FERMETURE DE SUPERPHÉNIX

M. Charles Descours. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le président, après un obscur conseil interministériel, qui s'est tenu le 2 février entre vingt heures et vingt-deux heures, le Gouvernement vient de confirmer la fermeture de Superphénix.
Je voudrais rappeler quelques faits.
La fermeture immédiate de Superphénix, qui revient à désactiver un coeur et demi de la centrale nucléaire, équivaut à 7,5 milliards de francs jetés à la poubelle en deux heures, alors qu'il a fallu un mois pour trouver un milliard de francs pour les chômeurs. Voilà ce que M. Jospin appelle la solidarité nationale ! (Exclamations sur les travées socialistes.)
On nous propose de multiples lois pour créer des emplois coûteux alors que, d'un trait de plume, on en supprime 6 000 ! Nous prenons acte de cette décision, qui est une catastrophe pour la région, une victoire pour les Verts et une défaite pour la France ! (Protestations sur les mêmes travées.)
Mais, avant tout acte définitif, avec la quasi-totalité des forces politiques non seulement du département, dont vous êtes, monsieur le président, et de la région, mais du pays tout entier, et, je le sais, avec la très grande majorité du Gouvernement, y compris avec la mission de l'Assemblée nationale, emmenée la semaine dernière à Creys-Malville par M. Christian Bataille, député socialiste, nous demandons un débat au Parlement sur la politique énergétique de la France.
Si le Gouvernement confirme sa décision et s'entête à refuser un tel débat, nous serons bien obligés de constater que, un mois avant les élections régionales, les basses considérations de politique politicienne l'emportent pour le Gouvernement sur l'intérêt national ! (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Claude Estier. C'était dans le programme électoral !
M. Roland Courteau. La politique politicienne, c'est vous qui la faites !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, tout de même, ne citez pas seulement vos chiffres !
Superphénix a coûté au moins 40 milliards de francs, sinon 60 milliards de francs.
M. Jean Chérioux. Et alors ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Il a fonctionné très peu de temps comme centrale nucléaire pour fabriquer de l'électricité, ce qui était sa destination originelle. Il a fallu, après des débats dont chacun se souvient, modifier sa destination et donner à ce réacteur une fonction d'exploration scientifique, qui ne nous a pas menés très loin.
Votre surprise, je la comprends, mais elle est feinte, car M. Jospin avait pris l'engagement, durant sa campagne électorale, d'arrêter Superphénix, ce qui a été fait ! On peut donc discuter de cette décision, mais, permettez-moi de vous le dire avec le respect que je vous dois, monsieur le sénateur, pas dans les termes que vous avez utilisés !
La politique énergétique de la France sera examinée au Parlement. Une commission indépendante sera constituée. Enfin sera maintenue la possibilité de ce que l'on appelle la transmutation, qui nécessite un réacteur, Superphénix ou un autre, je pense à Phénix, que nous allons remettre en marche, mais qui, d'ailleurs, n'a jamais été vraiment arrêté.
La politique énergétique de la France, tout le monde en est convaincu, est par conséquent maintenue dans sa quasi-totalité. D'ailleurs, la France est, de ce point de vue, le premier pays au monde tourné vers le nucléaire, et nous ne devons pas en rester là. Il nous faut, vous le savez, explorer d'autres voies, je pense à ce que l'on appelle les « énergies douces » et aux autres possibilités qui nous seront offertes.
Monsieur le sénateur, vous verrez, aux termes de la loi de 1991,...
M. Charles Descours. Ah ! J'allais la citer !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Eh bien, je le fais avant vous. Vous voyez que nous sommes d'accord ! (Sourires.)
M. Charles Descours. Allez-vous respecter cette loi ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Non seulement nous allons la respecter, mais nous allons l'appliquer !
M. Charles Descours. Ce n'est pas ce que dit Mme Voynet ! M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, le document qui nous a été fourni au sortir de cette réunion interministérielle - s'il ne vous est pas transmis, je vous le remettrai - n'avait rien de sombre ! Il vous donnera même toutes les précisions que vous souhaitez.
La politique énergétique de la France n'est pas changée. Elle est simplement plus prudente ; elle est tournée vers l'avenir. En tout cas, le Parlement aura à en débattre. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Hélène Luc. C'est bien qu'il y ait un débat sur Superphénix, il faut le dire !
M. le président. Monsieur Descours, je vous donne acte de votre communication.

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