« Article unique. - En application de l'article 11 du règlement du Sénat, il est créé une commission d'enquête de vingt et un membres chargée de recueillir des éléments d'information sur les conséquences financières, économiques et sociales de la décision de réduire à trente-cinq heures la durée hebdomadaire du travail. »
La commission des finances propose de rédiger ainsi l'intitulé de la proposition de résolution : « Proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur les conséquences de la décision de réduire à trente-cinq heures la durée hebdomadaire du travail. »
Je vais mettre aux voix l'article unique de la proposition de résolution.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, mes chers collègues, je vais évidemment voter la proposition de résolutions visant à la création d'une commission d'enquête. Mais je tiens à indiquer au Sénat qu'une coordination devra intervenir entre les travaux de cette commission d'enquête et ceux de la commission des affaires sociales, qui va être saisie du texte relatif à la durée du travail dès son adoption par l'Assemblée nationale, c'est-à-dire dès la fin du mois de janvier.
Par conséquent, lorsque la commission d'enquête sera constituée, qu'elle aura élu son président et son rapporteur, il sera bon qu'elle opère un rapprochement avec la commission des affaires sociales pour déterminer avec elle les aspects du problème à approfondir plus particulièrement. Je pense, pour ma part, qu'il serait opportun d'examiner ce qui s'est passé à l'étranger, et quelles conséquences économiques a pu avoir la réduction obligatoire ou facultative de la durée du travail opérée dans tel ou tel pays.
M. Jean Arthuis. Je demande la parole pour une explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. Je souhaite remercier MM. Philippe Marini et André Bohl, qui ont rapporté respectivement, au nom de la commission des finances et au nom de la commission des lois, la proposition de résolution.
Je voudrais également apaiser les craintes qui se sont exprimées sur les travées de la gauche plurielle. En effet, les auteurs de la proposition de résolution sont avant tout animés par le souci de l'emploi et du sort des salariés dans notre pays.
Nous sommes à l'heure de la mondialisation, vous l'avez vous-même rappelé ce matin, monsieur le président, et nous ne pouvons nous résigner à voir se multiplier deux types de délocalisation : l'un d'ordre géographique, qui consiste à déplacer les moyens de production dans des pays où les contraintes touchent le coût du travail sont moins lourdes, l'autre qui relève de l'économie de proximité, consistant à basculer insensiblement, mais de façon claire et croissante, dans l'économie parallèle, dans l'« économie grise ».
Cette évolution n'est pas une fatalité, et le projet de loi qu'a approuvé hier matin le Gouvernement justifie qu'un éclairage particulier soit apporté sur cette question fondamentale, qui est au coeur de la cohésion sociale et du pacte républicain.
Au demeurant, je rejoins tout à fait les préoccupations que vient d'exprimer M. Fourcade : une coordination est absolument nécessaire entre les travaux de cette commission qui, je l'espère, ne tarderont pas à s'engager et ceux de la commission des affaires sociales, appelée à statuer sur le texte qui nous sera soumis, pour que le Sénat puisse se prononcer en pleine connaissance de cause.
Il faudra, bien sûr, tenir compte de considérations d'ordre intérieur, mais aussi multiplier les études sur l'étranger pour que nous élaborions un texte qui contribue effectivement à la création d'emplois - ce qui est un impératif pour chacun d'entre nous - et à l'amélioration du sort des salariés français.
Cela dit, le groupe de l'Union centriste votera la proposition de résolution tendant à la création de cette commission d'enquête. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. J'ai eu l'occasion, ce matin, de dire longuement pourquoi nous n'étions pas favorables à la constitution, dans les conditions prévues par la proposition de résolution, de cette commission d'enquête sur les conséquences de la réduction de la durée du travail à trente-cinq heures.
M. Jean Chérioux. Vous avez peur ?
M. Guy Allouche. Je n'ai jamais peur de rien !
M. Jean Chérioux. On a l'impression du contraire.
M. le président. La parole est à M. Allouche, et à lui seul.
M. Guy Allouche. J'ai beaucoup regretté ce matin, lors de mon intervention, l'absence de notre éminent collègue M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je n'ai pas le don d'ubiquité.
M. Guy Allouche. Je le regrette, pour vous et pour moi. (Sourires.) Je suis sûr que vous auriez non pas partagé mon point de vue, mais qu'au fond de vous-même vous vous seriez dit : mon collègue Allouche n'a peut-être pas raison, mais il n'a sûrement pas tort.
En tout cas, permettez-moi de dire, mes chers collègues, que j'ai vu dans l'explication de vote de M. Fourcade - certes, c'est une interprétation toute personnelle - une justification de notre appréciation quant à l'inopportunité de la constitution de cette commission.
La majorité sénatoriale aurait pu attendre, en effet, que la commission des affaires sociales, présidée par notre éminent collègue M. Fourcade, se saisisse du texte qui va nous être soumis et que le travail parlementaire s'effectue normalement ; nous en aurions apprécié ensuite les conséquences.
M. Emmanuel Hamel. Face aux graves menaces, il faut réagir tout de suite !
M. Guy Allouche. Si menaces il y a, ce que je ne crois absolument pas, nous les connaîtrons lorsque la loi sera appliquée ; sans doute est-il préférable d'avoir un peu de recul pour apprécier.
M. Emmanuel Hamel. Il sera trop tard !
M. Guy Allouche. Il n'est jamais trop tard, monsieur Hamel ! Cela m'étonne qu'un homme aussi averti que vous puisse dire cela.
Quant à M. Arthuis, qui est cosignataire de la proposition de résolution - ce qui n'est pas pour me surprendre - et qui, à mon avis, sera le rapporteur de la commission d'enquête - j'ai ce pressentiment...
M. Jean Arthuis. Inch' Allah !
M. Charles Pasqua. Vous le souhaitez ?
M. Guy Allouche. Pourquoi pas, monsieur Pasqua ? Il en a la capacité et, justement, si M. Arthuis est désigné comme rapporteur, il pourra enfin nous éclairer sur les mesures qu'il a prises quand il était, voilà encore peu, au Gouvernement pour empêcher les délocalisations dont il parle.
Je reconnais que c'est un problème qui le préoccupe depuis longtemps ; ce n'est pas la première fois qu'il l'évoque.
M. Emmanuel Hamel. Il est l'auteur d'un grand rapport sur ce thème.
M. Guy Allouche. Absolument, monsieur Hamel. Je sais que c'est un point qui lui tient à coeur.
Il a souvent, et depuis des années, dénoncé les comportements de certains chefs d'entreprise qui vont chercher au loin ce qu'ils peuvent trouver ici.
Puisque M. Arthuis donc a eu - ce qui n'est pas le cas de la plupart d'entre nous - l'honneur d'être membre d'un gouvernement,...
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cela vous arrivera, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. Guy Allouche. ... qui plus est chargé de l'économie et des finances, nul doute qu'il va nous faire connaître les mesures que le gouvernement auquel il a appartenu a prises pour empêcher les délocalisations.
Je ne peux que regretter, comme vous, mon cher collègue, que certains chefs d'entreprise installent leur entreprise à l'étranger alors que nous avons tout ce qu'il faut sur place.
Mais il faut reconnaître aussi que nous ne pouvons pas systématiquement condamner toute délocalisation, étant les premiers à nous réjouir lorsque des firmes étrangères viennent s'installer chez nous et créer des emplois directs et indirects sur notre sol. J'ai cru comprendre que c'était aussi cela la mondialisation !
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. J'indique d'emblée que je voterai la proposition de résolution.
Mais je voudrais surtout répondre à M. Allouche.
Mon cher collègue, vous semblez voir les choses un peu à l'envers : vous demandez à notre collègue M. Arthuis quelles mesures il fallait prendre pour éviter les délocalisations.
M. Guy Allouche. Quelles mesures il a prises !
M. Emmanuel Hamel. Il n'a pas eu le temps, mais tout était prêt !
M. Jean Chérioux. Le but de cette commission d'enquête est surtout de faire la lumière sur les mesures qu'il ne faudrait pas prendre, ou qu'il n'aurait pas fallu prendre, justement, pour éviter ces délocalisations.
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. La question de la délocalisation de nos entreprises vers l'étranger est tout à fait primordiale.
Pour parer aux délocalisations, le gouvernement précédent, en particulier sur l'initiative de M. Arthuis, alors ministre de l'économie et des finances, avait pris des mesures tendant, par exemple, à alléger les charges pesant sur les bas salaires, de façon que nos entreprises puissent jouir en France de meilleures conditions de compétitivité.
Or les dispositions qui viennent d'être adoptées en conseil des ministres ne peuvent que favoriser, au contraire, à la fois la fuite des cerveaux, que j'ai évoquée en une autre occasion, et celle des capitaux ou des entreprises vers l'étranger.
Il est certain que les mesures fiscales qui sont prises actuellement et l'abaissement futur de la durée hebdomadaire du travail à trente-cinq heures nous mettent sur une pente très dangereuse à cet égard.
Dès lors, il me paraît important qu'une commission d'enquête soit constituée pour étudier de manière approfondie et impartiale les effets du passage aux trente-cinq heures. Je ne comprends d'ailleurs même pas que l'on conteste la nécessité de cette commission d'enquête, qui nous permettra de réfléchir tous ensemble, calmement, à ce très grave problème.
Il me paraît de bonne méthode de peser les conséquences des mesures qui sont envisagées à l'aune de l'intérêt du pays, car c'est cela qui doit toujours guider nos décisions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je souhaite simplement vous rappeler, mes chers collègues, que le texte sur lequel nous allons nous prononcer et qui résulte de l'examen par la commission des finances de la proposition de résolution de M. Blin et de plusieurs de ses collègues porte sur les conséquences financières, économiques et sociales de la décision de réduire à trente-cinq heures la durée hebdomadaire du travail, puisque cette décision est à nos yeux un fait annoncé solennellement, et que, en ce moment même, les membres du Gouvernement expliquent à travers tout le pays combien elle est, à leurs yeux, fondée.
C'est en fonction de ces éléments d'analyse que la commission des finances vous demande d'adopter la proposition de résolution, modifiée.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission desfinances sur la proposition de résolution n° 75 (1997-1998).
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 59:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption | 221 |
Contre | 97 |
La résolution est adoptée.
M. Emmanuel Hamel. Cela nous permettra d'y voir clair et d'agir en conséquence !
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