Il est connu que la confusion des responsabilités entre l'Etat, le Gouvernement, le conseil d'administration des caisses de sécurité sociale, les partenaires sociaux et les professionnels étaient telle, voilà dix-huit mois ou deux ans, que la question qui se posait, à propos de la sécurité sociale, était : y a-t-il un pilote dans l'avion ?
Le mérite des ordonnances d'avril 1997, approuvées d'ailleurs par tous, au moins de ce point de vue, est d'avoir clarifié les responsabilités de chacun, et l'une d'elles avait spécifiquement cet objet.
M. Christian de La Malène. Très bien !
M. Charles Descours. Elle confie notamment au conseil d'administration des caisses la gestion des relations avec les partenaires conventionnels, en particulier les médecins. Cela s'est traduit par la signature, entre le ministère et la Caisse nationale d'assurance maladie, la CNAM, d'une convention d'objectifs et de gestion selon ces règles.
Or Mme le ministre en charge de la sécurité sociale,...
Un sénateur sur les travées socialistes. Mme la ministre.
Plusieurs sénateurs sur les travées du RPR. Mme le ministre ! (Sourires.)
M. Charles Descours. Or Mme le ou la ministre en charge de la sécurité sociale vient de prendre l'initiative de réunir au ministère des tables rondes, ce qui a suscité l'irritation très vive du président et du vice-président de la CNAM, celui-ci évoquant même la possibilité d'un retrait de son organisation des organismes sociaux.
En effet, monsieur le secrétaire d'Etat, ou bien ces tables rondes ne débouchent sur rien, et la déception sera immense, ou bien elles débouchent sur un résultat qui s'imposera donc à la CNAM. Quelles marges de manoeuvre restera-t-il aux partenaires sociaux ?
Ne pensez-vous pas qu'en agissant ainsi vous courcircuitez complètement les partenaires sociaux et vous étatisez de fait la sécurité sociale ou du moins l'assurance maladie, étatisation que vous-même et vos amis avez tant dénoncée lors des ordonnances Juppé ?
Je tiens d'ailleurs à dire à cet égard que, si le gouvernement précédent avait agi de la sorte, je l'aurais dénoncé de la même façon. (Exclamations sur les travées socialistes.) Mais, mes chers collègues, c'est le gouvernement actuel qui agit en l'occurrence ainsi ! (Sourires.)
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Charles Descours. Si le Gouvernement retombe dans les erreurs du passé, entretenant la confusion dans les rôles respectifs de chacun, il n'y aura à nouveau plus de pilote dans l'avion, et tout cela se fera au détriment de la sécurité sociale, à laquelle, je pense, monsieur le Premier ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes vous aussi attachés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le sénateur, rassurez-vous, nous ne voulons pas étatiser la CNAM !
M. Christian de La Malène. Et qu'est-ce que vous faites ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Non, monsieur le sénateur, je vous l'assure.
J'ai retenu de vos propos, monsieur Descours, que, si le gouvernement précédent avait agi de la sorte, c'est-à-dire sans concertation, vous l'auriez dénoncé. Mais que ne l'avez-vous fait ?
M. Charles Descours. Ah non !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. En effet, sur le chapitre particulier de la concertation avec les médecins, le moins que l'on puisse dire - nous en avons assez parlé pour que je connaisse votre opinion - c'est qu'il n'y a pas eu assez de concertation.
M. Charles Descours. D'accord !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Lorsque Mme Aubry et moi-même, il n'y a pas longtemps, avons pris nos fonctions, nous avons trouvé, comme vous le savez, une situation entièrement bloquée entre les médecins,...
M. Charles Descours. D'accord !
M. François Autain. Ça, c'est vrai !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. ... à ce point que la formation médicale continue...
M. Charles Descours. D'accord ! D'accord ! Et la CNAM ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Ne dites pas : « d'accord, d'accord ! »
M. le président. Ne polémiquons pas, monsieur Kouchner !
M. Charles Descours. Mais que répondez-vous à ma question ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. La formation médicale continue, disais-je, est bloquée.
Avec l'accord du président de la CNAM, pour trois groupes sur quatre, nous avons donc simplement demandé, puisque la situation était tellement bloquée que les divers syndicats de médecins ne parvenaient même plus à se parler, la création de quatre groupes de travail sur des disciplines qui les concernent, qui concernent la santé publique et qui concernent donc le ministère de la solidarité et de l'emploi et le secrétariat d'Etat à la santé, afin que nous soyons à même de nous reparler.
Ces réunions n'ont même pas encore eu lieu. J'espère qu'elles se tiendront et que la CNAM y participera.
Il s'agit de la profession, de son exercice, de la démographie médicale, des chiffres, qui devraient être plus facilement connus grâce à l'extraordinaire organisation de la CNAM. Voilà, et c'est tout !
Nous ne voulons en rien remettre en cause ce qui est non pas un établissement public comme les autres mais un établissement qui travaille - comme vous le savez, et c'est une invention française - avec un paritarisme particulier entre les syndicats et le patronat. Il n'est pas question de remettre cela en cause.
Nous souhaitons au contraire qu'il y ait avec les caisses régionales des rapports plus amènes.
Les manifestants et ceux qui se plaignent ne s'y trompent d'ailleurs pas : c'est en effet au ministère de la santé, avenue de Ségur, et jamais avenue du Maine, qu'ils vont s'adresser.

En conclusion, en ce qui concerne la politique de santé publique dans ce pays, c'est évidemment la CNAM qui est chargée des rapports conventionnels, rapports qu'il n'est pas question de remettre en cause ; mais, pour ce qui concerne la santé publique, il me semble quand même que c'est au ministère de la santé de parler avec les médecins. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

ACCORD MULTILATÉRAL SUR L'INVESTISSEMENT

M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.