d'une civilisation humaine. Un être humain à qui le droit au logement n'est plus assuré, c'est un homme ou une femme chassé de la société. La nation se doit donc de répondre, dans des délais brefs, à sa demande, qu'il ait ou non un emploi, un salaire, une famille ou des revenus.
Mesure-t-on ce qu'implique pour un homme ou une femme d'être non pas « sans domicile fixe », SDF, mais en fait, sans domicile tout court ? Pas de boîte aux lettres, plus d'existence sociale, l'adresse postale devient celle du CCAS, du comité communal d'action sociale de la mairie. Mais toutes les mairies créent-elles les conditions optimum de cet « enregistrement » ?
Imagine-t-on qu'un développement individuel, la recherche d'une issue soient possibles dans ces conditions ? Des couples de la rue se forment, c'est naturel ; mais les services sociaux savent que les conditions d'insertion en couple seront délicates, sinon impossibles, pour la plupart d'entre eux dans la mesure où il n'existe pas de foyers d'hébergement mixtes.
Décider que ceux qui n'ont pas de toit peuvent s'inscrire à la mairie, correspond à la reconnaissance implicite que le service public est seul à pouvoir prendre en compte ce type de situation. Nous réaffirmons qu'assurer le droit à un habitat de qualité est une condition du développement de la société.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il existe déjà une allocation de logement temporaire pour aider les associations qui hébergent les personnes en grande difficulté. Cette allocation est d'ailleurs dotée de 110 millions de francs dans le projet de budget pour 1998.
Je signale également que cette proposition créerait une charge nouvelle pour l'Etat.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'amendement n° II-57 conduirait à accorder la gratuité du logement pour les titulaires de minima sociaux en faisant prendre en charge par l'aide personnalisée au logement l'ensemble du loyer. Ce dispositif est contraire au principe sur lequel reposent les aides personnelles, puisque le code de la construction et de l'habitation prévoit d'adapter les dépenses tout en laissant subsister un effort de la part des locataires.
C'est un bon principe, car il vise à responsabiliser les bénéficiaires à l'égard de leur logement. Il interdit peut-être aussi la tentation de relever le loyer puisque ce loyer serait entièrement pris en charge par la collectivité.
Vous le savez, madame Terrade, la situation des titulaires de minima sociaux est prise en compte dans le barème actuel des aides. Et, si l'on fait les calculs, on s'aperçoit que le loyer qui reste à leur charge est de l'ordre de 200 francs.
J'ajoute, pour appuyer la position du Gouvernement, que le coût de cette mesure serait d'environ 300 millions de francs.
Dans ces conditions, madame le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, sinon je serais obligé d'en demander le rejet.
M. le président. Madame Terrade, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. Je suis désolée de ne pouvoir accéder à votre requête, monsieur le secrétaire d'Etat. En effet, cet amendement vise à aider des personnes sans logement et sans ressources, et ce sur une période transitoire de un an.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-57, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° II-58, Mme Terrade, MM. Lefebvre, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 49, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 641-1 du code de la construction et de l'habitation, les mots : "sauf dans les communes de l'ancien département de la Seine" sont supprimés.
« II. - Le taux prévu à l'article 150 M est réduit à due concurrence. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'exercice du droit de réquisition par les collectivités territoriales se justifie historiquement par les insuffisances de l'offre de logements dans l'immédiat après-guerre.
L'exercice de ce droit est autorisé par la nécessité de relogement des familles mal logées ou sans logement à un moment où sévit une crise de l'offre de logements locatifs.
Evidemment, dans la période de l'immédiat après-guerre, la situation était particulièrement dramatique, comme en témoignent encore aujourd'hui les grands programmes de construction de logements sociaux lancés à partir des années cinquante pour résorber l'habitat insalubre ou répondre aux effets de la croissance de la population française.
Sommes-nous tout à fait sortis de cette période de crise ? Fort heureusement, mais la crise du logement a désormais d'autres caractéristiques.
Ainsi, par ses effets pervers, la loi Méhaignerie a progressivement contribué à la réduction du parc social et placé un nombre de plus en plus grand de familles dans une situation précaire.
On pourrait d'ailleurs dire que l'un des objectifs affichés de la loi de 1986, celui de développer l'offre foncière, n'a pas du tout été atteint, le nombre de logements mis en chantier n'ayant pas connu de progression, loin de là.
Cette crise du logement sous des formes nouvelles est particulièrement aiguë en région parisienne, singulièrement dans Paris et à proximité immédiate de la capitale.
En effet, dans ces communes, la spéculation immobilière ajoute aux difficultés nées de la contraction de l'offre et favorise l'exclusion.
L'exercice du droit de réquisition est aujourd'hui dévolu aux préfets des départements concernés, ce qui limite la portée éventuelle des propositions de relogement formulées par les services municipaux du logement pour faire face à la demande sociale.
Il importe donc, à notre sens, de banaliser l'exercice de ce droit et de lui donner la même portée sur l'ensemble du territoire, pour Paris et les communes de la proche banlieue qui firent jadis partie du département de la Seine.
Bien entendu, chacun l'aura compris, nous ne pensons pas que ce droit de réquisition soit la seule solution pour remédier aux difficultés de logement des Franciliens, mais il peut contribuer à améliorer la situation.
C'est sous le bénéfice de ces observations que je vous invite, mes chers collègues, à adopter l'amendement n° II-58.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Chaque année, le même amendement nous est proposé, mais il n'a pas sa place dans la loi de finances. Par conséquent, la commission y est défavorable.
M. Le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le paragraphe dont Mme Terrade demande la suppression est la traduction de l'organisation territoriale qui prévalait en 1945, lorsque l'ordonnance qui a institué la procédure de réquisition est entrée en vigueur. Il n'a donc pas d'effet dans le cadre actuel. Cela dit, des réquisitions sont intervenues en 1995 et en 1996 dans les communes de l'ancien département de la Seine.
Le principal argument que j'avancerai, c'est que le projet de loi de finances n'est pas le texte qui convient pour inclure la modification que vous proposez. Votre proposition trouverait, à mon sens, mieux sa place dans le projet de loi relatif à la prévention et à la lutte contre les exclusions que le Sénat sera amené à examiner dans les mois qui viennent.
C'est pourquoi, madame le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, je serai obligé d'en demander le rejet.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-58, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 49 bis