Séance du 19 mai 1998
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Philippe François pour explication de vote.
M. Philippe François. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il était urgent que ce texte, qui est issu d'une réflexion menée depuis plus de deux ans à la suite d'études que nous avait proposées M. Philippe Vasseur, voie le jour.
En effet, alors que la prolifération fulgurante des chiens agressifs et l'engouement croissant pour les animaux de compagnie posent de véritables problèmes de société - cela a été évoqué longuement ce soir - le texte tel qu'il a été amendé par la Haute Assemblée répond pleinement à ces préoccupations.
A cet égard, je tiens, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, à remercier tout particulièrement les deux rapporteurs, MM. Dominique Braye et Lucien Lanier, de la pertinence de leurs propositions, de la clarté de leurs travaux et de la sûreté de leur jugement.
Sous leur impulsion, en effet, le Sénat a souligné et précisé qu'il existe non pas des types ou des races de chiens dangereux, mais uniquement des types ou des races de chiens potentiellement dangereux en raison de leurs caractéristiques physiques.
Notre assemblée a également su affirmer que tout chien, quel que soit sa race ou son type, deviendra agressif, et donc éventuellement dangereux, s'il est confié à un maître qui l'élève mal, l'éduque mal ou, pis encore, le dresse spécifiquement à cette fin.
La Haute Assemblée a, en outre, su donner aux maires le pouvoir d'apprécier et de réguler ces problèmes de société, pour partie seulement, M. le ministre n'ayant pas accepté toutes nos propositions.
Elle a su, enfin, aggraver les sanctions en cas de sévices ou de cruauté envers les animaux.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République votera ce texte tel qu'il résulte de nos travaux.
Je tiens néanmoins à préciser que notre groupe sera très attentif à l'application de ce texte et, à cette fin, il demande au Gouvernement d'engager tous les moyens nécessaires et indispensables qui doivent accompagner ce dispositif. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de cette discussion, je souhaite en premier lieu rendre hommage aux rapporteurs MM. Dominique Braye et Lucien Lanier pour le travail qu'ils ont accompli sur ce projet de loi relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux.
Je salue tout particulièrement le travail de réflexion approfondi mené par le rapporteur de la commission saisie au fond. Il y a mis toute son expérience de responsable local et toute la force de ses convictions personnelles en tant que professionnel des animaux.
Les statistiques citées dans le rapport et qui montrent l'augmentation impressionnante du nombre de chiens potentiellement dangereux suscitent l'inquiétude la plus vive, de même que les accidents qui ont malheureusement blessé des individus ou endeuillé des familles, et c'est ce qui a motivé l'intervention du législateur.
En fait, le texte qui résulte de nos débats change la philosophie de celui qui a été adopté par l'Assemblée nationale sur des points importants : ainsi en est-il de la création d'une catégorie unique de chiens et, en conséquence, de la suppression de l'interdiction d'importation, de cession ou d'acquisition de certains types de chiens.
Or, la mesure d'interdiction qui figure dans le projet de loi du Gouvernement a été votée par l'Assemblée nationale à l'unanimité. Elle a peut-être le mérite d'être clairement lisible par l'opinion publique.
Cette disposition d'interdiction avait, en outre, été au coeur des propositions de loi présentées sur le bureau du Sénat par certains de nos collègues, en particulier au sein du groupe des Républicains et Indépendants. Ces textes avaient eu le mérite, voilà deux ans, de poser le problème en termes de volonté politique et de solutions législatives, comme vous l'avez rappelé, mon cher collègue Philippe François.
Nous nous sommes donc trouvés, monsieur le ministre, en situation de convergence d'objectif politique. A ce titre, il est louable que sur des sujets concernant la vie quotidienne de nos concitoyens et leur sécurité un consensus puisse se faire jour.
Cependant, le rapporteur de la commission des affaires économiques du Sénat nous a convaincus d'adopter un dispositif s'inscrivant dans une logique différente.
Le remplacement de la déclaration par une autorisation de détention susceptible d'être en permanence produite devant les autorités de police en cas de contrôle et dont l'absence pourrait faire l'objet de sanctions devrait pouvoir donner aux maires des moyens d'action plus appropriés.
Vous avez, à juste titre, mon cher collègue Braye, insisté sur le rôle essentiel du comportement des maîtres dans les agissements des chiens. Je crois que les Français qui habitent dans des zones difficiles en sont plus conscients que d'autres. Il est fondamental que le législateur intègre pleinement cette donnée dans ses analyses.
La responsabilité et le comportement du maître sont sûrement les points capitaux de ce texte. En effet, un animal n'est pas une chose, c'est un être vivant, qui a sa personnalité, ses réactions et qui, dans la plupart des cas, peut être éduqué. Il peut être un compagnon, un gardien, un défenseur, et parfois les trois à la fois.
Mais certains individus, pour différentes raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas - elles ont été évoquées au cours du débat - ne peuvent être dressés et sont potentiellement dangereux. Cela existe et personnellement j'en ai connus car j'ai eu l'occasion, pendant presque toute ma vie, d'élever des chiens.
Dans ce cas, il va de soi que toutes les mesures doivent être prises pour protéger le public.
S'agissant des animaux dangereux, nous nous félicitons donc d'être parvenus à un dispositif qui enrichira sûrement la teneur de notre dialogue avec l'Assemblée nationale.
Nous espérons qu'il sera bien compris par l'opinion publique et qu'il permettra de lutter contre l'irresponsabilité de certains maîtres vis-à-vis de leurs animaux et d'empêcher certains drames à l'occasion desquels on se demande parfois qui, du maître ou du chien, l'emporte en sauvagerie.
Bien entendu, nous approuvons l'objectif et les améliorations des dispositions concernant la moralisation des activités de commerce des animaux de compagnie.
Aussi, le groupe des Républicains et Indépendants votera le projet de loi tel qu'il résulte des travaux de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parvenus au terme de l'examen de ce projet de loi, nous ne pouvons que souligner et regretter fortement que l'esprit même de ce texte ait été si dévoyé.
En effet, tel qu'il a été amendé par la majorité sénatoriale, il a perdu son équilibre. Nous ne pouvons voter un texte remettant en cause les deux idées fondamentales qui en constituent la première partie.
La classification des chiens potentiellement dangereux en deux catégories constitue, selon nous, un point très important. Cela permet, en effet, l'extinction progressive des chiens d'attaque, notamment de type pitbull, chiens qui, rappelons-le, constituent non pas une race mais sont le résultat de croisements ayant pour seul objet d'accroître l'agressivité de l'animal. Par ailleurs, ainsi que je l'ai déjà souligné, il ne nous semble pas envisageable que la possession d'un animal potentiellement dangereux soit subordonnée à la délivrance d'une autorisation par le maire.
Au-delà de la responsabilité supplémentaire que cette mesure confère aux maires et des difficultés d'applicabilité que vous avez vous-même soulignées, monsieur le ministre, les dérives qu'une telle disposition pourrait engendrer semblent trop graves au groupe socialiste pour qu'il vote ce texte.
C'est donc avec un regret profond - car ce projet de loi contient un certain nombre d'excellentes dispositions - que nous voterons contre le texte qui résulte des travaux du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Mon intervention dans la discussion générale a montré que j'abordais la discussion de ce projet de loi avec mesure et pondération. Nous étions favorables au texte tel qu'il nous est parvenu de l'Assemblée nationale, qui, je le rappelle, l'a voté à l'unanimité. Ici même, notre groupe - avec d'autres - a voté un certain nombre d'amendements présentés par M. Lanier ou par M. Braye.
Par conséquent, il nous paraît difficile d'être favorable à la fois au texte tel qu'il venait de l'Assemblée nationale et au dispositif qui résulte de nos travaux et qui a été profondément modifié.
Ce projet de loi, nous dit-on, est assez conforme à celui que M. Philippe Vasseur avait déposé sur le bureau du Palais-Bourbon. C'est exact. Toutefois, je le rappelle, M. Vasseur a lui aussi voté le texte que nous a transmis l'Assemblée nationale. De plus, quatre propositions de loi avaient également été présentées au départ à l'Assemblée nationale, qui s'est prononcée. En définitive, nous avons hérité du texte originel.
Par conséquent, dans un souci de pondération - au début de l'après-midi j'avais lancé un appel en ce sens - et compte tenu de la navette, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra, ce qui n'est pas dans ses habitudes.
M. Philippe François. Bravo !
M. Dominique Braye, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Je serai bien sûr concis, car tout a déjà été dit.
D'abord, je voudrais remercier M. le rapporteur de la commission des lois ainsi que tous mes collègues, et en particulier mon ami M. Demuynck qui avait une certaine vision au départ et qui s'est rallié à celle que je défendais.
Toutefois, je regrette que ce texte, qui est important et très attendu, au moins dans les quartiers difficiles, n'ait pas reçu en définitive un assentiment plus général de la part du Gouvernement et de tous les membres de la Haute Assemblée.
Je ne reviendrai pas sur la position de certains membres de la commission des affaires économiques et du Plan - en commission, ce texte avait été voté à l'unanimité - qui, ce soir, ne partagent plus l'opinion qu'ils avaient alors émise. Je ne reviendrai pas non plus sur certains événements qui se sont produits à l'Assemblée nationale.
S'agissant d'un texte de cette importance, les considérations politiques devraient être mises de côté. Nous devrions voter afin de trouver les meilleures solutions pour résoudre les problèmes qui se posent dans les quartiers difficiles. Le travail accompli par le Sénat va manifestement dans ce sens.
J'ai essayé de prouver, chiffres à l'appui, que les pitbulls sont peu responsables d'accidents, qu'ils ont été pris comme victimes expiatoires par les médias et qu'il fallait éviter de tomber dans ce piège, en laissant de côté d'autres chiens plus agressifs. Tout le monde l'a compris, me semble-t-il.
Nous aurions dû tous nous retrouver pour essayer de remédier aux causes de ces problèmes plutôt qu'à leurs conséquences, le chien n'étant que la conséquence.
Or, tant que nous continuerons à vouloir résoudre les problèmes de notre société en s'attachant aux conséquences sans avoir ni le courage ni la volonté de s'attaquer aux causes, notre société continuera, hélas ! à se déliter, comme nous le constatons depuis deux décennies.
Par conséquent, je souhaite tout simplement que l'Assemblée nationale retienne un certain nombre des mesures que nous avons adoptées. De toute façon, nous aurons des rendez-vous sur le terrain. Vous imaginez bien, mes chers collègues, que M. Christian Demuynck et moi-même ne manquerons pas, au cours des années à venir, de vous tenir au courant de la manière dont les choses se passent dans les quartiers difficiles tant de Mantes-la-Jolie que du département de Seine-Saint-Denis. J'espère que nous arriverons tous à faciliter le travail des élus dans ces quartiers.
En effet, les problèmes sont différents selon les régions. Il existe franchement plusieurs France et, pour discuter de certains points, il faut soit connaître toutes les France, soit se rendre soi-même sur place pour voir ce qui se passe, sans se contenter d'écouter ce qu'en disent les médias.
Mes chers collègues, je tiens à vous remercier encore de la confiance que vous m'avez témoignée.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons pu constater, tout au long de nos débats, le souci commun du Gouvernement et du Sénat de mieux contrôler les animaux dangereux et de moraliser le commerce des animaux de compagnie.
En revanche, nous ne partageons pas le même point de vue sur les moyens à adopter.
Le Gouvernement souhaite distinguer les animaux agressifs dits « d'attaque » et les animaux de garde et de défense. Il se propose de retenir des mesures extrêmement strictes pour les premiers. Rappelons qu'il y a désormais 40 000 pitbulls en France et que leur nombre croît très vite. Il me paraît essentiel d'arrêter ce mouvement et d'éliminer à terme ces chiens de notre territoire.
Pour les autres chiens potentiellement dangereux, des mesures de contrôle de comportement peuvent suffire et permettre de protéger la population.
Enfin, pour les chiens qui n'appartiendront pas à l'une des deux catégories, le maire aura la possibilité de prendre, en cas de dangerosité d'un animal, des mesures adaptées et efficaces.
Notre deuxième point de divergence porte sur la création d'une procédure d'autorisation que le Gouvernement trouve trop lourde pour les collectivités locales. Une procédure de déclaration a le même effet dissuasif, sans créer de charges supplémentaires aux communes contre lesquelles le rapporteur s'est élevé à l'occasion d'un autre article.
Je souhaite un dispositif efficace de contrôle des chiens dangereux allant à l'encontre des propriétaires mal intentionnés mais n'imposant pas de charges d'organisation trop lourdes pour les maires et pour les collectivités locales.
Je garde la conviction que nous disposions, à l'issue des travaux de l'Assemblée nationale, d'un texte équilibré. Cet équilibre avait été bien compris et amélioré par les travaux des députés qui, je le rappelle, se sont conclus par un vote unanime.
Ce soir, l'un des plateaux de la balance me semble alourdi par une modification significative de dispositions importantes. Je le regrette pour ma part, et j'espère que les prochaines lectures nous permettront ensemble de retrouver les éléments de l'équilibre et de la mesure, et donc les intentions convergentes de beaucoup de parlementaires sur cet important sujet de société.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(Le projet de loi est adopté.)
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