M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Ma question porte sur la crise dite irakienne et s'adresse à M. le Premier ministre.
Sept ans après la guerre du Golfe, menée, à titre d'exemple disait-on, au nom d'un « nouveau » droit international et qui devait servir de précédent à une nouvelle conception des relations internationales, les Etats-Unis réitèrent ou plutôt accentuent leurs pressions internationales sur l'Irak et cherchent pathétiquement des appuis extérieurs.
En effet, depuis quelques semaines, la diplomatie américaine multiplie les contacts pour entraîner de nouveau ses alliés traditionnels dans une opération militaire contre l'Irak, qui possèderait encore des armes de destruction massive. On peut du reste se demander si cet activisme diplomatique n'est pas le cache-sexe d'un président (Exclamations sur diverses travées) pris dans un débat politique et médiatique typiquement américain.
Les rumeurs sur les missiles bactériologiques et chimiques dont disposerait ce pays laissent perplexe.
En effet, ou bien les Etats-Unis reconnaissent l'incompétence de la commission chargée du désarmement de l'Irak, pourtant composée en majorité d'experts américains, et les insuffisances de leurs services de renseignement ; ou bien il faut conclure que cette campagne n'a pour but que de donner un prétexte pour une nouvelle action militaire en vue de déstabiliser l'Irak et ses dirigeants. En effet, les experts sérieux reconnaissent aujourd'hui que ce pays ne constitue plus une menace militaire significative pour ses voisins directs que sont l'Arabie Saoudite, la Turquie, l'Iran, voire Israël.
Dès lors, comment justifier cette volonté d'écraser l'Irak et de poursuivre l'embargo qui frappe pour l'essentiel son peuple depuis tant d'années ?
La situation de ce pays est réellement dramatique, mais elle ne semble intéresser personne. Dans une indifférence totale, cinq cent mille enfants irakiens sont morts de malnutrition ou faute de soins, comme l'indiquait le rapport de l'OMS et celui de l'UNICEF.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Loridant !
M. Alain Gournac. La question !
M. Paul Loridant. La vérité réside, comme souvent dans cette région du monde, dans le pétrole. Les Etat-Unis ont mis provisoirement les réserves pétrolières de ce pays sous tutelle.
M. le président. Posez votre question, monsieur Loridant !
M. Jean Chérioux. La question !
M. Paul Loridant. Je la pose, monsieur le président !
Outrepassant les termes de la résolution 687 et de son article 22, le président Clinton fait du départ de Saddam Hussein un préalable à toute discussion sur la levée de l'embargo, quitte à en faire payer le prix fort au peuple Irakien, au risque de développer un processus qui favoriserait...
M. le président. Monsieur Loridant, posez votre question, je vous prie !
M. Alain Gournac. C'est une déclaration !
M. Paul Loridant. Ma question est triple, monsieur le ministre.
La France est-elle déterminée à faire entendre sa voix dans cette lamentable affaire en s'opposant aux frappes aériennes de l'Irak par un veto au Conseil de sécurité de l'ONU ? J'ai bien dit « la France », car, pour ce qui est de l'Europe et de la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, je crois que l'on peut raisonnablement parler de faillite (« Oh ! » sur les travées de l'Union centriste) avec l'alignement de la Grande-Bretagne travailliste et de l'Allemagne démocrate chrétienne sur les positions américaines. Tout cela sans discussion préalable (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste... !)
M. Alain Gournac. La question !
M. Paul Loridant. Notre pays est-il disposé à tout mettre en oeuvre (Nouvelles protestations sur les mêmes travées)...
M. le président. Monsieur Loridant, vous avez déjà posé votre question. Je vais être obligé de vous couper la parole.
M. Paul Loridant. ... pour trouver un plan de sortie à l'embargo qui frappe injustement le peuple de ce pays ?
M. Alain Gournac. C'est une déclaration !
M. Paul Loridant. Enfin, quels sont les résultats des contacts bilatéraux entre la France et l'Irak (marques d'impatience sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) et les réponses... (Les propos de l'orateur deviennent inaudibles, M. le président ayant coupé le micro.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, la France est très préoccupée par le développement de la crise entre l'Irak et les Nations unies. Dès les premiers jours de cette crise, nous avons entrepris des démarches afin qu'une solution diplomatique prévale. Cela continue d'être notre position.
Le secrétaire général du Quai d'Orsay, porteur d'un message du Président de la République au chef de l'Etat irakien, s'est rendu en Irak du 3 au 5 février. Il y a rappelé la position de la France et a exprimé des suggestions très concrètes.
Les efforts de notre diplomatie se poursuivent. Je dois rappeler que le différend à l'origine de cette crise est précis, limité, circonscrit. Il concerne l'accès à huit sites présidentiels que l'Irak refuse à la commission spéciale chargée, par le Conseil de sécurité, du désarmement de l'Irak.
Nous travaillons activement pour sortir de l'impasse. Nous avons fait des suggestions pour que soient définies des modalités d'accès spécifiques à ces sites qui, d'une part, respecteraient les prérogatives de la commission spéciale - cela est fondamental - et, d'autre part, tiendraient compte de la souveraineté et de la dignité de l'Irak. Ces idées font leur chemin. Bagdad a déjà reconnu le principe de l'accès aux huit sites qui posent problème. Les modalités précises de cet accès restent toutefois aujourd'hui à définir.
Un premier pas a été franchi, mais il reste insuffisant. L'Irak doit, c'est certain, en accomplir d'autres afin de parvenir à une formule qui soit acceptable par les Nations unies dans le cadre du droit international. Les discussions se poursuivent.
Mais - je voudrais insister sur ce point - l'heure est toujours à la diplomatie. Nous demeurons convaincus - c'est la position de la France - qu'une solution politique est possible même si, reconnaissons-le, au fur et à mesure que le temps passe, les chances de la diplomatie s'amenuisent.
Nous sommes favorables à une issue politique, en concertation étroite avec nos partenaires. Le ministre des affaires étrangères, M. Hubert Védrine, qui est en Autriche aux côtés du Président de la République, s'est entretenu récemment par téléphone avec M. Primakov. Le secrétaire général des Nations unies est en contact régulier avec Mme Albright. M. Hubert Védrine a appelé directement M. Tarek Aziz mardi soir.
Comme vous évoquiez les problèmes humanitaires, je vous dirai que M. Kouchner a reçu le ministre des affaires sociales et de la santé d'Irak.
Nous informons par ailleurs nos partenaires de l'Union européenne et les pays de la région, par l'envoi d'émissaires, de la position que nous défendons dans la crise actuelle.
Notre sentiment est que le recours à la force armée créerait plus de problèmes qu'il n'en résoudrait. Une intervention militaire serait en effet susceptible d'entraîner le départ de la commission spéciale du territoire irakien et l'arrêt de l'application du dispositif « pétrole contre nourriture », qui permet à la population irakienne de bénéficier d'une aide humanitaire dont il n'est pas besoin de souligner l'urgence.
A l'heure actuelle, la commission spéciale continue de travailler normalement en Irak et aucun incident notable n'a été relevé ces derniers temps.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué. Je termine, monsieur le président.
Le secrétaire général des Nations unies envisage de se rendre à Bagdad. Nous faisons pleinement confiance à M. Kofi Annan pour parvenir à un accord satisfaisant sur les modalités d'accès aux sites présidentiels. On ne pourra pas dire que tout a été tenté pour parvenir à une issue diplomatique tant qu'une telle initiative n'aura pas été menée, avec des chances raisonnables de succès. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

FERMETURE DU SURGÉNÉRATEUR DE CREYS-MALVILLE