M. le président. Par amendement n° 8, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le dernier alinéa de l'article 247 du code civil, après les mots : "la modification de la pension alimentaire", sont insérés les mots : "et la révision de la prestation compensatoire". »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. L'article 247 du code civil donne compétence au juge délégué aux affaires familiales pour tout ce qui concerne, notamment, le contentieux de l'après-divorce. Il convient donc de compléter cet article en prévoyant expressément la compétence de ce juge à l'égard de la nouvelle faculté de révision de la prestation compensatoire, de façon que la spécialisation de ce juge permette, justement, de donner une meilleure garantie sur les résultats.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement du Gouvernement. Il assure une cohérence dans la compétence du juge délégué aux affaires familiales.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes tout à fait favorables à cet amendement. Simplement, il me donne l'occasion de préciser un point que j'aurais voulu aborder à l'occasion de la discussion de l'amendement n° 7 rectifié portant sur l'article 273 du code civil.
Je souhaite que, à défaut de l'inscrire dans la loi, nous soyons tous d'accord sur le fait que la révision de la prestation compensatoire peut aboutir à sa suppression ou à sa suspension. Mais ce qui va sans dire va encore mieux en le disant et il vaudrait mieux l'inscrire dans la loi. Par conséquent, il serait judicieux de préciser à l'article 273 - peut-être à l'occasion de la navette - que la prestation compensatoire peut être révisée, suspendue ou supprimée.
M. Nicolas About. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. J'approuve, bien sûr, cet amendement.
Je voudrais qu'il soit aussi clairement précisé, à l'occasion de la navette, que la prestation compensatoire peut être inversée. Si celui qui l'a versée se retrouve dans une situation très précaire et que celui qui l'a perçue est désormais dans une situation aisée, il peut revenir à ce dernier de verser à l'avenir la prestation compensatoire. En effet, l'objet de la révision, c'est de replacer les deux intéressés dans une situation d'équité. Il conviendra donc de savoir que la prestation peut aussi s'inverser. Cela me paraît logique.
M. Pierre Fauchon. Mais non !
M. Nicolas About. Pourquoi l'égalité ne marche-t-elle que dans un sens ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Parce que la disparité n'est pas causée immédiatement au moment du divorce !
M. Nicolas About. Et les faits imprévisibles ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
Par amendement n° 9, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 274 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge ne peut écarter la fixation de la prestation compensatoire en capital que par une décision spécialement motivée. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il s'agit de préciser que le juge doit spécialement motiver sa décision lorsqu'il fait une exception au principe du versement en capital.
Certes, le versement en capital de la prestation compensatoire concerne une minorité de couples qui divorcent, puisque, par définition, il faut avoir de l'argent, pouvoir disposer de ce capital. Cependant, il me paraît important de demander cette motivation. D'abord, parce qu'elle permettra au juge de justifier véritablement la dérogation à ce que la loi de 1975 pose - à tort ou à raison - comme un principe. Ensuite, parce que la Cour de cassation a estimé que, lorsque les juges ont alloué une rente, c'est au motif qu'ils ont nécessairement et implicitement estimé que la consistance des biens de l'époux débiteur ne lui permettait pas de verser un capital.
Il ne s'agit pas d'aller contre une constatation des faits, à savoir que, dans la plupart des cas, le versement d'un capital est exclu en raison d'une insuffisance des moyens dont disposent la personne concernée. L'objectif est de privilégier le versement d'un capital chaque fois que cela est possible, pour que la situation des époux puisse être réglée au moment du divorce. Cela permettra d'éviter ultérieurement des décisions, des reconductions et des remises en cause interminables.
Je réaffirme qu'il ne s'agit nullement de poser en principe le versement systématique d'un capital. Notre objectif est de privilégier cette solution chaque fois qu'elle est envisageable. Il est donc logique de demander au juge de motiver sa décision dans le cas contraire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à renforcer le principe selon lequel la prestation compensatoire prend, théoriquement, la forme d'un versement en capital, celui-ci ne pouvant être écarté que par une décision spécialement motivée.
Cet amendement va dans le sens des préoccupations de la commission des lois, qui cherche à faciliter le versement en capital. Toutefois, nous ne croyons guère à l'efficacité de ces décisions spécialement motivées, madame le garde des sceaux. Elles constituent une formalité supplémentaire pour le juge sans que rien ne garantisse qu'il sera incité à privilégier réellement le versement en capital. La motivation spéciale a été inscrite dans de nombreux textes de loi et n'a absolument rien changé. C'est la raison pour laquelle la commission est, hélas ! défavorable à cet amendement, tout en comprenant parfaitement l'esprit dans lequel il a été déposé.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais que Mme le garde des sceaux ne nous en veuille pas de ne pas être convaincus. Je suis sûr qu'elle nous écoutera avec l'attention qu'elle réserve à tous ses interlocuteurs.
La règle reste posée que la prestation compensatoire prend la forme d'un capital. Or, dans la pratique, le contraire prédomine. En effet, les magistrats constatent que la fixation en capital ne répond pas aux besoins de la situation. Laissons la règle dans la loi, mais comprenons que, si le juge ne prévoit pas le versement d'un capital, c'est parce qu'il estime que, dans le cas d'espèce, un tel versement est impossible.
Plus les versements de capitaux seront nombreux, plus sera limité le nombre de demandes de révision, dites-vous, madame le garde des sceaux. Permettez-moi de vous dire que vous allez finalement donner encore plus de travail aux magistrats si, à tout moment, vous leur demandez non pas simplement de motiver leur décision, ce qu'ils sont toujours obligés de faire, mais de la motiver spécialement.
Il en ira ainsi avec cet amendement n° 9, pour le juge qui voudrait écarter la fixation de la prestation compensatoire en capital. Il en ira ainsi avec encore, dans votre amendement n° 12, que le Sénat examinera tout à l'heure, d'une part, pour que le juge puisse allouer une rente viagère et, d'autre part, pour que ladite rente ne soit pas indexée. Avec pessimisme, M. le rapporteur souligne que chaque fois que la loi exige une décision spécialement motivée, cela ne change rien dans les faits.
En vérité, il faut réserver ce type d'exigence pour les cas exceptionnels, sur lesquels le législateur tient à attirer tout particulièrement l'attention du magistrat, par exemple en matière pénale et s'agissant de la détention, même si c'est sans doute l'exemple auquel pensait M. le rapporteur lorsqu'il affirmait, pour le regretter, que, dans la pratique, cela ne change pas grand-chose.
En réalité, toute décision de justice doit être motivée. En tout état de cause, nous ne voyons pas pour quelle raison la fixation de la prestation compensatoire en capital devrait être écartée par une décision spécialement motivée. Cela dit, si vous tenez absolument à ce dispositif et si vous parvenez à nous convaincre que, dans la pratique, cela changera la face des choses, nous sommes prêt à l'accepter. Nous craignons simplement qu'il n'en résulte un surcroît de travail pour les magistrats, ce que la plupart de vos amendements tendent précisément à éviter.
M. Nicolas About. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Je suis favorable à cet amendement. Tout d'abord, il existe de nombreux cas où le versement d'un capital, qui était possible, n'a pas été décidé, le but étant, par une prestation vexatoire et au demeurant peu élevée, de lier les ex-époux au-delà du divorce prononcé, donc de la séparation. Ainsi, sont rétablis des liens a minima pour bien montrer que l'on punit, selon la bonne tradition judéo-chrétienne, une faute. Il y a donc lieu, chaque fois cela est possible, de recourir au versement d'un capital.
En effet, l'intérêt, c'est de replacer les ex-époux en situation de redémarrer dans la vie, de façon indépendante. L'objectif est de ne léser personne. Il s'agit simplement de replacer les deux époux dans une situation comparable pour leur redonner une chance de réussir leur vie, et non pas de les lier à nouveau par des mesures qui sont très souvent vexatoires.
En revanche, quand la rente est indispensable, il faut la favoriser. Nous ne sommes pas opposés à cette idée. Cependant, il est indispensable que le juge soit tenu de préciser les raisons pour lesquelles il a écarté le versement d'un capital alors que celui-ci existait.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est même déjà la règle !
M. Nicolas About. Certes, mais elle n'est pas respectée !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 10 rectifié, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa (2) de l'article 275 du code civil est ainsi rédigé :
« 2. Abandon de biens en nature, meubles ou immeubles, en propriété, en usufruit, pour l'usage ou l'habitation, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il s'agit de la même problématique.
Si l'on considère, c'est mon cas, qu'il vaut mieux, chaque fois que cela est possible - j'ai bien conscience que ce n'est pas toujours le cas - effectuer un versement en capital - cela permet de solder la situation entre les époux au moment du divorce et chacun d'eux, comme l'a très bien dit M. About, peut repartir sur une voie nouvelle - il convient de s'efforcer de lever les obstacles qui, dans notre droit, nous empêchent de régler les conséquences financières du divorce par un versement encapital.
A l'heure actuelle, l'une des difficultés du versement de la prestation compensatoire sous forme de capital tient aux choix limités qu'offre l'article 275 du code civil. En effet, aux termes de cet article, le versement en capital ne peut être fait que par une somme d'argent, par abandon de biens en usufruit ou par dépôt de valeurs productives de revenus entre les mains d'un tiers.
Aussi, pour faciliter le paiement de la prestation sous forme de capital, lorsque c'est possible, je propose d'élargir les possibilités offertes, en prévoyant l'abandon de biens non seulement pour l'usufruit mais aussi pour l'usage et l'habitation, et surtout en pleine propriété.
M. Nicolas About. Très bien !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Cette dernière possibilité était jusqu'à présent réservée aux cas de divorce par requête conjointe. Il me paraît souhaitable de l'offrir à tous les conjoints qui divorcent, de façon que le versement de la prestation compensatoire puisse intervenir, je le répète, chaque fois que c'est possible, sous la forme d'un versement en capital.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest. La commission émet un avis favorable sur cet amendement car, comme l'a souligné Mme le garde des sceaux, il ouvre des possibilités nouvelles en matière de prestation compensatoire en capital. Nous nous étions interrogés sur la rédaction de cet amendement, mais vous avez indiqué, madame le garde des sceaux, qu'il s'agit bien d'une extension des possibilités d'abandon de biens. En effet, l'abandon de biens en nature est prévu en usufruit, en propriété, pour l'usage ou l'habitation, et non plus seulement pour l'usufruit.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
Par amendement n° 11, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 276 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'époux débiteur d'une prestation compensatoire sous forme de rente peut, à tout moment, saisir le juge afin qu'il statue sur la capitalisation de la rente selon les modalités prévues aux articles 275 et 275-1. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 15, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 11 pour compléter l'article 276 du code civil, à remplacer les mots : « L'époux débiteur » par les mots : « Le débiteur ou le créancier ».
La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre l'amendement n° 11.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il s'agit d'éviter, autant que possible, les versements de rentes, qui agissent comme du vinaigre sur une plaie, si j'ose dire, et ne permettent pas de cicatriser l'échec que constitue toujours un divorce. Il faut donc permettre, avec le maximum de souplesse et chaque fois que c'est possible, de verser immédiatement un capital ou, quand cela n'est pas possible immédiatement, de pouvoir, par la suite, solder les conséquences financières du divorce par un versement en capital. Telle est la possibilité ouverte par cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre le sous-amendement n° 15 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 11.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous sommes favorables à cet amendement sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 15.
J'ai indiqué tout à l'heure la position de la commission en ce qui concerne les héritiers. Nous sommes favorables à la conversion de la rente en capital à condition que la saisine du juge puisse être faite non seulement par l'époux débiteur, mais aussi par ses héritiers ou le créancier.
Cela nous paraît logique au regard de la position que nous avons prise s'agissant des hériters. Je rappelle que, en 1986, le Sénat, à la suite de l'Assemblée nationale, avait adopté une proposition de loi qui prévoyait la possibilité de convertir la rente en capital, à la demande du débiteur ou du créancier. Or ce texte n'a jamais été examiné en seconde lecture au Palais-Bourbon. Cela dit, le Sénat sera sans doute fidèle à la position qu'il avait alors adoptée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 15 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 15, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 11, accepté par la commission.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
Article 2