GRENOBLE-SISTERON

M. le président. La parole est à M. Descours, auteur de la question n° 173, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Charles Descours. Monsieur le ministre, le 9 juin 1997, vous avez décidé, dans des conditions d'ailleurs discutables, de suspendre le démarrage de l'enquête publique du projet autoroutier A 51 Grenoble-Sisteron, dans la section Col du Fau - La Saulce, au motif qu'il était nécessaire de reprendre la concertation sur ce dossier.
La phase de concertation - est-il utile de vous le rappeler, monsieur le ministre ? - a pourtant commencé voilà maintenant dix ans, sous l'égide de neuf ministres des transports successifs, de sensibilité politique différente.
J'ai appris par la presse que MM. Lebel et Brossier, chargés par vous-même de la nouvelle phase de concertation - j'ai d'ailleurs reçu moi-même M. Lebel - devaient vous remettre leurs conclusions d'ici au mois de février.
Aujourd'hui, 24 février, je souhaiterais, en tant qu'élu de l'Isère, connaître ces conclusions et les décisions qui en découlent, mon département étant au premier chef concerné.
Je souhaite ici vous rappeler que ce projet représente une véritable chance pour Grenoble, pour l'agglomération mais aussi pour l'ensemble du département : une chance pour Grenoble, parce que nous pourrions bénéficier d'un désenclavement et d'une ouverture directe vers le sud de la France et de l'Europe, ce qui permettrait à la ville d'optimiser ses atouts économiques ; une chance pour l'agglomération également, parce que cet aménagement permettrait de régler le problème aigu du trafic de transit grâce aux solutions apportées par son contournement ; une chance enfin pour le département, et en particulier pour le sud, qui souffre de cette désertification rurale directement liée à son enclavement.
Cette ouverture par le dédoublement ainsi obtenu de l'autoroute A 7 serait un atout majeur pour son développement, en particulier dans le secteur du tourisme.
Par ailleurs, la mise en oeuvre de ce grand chantier contribuerait à favoriser la relance de l'activité économique, et donc de l'emploi, sujet dont vous êtes, je le crois, également soucieux.
Je voudrais enfin rappeler qu'il y a un grand axe majeur nord-sud dans notre département, qui est l'axe Lille - Paris - Marseille, par les autoroutes A 1, A 16 et A 7, mais qu'il est saturé au moins deux cents jours par an.
Un itinéraire alternatif de pratiquement 1 000 kilomètres a été progressivement mis en place. Mais un tronçon de 70 kilomètres manque entre Monestier-de-Clermont - Col du Fau dans l'Isère et La Saulce dans les Hautes-Alpes. La réalisation de ce maillon, mineur et ridicule, a été en effet suspendue pour faire plaisir à la majorité plurielle, en l'espèce à Mme Voynet. Comme Superphénix se trouve aussi dans l'Isère, j'estime, monsieur le ministre, que nous avons beaucoup donné à Mme Voynet !
Je souhaite donc, s'agissant de l'autoroute A 51 - je ne parle pas de Superphénix - que vous nous informiez des conclusions des experts et de votre décision sur ce dossier. J'espère que les prochaines échéances cantonales et régionales ne vous interdiront pas de nous répondre avec franchise et de prendre les décisions qui s'imposent le plus rapidement possible, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je suis tout à fait conscient de l'importance que revêt l'aménagement de cet itinéraire pour le département de l'Isère.
Tout en favorisant l'amélioration des liaisons entre le nord et le sud de notre pays, il devrait contribuer au développement économique et touristique du massif alpin, notamment des Alpes du Sud.
Comme vous le savez, les travaux sont en cours sur les deux sections d'extrémité, entre Grenoble et Col du Fau, d'une part, et entre Sisteron et La Saulce, d'autre part.
Le projet autoroutier passant par l'est de Gap entre Col du Fau et La Saulce, que j'ai trouvé à mon arrivée au ministère, est d'un coût particulièrement élevé. Il présente des difficultés très importantes, tant sur le plan technique qu'en matière d'environnement, en raison de son impact sur des territoires sensibles, ce qui, il faut bien le dire, l'a rendu très contestable et très contesté.
Il faut croire que les concertations que vous avez évoquées, et qui ont été menées sous l'égide de neuf ministres successifs, n'ont pas été suffisantes, puisque cette contestation très forte s'est exprimée.
Dès lors, qu'avons-nous fait ?
En accord avec Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, j'ai estimé nécessaire de ne pas engager la procédure en vue de sa déclaration d'utilité publique et j'ai décidé de confier à M. Brossier, ingénieur général des ponts et chaussées et président du comité des directeurs « transports » du ministère de l'équipement, une mission d'analyse globale et multimodale des problématiques de déplacements dans les Alpes.
J'ai notamment demandé à M. Brossier d'examiner les conséquences de ces déplacements sur la liaison Grenoble-Sisteron et de formuler des propositions sur les différentes solutions envisageables : aménagement sur place des routes nationales existantes - que sont les RN 75 et 85 - ou réalisation d'une autoroute. Mais je ne peux pas trancher avant de disposer de tous les éléments.
Les analyses et suggestions que M. Brossier doit me remettre prochainement permettront d'éclairer le Gouvernement sur les décisions à prendre en matière d'infrastructures de transport sur l'ensemble de ce massif.
Il m'a paru également nécessaire, pour avoir une vision d'ensemble, de demander à M. Lebel, président de la délégation française à la commission intergouvernementale pour les liaisons transalpines, que vous avez rencontré, d'associer à cette réflexion les principaux responsables politiques, socio-économiques et associatifs concernés.
M. Brossier me remettra son rapport avant la fin du premier trimestre 1998. Je ne peux donc pas, actuellement, vous en dire plus.
C'est sur la base de ces conclusions que le Gouvernement arrêtera ses orientations en matière d'infrastructures de transport sur l'arc alpin, et notamment sur celles qui concernent la liaison Grenoble-Sisteron.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que je reste d'autant plus attentif à cette question que les enjeux pour les différents territoires concernés justifient que toutes les options envisageables soient soigneusement évaluées en toute transparence avec les intéressés.
M. Charles Descours. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le ministre, je ne m'attendais pas à ce que vous me donniez une réponse formelle et définitive.
Neuf ministres successifs ont décidé de faire un itinéraire alternatif à la vallée du Rhône, notamment. Je ne sais pas s'il était nécessaire. Toujours est-il que j'ai moi-même travaillé avec quatre ou cinq de vos prédécesseurs, de droite comme de gauche, et, après discussion avec la direction des routes et les membres du cabinet, cela a été décidé.
Aujourd'hui, des autoroutes descendent vers le Midi - effectivement, comme vous le dites, des sections sont en construction - ou en remontent, mais, au milieu, on tombe sur une route nationale très désuète, à deux voies !
Cela signifie - c'est la mécanique des fluides la plus élémentaire - qu'à la fin du tracé autoroutier vont se produire des embouteillages considérables.
On sait très bien que, compte tenu de l'enveloppe allouée aux routes dans votre ministère, améliorer soixante-dix kilomètres de route, les mettre à deux fois deux voies demandera des années. Je vous citerai ainsi l'exemple, voilà bien longtemps, de l'autoroute Grenoble-Valence, que nous avons attendue vingt ans ! Certes, nous buttons sur le problème des autoroutes à péage, sur la loi de 1958.
Mais, à partir du moment où un tracé alternatif très long a été décidé, on ne va laisser un maillon de soixante-dix kilomètres avec une route à deux voies ! Il faut donc offrir une possibilité de transformer cette route en deux fois deux voies, par exemple.
Si cette portion d'autoroute est financée par le budget de l'Etat et non par un péage, je crains que nous ne l'attendions pendant cinquante ans. C'est pourquoi je vous demande de revenir sur votre décision de suspendre l'enquête publique.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Bien évidemment, si la situation n'évolue pas, nous allons nous heurter, j'en ai bien conscience, à des difficultés. Il n'est donc pas question de laisser les choses en l'état.
Je puis vous assurer que je compte bien veiller à la continuité de cette liaison, qui améliorera la fluidité et la desserte des départements concernés.
Vous craignez que cette portion d'autoroute ne soit pas construite si un péage n'est pas installé. Non, monsieur le sénateur. Je ne reviendrai pas sur l'endettement des autoroutes, vous connaissez la situation. Mais n'oubliez pas non plus que la réglementation a changé.
Que peut-on faire ? Nous pouvons, par exemple, créer une concession. Un appel d'offres sera alors lancé. Puis le concessionnaire précisera le montant des fonds publics qui lui seront nécessaires.
Mais il existe peut-être d'autres solutions. En effet, je ne dis pas que le problème est tranché. Peut-être ces fonds publics qui, de toute façon, devront être dégagés pourraient-ils être affectés à la construction d'une route à deux fois deux voies ?
En tout cas, intégrez bien, monsieur le sénateur, que les choses ont changé en matière de réglementation et de décisions européennes. Or l'actualité nous montre que le fait de vouloir passer outre se retourne quelquefois contre nous. Je préfère que l'on soit sérieux quant aux choix qui seront faits, y compris quant à la meilleure utilisation de l'argent public.

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