M. le président. La parole est à M. Vallet, auteur de la question n° 174, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. André Vallet. Comme vient de le révéler l'assemblée des présidents de conseils généraux, les dépenses d'aide sociale des départements ont représenté 82 milliards de francs en 1995, soit plus de 60 % des dépenses de fonctionnement des départements.
Les lois de décentralisation ont maintenu le principe d'une participation financière des communes aux dépenses d'aide sociale et de santé qui relèvent de la compétence des départements.
Le contingent d'aide sociale constitue pour les communes une dépense obligatoire qui pèse de plus en plus dans les budgets communaux. Son montant et sa progression tendent à évoluer : le simple problème ponctuel, lié à des situations particulières, devient un problème structurel concernant toutes nos communes.
Si, en moyenne nationale, les communes - je me permets d'écarter Paris, qui est à la fois département et commune - participent à hauteur de 15,8 % aux dépenses nettes d'aide sociale obligatoire du département, soit 202 francs en moyenne par habitant, la diversité des situations locales nous conduit à nous interroger sur le maintien des participations financières des communes au financement de l'aide sociale obligatoire des départements.
En 1995, les participations financières des communes représentaient en moyenne, toujours hors Paris, 7,6 % des impôts pour les quatre taxes principales. Ce taux de prélèvement s'élevait à 1,3 % pour l'Essonne, à 2,9 % pour les Hauts-de-Seine et à 3,1 % pour la Seine-Saint-Denis, alors qu'il dépassait 17 % dans les Bouches-du-Rhône.
Aussi, dans le cadre des réformes annoncées par le précédent gouvernement, notamment en matière de clarification des compétences, pour éviter des financements croisés et l'absence de lisibilité des réelles responsabilités pour le contribuable local, ne conviendrait-il pas de réserver le financement de l'aide sociale aux seuls départements ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, s'il est vrai que le contingent communal augmente d'année en année, passant, hors Paris, de 9,4 milliards de francs en 1993 à 11,4 milliards de francs en 1996, son poids par rapport aux dépenses nettes légales d'aide sociale des départements reste stable, les communes assurant globalement 15 % de cette charge.
J'ajouterai, monsieur le sénateur, que la progression des dépenses d'aide sociale des départements connaît, depuis peu, une certaine décélération : l'augmentation était de l'ordre de 8 % pour les exercices 1993 à 1995 ; elle s'est élevée à 4 % en 1996, ce ralentissement se confirmant en 1997. L'augmentation des dépenses des communes doit donc logiquement se ralentir, à l'avenir, dans les mêmes proportions.
Toutefois, ce ralentissement de la progression de la participation des communes ne fait pas oublier au Gouvernement que leurs responsabilités sont en effet, vous l'avez souligné, de plus en plus lourdes dans ce domaine. Cette situation entretient, vous l'avez également rappelé, certaines questions sur l'organisation des compétences des collectivités publiques en matière d'aide sociale, telles qu'elles ont été fixées par les lois du 7 janvier et du 22 juillet 1983.
L'efficacité de la politique sociale nécessite la plus grande clarté s'agissant des responsabilités respectives des collectivités publiques.
A cet égard, s'il n'est pas envisagé de modifier sensiblement le partage des responsabilités institué par les lois de 1983, le Gouvernement étudie les conditions d'une évolution du dispositif réglementaire de répartition du contingent entre les communes institué par le décret du 31 décembre 1987.
Ce dispositif, qui favorise un freinage efficace de la progression de la contribution globale des communes dans les départements où elle s'avère supérieure à la moyenne nationale, laisse en effet une grande liberté aux conseils généraux en ce qui concerne le choix des critères de répartition du contingent entre les communes.
Pour remédier aux disparités que cette réglementation a fait naître entre les communes, au détriment des villes en particulier, le Gouvernement s'emploie à rechercher les éléments d'un rééquilibrage qui seront proposés à la concertation des associations d'élus.
La décision susceptible de vous donner satisfaction est donc repoussée d'ici à quelques semaines ou à quelques mois.
Je souhaite compléter cette réponse, monsieur le sénateur, en formulant une remarque.
Les divers rapports qui ont été remis à Mme Aubry et à moi-même, en particulier en ce qui concerne la précarité - il s'agit d'un problème très préoccupant - laissent entrevoir des perspectives lourdes de financement pour la prise en charge des personnes démunies.
D'après le Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé, le CREDES, un Français sur quatre n'aurait pas les moyens financiers d'accéder aux soins et déciderait donc de ne pas se soigner. Selon le Haut Comité de la santé publique, douze à quinze millions de personnes se trouveraient dans cette situation dans notre pays. Personnellement, je n'arrive pas à croire à ces chiffres. L'expérience que nous avons - la fréquentation des établissements hospitaliers, intimement liés aux communes, en particulier - nous donne à penser qu'il conviendrait de vérifier ces chiffres : il s'agirait non seulement des personnes qui doivent aller à l'hôpital et se soigner, mais également de celles qui se trouvent dans une situation de précarité.
M. André Vallet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'apprécie le fait que vous envisagiez d'apporter plus de clarté dans la répartition des sommes affectées à l'aide sociale.
Je ne veux pas aborder le fond du débat, mais le moins que je puisse dire c'est que, aujourd'hui, cette répartition est très inégale.
Vous avez indiqué que cette charge pesait à hauteur d'environ 15 % sur les budgets communaux. Or le Haut-Rhin, par exemple, engage une dépense de 730 francs, alors que la Guyane prévoit une dépense de 2 609 francs au titre du contingent d'aide sociale. C'est dire que le contribuable de la Guyane et celui du Haut-Rhin ne participent pas de la même manière à cette charge !
Mais le fond de ma question, monsieur le secrétaire d'Etat, était autre. Je ne souhaite pas ouvrir un débat sur la précarité, qui nous préoccupe tous, mais est-il bien raisonnable - je sais que le précédent gouvernement envisageait d'agir, et j'aimerais savoir si vous comptez aujourd'hui oeuvrer dans le même sens - est-il bien raisonnable, dis-je, que les communes jouent le rôle de percepteurs pour les conseils généraux ? En effet, elles prélèvent une somme qu'elles versent directement au conseil général pour une compétence qui dépend, aux termes de la loi de décentralisation, exclusivement des conseils généraux.

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