RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Jean-Pierre Fourcade.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mon rappel au
règlement concerne la pétition qu'un certain nombre d'intellectuels de haut
niveau ont rendue publique hier et dans laquelle ils reconnaissent avoir, à un
moment ou à un autre de leur vie, consommé de la drogue, sans préciser de
quelle drogue il s'agissait.
Je suis, en ma qualité de président de la commission des affaires sociales,
très choqué par cette déclaration...
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade...
qui, en violation complète des lois qui nous régissent, constitue un acte tout
à fait regrettable vis-à-vis de l'ensemble de notre société et des jeunes en
particulier.
Un certain nombre de bateleurs, d'artistes, chanteurs, cinéastes, avaient déjà
fait des déclarations de ce genre. Aujourd'hui, c'est le fait d'un certain
nombre d'éminentes personnalités, comme si tous ces intellectuels s'ingéniaient
à faire en sorte que la France de la fin du XXe siècle ressemble de plus en
plus au Bas-Empire romain. Les déclarations, les pratiques de ces deux époques
présentent en effet des ressemblances indéniables.
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, serais-je heureux que le
Gouvernement accepte d'ouvrir un débat au Sénat, non seulement sur le problème
de la drogue en général, mais aussi sur l'efficacité de la mission
interministérielle dont la Cour des comptes vient de dénoncer certaines des
activités. Si j'en crois un certain nombre de lectures, elle aurait même parlé
de gaspillage !
Par conséquent, je souhaiterais que le Gouvernement accepte d'ouvrir devant la
représentation nationale un débat sur la situation actuelle de notre pays en
matière de toxicomanie, notamment sur le nombre des décès par overdose, décès
que nous observons, nous, maires de banlieues, dans l'ensemble de nos
collectivités. Nos jeunes, dont les qualités intellectuelles sont moindres,
évidemment, écoutent volontiers ces apologistes de l'ecstasy ou d'autres
drogues.
Je souhaiterais connaître également les conditions de fonctionnement de la
mission interministérielle sur la répression de la toxicomanie.
Je souhaiterais enfin connaître les intentions du Gouvernement en matière
législative.
On ne peut pas laisser quelques bateleurs d'estrade monopoliser ce sujet, qui
est grave pour l'avenir de notre société.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat à la santé.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, je suis sensible aux propos que
vous venez de tenir d'autant que, au cours des débats animés et fructueux qui
ont eu lieu lors de la discussion en première lecture de la proposition de loi
relative à la sécurité sanitaire, qui nous occupe encore aujourd'hui, j'avais
moi-même proposé que le débat que vous appelez de vos voeux ait lieu ; je
prends acte de votre nouvelle demande.
Je voudrais très brièvement vous faire part de mes sentiments à la suite de la
publication à laquelle vous avez fait allusion.
Lorsque vous faites remarquer que la loi est la loi, qu'elle doit être
appliquée, nous ne pouvons qu'être tous d'accord.
Mais, pour faire évoluer la législation, la réflexion est nécessaire, le débat
est nécessaire, il est même indispensable. Je l'avais proposé, vous le
souhaitez à votre tour : venons-en à ce débat !
Parfois aussi, dans la société, certaines personnes que vous avez appelées «
bateleurs », et qui par ailleurs sont aussi la fierté de la France dans les
domaines où ils exercent - à l'extérieur, et je ne parle pas seulement des
cinéastes, mais aussi des intellectuels, nous en sommes fiers, car ils
représentent bien notre pays - certaines personnes, dis-je, se livrent à
quelques provocations - car, bien entendu, c'est de provocation qu'il s'agit -
pour appeler, de notre part, une réponse coordonnée vis-à-vis de la
législation, réponse que la Haute Assemblée s'honorerait d'initier.
Vous avez évoqué la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie,
la MILT. Monsieur le sénateur, je vous ferai remarquer, puisque nous parlons de
respect de la loi, que vous avez fait allusion à des fuites reprises dans la
presse.
Je rappelle que le processus mis en marche par la Cour des comptes se déroule
en trois temps.
Dans un premier temps, la Cour fait son étude et dépose ses conclusions.
Il revient ensuite aux intéressés, administration, associations et membres de
la mission interministérielle, de répondre, dans un débat contradictoire.
Ce n'est que dans un troisième temps que le rapport est rendu public. Je serai
alors très heureux, monsieur Fourcade, d'évoquer, au cours du débat qui nous
opposera, le fonctionnement de cette mission.
Enfin, puisque vous avez évoqué les ravages causés par la toxicomanie dans
notre pays et les morts par overdose, je vous répondrai que, hier, dans les
locaux de la MILT, en contemplant la courbe des morts par overdose avec Mme de
Verynas, j'ai constaté avec bonheur - je le savais d'ailleurs - que, depuis
trois ans, presque quatre, le nombre des morts par overdose était en très
importante diminution ; et l'on peut sans doute attribuer pour partie ce
résultat aux efforts de la politique de réduction des risques.
Dans un pays comme le nôtre qui - nous l'avions dit tous ensemble et nous en
étions d'accord - est confronté à la consommation de drogues licites et
illicites, le débat sera le bienvenu.
En effet, dans notre pays, le tabac et l'alcool font mourir directement plus
de 100 000 personnes par an ; j'ai bien dit « directement » car « indirectement
» leur nombre est beaucoup plus élevé.
Par conséquent, je serais très heureux d'aborder avec vous en termes de santé
publique, loin des excitations, loin des effets d'estrade, ces problèmes
majeurs pour la France : ceux de la consommation des drogues licites, de la
consommation des drogues illicites, mais aussi des psychotropes qui, entre les
deux - je ne sais où les placer -, sont licites ou illicites selon la façon
dont ils sont consommés. Je serais vraiment très heureux que ce soit au Sénat
que nous abordions enfin ce problème. Dès lors, ces bateleurs auxquels vous
faisiez allusion, monsieur Fourcade, auraient rempli leur tâche !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
4