VEILLE SANITAIRE ET CONTRÔLE
DE LA SÉCURITÉ DES PRODUITS
DESTINÉS À L'HOMME

Discussion d'une proposition de loi
en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi (n° 222, 1997-1998), modifiée par l'Assemblée nationale, relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité des produits destinés à l'homme. [Rapport n° 263 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici de nouveau réunis pour traiter de l'organisation de la sécurité sanitaire.
A partir d'une proposition de loi dont l'initiative revient au Sénat, une première lecture dans votre assemblée puis une autre à l'Assemblée nationale ont permis à chacun de faire entrendre son point de vue.
Il n'est aucun des nombreux sujets abordés par ce texte sur lequel nous ne soyons arrivés à nous écouter, à nous comprendre et à rassembler nos volontés pour oeuvrer de concert en vue de forger une unité de doctrine visant au renforcement de la sécurité sanitaire dans notre pays.
Cette doctrine repose sur des principes cohérents : une expertise scientifique forte et indépendante ; une sécurité assurée sur l'ensemble des différentes chaînes des différents produits destinés à l'homme ; une indépendance par rapport aux intérêts économiques sectoriels ; une transparence dans la décision et des responsabilités clairement identifiées ; enfin, une capacité d'alerte rapide.
Au-delà des principes, je constate également aujourd'hui une convergence globale de nos analyses et de nos propositions sur pratiquement l'ensemble du dispositif.
Ainsi, les modifications apportées par l'Assemblée nationale, pour importantes qu'elles soient, ne remettent en cause ni les principes qui nous ont inspirés ni le schéma général du dispositif auquel nous étions parvenus.
De la contribution résultant des travaux conduits à l'Assemblée nationale, je retiens plusieurs dispositions majeures.
J'évoquerai tout d'abord la création du Comité national de la sécurité sanitaire.
La mission de ce comité est, à mes yeux, particulièrement importante, car elle répond à une préoccupation majeure, à savoir la coordination de l'action des différentes structures en place : veiller à ce que les problèmes connus ou émergents soient pris en compte par l'ensemble des différents acteurs ; confronter les méthodes, les informations disponibles, les résultats des analyses, les propositions d'action préconisées par les uns et par les autres. Il ne s'agit pas seulement d'une coordination administrative, vous l'aurez bien noté ; c'est une culture commune qu'il nous faut forger, culture centrée sur la protection de la santé de l'homme.
L'importance de l'enjeu me paraît justifier cette disposition législative et le rôle conféré au ministre chargé de la santé, non parce qu'il s'agit du ministre, je vous prie de le croire, mais parce qu'il s'agit, en définitive, de la santé.
L'Assemblée nationale a par ailleurs souhaité prolonger la mission que nous avions fixée aux établissements de santé concernant la mise en oeuvre du dispositif de vigilance et de lutte contre les infections nosocomiales et autres infections iatrogènes. Le Gouvernement y a été favorable.
Dans le cadre de l'information du public en cas d'urgence sanitaire, il est proposé que des messages d'alerte puissent être dorénavant diffusés par les chaînes de télévision. Ces messages viendront renforcer le dispositif d'alerte que nous prévoyons par ailleurs d'étendre, notamment, au réseau « santé sociale », qui, je l'espère, reliera au plus vite les médecins entre eux.
De façon plus générale, un certain nombre de dispositions ont été retenues pour permettre une meilleure écoute du public, pour renforcer son information sur les problèmes de sécurité sanitaire et pour assurer la transparence du fonctionnement du dispositif à son égard.
Ainsi, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé rendra publique une synthèse des dossiers d'autorisation de mise sur le marché de tout nouveau médicament. Elle organisera des réunions régulières d'information avec les associations de patients et d'usagers sur les problèmes de sécurité sanitaire. Elle pourra être saisie par les associations agréées de consommateurs.
Concernant l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, je laisserai à mon ami Louis Le Pensec, ministre en charge de ce dossier, le soin d'évoquer les discussions qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale et les dispositions qui en ont découlé. Vous noterez que le Gouvernement, après avoir pris le temps de l'expertise - en première lecture, je vous avais simplement répondu, entre la figue et le raisin, en quelque sorte, que j'étais favorable à une étude du problème que vous aviez soulevé -, s'est rallié à votre proposition d'intégrer le CNEVA, le Centre national d'études vétérinaires et alimentaires, à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. M. Le Pensec ainsi que, sans doute, Mme Lebranchu, secrétaire d'Etat chargé des PME, du commerce et de l'artisanat, s'en expliqueront tout à l'heure.
L'opportunité de créer une agence de sécurité sanitaire de l'environnement a également été débattue à l'Assemblée nationale. La question, pour légitime qu'elle soit, nous a paru prématurée.
M. Charles Descours. Certes !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Les problèmes de santé liés à l'environnement ne doivent pas être occultés. Ils sont légion ! Je pense, par exemple, aux effets des substances chimiques, comme les éthers de glycol, de l'amiante, des radiations ionisantes, de la dioxine, de la pollution atmosphérique. Chacun de ces dossiers intéresse différents départements ministériels et, surtout, différentes structures. Dans le cas de l'amiante, c'est le ministère du travail qui est intervenu en première ligne, mais il n'était évidemment pas seul concerné.
S'agissant du radon, j'ouvre ici une parenthèse. Des chiffres très alarmistes mais peu fondés scientifiquement circulent. A l'Assemblée nationale, j'ai entendu, avec beaucoup de surprise, parler de 3 000 à 5 000 patients atteints de cancer du poumon du fait du radon. A ma connaissance - mais j'ai vraiment étudié les dossiers - aucun décès par cancer du poumon n'a été attribué au radon, sauf dans une série canadienne. En tout cas, le Conseil supérieur d'hygiène publique de France, que nous avons saisi et dont l'avis a été rendu public, était très loin de céder à l'alarmisme ambiant. Il n'empêche qu'il faut bien entendu rester très attentif aux effets du radon. Chacun sait, en particulier dans le Massif central et en Bretagne, que le granit tend à relâcher ce gaz, source de radioactivité.
Pour toutes ces raisons et pour bien d'autres, la création d'une agence de sécurité sanitaire de l'environnement mérite d'être étudiée. On ne peut garantir que l'organisation actuelle en matière de sécurité sanitaire et de risque environnemental soit la meilleure possible. Cependant, compte tenu de la multiplicité des produits, de la variété des situations et du nombre important de structures existantes intervenant dans ce domaine, il n'a pas paru raisonnable de retenir le principe d'une agence de sécurité sanitaire de l'environnement sans qu'une réflexion approfondie soit préalablement menée à ce sujet. Une mission parlementaire s'y emploiera. Ce n'est donc absolument pas un refus que le Gouvernement oppose à cette suggestion.
En toute hypothèse, on peut attendre de l'Institut de veille sanitaire une plus grande activité d'expertise, de veille et d'alerte sur les problèmes sanitaires liés à l'environnement.
L'Assemblée nationale, avec l'appui du Gouvernement, a en outre adopté une importante réforme de l'organisation de la transfusion sanguine.
Un établissement public - l'Etablissement français du sang, l'EFS - devient l'opérateur unique de la transfusion. Nous allons ainsi jusqu'au bout de la logique engagée par la réforme de 1993 et renforcée par votre proposition initiale qui, séparant la compétence relative à la sécurité des problèmes d'organisation et de gestion, transférait la police sanitaire des produits sanguins labiles et des sites de collecte, de préparation et de distribution à l'Agence des produits de santé.
Les établissements de transfusion sanguine perdent leur personnalité morale pour devenir des sites locaux de l'Etablissement français du sang. Les directeurs des établissements de transfusion sanguine seront désormais nommés par le président de l'EFS, dont ils pourront recevoir délégation de façon à permettre un maximum de souplesse - mais pas d'autonomie - pour la gestion de l'établissement local.
L'organisation territoriale de la transfusion est également affectée par la réforme. Cette organisation continuera de relever de schémas territoriaux, mais l'agrément des établissements de transfusion sanguine sera demandé par l'EFS et relèvera de l'Agence des produits de santé.
Quant au personnel des établissements de transfusion sanguine et de l'Agence française du sang, leurs contrats de travail seront repris par l'EFS. Les personnels de droit privé seront gérés dans le cadre d'une convention collective, le statut des personnels relevant de la fonction publique restant inchangé.
Cette réforme permettra à notre pays de disposer d'un service public transfusionnel efficace, sûr et adapté aux besoins des populations.
Je fais remarquer, mesdames, messieurs les sénateurs, que, à partir du 1er avril, nous serons les seuls à appliquer la déleucocytation à notre transfusion sanguine. Nous pourrons alors considérer que, sans pour autant atteindre le risque zéro, bien sûr, notre système de transfusion sanguine est, dans le monde, celui qui approche le plus la sûreté absolue.
Diverses dispositions ont été prises à l'Assemblée nationale pour renforcer l'encadrement de certains produits de santé, notamment des dispositifs médicaux, des aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales, des matières premières à usage pharmaceutique et des préparations hospitalières. Ces mesures étaient nécessaires.
Enfin, les pouvoirs des corps d'inspection ou de contrôle des services déconcentrés des affaires sanitaires et sociales ont été précisés, qu'il s'agisse de leur mission de contrôle administratif ou de leur mission de recherche et de constatation d'infractions.
Dans ce contexte, le Gouvernement ne déposera qu'un nombre limité d'amendements.
La plupart sont des amendements de précision et portent sur la réforme de la transfusion sanguine ; ils sont rendus nécessaires par la création d'un opérateur unique.
D'autres viennent éclaircir ou préciser certaines dispositions relatives aux banques de tissus et de cellules et aux conditions d'encadrement des activités d'importation et d'exportation d'éléments et de produits d'origine humaine.
Le Gouvernement souhaite, dans le cadre de la lutte contre les infections nosocomiales, la mise en place de systèmes de qualité pour la stérilisation des dispositifs médicaux dans les établissements de santé publics et privés.
Telle est l'armature du dispositif juridique dont nous souhaitons doter notre pays pour accompagner le progrès et réduire les risques sans pour autant paralyser notre devenir. Cette loi de sécurité sanitaire s'inscrit dans un mouvement que vous avez vous-mêmes amorcé et dont vous connaissez les étapes ; elle le prolonge et devra elle-même être prolongée à l'avenir en fonction de l'évolution des problèmes que nous ne manquerons pas de rencontrer. Ne voyez pas là de ma part un aveu de pessimisme : le pessimisme de la raison n'est pas ici de mise. C'est bien plutôt, je pense, une marque de lucidité.
M. Charles Descours. De réalisme !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. L'étape législative est importance parce qu'elle témoigne de notre volonté, parce qu'elle forge la doctrine, parce qu'elle force l'action.
Il reste à bâtir un dispositif qui, je le conçois volontiers, est voué à évoluer.
Le champ même de la sécurité sanitaire évolue, nous le savons, nous le constatons. L'encadrement des produits va s'élargissant et appréhendera demain des produits nouveaux, les produits qui sont à la frontière entre aliments et médicaments, les risques environnementaux. On voit le concept d'hygiène alimentaire se transformer en doctrine de sécurité sanitaire des aliments.
J'espère que cela n'affectera pas le saint-nectaire, puisque c'est l'exemple qui nous est systématiquement opposé. Nous ne souhaitons pas l'évolution du saint-nectaire pour cause de sécurité sanitaire des aliments, monsieur le ministre de l'agriculture ? (Sourires.)
L'exercice même de la médecine, qui relève non seulement de la science mais aussi de la pratique quotidienne, nous conduira à dépasser une approche limitée aux seuls produits de santé pour intervenir sur le bien-fondé des stratégies médicales diagnostiques ou thérapeutiques, sur la qualité et la sécurité des actes. Au-delà de l'information, l'accréditation s'imposera.
Au-delà de l'identification des différents aléas, nous aurons à nous interroger sur leur mise en perspective. Nous ne pouvons écarter tous les produits potentiellement dangereux, mais nous devrons définir les seuils acceptables. Méfions-nous de l'« effet réverbère », qui ne met en lumière qu'une partie des problèmes et nous entraîne vers des mesures sécuritaires disproportionnées alors que les autres difficultés restent dans l'ombre. Comparons les petits risques qui touchent un grand nombre et les grands risques qui concernent un petit nombre.
La sécurité sanitaire a un coût. Jusqu'où sommes-nous prêts à aller ? Jusqu'où aurons-nous les moyens d'aller, sachant que la question des modalités de son financement par les pouvoirs publics, ou plus directement par les secteurs industriels concernés, interfère avec celle du financement du risque de développement des produits et du financement de l'aléa thérapeutique, dont il nous faudra bien, un jour, enfin parler ?
M. Charles Descours. Oui, enfin !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, les questions ne manquent pas. Elles nous imposent d'avancer. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai regretté de ne pas pouvoir participer à vos travaux dès la première lecture de la proposition de loi que vous réexaminez aujourd'hui, enrichie par les apports de l'Assemblée nationale. J'étais, en effet, retenu à l'Assemblée nationale par l'examen du projet de loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines.
Je suis convaincu que ces deux textes porteurs d'avenir sur des sujets fort différents seront adoptés à l'issue d'un riche débat, à la faveur d'un très large consensus.
C'est dans le respect des principes internationaux concernant la séparation entre l'évaluation et la gestion des risques sanitaires des aliments que l'Assemblée nationale a précisé les contours de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments en clarifiant ses missions.
En effet, les difficultés qui ont été identifiées dans ce domaine concernent avant tout l'absence de structure forte d'expertise qui disposerait, par sa composition et ses moyens, d'une autorité scientifique incontestable.
Vous aviez proposé, monsieur le rapporteur, l'intégration du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires, le CNEVA, dans le dispositif de l'agence. Ainsi que l'a indiqué tout à l'heure mon collègue Bernard Kouchner, nous n'avions pu, en première lecture, s'agissant d'une décision d'importance, vous apporter une réponse. Le Gouvernement a donc établi le diagnostic qui convenait et a considéré que l'intégration du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires - dans toutes ses composantes et avec toutes ses missions, de la santé animale à l'hygiène alimentaire - devait être retenue. Cela permettra d'atteindre cet objectif de mise en place d'une autorité scientifique incontestable.
Je souhaite, à cet égard, rendre hommage à l'excellence des travaux de recherche et d'appui technique du CNEVA et à sa rapidité de réaction dans les périodes de crise telles que nous en avons connu au début de l'épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine.
Pour l'avenir, afin de lui permettre d'assurer la diversité de ses missions, la future agence devra disposer de moyens financiers suffisants, moyens que je m'attacherai à obtenir dans le cadre de la loi de finances pour 1999.
A la lecture du rapport de la commission, je dresse le constat qui s'impose : le titre III de cette proposition de loi concentre une bonne part, voire la totalité des critiques de la commission des affaires sociales.
Ainsi est-il reproché au texte issu de l'Assemblée nationale de ne doter l'agence en charge des aliments ni de pouvoirs de contrôle ni de pouvoirs réglementaires.
J'ai entendu invoquer des résistances administratives pour justifier les différences souhaitées par l'Assemblée nationale entre les missions de l'agence en charge des aliments et celle en charge des produits de santé.
Je souhaite rappeler que si le Sénat, dans sa proposition initiale, suivi en cela par le Gouvernement, a décidé de créer deux agences de sécurité sanitaire, c'est précisément parce que les problèmes posés par les aliments et ceux concernant les produits de santé sont différents. Il n'est donc aucunement nécessaire que ces deux structures effectuent les mêmes missions.
Je souhaite ici dissiper un premier malentendu : les pouvoirs publics n'ont pas attendu la création d'une agence pour contrôler la sécurité sanitaire des aliments et pour la renforcer.
Actuellement, 3 500 agents de mon département ministériel, auxquels il convient d'ajouter 1 500 agents dépendant du ministère de l'économie et du ministère de la santé, assurent, chacun dans sa spécialité, ce contrôle. Le Gouvernement n'a pas à rougir des résultats de leurs actions.
Pour les seuls services vétérinaires, au titre de l'année 1996, ce sont 58 000 ateliers de préparation de denrées d'origine animale et 35 000 cuisines de restauration à caractère social qui ont été inspectés.
Pour la même année, 30 000 procédures administratives, de l'avertissement à la mise en demeure, et 2 000 procédures pénales ont été engagées et 200 fermetures d'établissements ont été prononcées.
On reproche aux services de contrôle de mon ministère, comme à ceux du secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat de n'être pas indépendants des services de soutien économique aux filières de production. C'est ignorer que le directeur départemental des services vétérinaires, pour ses missions de santé publique, comme le directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont placés directement sous l'autorité du préfet ou du procureur de la République.
Pour améliorer la sécurité sanitaire des aliments en France, il faut, selon moi, augmenter le nombre des contrôles, améliorer la coordination des services qui en sont chargés et, enfin, renforcer les fonctions de veille, d'alerte et de recommandation, responsabilités qui sont confiées à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
Je répète ce que j'ai eu l'occasion de dire lors de la dernière discussion budgétaire : la qualité et la sécurité de l'alimentation sont une préoccupation essentielle de l'Etat.
En trois ans, cent postes de vétérinaire inspecteur ont été créés. En outre, j'ai obtenu, pour le budget de 1998, une augmentation de 20 % des crédits de fonctionnement et d'analyse affectés aux programmes de contrôle.
J'ajoute que l'impartialité du contrôle est garantie par des procédures de vérification externe au service et par des procédures d'assurance qualité.
De plus, le ministère publie régulièrement, depuis mon arrivée rue de Varenne, tous les résultats des plans de surveillance et de contrôle dans le bulletin Notre alimentation, adressé, je le souligne, à tous les parlementaires.
Certes, l'organisation des contrôles reste toutefois perfectible. Tel est l'objet du projet de loi sur la qualité sanitaire des denrées qui sera prochainement présenté devant votre assemblée. Ce projet de loi tend à moderniser les dispositions du code rural relatives à la sécurité des aliments.
Il renforcera les pouvoirs de police administrative de certains agents en mettant en place un encadrement strict de la filière agroalimentaire, depuis les pratiques agricoles jusqu'à la distribution. Il élargira à tous les produits les règles en matière de contrôle aux frontières avec les pays tiers des produits animaux.
Je reste persuadé que ce projet de loi constitue la meilleure réponse aux préoccupations de la commission des affaires sociales s'agissant des contrôles.
Par ailleurs, la commission souhairerait confier à l'agence un pouvoir de contrôle des inspections effectuées par les services de l'Etat. Je ne peux m'empêcher de penser que cette proposition est motivée par une suspicion a priori sur le travail des services de l'Etat, et il me sera difficile de donner suite aux amendements qui voudraient traduire cette intention. Ce sont les ministres qui doivent contrôler l'activité des établissements publics, et non le contraire.
Le contrôle des armées ou l'inspection générale des services de la police nationale, pour être composés de fonctionnaires disposant de prérogatives particulières, n'en sont pas moins rattachés aux ministres de la défense ou de l'intérieur. Dès lors, l'organisation que propose la commission des affaires sociales ne peut qu'accréditer l'idée, répandue dans les médias mais inexacte, de l'inefficacité des pouvoirs publics en termes de sécurité sanitaire des aliments.
Je souhaite apporter quelques éléments de réponse aux critiques qui ont été formulées sur l'efficacité de notre politique, quels que soient les Gouvernements concernés.
En effet, dès 1989, à la première alerte sur l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, le ministre de l'agriculture de l'époque, M. Henri Nallet, fermait la frontière française à l'introduction des bovins vivants britanniques, susceptibles d'être contaminés, en attendant l'adoption des dispositions communautaires.
Quatre ans avant l'interdiction communautaire, la France a prohibé l'introduction de farine animale dans l'alimentation des bovins. Ainsi, un an avant le premier cas français d'encéphalopathie spongiforme bovine, un réseau d'épidémio-surveillance a été mis en place. Enfin, le lendemain même de l'annonce de la possible transmission de l'ESB à l'homme, il a été décidé par la France un embargo total sur les viandes bovines britanniques.
Au travers d'un exemple évoqué en première lecture, lors de la discussion générale de ce texte, je souhaite vous apporter l'illustration que les services de l'Etat savent être efficaces.
Le 3 septembre 1997, le Centre national de référence pour les listéria de l'Institut Pasteur signale une augmentation du nombre de listérioses humaines dues à une même souche. Cette augmentation est surtout sensible sur des cas détectés entre le 5 juillet 1997 et le 23 août 1997.
La cellule de crise regroupant le réseau national de santé publique, la direction générale de l'alimentation et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes se réunit immédiatement. L'enquête épidémiologique montre que 100 % des seize personnes concernées ont consommé un fromage à pâte molle ; neuf résident en Normandie et trois y ont fait un séjour.
Des enquêtes dans les établissements de distribution et de production sont immédiatement conduites dans trois départements normands par la direction générale de l'alimentation de mon ministère et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du ministère de l'économie et des finances.
Un examen et un lysotypage des résultats positifs lors de contrôles officiels de routine permettent de cibler un établissement, où un prélèvement effectué le 11 septembre 1997 confirme qu'il s'agit bien de l'origine de l'épidémie. Les 2 749 fromages commercialisés par cette entreprise depuis le 1er août 1997 sont rappelés et détruits. La fermeture de l'établissement est décidée le 18 septembre 1997.
Une enquête complexe faisant intervenir de multiples partenaires a été conclue en deux semaines. On ne peut donc pas - je peux en témoigner - reprocher aux services de l'Etat un retard préjudiciable à la santé publique dans cette affaire. Ils me semblent, au contraire, avoir démontré leur excellence et leur efficacité.
Enfin, je voudrais dissiper un dernier malentendu. Lorsqu'à l'Assemblée nationale j'ai soutenu, au nom du Gouvernement, que certains médicaments vétérinaires ne devraient être autorisés que par l'autorité politique, il ne s'agissait pas, bien entendu, de bafouer les considérations de santé publique relative à ces produits. Je revendique seulement la possibilité d'être quelquefois plus prudent que les scientifiques et de ne pas autoriser certaines substances, même si l'évaluation quantitative du rapport bénéfice-risque démontre qu'elles ne présentent pas de problème pour la santé publique.
Permettez-moi d'évoquer encore un dernier exemple. L'Union européenne a été condamnée par l'Organisation mondiale du commerce à revoir sa législation sur l'utilisation d'anabolisants en élevage.
Les rapports scientifiques qui ont été fournis au panel de juges de l'Organisation mondiale du commerce concluent, pour certains produits lorsqu'ils sont correctement utilisés, à l'absence de risque pour la santé publique. L'autorité politique que je représente peut aller au-delà de cette affirmation et mettre en avant le principe de précaution dès lors que les bénéfices d'une nouvelle technique pour la société n'apparaissent pas clairement.
Je conclurai cette intervention liminaire - je reviendrai, bien entendu, sur ces questions lors de la discussion des amendements - sur la dernière phrase du rapport de la commission des affaires sociales : « Il est du devoir du politique de déterminer la meilleure organisation de l'Etat pour le rendre apte à mieux assumer ses missions. » Je souscris à cette affirmation. J'assume ces missions, avec mes collègues du Gouvernement qui sont également chargés de la sécurité des aliments. C'est la raison pour laquelle j'estime qu'il est de ma responsabilité de veiller à la bonne organisation et au bon fonctionnement de mes services.
Je ne doute pas que le dialogue que nous aurons ce matin nous conduise à enrichir encore un texte issu d'une initiative de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la sécurité des produits, des services et de l'environnement est un sujet très présent dans la vie quotidienne de nos concitoyens.
Nous avons à faire face à une exigence accrue de confiance, un signal très fort nous ayant été donné lors des récentes crises sanitaires que nous avons vécues et que mes collègues ont rappelées.
C'est pourquoi M. le Premier ministre, dans son projet gouvernemental, a inscrit la mise en place d'une agence de sécurité sanitaire.
Le Gouvernement a fait le choix de s'appuyer sur votre proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs.
Dans ce contexte, nous partageons le même objectif : mettre en place un dispositif performant au service de la sécurité sanitaire de nos concitoyens.
La sécurité sanitaire, c'est la maîtrise des risques, puisque le risque zéro n'existe malheureusement pas, nous en sommes tous convaincus.
Elle implique une évaluation scientifique fiable de ces risques et des capacités d'alerte performantes en amont. Nous ne connaissons pas aujourd'hui les risques à venir.
Elle impose une gestion politique rigoureuse des risques ainsi détectés, sur la base du principe de précaution. En tant que ministre en charge de la consommation, j'y suis particulièrement attentive.
De cela, se dégagent deux nécessités auxquelles il nous faut répondre.
La première, c'est de créer le cadre d'une solide expertise scientifique indépendante et transparente.
L'expertise scientifique est fondamentale pour une bonne anticipation des risques. Elle permet aux autorités publiques d'asseoir les bonnes décisions.
Les experts scientifiques doivent avoir les moyens d'évaluer, en toute indépendance, la naissance ou la gravité d'un risque. Ils doivent pouvoir en informer, en toute transparence, les citoyens et les pouvoirs publics.
Il nous faut donc créer le cadre pertinent permettant à nos experts d'assurer, dans les meilleures conditions possibles, les fonctions de veille, d'analyse des risques et d'alerte, et ce avec une efficacité maximale.
Ce dispositif sera d'autant plus efficace que les responsabilités des uns et des autres seront clairement définies. C'est ce qui nous a conduits à soutenir le principe, internationalement reconnu, comme l'a rappelé M. Le Pensec, de séparation de l'évaluation et de la gestion du risque.
Le respect de ce principe constitue la seconde des nécessités auxquelles j'ai fait allusion. Je sais qu'il soulève des interrogations, et c'est pour cette raison que je veux réaffirmer ce qui fait, de mon point de vue, son intérêt.
Il faut éviter le piège de la confusion des rôles entre scientifiques, politiques et administratifs. Les scientifiques doivent pouvoir émettre des avis sans avoir à prendre en considération d'éventuelles conséquences matérielles ou administratives. C'est cela l'indépendance, mais ce n'est pas à eux de prendre les mesures qui relèvent du Gouvernement. Le Gouvernement, lui, doit prendre ses responsabilités, et la publication des avis scientifiques donne les moyens à qui le veut d'apprécier pleinement les décisions prises.
C'est cela la démocratie, et non le fait, pour un ministre responsable - faut-il le rappeler ? - des administrations chargées de mettre en oeuvre les décisions qu'il prend, de déléguer ses pouvoirs.
A cette occasion, je veux rendre hommage à l'action des services de contrôle, dont personne ne peut contester l'efficacité et le souci du bien commun. Vous l'avez vous-mêmes souligné à plusieurs reprises.
C'est sur ces bases qu'il me paraît important de réaffirmer le principe de la séparation de l'évaluation du risque et de sa gestion. Il s'agit non pas d'une affaire de boutique administrative, comme on l'a laissé entendre dans cette enceinte,...
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Hélas si !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. ... mais de clarté dans la définition des responsabilités.
J'ajoute que ce n'est ni par un démantèlement des administrations ni par une méfiance injustifiée à leur égard que l'on renforcera la politique sanitaire nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je reste persuadée que les consommateurs attendent de nous effectivement beaucoup de courage, mais que le courage demande beaucoup de clarté !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, madame et monsieur les secrétaires d'Etat, votre présence en nombre au banc du Gouvernement ce matin, alors que nous avions discuté en première lecture de cette proposition de loi dans un calme plus relatif,...
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Oui, mais avec le meilleur ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Avec le meilleur, bien sûr ! Cette présence, dis-je, m'incite à apporter deux ou trois précisions en réponse aux merveilleux plaidoyers que je viens d'entendre.
M. Dominique Braye. Et qui n'engagent qu'eux-mêmes !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. C'est en 1993, dans une phase politique antérieure, que, sur l'initiative du Sénat et de mon collègue et ami Claude Huriet, a été créée l'Agence du médicament. Quand nous avons créé cette agence, nous avons entendu à peu près le même type de discours qu'aujourd'hui.
M. Charles Descours. Effectivement !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Le discours était le suivant : nos services fonctionnent de manière merveilleuse ; l'organisation française est parfaite, le monde entier nous l'envie, et on se demande pourquoi il faut créer une agence du médicament.
Quelques années plus tard, tout le monde constate, à l'échelon français comme à l'échelon européen, que la création de cette agence a marqué un progrès, que l'on a supprimé le « parcours du combattant » qui était imposé auparavant à toutes les entreprises fabriquant des molécules nouvelles et qui désiraient les commercialiser, et que, finalement, le ministère de la santé n'a pas été trop dépossédé par la création de l'Agence du médicament. Je note au passage que M. Kouchner était déjà notre partenaire quand nous avons créé cette agence.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas un hasard, monsieur le président Fourcade !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Par la suite, la commission des affaires sociales a créé une mission d'information concernant les conditions de développement des thérapies génique et cellulaire.
Nous avons ainsi pu constater, aussi bien sur le plan français que sur le plan international - nous avons étudié le fonctionnement de ces nouvelles technologies un peu partout dans le monde - que notre législation, notre organisation administrative et le partage des responsabilités n'étaient pas du tout adaptés à l'évolution technologique mondiale.
Nous risquions donc de passer à côté d'une voie ouvrant des perspectives de création d'emplois et de développement scientifique que certains de nos concurrents empruntaient déjà.
C'est la raison pour laquelle nous avons inclu dans la loi du 28 mai 1996 des prescriptions et prévu des réglementations nouvelles sur le développement des thérapies génique et cellulaire.
Nous nous sommes alors avisés du fait que ce qui était vrai pour les thérapies génique et cellulaire, qui l'avait déjà été pour le médicament, l'était aussi pour un certain nombre d'autres mécanismes de contrôle intéressant soit tous les produits dérivés du médicament, soit certains produits alimentaires. Nous avons dès lors constitué une mission d'information sur les conditions de renforcement de la veille et de la sécurité sanitaires.
Après avoir beaucoup travaillé, sur l'initiative de Charles Descours, qui a présidé cette mission, et avec l'ardeur de notre ami Claude Huriet, qui était rapporteur - nous nous sommes notamment rendus aux Etats-Unis - nous avons, en commission, longuement élaboré la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture.
En raison de l'alternance politique, nous avons débattu de ce texte avec le gouvernement précédent, qui en avait approuvé les orientations, et avec le gouvernement actuel, qui a bien voulu confirmer lesdites orientations. Cela montre bien que, au-delà des questions de compétences administratives ou de responsabilités ministérielles, le problème du contrôle des produits que nos concitoyens consomment soit sous forme de médicaments ou de produits dérivés, soit sous forme d'aliments, nécessite non pas la suspicion - telle n'est pas notre intention - ou une réorganisation profonde, mais tout au moins un processus qui réponde aux deux difficultés françaises qui avaient été soulignées par une mission d'information parlementaire, conformément à son rôle.
En effet, le Parlement n'a pas simplement pour tâche d'examiner les projets de loi que le Gouvernement lui soumet ; il doit aussi contrôler l'action du Gouvernement et, parfois, pour la précéder. Nous pensons, s'agissant de la bioéthique ou des thérapies génique et cellulaire, que nous avons largement précédé l'action du Gouvernement français. Le Parlement a aussi pour rôle d'essayer de faire progresser notre dispositif.
La proposition de loi présentée par M. Huriet répond à un objectif, à savoir réorganiser l'ensemble du contrôle sanitaire. Notre dispositif a suscité de la part de l'Assemblée nationale, malgré quelques divergences sur certains points - et c'est naturel - une adhésion assez forte.
En l'occurrence, notre grand ennemi est le cloisonnement administratif. Vous venez de nous expliquer que tout fonctionne pour le mieux dans le meilleur des mondes. Permettez-moi de dire que ce n'est pas notre sentiment.
Il n'est pas question de bouleverser les compétences, de changer les directions de l'administration centrale ou de fermer les laboratoires. A l'aube du xxie siècle, en cette période où les mutations technologiques, sont très rapides, il s'agit de mettre en place un dispositif de contrôle des produits sanitaires et alimentaires qui soit le plus efficace possible, le plus adapté à l'organisation de notre société et le plus à même de faire respecter nos productions, nos exportations et nos brevets tant sur le plan européen que sur le plan mondial.
Bien sûr, j'ai noté quelques réactions de-ci de-là, puisque, dans notre pays, nous avons des fonctionnaires dévoués et qui travaillent bien, chacun estimant qu'il peut être déraisonnable de bouleverser les organigrammes actuels. Cependant, soyez rassuré, monsieur le ministre, car au Sénat américain, où nous avons rencontré nos homologues, les mêmes objections ont été faites par les tenants de l'agriculture et les défenseurs de la santé. Ces problèmes, nous les avons retrouvés en Allemagne et en Grande-Bretagne. Ils existent partout, et c'est bien naturel.
Je conclurai, avant de laisser la parole à M. le rapporteur, en approfondissant deux points.
En France, les administrations sont réticentes lorsqu'il s'agit de créer une agence. Tout le problème est de définir les pouvoirs respectifs de l'administration centrale par rapport à l'agence. Permettez-moi de dire qu'il s'agit d'un phénomène spécifiquement français. En effet, ni aux Etats-Unis, ni en Grande-Bretagne, ni en Allemagne, ni même en Suisse - car il y a aussi des agences en Suisse - ce problème n'existe. Dans ces pays, le ministre compétent considère qu'il dispose soit des administrations, soit des agences. Il lui appartient de proposer les noms du directeur et des membres du conseil de chaque agence et il estime qu'il est chargé, au point de vue politique, de coordonner l'activité de ses services et des agences, sans s'interroger sur le cloisonnement administratif, l'équilibre des pouvoirs entre l'administration centrale, l'administration locale et les agences, qui constitue une spécificité française.
Nous devons mettre un terme à ce problème. Nous sommes le seul pays dans lequel il se pose, avec la Chine, peut-être. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Mais pour des raisons que chacun connaît et compte tenu de l'ancienneté de ce pays.
Mme Nicole Borvo. Comparaison n'est pas raison !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. J'en viens au second point que je voulais approfondir. Comme vous le savez, monsieur le ministre, un certain nombre de bons esprits estimaient qu'une seule agence aurait pu contrôler l'ensemble des médicaments et des produits alimentaires.
Après avoir beaucoup observé ce qui se faisait à l'étranger, beaucoup discuté et nous être beaucoup concertés, nous avons pensé que, si cette solution était intellectuellement habile, elle n'était cependant pas pragmatique, en effet, les problèmes et les virtualités de l'évolution technologique ne sont pas identiques. Même aux Etats-Unis, le contrôle des médicaments et des produits alimentaires n'est pas opéré par une seule agence : la Food and Drug Administration n'est pas l'agence unique et, au sein du ministère de l'agriculture américain, des gens s'occupent de manière très précise de la viande, des produits laitiers et d'un certain nombre d'autres produits.
Par conséquent, ne cédant pas au simplisme, nous avons considéré, en accord avec le gouvernement précédent et avec le gouvernement actuel, les deux premiers ministres ayant donné leur assentiment, qu'il valait mieux créer deux agences, avec des responsabilités différentes, l'une s'occupant de l'ensemble du domaine des produits sanitaires et l'autre traitant des produits alimentaires.
Les quelques difficultés que nous connaissons aujourd'hui en deuxième lecture - l'Assemblée nationale ayant fait un excellent travail sur un certain nombre de sujets, nous ne reviendrons pas sur nombre de ses apports - tiennent au positionnement de l'Agence française de sécurité sanitaire aliments : nous voulons en faire une véritable agence et non un comité Théodule ne servant à rien, sous peine de voir anéanties nos cinq années de travaux.
Le problème est de trouver l'articulation entre cette nouvelle agence et les services qui, aujourd'hui, s'occupent du contrôle et sont sur le terrain tous les jours, dans des conditions tout à fait honorables, comme MM. Kouchner et Le Pensec l'ont rappelé très justement tous les deux. C'est, je le répète, un problème d'articulation, et cela ne doit en aucun cas être pour nous un problème mythologique ! Je compte donc sur la discussion pour parvenir sur ce point à des résultats positifs. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'Assemblée nationale a examiné en première lecture notre proposition de loi sur le renforcement de la veille et de la sécurité sanitaires. Conformément à ses engagements, le Gouvernement a donc souhaité une inscription rapide à l'ordre du jour afin de favoriser son bon aboutissement ; nous pouvons nous en féliciter.
S'il ne convient pas, en effet, de légiférer dans la précipitation, nous avions souligné dans notre rapport d'information, auquel M. le président de la commission des affaires sociales vient de faire référence, que cette réforme était urgente, et nous avons été entendus.
Globalement, la discussion de ce texte s'est déroulée, à l'Assemblée nationale, dans un bon climat. Les députés étaient tous convaincus, en effet, de la nécessité d'une réforme, et cette conviction a été exprimée sur tous les bancs.
Certes, le débat sur une ou deux agences a bien sûr resurgi. Mais les députés ont finalement considéré, comme nous, que la création de deux agences était actuellement préférable.
Sur le fond, l'Assemblée nationale a bien enrichi le texte que nous avions adopté en première lecture. Elle a apporté d'utiles précisions, visant notamment l'Institut de veille sanitaire et l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé, et a doté d'un statut des produits qui, jusque-là, étaient mal encadrés.
En outre, sur l'initiative tant de MM. Mattei et Aschieri que du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté une réforme importante de la transfusion sanguine en plaçant cette dernière sous le contrôle d'un opérateur unique, l'Etablissement français du sang.
En ce qui concerne l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, nous le verrons, l'Assemblée nationale a un peu trop suivi, à notre sens, le Gouvernement, lorsqu'il proposait des amendements d'une nature que l'on pourrait qualifier d'administrative. Mais tout permet d'espérer que nous parviendrons à un accord dans la suite de la navette qui, je l'espère, sera brève.
Pour contribuer à cette brièveté de la navette, la commission ne vous proposera que très peu d'amendements. Compte tenu de l'importance et de l'urgence de cette réforme, mes chers collègues, il ne nous a pas paru utile de vous proposer d'engager des querelles rédactionnelles avec l'Assemblée nationale. L'essentiel des amendements concerne, bien entendu, les missions et les pouvoirs de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments.
Je vous propose d'examiner, chapitre par chapitre, les principales modifications apportées par l'Assemblée nationale et de vous dire, au fur et à mesure, ce que nous proposons de conserver et ce qui, à notre sens, peut être utilement modifié.
L'Assemblée nationale a d'abord institué, à la place du Conseil national de sécurité sanitaire que nous avions placé sous la présidence du Premier ministre, un Comité national de sécurité sanitaire. Sous la présidence du ministre chargé de la santé, il réunit le directeur général de l'Institut de veille sanitaire, les directeurs d'agences ainsi que les présidents de leurs conseils scientifiques respectifs.
C'est, à notre sens, un bon amendement, car il renforce les liens entre l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et le ministre chargé de la santé, ce qui n'est pas neutre pour une agence soumise à une triple tutelle...
Aussi, nous vous proposerons de conserver ce comité, en complétant toutefois l'énoncé de ses missions.
Concernant l'Institut de veille sanitaire, l'Assemblée nationale a apporté d'utiles précisions. Ainsi, elle a renforcé la coordination entre l'institut et les agences et a précisé la contribution des médecins du travail et des médecins scolaires et universitaires au réseau de veille. Elle a toutefois supprimé la sanction pénale que nous avions créée pour réprimer le refus de transmettre des informations à l'institut ; mais nous pouvons être d'accord dans la mesure où des dispositions en vigueur peuvent être utilement invoquées pour réprimer un refus de transmission d'informations.
Aussi, nous vous proposerons d'adopter conformes les dispositions qui concernent l'Institut de veille sanitaire, de même que celles qui prévoient que des messages sanitaires peuvent être diffusés par les chaînes de télévision, bien que ces dispositions soient un peu redondantes par rapport à la législation déjà en vigueur.
Nous vous ferons la même proposition pour les dispositions traitant de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
En effet, l'Assemblée nationale n'a pas modifié substantiellement le texte que nous lui avions transmis. Il faut toutefois noter qu'elle a prévu que l'agence rendrait publique une synthèse des dossiers d'autorisation de mise sur le marché de tout nouveau médicament, et qu'elle a finalement trouvé le compromis que nous avions cherché sur les produits dits de « nutrition clinique » : l'agence sera chargée non seulement de ceux de ces produits qui sont des médicaments, mais aussi d'autres produits de nutrition clinique qui, sans être des médicaments, présentent des risques pour les personnes auxquelles ils ne sont pas destinés. En effet, ces produits ne sont pas, à ce jour, suffisamment encadrés.
L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments s'occupera des autres produits qui ne présentent pas de danger particulier.
L'Assemblée nationale a enfin prévu que l'agence pourrait être saisie par les associations de consommateurs et a précisé le texte adopté par le Sénat en ce qui concerne l'inspection. Elle a aussi confié à l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé le contrôle des « allégations santé » des aliments, c'est-à-dire des publicités qui invoquent un bénéfice pour la santé, tiré de ces aliments.
Avec l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, nous arrivons à quelques discordances importantes entre les deux assemblées.
L'Assemblée nationale, en effet, a accepté de limiter l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments à un rôle purement évaluatif, même si, ce dont je me félicite avec vous, elle a accepté, avec l'accord du Gouvernement, l'intégration du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires dans l'agence.
Elle a ainsi supprimé la disposition selon laquelle l'agence participerait à l'application de la législation dès lors qu'il s'agit de protéger la santé humaine ; elle a enlevé à l'agence la possibilité de diligenter directement les contrôles quand elle l'estime nécessaire ou celle de saisir les corps d'inspection ou de contrôle de l'Etat tels que l'inspection des finances, la Cour des comptes, etc. Elle a également restreint son pouvoir de « contrôle des contrôles » effectués par l'administration. Et, monsieur le ministre, vous venez de souligner combien ce point était délicat.
Enfin, l'Assemblée nationale a restreint le champ des mesures de police sanitaire sur lesquelles l'agence doit obligatoirement être consultée par les ministres et a prévu qu'en cas d'urgence ceux-ci pourraient ne pas la consulter.
Sur tous ces points - cela va de soi - nous vous proposerons de rétablir notre texte, assorti le cas échéant de précisions apportées par l'Assemblée nationale.
Je ne voudrais pas quitter le domaine de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments sans relever des propos de M. le ministre de l'agriculture et la pêche qui m'ont quelque peu inquiété et sur lesquels, à l'instant, il vient de nous donner des élaircissements à nos yeux bien nécessaires.
Au sujet du médicament vétérinaire, M. Alain Calmat, rapporteur à l'Assemblée nationale, a proposé de préciser, dans le code de la santé publique, que c'est bien le directeur de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments qui a compétence pour délivrer les autorisations d'établissements pharmaceutiques. C'est logique, car c'est conforme au droit en vigueur depuis la création de l'Agence nationale du médicament vétérinaire et, à l'évidence, cohérent avec des préoccupations de santé publique, fondement essentiel de la proposition de loi.
Monsieur le ministre, vous êtes alors intervenu pour vous opposer à ce texte et pour réserver la possibilité, pour le ministre, de se saisir de certains dossiers « sensibles » pour prendre lui-même la décision.
Vous avez en effet déclaré que, « pour un nombre, même très limité, de produits, une approche uniquement fondée sur des critères de santé publique n'est pas suffisante. D'autre critères sont à prendre en compte : acceptation des consommateurs ou types de production à développer ».
Monsieur le ministre, vous venez d'apporter des précisions sur ce point en faisant valoir que, dans votre esprit - et je vous en donne acte - cette possibilité que vous revendiquez ne pouvait aller que dans le sens du renforcement d'un certain nombre de dispositions. (M. le ministre fait un signe d'assentiment.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Très bien !
M. Claude Huriet, rapporteur. Mais une autre interprétation de vos propos pouvait, vous en conviendrez, susciter de notre part quelques interrogations et inquiétudes.
Sur ce point, je considère que le malentendu est levé et je pense que, l'un et l'autre, nous devons en être satisfaits.
Vous me permettrez, monsieur le ministre, de répondre aux trois points essentiels de votre intervention dans la discussion générale : tout d'abord, il n'y a pas de raison, avez-vous dit, d'attribuer aux deux agences les mêmes missions ; ensuite, le Gouvernement n'a pas à rougir de l'action des fonctionnaires ; enfin, nous ne pouvons accepter les dispositions défendues par le Sénat qui traduisent une sorte de suspicion à l'encontre de la qualité du travail et de l'indépendance des fonctionnaires placés sous l'autorité des ministres.
Premièrement, si nous avions eu le sentiment que, dans un esprit de symétrie, il était souhaitable, comme le pensaient certains, d'attribuer les mêmes missions aux deux agences, pourquoi ne l'aurions-nous pas proposé ? C'est bien parce que, nous référant à des expériences étrangères plus ou moins satisfaisantes, telles que M. Fourcade les a évoquées, nous avons acquis la conviction que le médicament n'était pas un aliment - « et réciproquement », ai-je coutume de dire - que nous avons défendu l'idée de la constitution de deux agences et fini par convaincre ceux qui avaient un avis contraire. Comprenez-donc que nous ne serions pas logiques avec nous-mêmes si, au nom de la symétrie et loin de toute finesse, nous avions souhaité calquer une agence sur l'autre. Telle n'est pas du tout notre intention.
J'ai découvert, même si j'en avais quelque intuition, la complexité, la multiplicité et l'hétérogénéité des filières qui correspondent à la recherche de l'objectif du renforcement de la sécurité sanitaire. Sur ce point, qu'il n'y ait pas d'ambiguïté : ce n'est pas à cet égard qu'il peut y avoir contradiction, et nous devons tenir compte, dans nos réflexions respectives, de cette différence de nature non seulement quant aux produits, mais aussi quant à toutes les étapes qu'il faut franchir et sur lesquelles - je pense que nous en serons d'accord - doit porter notre attention en matière de sécurité sanitaire.
Le deuxième élément de votre intervention, monsieur le ministre, portait sur le fait que le Gouvernement n'a pas à rougir de l'action des fonctionnaires.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Très bien !
M. Claude Huriet, rapporteur. A la suite de tous les travaux que le Sénat a entrepris de longue date, nous pouvons attester de la compétence, du sérieux et de toutes les qualités professionnelles des fonctionnaires que nous avons été amenés à auditionner.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, la mission d'information n'était pas une commission d'enquête. Nous avons réfléchi et, pour alimenter notre réflexion, nous avons procédé à des auditions. Nous avons voulu comprendre quelles structures ministérielles ou extraministérielles concouraient à l'objectif de la sécurité sanitaire.
Lorsque nous avons été amenés à interroger votre prédécesseur, monsieur Le Pensec, pour savoir combien il y avait d'organismes, au sein du ministère de l'agriculture ou sous son autorité, il n'a pas pu, dans un temps certes limité, nous apporter de réponse tant sont nombreuses les instances qui, dans ce cadre, ont à connaître de la sécurité sanitaire.
Comprenez bien que ce constat ne met en cause ni les compétences qui s'exercent ni la loyauté des fonctionnaires. En fait, nous avons souhaité, à travers le travail de la mission d'information, qui trouve son aboutissement dans la proposition de loi, certes renforcer la sécurité sanitaire et la veille sanitaire, mais également nous fixer trois objectifs essentiels qui sous-tendent notre réflexion et nos travaux, y compris en séance publique : premièrement, renforcer l'efficacité, et non la mettre en cause en soulignant son insuffisance ou ses lacunes ; deuxièmement, donner de la cohérence à l'organisation actuelle ; troisièmement, enfin, donner davantage de lisibilité. Tels sont les trois objectifs qui, outre l'objectif premier, à savoir le renforcement de la sécurité sanitaire, confortent notre démarche.
Ce faisant, je le répète, nous ne sommes en aucune façon amenés à mettre en cause les insuffisances professionnelles de tel ou tel fonctionnaire pris individuellement ou les dysfonctionnements des services. Qu'il soit bien clair que nous ne mettons en cause ni l'autorité de l'Etat ni les capacités du Gouvernement ou des ministres à exercer la plénitude de leurs responsabilités ; nous cherchons simplement, avec vous si possible, les moyens de rendre plus efficace, plus cohérent et plus lisible un système qui aboutira à un renforcement de la sécurité sanitaire.
Quant à ce sentiment de sujétion et de suspicion que, semble-t-il, vous-même et bon nombre de vos collaborateurs éprouvez à la suite de cette mission d'inspection, avec une sorte de super-inspection, ne le traduisez pas comme un doute quant aux limites professionnelles.
Nous nous plaçons dans le cadre d'une organisation générale de l'Etat, et il n'y a rien de choquant à ce que l'on procède, au travers d'une agence dont c'est d'ailleurs l'une des raisons d'être, à une sorte d'évaluation externe d'un certain nombre de travaux, travaux qui, d'ailleurs, peuvent souvent amener tel ou tel fonctionnaire à chercher comment concilier des missions quelquefois inconciliables.
Nous pourrons peut-être développer plus avant tous ces éléments. En l'instant, je ne veux pas que, dès le début de la discussion en deuxième lecture, il y ait entre nous un malentendu et un climat de suspicion quelque peu malsain qui masquerait notre objectif commun, à savoir le renforcement de la sécurité sanitaire.
J'ai été très sensible aux propos de Mme Lebranchu, qui a dû nous quitter. J'ai notamment apprécié sa concision - c'est une qualité que je ne suis pas sûr de respecter aujourd'hui.
Mme Lebranchu a, sauf erreur de ma part, parlé de trois niveaux : le niveau scientifique, le niveau politique et le niveau administratif. J'aurais aimé en discuter avec elle, car, pour moi, le niveau politique et le niveau administratif ne font qu'un.
M. Charles Descours. Evidemment !
M. Claude Huriet, rapporteur. L'administration est, en fait, un instrument dans la définition et dans l'exécution d'une politique, et pas autre chose.
S'il ne s'agit pas d'un lapsus, la distinction entre ces trois niveaux est quelque peu révélatrice d'un des points sur lesquels l'attention de la Haute Assemblée a été maintes fois sollicitée.
Sur les dispositifs médicaux, l'Assemblée nationale a retenu le texte que nous lui avions proposé. Elle a ajouté un utile complément concernant la maintenance des dispositifs médicaux, ainsi que des dispositions qui encadrent les recherches cliniques sur des dispositifs dangereux, que je vous proposerai d'adopter conformes.
Comme je l'ai mentionné précédemment, l'Assemblée nationale a ensuite adopté une importante réforme de la transfusion sanguine, qui va jusqu'au bout de la logique engagée en 1995 et poursuivie avec la présente proposition de loi.
La loi de 1995 avait entamé la restructuration de la transfusion, et la proposition de loi prévoyait de séparer la production du contrôle sanitaire des produits sanguins labiles.
Avec les amendements adoptés par l'Assemblée nationale, la proposition de loi réorganise aussi la production. L'Etablissement français du sang sera, en effet, désormais chargé de gérer le service public transfusionnel au moyen des établissements de transfusion sanguine, qui en seront des établissements locaux.
Il sera ainsi mis fin à l'autonomie juridique des établissements de transfusion, qui constituait un obstacle à la construction d'un service transfusionnel moderne et répondant le mieux aux besoins sanitaires.
Nous vous proposerons d'adopter cette réforme, assortie de deux amendements prévoyant, pour le premier, que les établissements de transfusion sanguine auront une vocation régionale ou interrégionale et, pour le second, que les directeurs d'établissements de transfusion disposeront toujours d'une certaine autonomie de gestion dans le cadre des directives qui leur seront données par l'Etablissement français du sang.
L'Assemblée nationale a aussi fixé de nouvelles règles de sécurité sanitaire pour certains produits de santé qui étaient jusque-là peu ou pas encadrés, tels que les réactifs de laboratoires ou les matières premières à usage pharmaceutique.
Elle a également précisé le statut des préparations hospitalières, qui sont des médicaments fabriqués par les pharmacies hospitalières en raison de l'absence de spécialité pharmaceutique disponible sur le marché.
Elle a, enfin, prévu que les produits thérapeutiques annexes - milieux de culture, thérapies génique ou cellulaire, assistance médicale à la procréation - produits que nous avions définis en première lecture, feront l'objet d'une déclaration à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé avant leur mise sur le marché, ce qui en permettra le contrôle.
Je ne proposerai pas de revenir sur ces règles, à l'exception de modifications de précision, ainsi que d'un amendement destiné à renforcer la sécurité sanitaire des préparations hospitalières.
Enfin, l'Assemblée nationale a réécrit l'article 12 relatif aux missions des pharmaciens inspecteurs de santé publique, des médecins inspecteurs de santé publique et des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales. Il s'agit d'une clarification et d'une unification des dispositions du code de la santé publique actuellement en vigueur qui ne prêtent pas à observation particulière.
En résumé, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'essentiel de nos débats sera de nouveau consacré à l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, d'autant que, par voie d'amendements, nos collègues Charles Descours et François Autain nous proposent d'aller plus loin, répondant ainsi aux seules critiques qui ont été formulées à l'encontre de la proposition de loi, notamment par la presse.
Ces critiques, on peut les résumer ainsi : vous voulez créer une Agence française de sécurité sanitaire des aliments, et c'est bien ; vous vous opposez avec raison au Gouvernement lorsqu'il accepte de relayer certaines de ses administrations qui souhaitent conserver leur pré carré - l'expression n'est pas de moi - et c'est très bien ; mais vous n'allez pas au bout de votre démarche, car ce sont toujours les ministres qui exercent la police sanitaire pour les produits alimentaires.
Je ne rejette pas cette critique ; cela étant, je préfère progresser peut-être un peu lentement, au gré de certains, mais sûrement.
L'occasion que nous offrent MM. Descours et Autain d'adopter leurs amendements, qui transfèrent à l'agence la réalité du pouvoir de police sanitaire ainsi que les moyens d'exercer ce pouvoir, c'est-à-dire les laboratoires publics de référence, doit être saisie. La commission a donc donné un avis favorable à leur adoption.
Avec les apports de l'Assemblée nationale et les amendements que nous allons adopter aujourd'hui, nous aurons un texte dense, fortement novateur et de nature à renforcer considérablement la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme et la veille sanitaire.
C'est pourquoi j'espère que la proposition de loi, ainsi amendée, fera l'objet d'un très lage consensus, dans l'intérêt de la santé de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants. - M. François Autain applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je veux d'abord rappeler les principes sur lesquels nous nous sommes fondés lorsque, il y a bien longtemps - M. le président Fourcade l'a rappelé - nous avons commencé à réfléchir sur cette proposition de loi.
Tous les ministres l'ont dit dans leur intervention liminaire, le premier principe, c'est le principe de précaution, conçu non pas comme un blocage de l'action - il peut être cela, on l'a bien vu après la conférence de Rio et les prises de position des prix Nobel à Heidelberg - mais comme un ensemble utile d'informations de toute nature constituant un outil de prise de décision.
Il s'agit donc - il faut en être tout à fait conscient - d'une gestion des risques socialement acceptables, sachant que le risque zéro n'existe pas. De ce point de vue, il n'en va évidemment pas de même pour les aliments et pour le médicament : si le risque zéro doit être recherché pour les aliments, en revanche, pour les produits de santé, le rapport bénéfice-risque prévaut.
Ces principes étant rappelés, je souhaite intervenir sur un certain nombre de points qui ont été évoqués depuis la première lecture du texte au Sénat.
Le premier point, monsieur le secrétaire d'Etat, soulevé lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, c'est la création ou non d'une agence de l'environnement. Il est clair, à la lecture des comptes rendus des débats de l'Assemblée nationale, que, sur ce point, les positions sont pour le moins opposées.
La première question que je me pose à ce sujet, c'est de savoir quel est le périmètre de cette agence : l'eau, l'air, les risques chimiques, les risques nucléaires, d'autres risques encore ? La disparité des domaines risque de rendre l'agence obèse et donc impuissante, sauf à la subdiviser. Ou bien alors, pourquoi ne pas y adjoindre encore les deux agences dont nous sommes en train de discuter aujourd'hui ?
Cela veut-il dire que nous devons refaire une agence à l'américaine, une sorte de Food and Drug Administration, qui, d'ailleurs - M. le président Fourcade l'a rappelé tout à l'heure - n'a pas pouvoir sur l'ensemble des aliments puisque la viande, les produits laitiers et les volailles sont un domaine réservé au secrétaire d'Etat à l'agriculture ?
Je relève aussi que l'agence de l'environnement américaine - Gail Charnley l'a rappelé jeudi dernier, à l'Assemblée nationale, lors de la conférence qu'elle a donnée sur l'invitation des Verts et à laquelle je me suis rendu - ne traite pas des risques nucléaires et radiologiques.
Donc, même aux Etats-Unis, aucune agence n'a une vue d'ensemble.
Ainsi que vous l'avez dit très justement à l'Assemblée nationale, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que l'a rappelé M. le rapporteur, on peut donc se poser des questions sur l'opportunité et la faisabilité d'une agence de sécurité sanitaire de l'environnement.
J'attends le rapport que prévoit le texte tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale. J'espère que la mission parlementaire comprendra des sénateurs, de façon que l'ensemble du Parlement soit associé à cette réflexion.
Cela étant, quand je vois - de ce point de vue, ce ne sont pas les interventions que je viens d'entendre qui sont de nature à me rassurer - les difficultés que nous avons à créer une agence de sécurité alimentaire indépendante, séparant la gestion et le contrôle et qui ne soit pas une coquille vide, quand je songe aux difficultés que nous aurons à créer, demain, une institution pour la sécurité nucléaire, à la suite de la mission confiée à notre collègue de l'office parlementaire Jean-Yves Le Déaut, je doute que nous puissions construire une agence de l'environnement qui soit autre chose qu'une usine à gaz !
Dans ces conditions, sans vouloir conclure avant la mission, je tiens à faire part de mon scepticisme quant à cette agence de l'environnement.
J'en viens maintenant aux agences qui sont l'objet du débat d'aujourd'hui. Il s'agit essentiellement, comme l'a dit M. le rapporteur, de différencier l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
Pour les produits de santé, des craintes avaient été formulées au cours de la première lecture, suscitées notamment par la transfusion. Ces craintes sont aujourd'hui à peu près levées.
Quant à celles qu'inspire aujourd'hui l'agence française de sécurité sanitaire des aliments, elles donnent lieu à des pressions de toutes parts pour essayer de vider l'agence de sa substance.
Je vous ai écouté, monsieur le ministre, et je fais miennes les conclusions de notre rapporteur : notre objectif, c'est de créer une agence chargée des produits alimentaires qui soit à la fois efficace, cohérente et lisible.
Nous ne mettons en cause ni la compétence ni la conscience professionnelles des fonctionnaires. Mais, nous l'avons vu, nous pensons que l'on peut améliorer l'efficacité, la cohérence et la lisibilité des structures administratives chargées de la veille et de la sécurité sanitaires.
L'expérience malheureuse de ces dernières années nous montre bien que la sécurité alimentaire vaut mieux que quelques querelles d'arrière-boutique suscitées par des intérêts catégoriels. Il faut donc que cette agence soit indépendante et qu'elle ait des pouvoirs.
J'interviendrai maintenant sur deux points qui ont été longuement évoqués entre les deux lectures.
Le premier concerne les dispositifs médicaux. Nous avons rencontré et écouté nombre d'industriels concernés par cette question. Les nouvelles règles posées par la proposition de loi pour renforcer la sécurité sanitaire des dispositifs médicaux et répondre aux interrogations des industriels n'ont pour but ni de mettre en place des contraintes administratives nouvelles ni d'ajouter, si je puis dire, du droit par rapport aux directives européennes existantes. Cela est très important. Nous voulons simplement donner aux autorités sanitaires françaises les moyens d'exercer convenablement leurs missions et d'être en mesure de retirer un dispositif dangereux du marché, comme le permettent les directives européennes, avant qu'il y ait des accidents ou des morts.
Tout le problème tourne autour du marquage CE. Nous pensons que l'on peut aller un peu plus loin et faire mieux.
En effet, quel est l'objet du texte que nous avons élaboré en première lecture et qui a été adopté par les députés ? Il tend à demander aux industriels qui fabriquent des dispositifs susceptibles de présenter des risques sanitaires particuliers de déposer, trois mois avant la mise sur le marché, une déclaration à l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé.
A notre sens, cette procédure n'est pas particulièrement contraignante. En effet, trois mois avant la mise sur le marché d'un dispositif, les industriels savent qu'ils s'apprêtent à lancer un nouveau produit. Nous pensons que cette déclaration peut éviter des accidents, et c'est pourquoi, malgré les réticences des industriels, nous pensons que cette disposition doit être maintenue. Il appartiendra bien sûr au pouvoir réglementaire, qui définira les conditions de cette déclaration, de faire en sorte qu'elle ne se traduise pas par des procédures administratives nouvelles, car tel n'est pas notre souhait.
J'en arrive à mon second point qui fera l'objet d'un amendement - M. Huriet l'a évoqué voilà quelques instants - et qui a trait aux pouvoirs de police sanitaire de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Je ne doute pas que cette question fasse l'objet d'un consensus sur l'ensemble de nos travées.
Que nous a-t-on dit depuis les réflexions que nous avons menées ? La question des produits de santé est bien traitée à travers la proposition de loi ; ces produits sont dotés d'un statut protecteur et une agence indépendante est chargée de les évaluer, de les autoriser ou de les retirer du marché si cela est nécessaire. Nous disposons là d'un système clair, simple et efficace. Je rappelle que, depuis que l'Agence du médicament fonctionne sur ces normes - et nous l'élargissons aujourd'hui - elle est reconnue par les autres pays européens alors qu'il y a quelques années les autorisations de mise sur le marché que nous donnions n'étaient pas reconnues. Il ne faut pas oublier ce fait. Aujourd'hui, nous avons un système qui est reconnu en Europe et, je l'espère, dans le monde. Pour les aliments, on nous a beaucoup dit que l'agence n'était pas tout à fait une véritable agence sous le prétexte que c'était toujours le ministre qui détenait les pouvoirs de police sanitaire. En effet, l'agence évalue les risques et peut diligenter des contrôles mais, dans la rédaction actuelle de la proposition de loi, c'est le ministre qui apprécie s'il est ou non opportun de prendre des décisions.
Je veux aller plus loin et le système que je propose me paraît plus clair. J'ai d'ailleurs cru comprendre que je n'aurai pas le soutien du ministre de l'agriculture - ce qui me désole - mais j'y reviendrai dans un instant et j'espère le convaincre.
Sans remettre en cause la nature juridique des décisions de police sanitaire, qui demeurent de la compétence ministérielle, mon amendement prévoit que ces décisions seront prises sur avis conforme de l'agence. Je vais donc moins loin que pour l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé tout en souhaitant que l'agence puisse donner son avis avant que le ministre ne se prononce. Le calendrier - nous le verrons et nous l'avons vu dans le passé - n'est pas un argument déterminant. Si ce système n'est pas identique à celui des produits de santé, je conviens qu'il s'en rapproche.
Cet amendement s'inscrit dans le prolongement logique de la proposition de loi initiale. Certes, sur ce point, je serai peut-être battu au hasard des présences dans l'hémicycle ou de la puissance des lobbies. Je préfère pourtant le dire et avoir raison trop tôt que de me taire aujourd'hui où nous sommes chargés de la sécurité sanitaire des produits alimentaires. Nous nous battrons et nous verrons bien ce qu'il adviendra de notre proposition. Mais je crois que nous avons raison sur le fond ; il en va de la santé de nos compatriotes.
Voilà, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce que je voulais dire en préambule dans cette discussion générale. Bien entendu, nous défendrons nos propositions dans la discussion des articles. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis pour mettre la dernière main à un texte attendu autant par les professionnels que par les consommateurs. Le Sénat avait, en première lecture, fait un excellent travail, corroboré par celui de l'Assemblée nationale, si bien qu'il nous reste aujourd'hui peu de débats à trancher.
Je tiens à cette occasion à saluer la qualité du travail réalisé par mes collègues, le rapporteur Claude Huriet et Charles Descours.
M. le rapporteur a bien fait de souligner que la divergence majeure qui subsiste aujourd'hui entre l'Assemblée nationale et le Sénat porte sur l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, ses compétences et ses pouvoirs.
C'est à ce sujet que j'étais plus particulièrement intervenu en première lecture, parce que la commission des affaires économiques, dont je fais partie, en était saisie pour avis. Je tiens d'ailleurs à rappeler et à saluer devant vous, mes chers collègues, l'excellent travail que Gérard César, rapporteur pour avis, avait accompli à cette occasion.
J'étais également intervenu parce que, tout le monde le sait, mes compétences de vétérinaire libéral et d'inspecteur des abattoirs me donnaient une vue particulière de ce sujet. C'est aussi à ce titre que je souhaite participer activement aujourd'hui à la suite de ce débat. Il me semble que toute la richesse de notre Haute Assemblée vient de sa diversité, où chacun peut apporter, en toute impartialité, le fruit de son expérience sur le terrain pour adapter et enrichir les textes qui lui sont proposés.
Comme M. le rapporteur l'a souligné, on peut considérer que cette proposition de loi fait, dans son ensemble, l'objet d'un consensus. C'est pourquoi les motifs de satisfaction dominent dans l'appréciation que je porterai sur l'état actuel du texte, à l'issue de son examen en commission des affaires sociales. Cependant, je souhaiterais, dans un second temps, relever un certain nombre de questions soulevées par la rédaction actuelle et qui, à mon sens, justifient des amendements dont je vous expliquerai la teneur.
Je relève d'abord plusieurs motifs de satisfaction dans le texte résultant à la fois du travail de l'Assemblée nationale et des amendements présentés par la commission des affaires sociales.
J'estime que la création du Comité national de sécurité sanitaire par l'Assemblée nationale est une bonne chose.
Le Sénat avait créé un conseil placé sous la présidence du Premier ministre, pour afficher une responsabilité politique au plus haut niveau dans cet édifice de veille et de sécurité sanitaires. L'Assemblée nationale a choisi de le supprimer et de le remplacer par ce comité, présidé par le ministre chargé de la santé et composé des responsables des agences de veille et de sécurité sanitaires.
La différence entre conseil et comité n'est pas seulement sémantique. Ce comité va analyser les événements susceptibles d'affecter la santé et confronter les informations disponibles. Il est donc conçu comme un organe beaucoup plus opérationnel que notre conseil : il assurera la coordination nécessaire entre les différentes instances, coordination qui était sans doute le maillon faible de notre édifice jusqu'à maintenant. Dans la mesure où la dualité des deux agences est maintenant un fait acquis, il faut absolument se préoccuper des rapports entre elles et avec l'Institut de veille sanitaire.
Je soutiendrai l'amendement de la commission qui ajoute aux missions du comité la coordination des politiques scientifiques, ce qui est essentiel pour les perspectives d'avenir de ces agences. En effet, cela montre bien que les agences ne se contentent pas d'assurer une gestion des situations de crise, mais qu'elles se projettent également dans les problématiques du futur et qu'elles seront à même de maîtriser, sinon de prévenir, les nouveaux risques.
Ce que j'énonçais plus haut, à savoir le maintien de deux agences, est un résultat à mes yeux très positif.
Il était important, malgré les pressions politiques ou administratives, de maintenir l'existence séparée de deux agences. En effet, comme nous l'avions longuement expliqué lors de la première lecture, produits de santé et aliments répondent à deux logiques différentes, même si tous deux concourent également à la santé publique. Il importait de concrétiser cette distinction dans le texte.
Il faut maintenant veiller à maintenir un équilibre entre les deux agences, équilibre dans les compétences, les missions et les pouvoirs. C'est pourquoi il faut être particulièrement attentif au contenu de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, face à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé déjà bien identifiée, structurée et dotée du pouvoir de contrôle. La première ne doit pas être le parent pauvre de la seconde, quand bien même elle serait limitée à la veille sanitaire.
Cela nous conduit justement à l'intégration du CNEVA au sein de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Ce transfert, sur lequel le Sénat avait beaucoup hésité en première lecture, est, pour moi, aujourd'hui un motif de satisfaction, dû au travail de l'Assemblée nationale. Le transfert intégral qui était demandé, évitant ainsi le démantèlement de cette structure, qui aurait porté un coup fatal à son efficacité et à sa crédibilité, a été acté.
L'avenir du CNEVA et de ses personnels, comme l'a rappelé M. le ministre de l'agriculture, est donc préservé. L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments pourra donc bénéficier des compétences et de l'expérience de ce centre en matière de santé animale, de sécurité des aliments et de qualité des médicaments vétérinaires.
Les conditions du transfert méritent cependant d'être précisées, notamment dans la rédaction du paragraphe II de l'article 794-1 du code de la santé publique. Cette rédaction me semble un peu compliquée et, du même coup, porteuse de confusions. C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter un amendement qui, contrairement à son apparence, n'est pas rédactionnel.
En ce qui concerne les autres laboratoires susceptibles d'être incorporés à l'agence, je pense qu'il faudra procéder de façon progressive et pragmatique. C'est à la lumière du fonctionnement de l'agence dans les premiers temps qu'il faudra décider, d'une part, des laboratoires concernés, et, d'autre part, des modalités de leur transfert.
En effet, nous touchons là à un sujet extrêmement sensible et cette perspective de bouleversement administratif n'est pas toujours bien comprise ni, vous le savez, bien acceptée. Pourtant, je crois sincèrement qu'il est de l'intérêt des consommateurs d'étudier la possibilité de constituer une agence qui soit, à terme, la plus complète possible afin d'assurer sa totale efficacité. En effet, la compétence de l'agence ne saurait se limiter aux produits issus des animaux tels que les ovins, les bovins et les volailles. Elle devrait également englober les produits de la mer ou des rivières et les végétaux.
La commission propose de rétablir l'agrément pour les groupements de producteurs.
Je suis heureux de la voir reprendre un amendement que j'avais déposé, avec plusieurs de mes collègues, en première lecture. La raison d'être de cet amendement était de prendre en compte l'évolution rapide des programmes sanitaires d'élevage, par analogie avec le régime d'autorisation de mise sur le marché des médicaments vétérinaires, soumis, vous le savez, à renouvellement quinquennal.
Comme en première lecture, je vous proposerai de rétablir une disposition qui instaure une période transitoire pour permettre aux groupements de se conformer à cette nouvelle disposition.
Au total, sur l'ensemble de ces dispositions, je crois que nous sommes parvenus à élaborer un texte de consensus, dont nous pouvons tous être satisfaits.
Dans un second temps, je souhaite m'attarder sur trois points qui posent des problèmes de fond qu'il est nécessaire d'examiner de plus près.
C'est le cas d'abord des xénogreffes, évoquées succinctement à l'article 2 dans le cadre des missions et prérogatives de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, et plus longuement au paragraphe X de l'article 10.
Les xénogreffes sont, nous le savons, une voie d'avenir pour la médecine. Elles constituent un sujet épineux, ne serait-ce que parce qu'elles posent un problème éthique de taille. C'est pourquoi cela justifie que l'on entoure cette pratique de toutes les précautions nécessaires.
En effet, la question de la barrière d'espèce, dont on sait qu'elle est franchie depuis longtemps, nous a été rappelée de façon cruelle par des événements récents, comme les encéphalopathies spongiformes ou les rétrovirus porcins. Ce problème se pose avec la même acuité pour les xénogreffes que pour l'alimentation.
Aussi, bien que je ne veuille nullement réintroduire un élément de discorde dans le partage des tâches entre les deux agences, je tiens cependant à faire valoir deux arguments, qui n'apparaissent pas dans la rédaction actuelle.
J'estime, et vous en conviendrez tous avec moi, qu'il est absolument nécessaire que les animaux dont proviennent les xénogreffes aient un statut sanitaire parfaitement défini au regard des risques de transmission de pathologies animales.
De même, l'identification des animaux et des produits, leurs organes, leurs tissus, ainsi que leur traçabilité sont absolument indispensables à la mise en oeuvre de la veille sanitaire et des procédures d'alerte en cas d'incident.
C'est pourquoi je souhaite que l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments soit associée à cette procédure, ne serait-ce que par le biais d'un avis. Il faut en effet utiliser pleinement les compétences dans le domaine sanitaire du CNEVA, désormais partie intégrante de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Qui est le mieux à même de mettre en place cette traçabilité des produits de xénogreffes, sinon les chercheurs vétérinaires ?
D'ailleurs, pour reprendre l'exemple des encéphalopathies spongiformes ou des rétrovirus porcins, c'est le CNEVA qui est aujourd'hui l'établissement en pointe dans l'étude du franchissement de la barrière d'espèces. Il serait donc non seulement dommage, mais aussi dangereux, de ne pas profiter de cette expertise dans le domaine des xénogreffes. C'est pourquoi je souhaite vivement que le Sénat adopte l'amendement que je présenterai à l'article 10.
M. Charles Descours. Très bien !
M. Dominique Braye. Les allégations santé des aliments posent un autre problème de fond qui mérite aussi que l'on s'y attarde. Tout le monde s'accorde à penser qu'il faut actualiser les dispositions régissant la publicité sur les allégations santé, elles-mêmes bien encadrées par le droit communautaire et le code de la consommation.
Je voudrais cependant attirer votre attention, mes chers collègues, sur un déséquilibre introduit par la rédaction des articles L. 793-1 et L. 794-2 du code de la santé publique. La responsabilité de l'attribution du visa publicité pour les allégations santé des aliments se trouve scindée entre les deux agences, puisque l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé est ici dotée d'une compétence générale en la matière, et que l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments est compétente sur les expertises fournies en vue de se prévaloir de l'allégation santé. Cela introduit une confusion dans les compétences respectives des deux agences.
Surtout, cela me semble un peu compliqué, et je préférerai de beaucoup qu'on en revienne à la rédaction initiale du Sénat, qui excluait les aliments du texte proposé pour l'article 793-1 du code de la santé publique : il n'y a pas de raison que l'aliment soit de la compétence de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé quand il existe une Agence française de sécurité sanitaire des aliments tout à fait capable de traiter des allégations santé.
En conséquence, je souhaite compléter le 6° du texte proposé pour l'article 794-2 du code de la santé publique en donnant la compétence de visa publicité pour les aliments à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Cela a le mérite de clarifier la répartition des compétences entre les deux agences.
Enfin, le troisième problème que je souhaite soulever devant vous, mes chers collègues, est celui des matières premières à usage pharmaceutique.
Ces matières premières ont été incluses à juste titre dans le champ de cette proposition de loi par un amendement du professeur Dubernard. Elles introduisent, en effet, un facteur de risque dans la chaîne de production des médicaments, notamment, comme le rappelait l'auteur de cet amendement, du fait de la mondialisation de ce marché. L'article 11 quater est donc tout à fait justifié sur le fond.
En revanche, je crois qu'il est peut-être un peu rapide de mettre sur le même plan toutes le matières premières à usage pharmaceutique. A mon sens, il est absolument essentiel d'introduire une distinction, au sein de ces matières premières, entre les principes actifs, qui relèvent bien évidemment de la compétence de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, et les excipients. Les excipients sont des matières premières telles que le saccharose, le miel, l'amidon, qui ont par ailleurs principalement un usage alimentaire.
La production de ces matières premières est donc évidemment du ressort de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, comme c'est d'ailleurs précisé au paragraphe I du texte proposé pour l'article 794-1 du code de la santé publique. Il serait pour le moins étonnants de faire dépendre de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments la production en grande quantité de matières premières de l'industrie agroalimentaire, alors que la production de quantités infimes serait du ressort de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Je crois qu'il ne faut pas prendre le risque que soit mis en doute le sérieux du travail de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments sous prétexte qu'en usage pharmaceutique les spécifications sanitaires seraient différentes. Cela introduirait logiquement un doute dans l'esprit des consommateurs à propos de la sécurité sanitaire des aliments qu'ils ingèrent régulièrement et en beaucoup plus grande quantité que dans les préparations pharmaceutiques.
La sécurité de ces produits doit être l'objectif premier de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, comme l'énoncé de ses missions l'y invite. Il n'y a donc aucune raison de la mettre en doute quant il s'agit de petites quantités des mêmes produits.
Je crois au contraire, mes chers collègues, qu'il faut réaffirmer le sérieux qui présidera aux missions de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments en lui confiant la tutelle des déclarations en ce qui concerne les matières premières à usage pharmaceutique qui ont par ailleurs un usage alimentaire. Pour ces raisons, je vous proposerai d'adopter trois amendements qui visent à opérer cette distinction entre principes actifs et excipients à usage alimentaire.
Enfin, je souhaite évoquer la question du montant de la taxe prévue à l'article L. 658-16 du code de la santé publique. Je crois, monsieur le ministre, qu'il conviendra, dans la rédaction du décret prévu ici, de tenir compte de la diversité des entreprises concernées par le paiement de cette taxe. Dès que l'on parle de médicaments, on pense, bien sûr, d'abord aux multinationales, pour lesquelles la somme de 15 000 francs ne constitue pas un problème. Mais je tiens à souligner que les matières premières à usage pharmaceutique recouvrent aussi par exemple les essences de plantes et les arômes naturels, qui sont produits le plus souvent par des PME, en particulier dans le cadre de l'agriculture biologique.
Il faudrait donc veiller à ce que la perception de cette taxe ne mette pas en péril tout un secteur pour lequel la pharmacie est un débouché important dans un marché par ailleurs très étroit. La solution serait sans doute de moduler le montant de la taxe en fonction du chiffre d'affaires. Je laisse cela à votre bienveillante appréciation, monsieur le ministre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici donc les différents éléments que je souhaitais apporter à notre débat, dans le seul but d'assurer la meilleure efficacité possible à notre dispositif, notamment à l'Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments. J'espère que mes amendements seront retenus par notre Haute Assemblée.
Je serais en tout cas heureux d'avoir pu contribuer, grâce à un consensus exemplaire de notre Haute Assemblée, à améliorer la sécurité sanitaire à laquelle les Français ont légitimement droit. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner en deuxième lecture une proposition de loi qui constitue une réforme importante et primordiale de notre système de santé.
Les travaux entrepris par la mission d'information à laquelle j'ai participé, et qui sont à l'origine de ce texte nous ont montré combien la sécurité sanitaire des biens de santé et des produits alimentaires n'était pas garantie et que la veille sanitaire n'était pas assurée en dépit des réformes effectuées depuis 1992.
J'espère qu'avec ce texte nous pourrons donner à l'Etat les moyens de combler bon nombre de lacunes qui portent atteinte au bon fonctionnement de la santé publique en France.
Le sentiment d'insécurité qu'éprouvent parfois nos concitoyens nous incite en effet à agir promptement.
Qu'il s'agisse de l'affaire du sang contaminé, de l'amiante, de l'encéphalopathie spongiforme bovine, des épidémies de listériose, tous ces drames sont là pour nous rappeler les insuffisances de notre système de protection sanitaire.
Il est évident que cela ne doit pas se reproduire à l'avenir. Il est de notre devoir et de notre responsabilité de mettre fin à cette situation que je qualifierai d'intolérable.
Malheureusement, l'actualité vient tout récemment de nous donner une nouvelle illustration de ce qu'il nous faut absolument combattre. Je pense au réseau de trafic d'organes humains qui a été démantelé lundi à New York : deux ressortissants chinois négociaient la vente d'organes de prisonniers exécutés.
C'est pour éviter de telles ignominies qu'il est indispensable d'améliorer l'efficacité de notre système de santé. C'est la raison pour laquelle j'ai été heureux de cosigner cette proposition de loi.
Ce texte nous tient particulièrement à coeur. La volonté du Gouvernement de réformer rapidement l'administration sanitaire de la France ainsi que les travaux de l'Assemblée nationale pour enrichir la proposition de loi nous le prouvent.
Dans le climat politique actuel, où députés et sénateurs sont souvent en désaccord, je ne peux que me féliciter des débats de l'Assemblée nationale, car ils ont indéniablement amélioré ce texte. Je pense, notamment, à la mise en place d'un opérateur unique de la transfusion sanguine : l'Etablissement français du sang.
C'est également avec beaucoup de satisfaction que j'ai constaté que les députés ont adopté bon nombre de modifications apportées par notre assemblée en première lecture, notamment l'amendement déposé par mon collègue, M. Cabanel.
Cet amendement a permis de maintenir l'activité du Laboratoire d'études hydrologiques et thermales, couramment appelé laboratoire des eaux minérales, en le rattachant à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Ce laboratoire permet d'expertiser les eaux minérales et d'aider en quelque sorte le ministère à prendre une décision d'autorisation d'exploitation. Il était important de conserver cette structure.
J'émettrai cependant une réserve quant aux modifications apportées par l'Assemblée nationale concernant l'Agence de sécurité sanitaire de l'environnement. La possibilité de créer une telle agence me paraît louable. Toutefois, je souhaiterais rappeler qu'il existe déjà une Agence de l'environnement, qui a été instituée par la loi du 19 décembre 1990.
Cet établissement public a été créé pour exercer des actions dans plusieurs domaines, tels que la prévention et la lutte contre la pollution de l'air, la limitation de la production des déchets ou la lutte contre les nuisances sonores, pour n'en citer que quelques-uns.
L'un des principaux objets de la proposition de loi est d'améliorer les structures administratives chargées du contrôle des produits et de la veille sanitaire. Si je souscris pleinement à cette ambition, je m'interroge encore sur l'opportunité de la création d'une structure nouvelle. N'aurait-il pas été préférable, mes chers collègues, de réformer la structure existante ?
Malgré ce léger désaccord, je suis convaincu que le texte dont nous débattons constitue la réforme ambitieuse et nécessaire à laquelle nous sommes attachés. C'est pourquoi je serai heureux de le voter. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Après vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, je ne peux qu'exprimer ma satisfaction de constater que non seulement les deux assemblées, mais aussi la majorité et l'opposition ont su, sur ce texte important relatif à la sécurité sanitaire, trouver le plus souvent un terrain d'entente. Je regrette toutefois qu'il ne puisse pas en être plus fréquemment ainsi.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Très bien !
M. François Autain. Monsieur le rapporteur, vous avez choisi de retenir la plupart des modifications apportées par l'Assemblée nationale à la proposition de loi sénatoriale, et je m'en félicite.
Je pense notamment à la substitution au Conseil national de la sécurité sanitaire proposée par le Sénat d'un Comité national de sécurité sanitaire.
Vous vous souvenez sûrement qu'en première lecture, mais aussi dans les conclusions de notre mission d'information, j'avais exprimé les plus vives réserves sur la création d'un tel conseil dont les missions me paraissaient trop larges pour être bien définies. Le Comité que nous propose l'Assemblée nationale a pour sa part un rôle clairement établi : coordonner l'action des acteurs de la sécurité sanitaire réunis en son sein.
J'exprimerai un seul regret - si vous le permettez, monsieur le rapporteur - c'est que vous n'en soyez pas resté strictement au rôle que lui avait imparti l'Assemblée nationale. Vous avez en effet déposé un amendement dont je récuse la dernière phrase. Mais je m'en expliquerai tout à l'heure, lors de l'examen des articles.
Une modification importante apportée par l'Assemblée nationale concerne la création de l'Etablissement français du sang. L'institution d'un opérateur unique est demandée depuis longtemps. Elle est éminemment souhaitable. Je ferai toutefois deux observations.
Tout d'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de me confirmer que l'établissement public ainsi créé continuera de disposer, auprès de lui, d'un conseil scientifique dont les membres seront nommés par vous, ce qui permettra l'expression pleine et entière du monde médical et scientifique de la transfusion. Ce faisant, vous répondriez aux préoccupations des responsables médicaux régionaux, que j'ai rencontrés, et qui souhaitent pouvoir disposer, auprès du directeur de l'établissement national, d'un lieu d'écoute et de dialogue comparable à ce qu'est, pour l'hôpital, la commission médicale consultative.
Seconde observation, il était nécessaire de retenir un modèle centralisé d'organisation de la transfusion sanguine, j'en conviens. Garantir le bon fonctionnement de cet établissement public national, c'est toutefois déconcentrer les décisions aussi souvent que l'exigera sa bonne gestion.
Je pense ici aux délégations qui sont confiées aux responsables des établissements « régionaux » ou « interrégionaux ». Je reprends là les termes de l'amendement très pertinent de M. le rapporteur, qui a remplacé « locaux » par « régionaux » et « interrégionaux ». Je voterai bien évidemment cet amendement.
Je ne prolongerai pas inutilement mon propos sur les autres innovations de moindre importance qui ont été introduites par l'Assemblée nationale et qui reçoivent mon accord, autant d'ailleurs que celui du Gouvernement et de la commission.
J'en viens maintenant au seul sujet qui fait aujourd'hui encore discussion entre nous : l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, qu'il s'agisse de la définition de sa mission et, au-delà, peut-être même de sa nature, ou des moyens dont elle disposera.
Peut-être même de sa nature, disais-je, car c'est bien de cela qu'il s'agit, monsieur le ministre de l'agriculture. A l'Assemblée nationale, vous n'avez cessé de vous référer, à juste titre, au concept défini par l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS qui distingue très clairement évaluation et gestion du risque. Pourtant, vous savez bien que le bras séculier de l'OMS dans ce domaine est le système américain de sécurité sanitaire, dont la vocation est mondiale.
Dans ce système, les Center for Disease Control and Prevention , les CDC, sont pleinement en charge de l'évaluation des risques et laissent en effet aux autorités fédérales ou locales américaines, comme aux autorités nationales lorsqu'elles interviennent à l'étranger, le soin de gérer les risques et d'assumer les missions de contrôle.
Dans le modèle que nous voulons introduire chez nous, la mission d'évaluation, au sens que je viens de définir et aussi au sens que l'OMS a défini, revient à l'Institut de veille sanitaire, dont, encore une fois, monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, le champ de compétences ne doit pas être limité seulement, à terme, à l'épidémiologie. Il doit s'étendre, au contraire, à l'évaluation de tous les risques de santé publique, dans tous les domaines de l'activité humaine, y compris le domaine alimentaire, bien entendu, monsieur le ministre de l'agriculture.
Quant à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, elle doit être à terme pleinement en charge de la gestion des risques sanitaires et du contrôle. Evidemment, cette gestion suppose aussi une mission d'évaluation, d'ailleurs au centre de la compétence de l'agence, mais qui ne se confond pas avec celle que je viens de définir, qui s'entend plus comme la surveillance, concept fondateur de l'OMS. Je crains que nous n'ayons, sur ce point, une certaine divergence de fond.
Cette divergence n'est évidemment pas politique, vous en conviendrez, monsieur le ministre de l'agriculture, mais ai-je besoin de le préciser ? Je regrette que, dans ce débat - d'autres intervenants l'ont dit - le poids des administrations et de leurs querelles de chapelles soit si grand.
Nous avons fait le choix de placer la sécurité sanitaire avant toute préoccupation, et notamment toute préoccupation économique. L'histoire récente nous montre que ce choix est fondamental. Il ne faut pas le remettre en cause au nom de corporatismes mesquins ou, pis, pour continuer de laisser prédominer des intérêts économiques indéfendables sur le plan de la santé publique.
Telle est la raison pour laquelle, monsieur le ministre de l'agriculture - et je ne le dis pas sans un certain regret - j'accueille plutôt favorablement l'initiative de M. Charles Descours...
M. Charles Descours. C'est bien, mais il ne faut pas avoir de regret !
M. François Autain. J'ai honte de le dire (Exclamations sur les travées de l'Union centriste), mais la vérité n'a pas de frontière, surtout de frontière politique ! (Sourires.)
J'accueille donc favorablement l'initiative de M. Charles Descours qui vise, par son amendement, à accroître les responsabilités de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
Encore une fois, ne pas le faire reviendrait évidemment à affaiblir l'agence elle-même et la mission qui lui est confiée, mais aussi et surtout à changer la nature même de la mission que nous entendons lui confier et à remettre en cause, pour les seuls aliments, l'architecture que nous avons retenue : veille, contrôle des produits, évaluation de l'activité thérapeutique.
Telles sont les raisons - elles dépassent, évidemment, les clivages partisans, mais ai-je besoin de le dire ou de le redire ? - pour lesquelles je suis, je ne vous le cache pas, séduit par l'initiative de Charles Descours.
M. Charles Descours. Je vais avoir des ennuis ! (Sourires.)
M. François Autain. C'est bien pourquoi je vais essayer d'atténuer mes remarques dans la suite de mon intervention ! (Nouveaux sourires.)
Monsieur le ministre de l'agriculture, je vous ai écouté attentivement tout à l'heure, et je comprends vos réticences, surtout lorsqu'elles plaident pour une défense du politique face aux agences, et singulièrement l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Toutefois, croyez-vous que cette défense du politique, que j'approuve et à laquelle je souscris au demeurant, est bien opportune dans ce cas et en un tel moment ?
Au moment où les politiques viennent d'abandonner toute autorité sur la monnaie, s'en remettant à une banque centrale complètement autonome et dont le président, de surcroît, en profite, en use et en abuse, au moment où l'on s'apprête, si j'en crois Mme le garde des sceaux qui s'en est expliquée récemment dans cette enceinte, à donner aux procureurs de la République pleine liberté dans l'accomplissement de leur mission, ce qui témoigne, je le reconnais, d'un renoncement de l'Etat à l'un de ses pouvoirs séculaires reconnus par la Constitution, à un tel moment donc, croyez-vous que l'on peut faire moins pour la sécurité sanitaire que pour la monnaie ou la justice ?
En donnant aux agences une autonomie qui, en toute hypothèse, est beaucoup moins large que celle dont bénéficie la sécurité monétaire - si tant est que ce mot ait un sens - je ne pense pas que nous fassions une oeuvre, je dirai, mauvaise.
A l'amendement de M. Descours que j'évoquais à l'instant, j'en ajouterai un autre - j'espère que la commission voudra bien en accepter le principe - qui consiste à transférer, par la loi, à l'Agence de sécurité sanitaire des aliments - j'ai voulu assurer un certain équilibre - non seulement le Centre national d'études vétérinaires et alimentaires, le CNEVA, mais aussi tous les laboratoires publics qui oeuvrent dans son champ de compétence.
Je pense ici, évidemment, pour l'essentiel, aux laboratoires placés sous l'autorité de M. le ministre de l'économie et des finances. Ce dernier souhaite recentrer sa mission sur l'économie, les finances publiques et la production ; aidons-le à y parvenir en le débarrassant de missions de santé publique qui ne sont nullement de sa compétence.
Il reste bien entendu de sa compétence de réprimer les fraudes, et nous n'entendons nullement lui contester cela. Et pour exercer cette compétence dans sa plénitude, il fera, en tant que de besoin bien sûr, appel aux services des agences de santé publique.
Je sais combien une telle démarche risque d'ébranler l'une des plus puissantes citadelles administratives. Tant pis pour les citadelles, tant mieux pour la santé publique, si c'est à ce prix que la sécurité sanitaire des Français doit s'en trouver renforcée !
Je proposerai, enfin, un amendement sur le contrôle des maladies. J'évoquerai son contenu à l'occasion de la discussion des articles.
Avant d'achever mon propos, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous poserai quatre questions relatives aux dispositifs médicaux.
Comment se superpose, dans votre esprit, le marquage CE des dispositifs et le régime déclaratif que nous avons introduit en première lecture en vue d'informer l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ? En d'autres termes, quelle sera la place des organismes chargés d'établir les certifications exigées pour le marquage CE ? Ne risque-t-on pas d'instituer un double contrôle, et ne convient-il donc pas de les fusionner afin de faciliter la tâche des constructeurs ? A cet égard, ne pensez-vous pas qu'une telle obligation nouvelle devrait être imposée à tous les pays de la Communauté afin de renforcer la sécurité sanitaire et d'éviter d'affaiblir notre industrie nationale ? Envisagez-vous, en conséquence, de demander une renégociation de la directive européenne sur ce point ?
Telles sont donc, monsieur le président, les quelques réflexions que j'entendais livrer à l'occasion de la discussion générale. Bien entendu, le groupe socialiste votera, en deuxième lecture - comme il l'a fait en première lecture cette proposition de loi, montrant ainsi que le Gouvernement, comme la majorité qui le soutient, ne se refuse pas au dialogue lorsque volonté sénatoriale de dialogue il y a ! Mais, reconnaissez-le avec moi, ce n'est pas toujours le cas ! (Applaudissements.) M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture cette proposition de loi qui a pour objectif de renforcer la veille et la sécurité sanitaires.
Evidemment, comme tout le monde, je dirai que tous les événements de ces dernières années - toute la population les a encore en tête, hélas ! - ont montré qu'il y avait des carences et des dysfonctionnements, et que la sécurité sanitaire n'était pas optimale dans notre pays, le risque zéro étant bien entendu illusoire.
Dans son rapport, notre éminent collègue M. Huriet a cherché les moyens de faire de la sécurité sanitaire un objectif majeur d'une politique de santé publique elle-même à élaborer, et il y a beaucoup à dire sur notre politique de santé publique !
La présente proposition de loi, soutenue par le Gouvernement, se veut donc une première étape dans la mise en place d'un dispositif de sécurité sanitaire efficace et rapide.
L'Assemblée nationale a approuvé les principes et les objectifs principaux du texte initial, à savoir la création de l'Institut de veille sanitaire et de deux agences de sécurité sanitaire, l'une pour les produits de santé, l'autre pour les aliments.
L'Assemblée nationale a ensuite apporté des modifications qui tendent à améliorer le dispositif.
Elle élargit utilement le champ de compétences de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé à des produits qui ont une finalité sanitaire et qui échappaient jusqu'à maintenant à tout contrôle, bien que leur consommation comporte des risques. Il s'agit, par exemple, des aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales.
Elle étend le contrôle aux nouveaux produits tels que les biomatériaux, les produits thérapeutiques annexes, les xénogreffes, les lentilles de couleur, etc.
En outre, il pourrait être procédé plus régulièrement à une réévaluation du rapport bénéfice-risque des médicaments soumis à autorisation. Le public pourrait être informé de risques éventuels par diffusion de messages d'alerte, dont le secrétariat d'Etat à la santé garde, bien sûr, l'entière initiative.
Cette dernière mesure est d'autant plus importante que le manque d'information entrave l'instauration d'un véritable contrôle.
Informer à la fois les professionnels et les usagers, dès que nécessaire et de manière appropriée, contribue à coup sûr à rendre la veille sanitaire efficace.
Pourquoi ne pas aller encore plus loin en ce domaine en s'inspirant des systèmes mis en place en Allemagne, en Suède et en Norvège, où sont envoyés régulièrement des bulletins aux médecins et aux pharmaciens qui recensent les effets indésirables connus et les chiffres relatifs à la consommation des médicaments, tout en restant dans le cadre de la mise en oeuvre des missions de l'Etat ?
Par ailleurs, le texte dont nous débattons aujourd'hui clarifie le rôle exclusif de veille de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Il s'agit, à mon avis, d'une évolution positive. Les missions d'expertise et d'évaluation des risques de cette agence se trouvent réaffirmées, et cela permet aux services de l'Etat, en particulier à ceux du secrétariat d'Etat à la santé, comme c'était notre souci en première lecture, d'intervenir plus efficacement. En outre, toutes les ambiguïtés du texte initial qui faisaient de l'Agence un organisme d'inspection et de contrôle se trouvent levées. Car, comme l'a souligné ma collègue Jacqueline Fraysse-Cazalis à l'Assemblée nationale - mais cela a été dit ici aussi - c'est au pouvoir politique, en dernière instance, de prendre les décisions et donc d'assumer toutes ses responsabilités.
La République des juges ou des experts n'est pas un progrès, nous le constatons dans de nombreux pays. Pourtant, hélas ! elle a des adeptes en France, et ce dans différentes tendances politiques.
En revanche, évidemment, il faut une République plus citoyenne, ce qui implique plus de transparence et d'informations pour les citoyens, leurs associations et leurs représentants.
En conséquence, que les deux agences autonomes, l'une concernant les produits de santé, l'autre les aliments, puissent être saisies par les associations de consommateurs et que les représentants des consommateurs puissent siéger au sein du conseil d'administration de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments est plutôt une bonne chose. Ces deux mesures ont, d'ailleurs, l'assentiment des associations concernées.
Le fait que le Gouvernement s'engage à se préoccuper des effets de l'environnement sur la santé et à déposer un rapport à ce sujet dans les six mois - je ne dis pas que cela doit forcément déboucher sur la création d'une autre agence - témoigne de sa volonté de voir traiter ce problème rapidement. C'est aussi une bonne chose.
Toutefois, les avancées réelles accomplies par l'Assemblée nationale n'évacuent pas, hélas ! nos interrogations sur la conception de l'organisation des services de sécurité sanitaire et alimentaire dans le cadre de cette proposition de loi.
En effet, cela vient d'être dit, si les dysfonctionnements constatés dans différents services de l'administration et le besoin d'améliorer la cohérence de l'action et les moyens de ces mêmes services sont tout à fait réels - je me garderai bien de dire le contraire, et j'insisterai même sur la nécessité de combattre la bureaucratie - il faut bien reconnaître qu'aussi bien l'affaire du sang contaminé que celle de la vache folle sont la concrétisation, d'abord et surtout, un conflit entre l'intérêt économique et l'intérêt de la population.
Par ailleurs, tant qu'une partie de la population sera victime d'une exclusion qui l'éloigne de plus en plus de l'accès aux soins et de conditions de vie décentes, comme l'a encore souligné, dans un avis remis au Gouvernement, le Haut Comité de la santé publique, la veille sanitaire ne pourrta s'effectuer de manière efficace.
Outre le fait qu'il faut prendre en compte l'ensemble des facteurs qui influent positivement ou négativement sur l'état de santé d'une population, comme le logement, le transport, les conditions de travail, l'environnement familial, social et écologique, il s'agit, pour aller à l'encontre d'une logique financière néfaste, de maintenir et de développer en matière de veille sanitaire les moyens du service public. Vous en avez parlé, monsieur le secrétaire d'Etat, tout cela a en effet un prix : il faut en avoir conscience et le payer !
Je rappellerai les craintes que j'ai émises en première lecture et qui m'ont conduite à m'abstenir sur le système des agences inspiré d'outre-Atlantique. Monsieur le président de la commission des affaires sociales, nos différences culturelles sont importantes, nos administrations ne sont pas bâties sur le même schéma. J'ajouterai que l'agence sanitaire des produits alimentaires américaine est éminemment critiquée. Il faut avoir cela à l'esprit pour ne pas faire la même chose. Gardons-nous bien de penser qu'ailleurs tout est forcément mieux !
Si les agences sont, bien sûr, des établissements publics, elles comptent un nombre de fonctionnaires proportionnellement faible par rapport à la totalité des personnes employées.
Je crois que notre façon de réorganiser l'Etat en instituant un peu partout ces agences mériterait plus de réserves quant à leur indépendance et à leur supériorité sur les services de l'Etat, à moyens égaux bien sûr. Pour apprécier honnêtement l'intérêt présenté par la création de l'Agence du médicament, à laquelle je souscris, nous devons constater que cette agence a bénéficié de moyens que, précisément, les services de l'Etat n'avaient pas. On ne peut que se poser la question : à moyens égaux, qu'est-ce qui est le plus efficace ?
Et pourtant le statut des fonctionnaires reste le meilleur atout d'indépendance et d'impartialité, y compris par rapport au pouvoir politique. Priver, en tout cas partiellement, les nouvelles structures de ce levier est à mon avis une erreur, qui risque à l'avenir de diminuer leur efficience.
Concernant l'indépendance à l'égard des pouvoirs financiers, j'apprécie que l'Assemblée nationale ait interdit la possibilité, pour l'Agence de sécurité sanitaire, de percevoir des fonds de personnes privées intéressées dans l'activité qu'elle contrôle. Je crois que c'est également une bonne chose.
Je pense que la création de nouvelles agences ne doit pas faire perdre de vue la nécessité d'atteindre l'objectif de la modernisation de l'intervention de l'Etat et de ses administrations, qui doivent disposer des moyens nécessaires. Ne pourrait-on pas obtenir des résultats équivalents, voire supérieur en procédant de la sorte ? Nous aurions préféré emprunter cette voie, et je ne peux que regretter que la réflexion sur ce sujet soit si peu avancée.
C'est pourquoi je maintiens la proposition qu'avait formulée mon ami Guy Fischer quant à la tenue d'un véritable débat sur les missions de santé publique de l'Etat, missions qui vont bien au-delà des questions de sécurité sanitaire et alimentaire.
Par ailleurs, je tiens à souligner la place importante que devrait prendre la médecine du travail dans la politique de veille sanitaire. Celle-ci sert, rappelons-le, à protéger la santé des salariés. Les informations que ses services devraient transmettre concernent environ quatorze millions de salariés. De plus, le fait qu'un quart de ceux-ci, selon des études récentes, ne serait examiné par un médecin qu'à l'occasion de la visite annuelle obligatoire rend ces renseignements encore plus précieux et indispensables.
Ces chiffres soulignent également la nécessité d'avoir, en France, une médecine du travail de qualité.
C'est parce que la médecine du travail exige de ceux qui l'exercent des connaissances très étendues dans des domaines extrêmement variés et qui évoluent constamment que nous interviendrons au cours du débat en vue de préserver le statut de spécialité de la médecine du travail.
Il me semble également opportun de préciser dans le texte que l'Etablissement français du sang coordonne les activités des établissements de transfusion sanguine, y compris celles de l'établissement de transfusion sanguine de l'assistance publique-hôpitaux de Paris, l'AP-HP. Cette précision lèverait toute ambiguïté quant au devenir de l'AP-HP, dont nous avons déjà débattu lors de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale.
Permettez-moi également d'évoquer le devenir du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires, le CNEVA.
Si certaines de nos inquiétudes ont été levées, je pense qu'un certain nombre de conditions doivent être respectées pour qu'il continue à remplir efficacement les missions qui ont été les siennes jusqu'à maintenant.
Il faut, notamment, et parce que les relations entre la sécurité alimentaire et les pathologies animales sont indissociables, laisser la plus grande place à la recherche et assurer la continuité des missions d'appui et de conseil du CNEVA aux filières de production.
J'espère également que le Gouvernement prendra encore plus nettement en compte la spécificité des produits issus du corps humain comme certains dérivés du sang en créant un département spécifique pour ceux-ci dans l'agence de sécurité sanitaire.
Sous réserves des remarques que je viens de formuler, qui sont tout de même importantes - je dois le dire - j'apprécie l'état d'esprit positif dans lequel se sont déroulées les discussions. Notre groupe approuve bien évidemment les objectifs de ce texte. Toutefois, nos inquiétudes demeurent ; j'espère que le débat pourra les lever.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais tenter de répondre très brièvement, afin de respecter l'horaire prévu, aux questions essentielles que vous m'avez posées.
Monsieur Descours, vous vous interrogez sur la création d'une agence de sécurité sanitaire de l'environnement. Nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir au cours du débat, mais vous avez, comme M. Bimbenet, posé une question très pertinente : quelles seraient éventuellement les limites de son action ?
Je vous répondrai très rapidement - trop rapidement - qu'il existe deux approches de ce problème.
Votre collègue député M. Mattei estime que « tout est santé ».
M. Charles Descours. M. Aschieri !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. M. Aschieri va beaucoup moins loin que M. Jean-François Mattei. Selon ce dernier, « tout est santé » ; en définitive, tout reviendrait à une démarche d'approche pathologique, de prise en charge thérapeutique. C'est une position à mon avis excessive, et je lui ai répondu dans ce sens.
Une autre approche consiste à dire que tout est environnement, tout dépendant de l'eau, de l'air que nous respirons, de notre nourriture. Elle me paraît également excessive.
L'intérêt d'une mission parlementaire serait de délimiter le champ d'application d'une agence sanitaire de l'environnement dont le rôle serait de veiller à ce que la qualité de l'eau et de l'air, mais aussi de tous les produits que j'ai cités tout à l'heure - on peut reprendre l'exemple du radon - soit suffisante pour prévenir un certain nombre de dégâts sur la santé des hommes.
Il est nécessaire qu'une approche non seulement conceptuelle mais également appareil par appareil soit effectuée pour prendre la mesure de ce qui est déjà en place.
Tout à l'heure, M. Bimbenet disait qu'il y avait déjà une agence de l'environnement. Certes, il faut en apprécier les objectifs et l'efficacité avant de nous prononcer sur une autre structure.
Il est de multiples structures qu'il conviendrait d'harmoniser et, pour cela, il faudrait en évaluer les résultats avant de les mettre en complémentarité.
Cette approche est nécessaire. Quand sera-t-elle achevée ? Je n'en sais rien bien entendu, je ferai en sorte que vous y participiez, mesdames, messieurs les sénateurs.
S'agissant des dispositifs médicaux, nous aurons l'occasion d'y revenir ; il est certain que les professionnels manifestent une certaine préoccupation à cet égard. Nous n'avons pas du tout l'intention d'alourdir les procédures ; comme nous l'avons dit lors de la première lecture, il n'est pas question d'une autorisation de mise sur le marché déguisée. Cette question a été abordée également par M. François Autain.
Il faut être très clair quant à la conformité aux normes européennes de la déclaration que nous entendons mettre en oeuvre dans les trois mois.
Puisqu'il est question de dispositifs médicaux, je reviens sur l'instauration d'une déclaration obligatoire et d'un délai de statu quo. M. François Autain est parti, mais je m'adresse à M. Michel Charasse...
M. Michel Charasse. Je lui transmettrai votre réponse.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Oui, s'il vous plaît, vous pouvez lui laisser un petit mot. (Sourires.)
Je souhaite donc revenir sur l'instauration d'une déclaration obligatoire et d'un délai de statu quo avant la mise sur le marché de produits déjà revêtus du marquage CEE, c'est-à-dire déclarés conformes aux normes européennes.
L'instauration d'un délai de statu quo complémentaire au régime déclaratoire découle de la nécessité d'assurer une plus grande sécurité sanitaire des dispositifs médicaux, et cela en trois points.
Premièrement, ce délai permettra aux autorités sanitaires d'avoir une appréciation sur les produits dont la conception ou la fabrication pourront être à l'origine de risques particuliers pour la santé humaine avant leur mise sur le marché.
Deuxièmement, le régime déclaratoire et le délai de statu quo seront limités à ces seuls produits, ce qui représente, je vous le rappelle, pas plus de 15 % à 20 % du nombre total de dispositifs médicaux. On ne va pas traiter de la même manière un appareil radiologique compliqué et une canne destinée aux infirmités élémentaires !
Troisièmement, cette disposition se fondera sur une cohérence des positions défendues par la France et la recherche d'une sécurité sanitaire aussi élevée que possible.
M. Autain faisait remarquer qu'un certain nombre des dispositifs européens, c'est d'ailleurs ce que disait également M. le ministre de l'agriculture, ne sont pas suffisants. Nous avons donc le droit en l'occurrence d'élever le niveau de la sécurité sans, bien entendu, compliquer la tâche des producteurs et des industriels.
Cette disposition ne vise donc en aucun cas à introduire une nouvelle procédure d'autorisation de mise sur le marché - je suis bien net sur ce point - des dispositifs médicaux. En effet, cette déclaration ne doit comprendre que les éléments techniques de nature à permettre à l'administration de juger la conformité du produit aux règles de sécurité et au respect des procédures.
M. Braye a parlé du Comité national de sécurité sanitaire, et je crois que, finalement, nous étions tous sur la même longueur d'onde. Nous reviendrons, au moment de l'examen de l'amendement déposé par M. le rapporteur, sur la nécessité de faire appel ou non au Premier ministre en permanence, ce point me posant quelques problèmes.
En effet, un certain nombre de dispositions doivent être prises rapidement et il ne convient pas d'en référer systématiquement à M. le Premier ministre.
M. Bimbenet a évoqué le trafic d'organes auquel nous sommes, bien entendu, extrêmement attentifs. Toutefois, tous les exemples cités concernent des pays qui n'ont rien à voir avec la France même s'il est vrai que se développent à travers le monde des pratiques absolument scandaleuses.
Monsieur Autain, le Comité national de sécurité sanitaire a reçu votre approbation. Nous envisagerons, lors de la discussion des articles, la façon d'en optimiser le fonctionnement.
Par ailleurs, monsieur Autain, je vous précise que le conseil scientifique, au sein de l'Etablissement français du sang, demeure nommé par le ministre chargé de la santé.
Vous souhaitez que l'Institut de veille sanitaire étende ses compétences à l'environnement, en attendant la création éventuelle d'une agence spécifiquement chargée de ce domaine. Cela va de soi. Par exemple, à propos du radon, nous avons chargé l'Institut de veille sanitaire de procéder à des prélèvements et à des mesures dans les zones à risque. C'est ce qu'il fait en ce moment même, je l'espère à la satisfaction de tous.
S'agissant des dispositifs médicaux, je rappelle simplement que c'est le Sénat qui a, dans un premier temps, provoqué cette discussion.
Madame Borvo, je ne peux que partager votre souci relatif à l'exclusion dans le domaine de la santé. D'après les chiffres du CREDES, le Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé, qui sont repris par trois rapports que je rendrai publics prochainement, un de nos concitoyens sur quatre déclare avoir renoncé au moins une fois dans sa vie à accéder au système de soins pour des raisons financières. On en déduit que dix millions à treize millions de nos concitoyens sont exclus de l'accès aux soins. C'est évidemment excessif ! Il s'agit d'un problème très préoccupant, et que vous avez raison de mettre en relief, madame le sénateur.
En revanche, un léger différend nous oppose concernant notre système de transfusion sanguine.
La réorganisation de ce système autour de l'Etablissement français du sang lui est extrêmement bénéfique dans la mesure où le nouveau dispositif est plus souple et plus moderne. Je pense d'ailleurs que le système français, après la déleucocytation, qui sera effective à partir du 1er avril prochain, sera le plus sûr du monde.
Auparavant, vous le savez, en particulier au moment où s'est produit le drame du sang, nous disposions d'un appareil extrêmement lourd, constitué d'un ensemble d'associations régies par la loi de 1901. Celles-ci étaient, certes, revêtues du label national, mais nous n'exercions sur elles aucun contrôle.
Par ailleurs, s'agissant de l'Agence du médicament, il est de notoriété publique que nous avons trouvé d'autres mécanismes, y compris en matière de financement. Je me souviens que, voilà quelques années, alors que j'étais ministre de la santé, dans les couloirs de la direction consacrée à la mise sur le marché des produits, il y avait non seulement des trous dans le linoléum, mais aussi des paquets de dossiers en attente ; depuis très longtemps déjà, on ne traitait que les dossiers urgents !
Nous nous sommes engagés à faire en sorte que, dans le cadre de la réforme présentée récemment au conseil des ministres, tous les dossiers soient traités dans un délai de 180 jours. Je vous assure que cela n'est possible que parce que l'Agence a été créée.
Pour ce qui concerne les personnels, je vous ai déjà répondu que la moitié d'entre eux étaient des fonctionnaires et que les autres étaient des contractuels. Nous espérons les intégrer totalement dans le nouveau système.
Enfin, je vous précise, madame Borvo, que les médecins du travail, dans le respect de leur statut et des dispositions du code du travail, sont en liaison avec l'Institut de veille sanitaire. J'espère développer cette collaboration mais se pose effectivement le problème du statut des médecins du travail, de leur rémunération et du contenu même de leur tâche. Une réforme est certainement nécessaire pour introduire de la modernité dans la fonction de médecin du travail.
Cela dit, il est exact qu'il n'y a pas assez de contacts entre la médecine du travail et l'Institut de veille sanitaire. Et cela est également vrai pour la médecine scolaire, de même, d'ailleurs, que pour la médecine de ville et la médecine hospitalière.
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais vous apporter en cet instant.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous reprendrons l'examen de cette proposition de loi cet après-midi, à l'issue des questions d'actualité au Gouvernement.

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