Séance du 19 mai 1998
M. le président. Sur le texte proposé pour l'article 211-3 du code rural, je suis d'abord saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 7 rectifié, M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, propose, dans le I du texte présenté par l'article 2 pour l'article 211-3 du code rural, de remplacer les mots : « à l'article 211-1 est subordonnée au dépôt d'une déclaration à la mairie » par les mots : « dans l'arrêté interministériel prévu à l'article 211-1 du présent code est subordonnée à l'obtention d'une autorisation accordée par le maire ».
Par amendement n° 74, M. Demuynck propose, au I du texte présenté par l'article 2 pour l'article 211-3 du code rural, de remplacer les mots : « à l'article 211-1 » par les mots : « par l'arrêté ministériel ».
Par amendement n° 61, M. Lanier, au nom de la commission des lois, propose, dans le texte présenté par l'article 2 pour l'article 211-3 du code rural, après les mots : « subordonnée au dépôt », d'insérer les mots : « par le propriétaire ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 7 rectifié.
M. Dominique Braye, rapporteur. Cet amendement vise à substituer au mécanisme de la déclaration, prévu par le projet de loi, celui de l'autorisation.
Je vais être un peu long, car tout cela nécessite des explications.
Pour les chiens potentiellement dangereux, trois dispositifs sont envisageables.
Le premier, prévu dans le projet de loi, est la simple déclaration. Votre rapporteur considère - vous l'avez compris - mes chers collègues, que ce dispositif présente plusieurs inconvénients. Il n'est pas assez dissuasif pour l'ensemble des populations qui veulent acquérir un animal aux fins d'intimidation. Il est trop lourd pour les personnes qui, respectueuses de la loi, changeront de domicile, comme je l'ai rappelé en défendant l'amendement précédent. La deuxième catégorie étant appelée à être plus importante, les propriétaires seront de plus en plus nombreux à être astreints à cette formalité. Il faut se limiter à une seule déclaration dans la vie de l'animal.
Enfin, ce dispositif n'est pas suffisamment contrôlable par les services publics, le récépissé de la déclaration devant être remis presque immédiatement dès lors que l'ensemble des formalités à remplir sont effectuées.
Votre rapporteur considère que la philosophie qui sous-tend l'acte de déclaration ne correspond pas au danger potentiel que peut représenter l'animal désocialisé et déstructuré sous l'effet d'un mauvais dressage.
On ne déclare pas une voiture ni une arme. La société, par l'intermédiaire des pouvoirs publics, vous autorise à les détenir sous réserve de remplir certaines conditions. J'ajoute, étant, comme M. Demuynck, élu d'un département comptant nombre de quartiers difficiles, que nous savons déjà quelles sont les personnes délinquantes qui, sachant que nous ne pouvons pas refuser, viendront nous narguer en faisant une simple déclaration pour dire qu'elles ont pris un chien potentiellement dangereux, c'est-à-dire de deuxième catégorie.
Faut-il, dès lors, retenir la formule maximaliste consistant à instaurer un permis pour détenir un animal potentiellement dangereux ? Ce permis nécessiterait des connaissances pratiques et théoriques.
Monsieur le ministre, je ne vous cache pas que je ne l'exclus pas, à moyen terme, compte tenu, notamment, des bons résultats qu'il a donnés en Allemagne. Cette logique est parfaitement en adéquation avec, d'une part, l'objectif de sécurité des personnes et, d'autre part, celui de la protection de l'animal. Néanmoins, consciente des difficultés pratiques qu'un tel mécanisme susciterait, à court terme, la commission n'a pas souhaité le retenir.
Une troisième voie est envisageable, celle de l'autorisation de détention. La personne qui détient ou souhaite acquérir un chien potentiellement dangereux doit se présenter à la mairie. Elle remplit un formulaire d'une page visant à demander l'autorisation de détenir un tel animal ; elle doit réunir l'ensemble des documents visés dans le projet de loi, à savoir l'idendification obligatoire, la vaccination antirabique et l'attestations d'assurance responsabilité civile.
Le maire disposerait d'un délai de deux mois pour instruire le dossier. Les critères retenus seraient ceux qui sont énumérés dans le projet de loi. Néanmoins, le maire disposerait du délai nécessaire pour instruire la demande, et il appartiendrait ainsi à la collectivité d'autoriser la détention de l'animal.
Ce système comporte des avantages appréciables.
Il laisse d'abord du temps au demandeur, qui pourra ainsi réfléchir aux responsabilités qu'implique la détention de l'animal. Comme je l'ai rappelé dans la discussion générale, cela favoriserait la diminution des 170 000 abandons qui sont constatés chaque année sur le territoire français, et qui sont dus essentiellement à des acquisitions irréfléchies, sur un coup de coeur.
Il permet, en outre, au maire, en coordination, notamment, avec l'ensemble des services de sécurité et de gendarmerie, de s'assurer véritablement de la bonne foi du requérant.
Voilà pourquoi je demande au Sénat d'accepter cet amendement, ce qui suppose, naturellement, le retrait de l'amendement n° 74, qui me paraît d'ailleurs satisfait.
M. le président. L'amendement n° 74 est-il maintenu, monsieur Demuynck ?
M. Christian Demuynck. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 74 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 61.
M. Lucien Lanier, rapporteur pour avis. J'aimerais que M. le rapporteur nous dise si notre proposition, aux termes de laquelle la déclaration est subordonnée au dépôt par le propriétaire, de façon que ledit propriétaire s'engage lui-même et, ce faisant, engage sa responsabilité, peut se coordonner avec son propre texte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Je suis tout à fait favorable à cet amendement dans la mesure où il apporte une précision à laquelle la commission des affaires économiques n'avait pas pensé. Cela étant, dans un souci de simplification, je demande à M. le rapporteur pour avis, de bien vouloir transformer son amendement en sous-amendement à l'amendement de la commission.
M. Lucien Lanier, rapporteur pour avis. J'en suis tout à fait d'accord.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 61 rectifié, présenté par M. Lanier, au nom de la commission des lois, et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 7 rectifié pour le I de l'article 211-3 du code rural, après les mots : « l'obtention », à insérer les mots : « par le propriétaire ».
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 7 rectifié et sur le sous-amendement n° 61 rectifié ?
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le système qui a été choisi dans le présent projet de loi prévoit une formalité simple, facile à mettre en oeuvre, à la portée des propriétaires sérieux des chiens concernés.
Le maire doit vérifier la possession d'un certain nombre de pièces qui peuvent justifier la délivrance du récépissé de la déclaration. Ce récépissé n'exclut en rien les interpellations par la police et les interventions du maire, en application de l'article 211 du code rural, dans le cas où le propriétaire d'un chien d'une de ces catégories a un comportement qui peut mettre en cause l'ordre public et la sécurité publique.
En revanche, un système de permis serait lourd à gérer et plus difficilement applicable.
La substitution d'un régime d'autorisation au régime déclaratif prévu pour les chiens d'attaque et les chiens de garde et de défense est sans doute excessive et susceptible de poser des problèmes de constitutionnalité.
La contrainte administrative est en effet sensiblement plus forte dans le cas d'une autorisation préalable. Elle ne peut se justifier que si la situation générale l'impose et si les atteintes à des droits constitutionnellement protégés ne sont pas disproportionnées.
Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 18 janvier 1995, a déjà eu l'occasion de juger qu'il appartenait au législateur d'assurer la conciliation entre la prévention d'atteinte à l'ordre public - objectif de valeur constitutionnelle - et l'exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté individuelle.
Il n'est guère douteux que l'autorisation préalable de détenir un chien d'une des catégories mentionnées à l'article 211-1 du code rural porte atteinte à la fois au droit de propriété et au respect de la vie privée, composantes de la liberté individuelle constitutionnellement protégée. Cette atteinte est excessive, alors que le régime déclaratif permet d'aboutir aux mêmes fins de prévention de l'ordre public et de la sécurité publique.
Voilà pourquoi le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 7 rectifié ; il l'était, en revanche, à l'amendement n° 61.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 61 rectifié.
M. Dominique Braye, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur le ministre, je suis tout à fait conscient des contraintes que le système de l'autorisation entraîne pour les propriétaires de chiens potentiellement dangereux. Il s'agit néanmoins d'un vrai choix de société.
Je rappelle l'anecdote que j'ai citée en commission des affaires économiques et du Plan : aux Mureaux, le centre commercial Corail a été contraint de fermer parce qu'une bande de sept personnes - seulement sept ! - avec sept chiens - au demeurant, aucun pitbull ! - ont pourri le climat. Aujourd'hui, quatre-vingt-un commerçants se trouvent démunis après avoir dû fermer boutique.
Il y a des contraintes, nous en sommes conscients ; mais il faut que chaque Français apporte sa contribution pour résoudre un problème de société, et, à cet égard, le système de l'autorisation me semble être le bon.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce qu'a dit M. le ministre sur l'ordre public et les libertés individuelles.
On peut en effet faire un parallèle avec la détention de certaines catégories d'armes à feu, qui sont désormais soumises à autorisation. Il en va de même pour les chiens : il y a des catégories de chiens comme il y a des catégories d'armes.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 61 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 7 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 62, M. Lanier, au nom de la commission des lois, propose, à la fin de la première phrase du I du texte présenté par l'article 2 pour l'article 211-3 du code rural, de remplacer les mots : « de résidence du propriétaire de l'animal ou, quand il diffère de celui de son propriétaire, du lieu de résidence du chien », par les mots : « où se trouve habituellement l'animal ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Lucien Lanier, rapporteur pour avis. C'est un amendement de simplification. En effet, est-il vraiment opportun d'évoquer le « lieu de résidence du chien » alors qu'il y a tant de sans domicile fixe ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Je suis naturellement très favorable à cet amendement et je reconnais avec humilité que les compétences de la commission des lois nous sont bien nécessaires pour améliorer le texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 62, accepté par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 8, M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, propose de supprimer la seconde phase du I du texte présenté par l'article 2 pour l'article 211-3 du code rural.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination, qui tend à supprimer l'obligation de dépôt d'une déclaration à chaque nouveau domicile. La création d'un fichier national et l'instauration d'une autorisation rendent cette mesure totalement inutile.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures.)