M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Dreyfus-Schmidt pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, mon explication d'un vote positif du groupe socialiste sera brève.
Je remercie le Gouvernement d'avoir parfaitement compris qu'il convenait de ne pas atteindre la discussion de certains textes pour traiter de problèmes qu'il est urgent de résoudre.
Nous remercions le Gouvernement d'avoir accepté la discussion de ces propositions de loi dans lesquelles nous avons cherché à atteindre, les uns et les autres, un équilibre entre l'existence de la notion de prestation compensatoire et les inconvénients résultant de l'application de la loi de 1975 qui l'a instituée.
J'ai toujours pensé que le système de la pension alimentaire était très bon, sauf à le modifier pour permettre la condamnation à une pension alimentaire, à une partie ayant les torts. On nous oppose que cela donnerait plus de travail aux juges. Si c'est vrai, c'est évidemment ennuyeux ; mais, après tout, les juges sont là pour rendre des jugements.
Nous avons abouti, je le crois, à une cote mal taillée. Nous verrons quel sera l'avis de l'Assemblée nationale.
Je voudrais revenir sur l'article 4, sur lequel nous sommes passés très rapidement mais qui, pourtant, peut poser problème.
En effet, en prévoyant que poura être demandée, dans les conditions de la nouvelle loi, la révision des prestations compensatoires fixées antérieurement, on risque de perturber gravement la vie de personnes qui se sont organisées en se basant sur le fait qu'elles avaient des droits acquis.
Je le précise pour la suite de la discussion : le problème n'est pas aussi simple qu'apparemment le Sénat vient de le considérer en acceptant sans aucune discussion cet article 4 !
Cela dit, nous avons encore du travail à faire sur ce texte et j'espère que nous le ferons rapidement, afin que la loi puisse s'appliquer sans retard.
M. Emmanuel Hamel. Espérons-le !
M. Nicolas About. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. About.
M. Nicolas About. Madame le ministre, je vous remercie d'avoir accepté de débattre de ce sujet délicat qui figure parmi les questions les plus difficiles et qui méritait effectivement un examen rapide.
Mes chers collègues, je ne peux tout de même pas dire que je suis pleinement satisfait, et je prie le Sénat de bien vouloir excuser le travail que nous lui avons, mon collègue Robert Pagès et moi-même, imposé sur cette prestation compensatoire, tellement j'ai le sentiment que nous nous sommes battus pour faire du sur place !
Néanmoins, il est vrai que la réussite est belle, et je vous remercie, madame le ministre, d'avoir permis que la révision devienne possible.
Je garde beaucoup de regrets de voir que la transmissibilité est maintenue, c'est-à-dire qu'on préfère l'équité dans la guerre à l'équité dans la paix. Mme le ministre avait pourtant proposé un certain nombre d'amendements qui, à mon avis, étaient de nature à apporter la paix et l'équité. Malheureusement, nous avons trop souvent préféré le conflit, que nous nous devions peut-être d'éviter, car c'est cela qu'attendent toutes ces familles, tous ces ménages « recombinés ».
On oublie un peu trop que si, dans nos régions, un couple sur deux se défait, il y a d'autres couples qui se « recombinent » !
M. Emmanuel Hamel. Qui se reconstituent, plutôt que « se recombinent » !
M. Nicolas About. Qui se reconstituent, si vous le voulez !
Or, ce sont les mêmes personnes ! Il n'y a pas, parmi ceux qui se retrouvent, d'un côté que des mauvais et, de l'autre, que des bons ! Nous devrions donc avoir une attidue plus ouverte à l'égard de tous, en considérant qu'en traitant les uns on traite aussi les autres.
J'espère que l'examen de ce texte en deuxième lecture permettra de revenir sur certains points.
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Le groupe de l'Union centriste votera les conclusions du rapport de la commission, mais il le fera avec un certain sentiment d'insatisfaction, car ce texte est tout de même loin d'être véritablement au point.
Je ne suis d'ailleurs pas sûr - certains l'ont fait observer - que nous ayons eu raison d'isoler ainsi - excusez-moi, monsieur About, monsieur Pagès - et donc de traiter à part le problème de la révision de la prestation compensatoire. On s'aperçoit qu'il s'agit d'une démarche assez aléatoire, même si elle est peut-être nécessaire par rapport à une certaine jurisprudence, et c'est regrettable. Une réflexion d'ensemble aurait été nécessaire.
Ayant vécu de très près la loi de 1975, je me demande même si cette notion de prestation compensatoire, qui avait sa raison d'être à l'époque, se justifie encore actuellement. Il serait intéressant d'avoir une réflexion approfondie sur le divorce et sur ses conséquences, car le monde a beaucoup changé depuis lors en ce qui concerne les couples, pour ne pas parler du reste.
Sur le fond, je suis de ceux qui pensent que l'obligation est transmissible. C'est d'autant plus évident que, normalement, elle est en capital. Il serait extrêmement curieux que, ses modalités changeant, elle change elle-même de nature, en quelque sorte ! D'ailleurs, cela ne me paraît pas possible puisque nous souhaitons, pour rendre les choses plus faciles sur le plan fiscal, qu'elle s'exécute en priorité en capital.
Si, de plus, monsieur About, elle peut s'exécuter sous la forme d'une rente, qui n'est que subsidiaire par rapport à la forme en capital, permettez-moi de vous dire qu'elle doit forcément être transmissible, sinon on sortirait de la logique et ce serait grave !
Je m'interroge sur le sens que nous avons donné à la révision à l'article 273. M. About va très loin dans ses réflexions - cela n'a pas été relevé tout à l'heure - quand il dit qu'il comprend la révision dans tous les sens du terme, c'est-à-dire que le débiteur d'hier pourrait devenir demain créancier ! Telle était bien votre pensée, monsieur About ?
M. Nicolas About. Tout à fait !
M. Pierre Fauchon. J'ose vous dire qu'elle est un peu ahurissante !
M. Nicolas About. Pourquoi ?
M. Pierre Fauchon. Parce que vous passez allègrement de la notion de quantum d'une obligation à la notion de principe d'une obligation. Or figurez-vous que ce sont deux choses totalement différentes !
On peut discuter et réviser les quanta, mais de là à modifier le principe d'une obligation ! Car dans le principe d'une obligation, la question est de savoir qui est le créancier, qui est le débiteur et quelle est la cause de l'obligation. Ces modalités doivent être précisées au moment du divorce, qui fait l'objet d'une voie de recours, sinon vous créez une instabilité dans les relations, et tout notre système juridique... (M. Nicolas About proteste.)
Monsieur About, j'espère que je ne vous fais pas trop de peine en tenant ces propos, mais votre façon de m'interrompre continuellement me brouille quelque peu l'esprit, excusez-moi de vous le dire. Laissez-moi conserver le fil de ma pensée, vous serez bien aimable !
Je tiens à vous le dire : autant je conçois bien que l'on envisage de modifier les modalités de cette obligation après qu'elle a été consacrée par le divorce, autant je pense qu'on ne peut pas modifier l'obligation elle-même ! Je vous demande d'y réfléchir encore une fois : vous créeriez une instabilité tout à fait invraisemblable !
En effet, les créanciers d'hier pourraient, quinze ans ou vingt ans après, se prétendre débiteurs compte tenu de l'évolution de la situation, et inversement !
C'est véritablement tout à fait impossible ! Je tenais à le dire à titre personnel pour répondre à votre propos sur ce point.
La rédaction à laquelle je souscris et que nous allons voter précise que - c'est l'article 273 - la rente « ne peut être révisée qu'en cas de changement substantiel dans les ressources ou les besoins des parties ».
Il est vrai que cela peut aller très loin ! Comme vous le faisiez observer tout à l'heure non sans quelque raison, me semble-t-il, si les héritiers, qui ont par ailleurs d'autres biens pour telle ou telle raison, se trouvent soudain, à l'occasion d'une succession, en possession d'un avoir considérable, que va devenir la prestation compensatoire ? Le rapporteur dénie une telle hypothèse mais, d'après notre texte, on peut se poser la question ! En effet, la rédaction permet toutes les possibilités en fonction des besoins des parties.
Comme à l'accoutumée, vous avez posé là un vrai problème auquel il serait peut-être bon de réfléchir !
Sous ces réserves, le groupe de l'Union centriste votera le texte qui nous est proposé.
M. Robert Pagès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen votera ce texte.
Il a bien conscience qu'un certain nombre de questions se posent encore, mais il y avait urgence et les lettres, les témoignages que nous recevons, comme les articles qui sont parus, montrent bien qu'il ne s'agissait pas d'un faux problème.
Peut-être sommes-nous un peu en avance ? Peut-être aurait-il fallu poser le problème à l'occasion d'un texte plus vaste ? Nous avons malgré tout fait du bon travail, et je forme des voeux pour que la navette l'améliore encore.
M. Louis Althapé. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Althapé.
M. Louis Althapé. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, certains d'entre nous jugeaient plus satisfaisant de joindre l'examen de ces propositions de loi à un futur texte issu, par exemple, des travaux de la conférence de la famille ou des propositions de réforme de la procédure civile élaborées à partir du rapport de M. le président Jean-Marie Coulon.
Cependant, notre commission des lois a eu parfaitement raison d'estimer que les difficultés concrètes d'application de la loi de 1975 justifiaient que le législateur se prononce rapidement sur les problèmes soulevés par la prestation compensatoire en cas de divorce, sans attendre une réforme d'ensemble du divorce.
En effet, la loi de 1975 s'est révélée inadaptée, tant à l'évolution de notre société qu'à l'instabilité en matière d'emploi provoquée par la crise.
Aussi, notre groupe approuve le dispositif retenu par le Sénat, qui vise, d'une part, à confirmer le principe d'un versement en capital, à défaut duquel la rente devrait être fixée par rapport à ce qu'aurait dû être le capital, et, d'autre part, à autoriser la révision de la rente en cas de changement substantiel dans la situation des parties.
Notre groupe votera donc ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
M. Emmanuel Maurel. Les grands sujets valent de grands scrutins ! (Sourires.)
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 77:
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 315 |
Le Sénat a adopté à l'unanimité.
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