M. le président. La parole est à M. Barnier.
M. Michel Barnier. La question que je pose, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, s'adressait à M. le Premier ministre. Mais un ministre présent pourra sans doute me répondre et nous parler de la décision prise récemment par M. le Premier ministre, que nous ne comprenons vraiment pas et qui nous inquiète quant à ses conséquences sur une industrie extrêmement importante pour la France, l'industrie de production électronucléaire ; je veux parler de la décision brutale, unilatérale, prise en petit comité, de fermer le surgénérateur de Creys-Malville. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Paul Raoult. Il fallait lire le programme de Lionel Jospin !
M. Michel Barnier. Et pourtant, la politique de production d'énergie d'origine nucléaire est conforme à l'intérêt de la France, puisqu'elle nous a donné la possibilité, nous qui ne possédons pas de pétrole, d'acquérir notre indépendance énergétique. Elle nous permet aussi d'être l'un des pays industrialisés les moins pollueurs de la planète, au point que Mme le ministre de l'environnement - elle n'est pas là aujourd'hui - qui a passé toute sa vie à combattre la politique électronucléaire française, a été obligée de reconnaître, au sommet de Kyoto sur l'effet de serre qui s'est déroulé il y a quelques semaines, que cette politique était bien fondée.
M. Philippe François. C'est pour cela qu'elle n'est pas là aujourd'hui !
M. Michel Barnier. Nous ne comprenons pas cette décision. Tout le monde sait que le surgénérateur de Creys-Malville a coûté beaucoup d'argent.
M. René-Pierre Signé. Pour rien !
M. Michel Barnier. Tout le monde sait qu'il a peu ou mal fonctionné. Mais il y avait une autre option que celle consistant à le fermer unilatéralement et en petit comité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas une question, c'est un discours !
M. Michel Barnier. Il y avait une option qu'un ancien ministre de la recherche socialiste, bien plus savant que vous ou moi, M. Hubert Curien, avait recommandée, ...
M. Jean Chérioux. C'était un homme raisonnable !
M. Michel Barnier. ... une option dont, après beaucoup de réflexions - je peux en témoigner - M. Balladur, alors Premier ministre, avait décidé l'adoption.
Cette option consistait non pas à faire fonctionner Creys-Malville en surgénérateur, comme M. Bérégovoy l'avait imaginé, mais à le transformer en sous-générateur, c'est-à-dire en un centre de recherche,...
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Barnier !
M. Michel Barnier. ... dont notre industrie a besoin.
J'en viens à ma question.
Dans l'ensemble des mesures qui ont été prises par le Gouvernement, il en est d'utiles pour plus de transparence,...
M. le président. Posez votre question, monsieur Barnier !
M. Michel Barnier. ... pour une plus grande diversification de l'industrie électronucléaire, pour le développement des énergies renouvelables et pour la maîtrise de l'énergie. Mais la véritable raison motivant cette décision de fermer Creys-Malville est mal dissimulée : en effet, il s'agit en fait de solder une promesse électorale faite aux Verts. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Votre question, monsieur Barnier !
M. Michel Barnier. Ma question est la suivante, je la pose au Gouvernement avec une certaine gravité.
Quand le Gouvernement invitera-t-il le Sénat et l'Assemblée nationale à débattre enfin de ce choix ?
M. Paul Raoult. Les électeurs ont tranché !
M. Michel Barnier. Quand serons-nous invités à débattre de la politique énergétique française ?
J'ajouterai une autre question, plus importante encore.
Votre gouvernement pluriel, mesdames, messieurs les ministres, croit-il encore en l'avenir de la filière électronucléaire française ? Et si oui, êtes-vous prêt à lui donner les moyens d'exister ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, conformément à ses engagements politiques, conformément en particulier aux engagements pris par Lionel Jospin lors de la campagne présidentielle de 1995,...
M. Philippe François. Démagogie !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ...le Gouvernement a décidé l'abandon du surgénérateur Superphénix, prototype lancé dans les années soixante-dix dans un contexte de pénurie d'énergie et de faiblesse estimée des ressources en uranium. Cette centrale est désormais inadaptée au contexte actuel : le parc de centrales nucléaires classiques suffit en effet amplement à subvenir à nos besoins en électricité.
Il n'y a pas aujourd'hui de tension sur les prix de l'énergie, ni de pénurie d'énergie, ni de pénurie dans l'approvisionnement en uranium. La filière de surgénération ne semble pas avoir, au moins à court terme,...
M. Jean Chérioux. A courte vue !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... de véritable perspective industrielle.
Lorsque le Gouvernement a décidé d'abandonner le programme Superphénix, le réacteur était à l'arrêt, car le Conseil d'Etat avait annulé le décret autorisant son fonctionnement.
M. Marcel Charmant. Eh oui !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Vous le savez, monsieur le sénateur, car vous apparteniez au gouvernement qui n'a pas signé le décret autorisant le redémarrage de Superphénix en tant que centrale de production électrique. (Exclamations amusées sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Alors, monsieur Barnier ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. De plus, comme vous le savez également, un rapport de la Cour des comptes stigmatisait son coût global, qui était évalué à plus de 60 milliards de francs !
Le Gouvernement a donc décidé que Superphénix ne redémarrerait pas, même pour une durée limitée.
On le sait, les opérations de démantèlement dureront plusieurs années. Afin d'accompagner la décision de mise à l'arrêt définitif de cet équipement, un programme d'accompagnement économique a été annoncé par le Gouvernement. Bâti sur un horizon d'au moins cinq ans, il sera conduit en concertation permanente avec les collectivités locales et il impliquera EDF.
M. Alain Vasselle. Pour quel coût ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Ce programme, qui témoigne de la solidarité nationale envers la région de Morestel, où est implanté l'équipement, comporte des dispositions en faveur des entreprises et personnels prestataires ainsi que des mesures propres à appuyer le développement économique, du bassin d'emploi : il s'agit, notamment, de la création d'un fonds spécial de développement économique doté par l'Etat et EDF à hauteur de 15 millions de francs par an sur cinq ans.
Le programme inclut également un dispositif de soutien aux communes avec, en particulier, l'annulation des remboursements restant dus par les collectivités au titre, d'une part, des avances consenties par la Caisse nationale de l'énergie, soit 32 millions de francs de dettes, et, d'autre part, des prêts aux grands chantiers de la Caisse des dépôts et consignations, soit 21 millions de francs.
Monsieur le sénateur, en réponse à la dernière partie de votre question, je tiens à réaffirmer ici que, pour le Gouvernement, le nucléaire reste, dans le cadre d'une politique énergétique équilibrée et diversifiée, un bon choix, qui permet à la France d'accroître son indépendance énergétique - et, partant, son indépendance économique - de disposer d'une énergie compétitive et, enfin, comme la conférence de Kyoto l'a montré, de réduire le niveau des émissions contribuant à l'effet de serre.
Je rappelle à cet égard que la France n'émet que 1,7 tonne de carbone par habitant et par an, contre plus de 5 tonnes pour les Etats-Unis. En fait, la France est aujourd'hui, parmi les pays développés, celui qui, grâce à l'énergie électronucléaire,...
M. Philippe François. Vive de Gaulle !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... envoie le moins de carbone dans l'atmosphère. Cela signifie que c'est la France qui contribue le plus, par sa politique énergétique, à protéger l'environnement et à lutter contre l'effet de serre. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. C'est à Mme Voynet qu'il faut le dire !
M. Gérard Larcher. Heureusement qu'il y a eu certaines décisions par le passé !
ASSASSINAT DU PRÉFET DE CORSE