Séance du 27 mai 1998
M. le président. L'Assemblée nationale a supprimé l'article 38 octies.
Mais, par amendement n° 19 rectifié, MM. Vasselle et Hyest proposent de le rétablir dans la rédaction suivante :
« Après le cinquième alinéa du 1° de l'article 1382 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les bâtiments occupés par les centres de gestion de la fonction publique territoriale ; ».
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. En première lecture, avec mon collègue Jean-Jacques Hyest, nous avions réussi à convaincre une majorité des membres de notre assemblée d'adopter cette disposition malgré l'avis défavorable du Gouvernement et l'avis plus que réservé de notre rapporteur.
Mais l'Assemblée nationale a considéré qu'il n'y avait pas lieu de nous suivre.
Nous sommes convaincus quant à nous, forts d'ailleurs des observations qui ont été faites en commission, à l'Assemblée nationale, par Charles de Courson, qui est un spécialiste en la matière, du bien-fondé de notre demande. C'est la raison pour laquelle nous la renouvelons.
J'attire l'attention de mes collègues sur le fait que, parmi les bénéficiaires de ce type d'exonération de taxe foncière, figure notamment le CNFPT, le Centre nationale de la fonction publique territoriale.
Je leur rappelle également que les syndicats de communes qui assuraient la gestion des fonctionnaires de la fonction publique territoriale, c'est-à-dire la formule qui avait précédé les centres de gestion, bénéficiaient de la même exonération.
J'ajoute que cette exonération est pratiquement constante sur l'ensemble du territoire national. Ce n'est que très récemment, sur l'initiative de quelques fonctionnaires zélés des services fiscaux, que des procédures ont été engagées sur le territoire national pour que cette taxe soit acquittée par des centres de gestion. Sans ce réveil de quelques fonctionnaires des services fiscaux, le problème ne se serait certainement pas posé et cet amendement n'aurait pas été déposé.
Je précise qu'au moins une chambre régionale des comptes qui avait été saisie du dossier avait considéré qu'il était justifié qu'un centre de gestion ne paie pas cette taxe foncière. En revanche, il est vrai qu'un tribunal administratif qui avait été également saisi, à la suite du non-paiement de cette taxe - en l'occurrence il s'agit du centre de gestion de la Dordogne - a pris une décision contraire à celle de la chambre régionale des comptes.
Les avis sont donc partagés et il nous a donc paru utile de clarifier par la loi les dispositions en vigueur.
Il m'apparaîtrait difficile d'opposer un refus à cette demande sachant que les communes, les départements, les collectivités en général sont exonérés de taxe foncière et que le centre national de la fonction publique territoriale, qui exerce une activité ciblée sur la formation, mais aussi sur la gestion des cadres de catégories A + et A, c'est-à-dire des missions de gestion de la fonction publique, est également bénéficiaire de l'exonération, alors que les centres de gestion départementaux qui ont des missions analogues, mais uniquement pour les agents de catégories B et C, ne peuvent pas en bénéficier.
J'espère, mes chers collègues, que, forts de ces explications et de l'exposé des motifs de mon amendement, vous serez convaincus de la nécessité de réitérer la position qui fut la nôtre lors de l'examen en première lecture de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Ainsi que M. Vasselle en a exprimé la crainte voilà un instant, la commission des finances est réticente à l'idée de décider d'exonérations non compensées pour des collectivités locales.
En effet, bien que les motifs que M. Vasselle vient de nous exposer avec le talent que nous lui connaissons soient tout à fait légitimes, ils visent à priver les communes d'autant de ressources.
La commission des finances estime donc que, s'agissant d'exonérations fiscales non compensées, elle ne peut émettre un avis favorable, et maintient la position qu'elle avait adoptée, sans succès, je le reconnais volontiers, lors de la première lecture.
En conséquence, l'avis serait défavorable, sauf si M. Vasselle, après avoir posé le problème comme il le mérite, acceptait de retirer son amendement. En effet, je ne suis pas persuadé qu'après avoir été voté par le Sénat il le soit par l'Assemblée nationale. Nous pourrions laisser accroire que nous ne sommes pas trop attentifs aux exonérations fiscales que nous délivrons avec facilité, ce qui a pour effet de priver nos collectivités locales d'autant de ressources.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Vasselle, le Gouvernement pourrait fort bien se laver les mains d'un amendement qui serait voté par l'assemblée qui représente les collectivités locales, et qui diminuerait les ressources fiscales des collectivités locales.
Adoptant une attitude plus responsable, je dois néanmoins dire que le Gouvernement est défavorable à cet amendement en nouvelle lecture comme en première lecture parce qu'il crée un fort risque d'extension de cette exonération de taxe foncière à tous les centres de gestion ou à d'autres établissements publics. Je crains qu'il ne s'ensuive un déséquilibre pour la fiscalité locale.
Je me joins donc à l'appel de M. le rapporteur pour vous demander de retirer votre amendement après avoir défendu votre point de vue ; sinon, j'en recommanderai le rejet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 19 rectifié.
M. Michel Charasse. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je dirai d'emblée que l'amendement de M. Vasselle me paraît poser plus une question de principe qu'une vraie question financière.
Les centres de gestion ne sont pas des organismes immenses et les sommes en jeu ne sont pas énormes. Cela concerne le chef-lieu du département, siège du centre de gestion. L'incidence financière est relativement modeste pour les villes chef-lieu.
En revanche, c'est une question de principe. Je crois, et M. Vasselle ne m'en voudra pas, que son amendement est inutile. L'accepter signifierait que nous acceptons une interprétation de l'administration qui n'est pas conforme aux règles.
Mes chers collègues, la taxe sur le foncier bâti n'est jamais exigée des bâtiments qui appartiennent aux communes lorsqu'ils sont affectés à une tâche d'intérêt général et ne sont pas productifs de revenus. De plus, le code général des impôts et le code général des collectivités territoriales ont étendu cette disposition aux groupements de collectivités. Or un centre de gestion est un groupement de collectivités, certes obligatoire, mais un groupement de collectivités.
En conséquence, je suis de ceux qui considèrent que l'exonération est obligatoire. Adopter un amendement qui la rendrait noir sur blanc obligatoire voudrait dire que nous serions prêts à considérer qu'il pourrait y avoir demain des bâtiments appartenant à des groupements de collectivités qui échapperaient à la règle générale d'exonération.
C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas l'amendement de M. Vasselle.
Je demande à M. le secrétaire d'Etat au budget d'étudier cette affaire de très près parce qu'une mesure administrative me paraît suffire pour considérer qu'une disposition du code général des impôts qui s'applique aux bâtiments communaux, affectés à des tâches d'intérêt général et non productifs de revenus, et aux bâtiments des groupements de collectivités est applicable également à un établissement public intercommunal, fût-il obligatoire et décidé par la loi.
C'est la raison pour laquelle, je le répète, je ne voterai pas l'amendement de M. Vasselle, non pas pour exprimer une opposition de principe à l'égard de la mesure, au contraire, mais pour attirer l'attention du Gouvernement et pour lui dire que, en fait, s'il y avait aujourd'hui un contentieux devant le Conseil d'Etat, je pense que les centres de gestion le gagneraient.
Par conséquent, notre ami Christian Sautter aurait tout intérêt à demander à ses services d'appliquer cette exonération, comme elle est applicable aux bâtiments des syndicats intercommunaux.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt et de satisfaction l'intervention de notre collègue M. Michel Charasse. J'ai également apprécié le fait qu'en opinant M. le secrétaire d'Etat semblait approuver cette intervention. (M. le secrétaire d'Etat sourit.)
Je veux simplement lui demander de bien vouloir me le confirmer, auquel cas c'est sans aucune difficulté que je retirerai cet amendement. Il serait en effet satisfait de par l'interprétation qu'il en ferait, dans la mesure où celle-ci serait identique à celle de M. Charasse.
Chacun se rappelle que M. Charasse a occupé les mêmes fonctions que celles qui sont aujourd'hui exercées par M. Sautter. Chacun sait, par ailleurs, qu'ils relèvent tous les deux de la même sensibilité politique et j'imaginerais assez difficilement qu'ils aient une différence d'interprétation non seulement sur les textes, mais également sur les modalités d'application de ceux-ci, ainsi que sur la conception qui doit être celle de l'administration à l'égard de l'ensemble des collectivités publiques et des groupements intercommunaux.
Enfin, il serait difficile d'expliquer aux maires des communes qui se trouvent regroupées dans un groupement intercommunal tel qu'un centre de gestion...
M. Michel Charasse. Qui sont obligatoires !
M. Alain Vasselle. En effet !
On aurait du mal à expliquer à ces maires, disais-je, qu'on n'appliquerait pas cette mesure en leur faveur, alors que le CNFPT, qui est une structure quasi identique regroupant l'ensemble des communes, des départements et des régions, en bénéficie.
Par conséquent, je ne doute pas de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. Si elle est effectivement positive, je retirerai bien volontiers mon amendement.
M. Michel Charasse. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je demande à M. Vasselle de bien vouloir retirer son amendement si M. Sautter accepte de consulter le Conseil d'Etat sur cette question.
Les textes sont tellement clairs que la réponse serait non moins claire.
M. Alain Vasselle. J'attends la réponse de M. le secrétaire d'Etat !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je participe à un débat enivrant, mais certains alcools trop forts ont besoin d'être humés avant d'être ingérés.
M. Charasse a trop de subtilité pour que je saisisse immédiatement ses suggestions, quelque sagaces qu'elles soient.
M. Michel Charasse. Cela ne coûte rien de saisir le Conseil d'Etat !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Après que M. Vasselle nous eut expliqué avec beaucoup de talent que la situation juridique était confuse, tel Alexandre, vous avez tranché ce noeud gordien, monsieur Charasse, comme beaucoup d'autres dans le passé
J'accepte de consulter le Conseil d'Etat en la matière, mais je ne me permettrai pas d'émettre un avis juridique sur une situation qui, selon M. Vasselle lui-même, est confuse.
M. le président. L'amendement n° 19 rectifié est-il maintenu, monsieur Vasselle ?
M. Alain Vasselle. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 19 rectifié est retiré et l'article 38 octies demeure supprimé.
Article 38 nonies