M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de collectif du Gouvernement doit être apprécié avec circonspection.
Ce texte entérine en effet plusieurs décrets d'avance qui ont été pris depuis l'été, ainsi que la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier, les MUFF, qui ont augmenté les prélèvements obligatoires sur les entreprises de près de 24 milliards de francs.
Ce collectif affiche par ailleurs une amélioration du solde budgétaire de 14 milliards de francs. Mais, là aussi, attention aux faux-semblants ! L'audit des finances publiques de juillet semble en effet avoir été quelque peu pessimiste et surtout, comme le note très justement notre rapporteur général dans son rapport, cette amélioration du solde ne provient pas, à titre principal, d'économies budgétaires mais plutôt de nouveaux prélèvements sur le secteur productif.
Nous avons déjà eu l'occasion de dire, lors du débat sur le projet de loi de finances pour 1997, que notre choix, au contraire, était clairement, fermement et unanimement, pour ce qui concerne, en tout cas, la majorité sénatoriale, un allégement des prélèvements et moins de dépenses publiques. N'y revenons pas, nous l'avons dit. Je pense que nous avons été entendus, sinon compris.
Mon groupe parlementaire, comme d'ailleurs l'ensemble des groupes de la majorité sénatoriale, a déjà eu l'occasion d'exprimer son désaccord à l'égard du MUFF. Je pense, en particulier, à l'augmentation de l'impôt sur les sociétés, dont les premiers effets se font d'ailleurs sentir dès maintenant puisque les entreprises concernées sont en train de verser les premiers acomptes en ce milieu du mois de décembre.
Enfin, n'oublions pas, mes chers collègues, que le dérapage des comptes sociaux, de près de 20 milliards de francs, n'est pas compensé. Le taux des déficits publics reste donc, en fait, légèrement supérieur aux 3 % bien connus.
Allant plus loin, gardons surtout en mémoire le fait qu'un déficit de 3 % du PIB - nous l'avons déjà dit, mais il n'est peut-être pas mauvais de le répéter - c'est toujours 260 milliards de francs d'emprunts nouveaux qui vont encore alourdir l'encours de la dette et nourrir le cycle dramatique que nous savons. Dans ces conditions, la France voit un autre critère du traité sur l'Union monétaire, l'encours de la dette rapporté au PIB, se dégrader dangereusement pour friser les 60 %.
Nous notons également quelques mesures concernant l'épargne, dans ce projet de collectif. Dans ce domaine, la politique du Gouvernement, je dois le souligner aujourd'hui, laisse apparaître des faiblesses ou des contradictions.
Voilà que le Gouvernement, en effet, recule sur l'assurance vie et sur les fonds de pension, peut-être un peu convaincu par nos arguments - j'ose l'espérer - sans doute, plus sérieusement, motivé par la crise asiatique ou par les soubresauts de la bourse.
Evidemment, quelle que soit l'origine de ces changements vers une position un peu différente, nous sommes heureux de ce retour à la sagesse. Nous nous en réjouissons et nous espérons qu'ils ne font qu'annoncer d'autre retours à la sagesse dans d'autres domaines.
Il vous reste, monsieur le secrétaire d'Etat - mais c'est votre problème et pas le nôtre ! - à concilier la mise en oeuvre de promesses électorales plurielles et la prise en compte d'impératifs économiques et financiers qui sont têtus, nous le savons aussi.
Plus généralement, on peut se demander si ces changements de cap sont vraiment de nature à asseoir notre crédibilité sur les marchés financiers, tant au niveau national qu'au niveau international. Même avec d'excellents pilotes, les embardées laissent malheureusement toujours des traces !
En ce qui concerne la fiscalité, les amendements de notre rapporteur général, M. Alain Lambert, apportent des aménagements opportuns. Je pense, en particulier, à l'article additionnel après l'article 17, dont l'objet est d'encourager le regroupement des professionnels libéraux, dans un contexte de crise sans précédent comme celui que connaît actuellement la profession d'avocat.
S'agissant des recettes non fiscales, il faut éviter de ponctionner l'Institut national de la propriété industrielle, l'INPI. C'est ce à quoi tendait l'amendement de la commission des finances visant à supprimer l'article 5, amendement que nous avons adopté, et j'en suis heureux.
Enfin, s'agissant de la couverture par l'Etat des pertes du GAN, qui a fait l'objet d'un long débat voilà quelques instants, comme l'ont dit plusieurs de nos collègues, elle va amener l'ensemble de la collectivité nationale, là aussi, à assumer les conséquences d'erreurs de gestion dans les entreprises publiques.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je n'insiste pas, je vous renvoie à ce que je disais lors de notre séance de questions d'actualité de jeudi dernier sur le coût pour les contribuables du sauvetage du Crédit Lyonnais. Si tout n'a pas été dit, du moins beaucoup l'a été. Nous devons progresser ensemble sur ce sujet difficile.
Pour conclure, je souhaite simplement remercier à nouveau M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général pour leur travail toujours excellent, et ce n'est ni une clause de style ni spécialement pour faire plaisir à M. le rapporteur général, quelle qu'en soit mon envie. Je pense que la qualité de ce travail est bien le gage de la clarté de nos débats et que, simplement, si nos discussions savent être claires, nous pourrons avoir l'ambition d'être constructifs.
Le groupe de l'Union centriste votera donc le projet de loi de finances rectificative pour 1997 tel que le Sénat l'a amendé. ( Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. )
M. le président. La parole est à M. Régnault.
M. René Régnault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme l'a dit hier mon collègue Marc Massion, ce collectif pour 1997 est un bon cru puisque le déficit budgétaire est inférieur de plus de 14 milliards de francs à celui qui a été voté dans la loi de finances initiale, résultat, il faut le dire, qui n'avait pas été constaté dans un collectif depuis de nombreuses années.
Ce collectif traduit aussi tant le courage et le réalisme du Gouvernement que sa cohérence à l'égard des engagements pris devant les Français au mois de mai dernier.
Cela est d'autant plus remarquable que le Gouvernement actuel a dû faire face à une situation dégradée des comptes publics lorsqu'il est arrivé aux affaires, situation révélée par l'audit budgétaire du mois de juillet.
La situation a pu être rétablie par une compensation des moins-values fiscales et par une gestion très rigoureuse des dépenses de l'Etat, puisque celles-ci sont inférieures de 4 milliards de francs à celles qui avaient été initialement prévues.
J'ai d'ailleurs noté avec intérêt que, en dehors des énoncés convenus et idéologiques de la majorité sénatoriale sur la dépense publique et les impôts, cette dernière n'a pas réussi à critiquer la gestion des finances publiques menée depuis juin et synthétisée dans ce collectif.
J'observe d'ailleurs que la majorité sénatoriale me semble, en l'instant, inspirée d'une logique différente de celle qui l'a animée ces dernières semaines, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1998. Je relève là une sorte de contradiction dans la philosophie comme dans le comportement. Ce collectif semble mieux satisfaire la majorité du Sénat que le projet de budget pour 1998...
Le groupe socialiste du Sénat n'est pas entièrement satisfait du texte issu de nos travaux, notamment en raison de l'adoption d'un certain nombre d'amendements, qui sont loin de nous plaire, tels que celui qui visait les redevances versées par les sociétés d'autoroute.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Il y a eu un scrutin public sur cet amendement !
M. René Régnault. Oui, tout à fait, et nous avons voté contre, bien entendu !
Je pourrais également citer l'amendement tendant à exonérer de poursuites ceux-là mêmes qui sont impliqués dans des actes de corruption, même si ces derniers sont commis depuis l'étranger. Ce dispositif ne nous paraît pas empreint d'une grande qualité morale.
Mais, ce soir, la commission mixte paritaire aura le loisir d'examiner ce texte et d'en supprimer ces scories désagréables qui, selon nous, n'ont pas leur place dans ce collectif budgétaire.
La position du groupe socialiste est claire. Elle consiste à approuver sans réserve la gestion exemplaire du Gouvernement depuis le mois de juin, et ce malgré plusieurs modifications que la majorité sénatoriale a adoptées au cours du débat.
En conséquence, compte tenu des décisions que prendra tout à l'heure la commission mixte paritaire, nous adopterons ce collectif budgétaire. ( Applaudissements sur les travées socialistes. )
M. le président. La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 1997 reflète le meilleur comme le pire.
Le meilleur, ce sont certainement les économies de constatation sur la charge brute de la dette réalisées grâce à la baisse des taux d'intérêt directement liée à la bonne politique économique conduite par le gouvernement précédent.
M. Denis Badré. Très bien !
M. Charles Revet. Une vérité qu'il n'a pas été facile de faire savoir mais qui, aujourd'hui, se démontre. Cela concourt donc à la réduction du déficit du budget initial de 14 milliards de francs.
Le pire est que ce collectif traduit une nouvelle augmentation de la dépense publique, malgré un solde amélioré.
Il témoigne de la mauvaise direction que prennent à nouveau les finances publiques, comme si, monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'aviez rien retenu des leçons d'un passé encore proche.
Décidément, vous n'avez pas compris qu'en ponctionnant toujours plus les créateurs de richesses, les entreprises, c'est toute la société que vous pénalisez.
C'est un potentiel de lutte que vous leur supprimez dans la conjoncture de compétition mondiale où il vaut mieux affronter que subir. C'est, à terme, moins d'emplois et plus de tensions dans le pays !
Je ne reviendrai pas sur le détail des mesures plutôt techniques que nous venons d'examiner. Je rendrai toutefois un hommage à la commission des finances, à son président et à son rapporteur général pour le travail qui a été effectué en si peu de jours.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Merci !
M. Charles Revet. J'ai retenu les propositions du rapporteur général, concernant notamment la mise en oeuvre de la comptabilité patrimoniale et la modernisation des procédures de régulation budgétaire.
En effet, s'il est un rôle que le Parlement doit pouvoir mieux exercer, aujourd'hui plus que jamais, c'est bien celui de contrôle des finances publiques et du fonctionnement de l'Etat.
Mes collègues du groupe des Républicains et Indépendants et moi-même voterons le projet de loi de finances rectificative, amendé par le Sénat. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Mon groupe, je le dis souvent, est singulier et pluriel. Certains de ses membres soutiendront la majorité gouvernementale ; d'autres s'inspireront davantage des réflexions de ce qui est aujourd'hui l'opposition, disons la partie libérale du pays.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme je l'ai souligné au début de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, j'avais reproché à vos prédécesseurs qui nous présentaient, à la fin de l'année 1996, pour l'année 1997, des mesures qui allaient être bénéfiques pour l'économie - et on s'en est aperçu, peut-être sans le voir sur l'instant, dès le deuxième trimestre de l'année 1997 - qu'ils avaient un immense défaut : en nous présentant ces mesures favorables à l'évolution positive de l'économie française, ils n'avaient par l'air d'y croire. Peut-être peut-on trouver là la source de ce que d'aucuns ont qualifié « d'expérience hasardeuse ». Il n'en est pas moins vrai que les mesures qu'ils nous proposaient ont eu sur l'économie de notre pays, pendant trois trimestres au moins, un effet positif sur lesquel « surfent » actuellement bien des illusions.
Je vous ai dit voilà quelques semaines que mon sentiment était qu'alors que vos prédécesseurs n'y croyaient pas assez, vous, vous croyez trop à vos mesures ; je craignais que. « surfant » sur des illusions, vous ne nous ameniez à proposer au pays un certain nombre de dispositions qui, elles, auraient exactement l'effet inverse, c'est-à-dire que, croyant que la reprise est là, qu'elle est sûre, qu'elle est automatique, et qu'on peut en profiter pour assouplir un certain nombre de dispositifs, on la casse en cours de route.
Je sais bien que ce n'est pas l'opinion de la totalité des collègues de mon groupe qui voteront avec leurs amis de la majorité gouvernementale actuelle, mais nombre d'autres sénateurs de ce groupe sont sur une longueur d'onde assez voisine de la mienne et trouvent que se targuer, mes chers collègues, d'avoir un collectif inférieur aux prévisions de départ, mais en même temps avec 32 milliards de francs d'impôts supplémentaires sur les entreprises sur lesquelles - et sur elles seules - reposent la réalité de la reprise économique et le dynamisme du pays, c'est se tromper totalement de direction.
C'est pourquoi, après avoir bien réfléchi, nous voterons le texte tel qu'il résulte des délibérations du Sénat, sur l'initiative du président de la commission des finances et de M. le rapporteur général, que je voudrais féliciter au passage, ainsi que tous leurs collaborateurs, pour la qualité du travail fourni depuis plusieurs semaines. Très honnêtement, il nous semble que c'est la voie de la sagesse, et nous ne suivrons pas le Gouvernement dans sa démarche. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen se propose de voter le projet de loi de finances rectificative pour 1997, mais ses motivations sont sans doute différentes de celles que j'ai entendues jusqu'à présent.
Nous nous réjouissons que vous parveniez, monsieur le secrétaire d'Etat, à réduire le déficit budgétaire, d'autant que vous réussissez le tour de force de tenir un certain nombre de promesses que la majorité nouvelle avait faites au printemps dernier. En effet, vous soutenez un certain nombre de populations et d'activités dans notre pays, ce qui permet de restaurer l'espoir.
Le déficit budgétaire est donc réduit de 14 milliards de francs mais, en même temps, grâce sans doute à un certain nombre de dispositions que vous avez prises et grâce à la conjoncture économique, vous affectez des crédits supplémentaires à nos administrations ou à la mise en oeuvre du plan emploi-jeunes. En particulier, figurent à l'article 2 de ce collectif budgétaire des exonérations de taxes sur les salaires pour les associations. Cette seule décision représente un point positif.
Tout cela permet de concrétiser les orientations prises par la nouvelle majorité. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, monsieur le secrétaire d'Etat, mais nous serons à vos côtés et nous vous critiquerons pour vous aiguillonner si nous en ressentons la nécessité.
Cela dit, m'adressant au président de la commission des finances, au rapporteur général et, au-delà d'eux, à l'ensemble de la majorité sénatoriale, je ne peux pas ne pas relever le changement de tonalité entre l'examen du projet de loi de finances pour 1998 et celui du projet de loi de finances rectificative : la semaine dernière, le climat était nettement plus électrique que pendant ces deux jours !
Sans doute, le réalisme atteint-il aussi la majorité sénatoriale...
M. Alain Lambert, rapporteur général. A moins que ce ne soit la fatigue !
M. Paul Loridant. ... et qu'il lui est difficile de critiquer « utilement », comme elle souhaite le faire, le Gouvernement en sachant que certaines des actions entreprises par ce dernier se concrétisent en résultats !
Je serai donc de ceux, parmi lesquels mon groupe, qui voteront le projet de loi de finances rectificative pour 1997, tout en n'étant pas dupe, monsieur le secrétaire d'Etat, que le vote positif que vous allez recueillir sera vraisemblement sous-tendu par des motivations différentes selon la situation des uns et des autres dans la palette de l'hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le projet de loi de finances rectificative pour 1997.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 65:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption | 318 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
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