Séance du 11 juin 1998
M. le président. « Art. 31. - I. - L'intitulé du titre IV du livre VI du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigé : "Mise en oeuvre du droit au logement par la réquisition".
« II. - Au sein de ce titre, le chapitre unique devient le chapitre Ier, intitulé "Réquisition", et comprend les articles L. 641-1 à L. 641-14.
« III. - Il est créé, dans ce même titre, un chapitre II ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Réquisition avec attributaire
« Section 1
« Principes généraux
«
Art. L. 642-1
. - Afin de garantir le droit au logement, le préfet
peut réquisitionner des locaux sur lesquels une personne morale est titulaire
d'un droit réel conférant l'usage de ces locaux et qui sont vacants depuis plus
de dix huit mois, dans les communes où existent d'importants déséquilibres
entre l'offre et la demande de logement au détriment de personnes à revenus
modestes et de personnes défavorisées.
« La réquisition donne la jouissance des locaux à un attributaire, à charge
pour lui de les donner à bail à des personnes bénéficiaires visées à l'article
L. 642-4.
« Elle ouvre le droit pour l'attributaire de réaliser des travaux de mise aux
normes minimales de confort et d'habitabilité. L'attributaire en informe le
titulaire du droit d'usage.
« Les locaux régulièrement affectés à un usage autre que l'habitation peuvent,
à l'expiration de la réquisition, retrouver leur affectation antérieure sur
simple déclaration. »
«
Art. L. 642-2
. - L'attributaire de la réquisition peut être :
« 1° L'Etat ;
« 2° Une collectivité territoriale ;
« 3° Un organisme d'habitations à loyer modéré ;
« 4° Une société d'économie mixte dont l'objet est de construire ou de donner
à bail des logements ;
« 5° Un organisme agréé à cette fin par l'Etat. »
«
Art. L. 642-3
. - Les rapports entre l'Etat et les attributaires
mentionnés aux 2° à 5° de l'article L. 642-2 sont régis par une convention.
»
«
Art. L. 642-4
. - Les locaux sont donnés à bail aux personnes
justifiant de ressources inférieures à un plafond fixé par décret, et désignées
par le préfet en raison de leurs mauvaises conditions de logement. »
«
Art. L. 642-5
. - La durée de la réquisition est d'un an au moins et
de six ans au plus. Toutefois, si l'importance des travaux de mise aux normes
minimales de confort et d'habitabilité le justifie, elle peut être fixée pour
une durée supérieure, dans la limite de douze ans. »
«
Art. L. 642-6
. - Le titulaire du droit d'usage sur les locaux
réquisitionnés peut exercer un droit de reprise après neuf ans à compter de la
prise d'effet de l'arrêté de réquisition, dans les conditions prévues par
l'article L. 642-18. »
« Section 2
« Procédure
«
Art. L. 642-7
. - Le préfet peut commissionner des agents assermentés
afin de l'assister dans la procédure de réquisition. Ceux ci peuvent :
« 1° Consulter les fichiers des organismes chargés de la distribution de
l'eau, du gaz, de l'électricité, du téléphone, ainsi que les fichiers tenus par
les professionnels de l'immobilier, en vue de prendre connaissance des
informations strictement nécessaires à la recherche des locaux vacants, à la
détermination de la durée de la vacance et à l'identification du titulaire du
droit d'usage sur les locaux ; les agents sont tenus au secret quant aux
informations qui leur sont communiquées ;
« 2° Visiter, accompagnés le cas échéant d'experts, les locaux susceptibles
d'être réquisitionnés ; le titulaire du droit d'usage donne son accord pour
cette visite ; à défaut, celle-ci ne peut avoir lieu que sur autorisation du
juge judiciaire. »
«
Art. L. 642-8
. - Les services fiscaux fournissent au préfet les
informations nominatives dont ils disposent sur la vacance. »
«
Art. L. 642-9
. - Après avoir sollicité l'avis du maire, le préfet
notifie au titulaire du droit d'usage des locaux son intention de procéder à
une réquisition.
« La notification indique les motifs et la durée de la réquisition envisagée.
»
«
Art. L. 642-10
. - Dans un délai de deux mois à compter de la
notification, le titulaire du droit d'usage sur les locaux peut faire connaître
au préfet :
« 1° Son accord ou son opposition ;
« 2° Son intention de mettre fin à la vacance dans un délai de trois mois au
plus à compter de la notification ;
« 3° Son engagement d'effectuer les travaux nécessaires pour mettre fin
lui-même à la vacance ; dans ce cas, un échéancier est soumis à l'approbation
du préfet. »
«
Art. L. 642-11
. - A compter de la réponse du titulaire du droit
d'usage ou à l'issue du délai de deux mois et au plus tard quatre mois à
compter de la notification de l'intention de réquisitionner, le préfet notifie
au titulaire du droit d'usage sa décision, qui peut prendre l'une des formes
suivantes :
« 1° Arrêté de réquisition motivé ;
« 2° Accord sur l'échéancier prévu au 3° de l'article L. 642-10 ;
« 3° Abandon de la procédure. »
«
Art. L. 642-12
. - Le titulaire du droit d'usage qui s'est engagé à
mettre fin à la vacance justifie de l'exécution de son engagement sur la
demande du préfet.
« En l'absence de justification utile, le préfet peut notifier l'arrêté de
réquisition. »
«
Art. L. 642-13
. - A défaut d'adresse connue du titulaire du droit
d'usage ou à défaut de retour dans les dix jours de l'accusé de réception de la
notification, les notifications prévues à l'article L. 642-9 et au 1° de
l'article L. 642-11 sont affichées à la porte des locaux ; dans ce cas,
l'affichage vaut notification. A compter de la notification de l'arrêté de
réquisition, le préfet peut requérir la force publique pour entrer dans les
lieux. »
« Section 3
« Relations entre le titulaire du droit d'usage des locaux
et l'attributaire de la réquisition
«
Art. L. 642-14
. - Sous réserve des dispositions du présent chapitre,
les sections 1 et 2 du chapitre II du titre VIII du livre III du code civil
relatif au louage de choses sont applicables aux relations entre le titulaire
du droit d'usage des locaux et l'attributaire. »
«
Art. L. 642-15
. - A compter de la prise de possession, l'attributaire
verse mensuellement une indemnité au titulaire du droit d'usage.
« Cette indemnité est égale au loyer défini à l'article L. 642-22, déduction
faite de l'amortissement du montant des travaux nécessaires et payés par lui
pour satisfaire aux normes minimales de confort et d'habitabilité, et des frais
de gestion des locaux.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de cet amortissement et du
calcul des frais de gestion. »
«
Art. L. 642-16
. - Le juge judiciaire fixe, le cas échéant,
l'indemnisation par l'Etat du préjudice matériel, direct et certain, causé par
la mise en oeuvre de la réquisition. »
«
Art. L. 642-17
. - La transmission des locaux, à titre onéreux ou
gratuit, n'affecte pas la réquisition. »
«
Art. L. 642-18
. - Le titulaire du droit d'usage peut exercer le droit
de reprise prévu à l'article L. 642-6 à condition d'avoir :
« 1° Adressé à l'attributaire un préavis d'un an ;
« 2° Indemnisé celui-ci, trois mois avant l'expiration du délai de préavis, du
montant des travaux non amortis. »
«
Art. L. 642-19
. - Le juge judiciaire connaît du contentieux des
relations entre le titulaire du droit d'usage des locaux et l'attributaire de
la réquisition. »
«
Art. L. 642-20
. - Les conditions d'application des sections 1, 2 et 3
du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
« Section 4
« Relations entre l'attributaire et le bénéficiaire
«
Art. L. 642-21
. - Le bail, conclu entre l'attributaire et le
bénéficiaire, est régi par la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à
améliorer les rapports locatifs, sous réserve des dispositions de la présente
section. »
«
Art. L. 642-22
. - Le loyer est déterminé en fonction du prix de base
au mètre carré de surface habitable, fixé par décret.
« Il est révisé chaque année en fonction de la variation moyenne de l'indice
du coût de la construction et des indices des trois trimestres qui
précèdent.
« Il est payé mensuellement à terme échu. »
«
Art. L. 642-23
. - Le contrat est conclu pour une durée d'un an, ou
pour la durée restant à courir de la réquisition, si celle-ci est inférieure à
un an. Ce contrat de location ne comporte aucun dépôt de garantie ni caution
simple ou solidaire.
« Trois mois avant l'expiration de cette durée, le préfet peut proposer au
bénéficiaire un autre logement correspondant à ses besoins et à ses
possibilités. Le bénéficiaire qui n'accepte pas l'offre de relogement est déchu
de tout titre d'occupation au terme du contrat prévu à l'alinéa précédent, sauf
pour motif légitime et sérieux.
« A défaut d'offre de relogement, le bail est reconduit pour une durée d'un
an, ou pour la durée de la réquisition restant à courir, si celle-ci est
inférieure à un an. »
«
Art. L. 642-24
. - Le bénéficiaire peut donner congé à tout moment,
avec un délai de préavis d'un mois. »
«
Art. L. 642-25
. - Le bénéficiaire ne peut céder le contrat de
location, ni sous-louer le logement. »
«
Art. L. 642-26
. - Si le titulaire du droit d'usage n'a pas proposé au
bénéficiaire un contrat de location au plus tard trois mois avant la fin de la
réquisition, l'attributaire, ou sinon le préfet, est tenu de proposer au
bénéficiaire qui remplit les conditions pour l'attribution d'un logement
d'habitations à loyer modéré la location d'un logement correspondant à ses
besoins et à ses possibilités.
« Le bénéficiaire qui n'a pas conclu de contrat de location ou accepté l'offre
de relogement, sauf pour motif légitime et sérieux, est déchu de tout titre
d'occupation à l'expiration de la réquisition. »
« Section 5
« Dispositions pénales
«
Art. L. 642-27
. - I. - Sont punis d'un an d'emprisonnement et de 100
000 F d'amende :
« 1° Le fait de dissimuler, par des manoeuvres frauduleuses, la vacance de
locaux ;
« 2° Le fait de détruire, dégrader ou détériorer des locaux ayant fait l'objet
d'une notification d'intention de réquisitionner, dans le but de faire obstacle
à une réquisition avec attributaire.
« II. - Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables
dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal.
« Elles encourent une peine d'amende, suivant les modalités prévues par
l'article 131-38 du même code.
« III. - Le tribunal peut également ordonner que les travaux de remise en état
seront exécutés aux frais du condamné. »
Sur les articles L. 642-1 à L. 642-27 du code de la construction et de
l'habitation, je suis saisi d'un certain nombre d'amendements.
ARTICLE L. 642-1 DU CODE DE LA CONSTRUCTION
ET DE L'HABITATION
M. le président.
Par amendement n° 120, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois,
propose, au premier alinéa du texte présenté par l'article 31 pour l'article L.
642-1 du code de la construction et de l'habitation, après les mots : « peut
réquisitionner », d'insérer les mots : « , pour une durée d'un an au moins et
de six ans au plus, ».
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Tout au long de la discussion de cet article 31, vous
constaterez, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que la
commission des lois a été animée par un triple souci.
D'abord, faire en sorte que ce qui est, qu'on le veuille ou non, une atteinte
forte au droit de propriété ne le soit que dans des proportions acceptables.
Ensuite, faire en sorte que l'on évite au maximum les contentieux en la
matière. Enfin, faire en sorte que le dispositif puisse être mis en
application.
S'agissant de son premier souci, la commission des lois a considéré qu'il
n'était pas bon de ne pas afficher dès le départ dans le texte la réalité de ce
dont on parle.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi renvoie à l'article L.
642-5 du code de la construction et de l'habitation, c'est-à-dire cinq articles
plus loin, la matérialité de ce que va être le concept même de réquisition, que
la commission des lois accepte comme étant une réponse à une situation de crise
et de difficultés, que nous espérons tous temporaire.
La réquisition est une procédure suffisamment lourde pour que l'on en cerne
les contours dès le départ. C'est la raison pour laquelle la commission des
lois demande au Sénat de faire remonter de l'article L. 642-5 du code de la
construction et de l'habitation à l'article L. 642-1 du même code la définition
de ce qu'est réellement la réquisition, étant entendu qu'un cas de dérogation
figurera également dans l'article L. 641.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
Sur l'article 31, la commission des affaires sociales s'en
est largement remise à la commission des lois.
Lors de sa réunion consacrée à l'examen des amendements, elle a émis un avis
favorable sur l'amendement n° 120, comme sur l'ensemble des autres amendements
déposés par la commission des lois sur cet article.
Dans ces conditions, je souhaite, monsieur le président, que M. Paul Girod
puisse formuler lui-même les avis qui ont été émis par la commission des
affaires sociales sur les amendements qui visent à compléter ou à modifier le
dispositif.
M. le président.
J'en prends acte, monsieur le rapporteur.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 120 ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Dans la mesure où un amendement ultérieur vise à
reprendre la durée maximale telle qu'elle était envisagée dans le texte
initial, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 120, accepté par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 403, MM. Vinçon, Vasselle et Doublet proposent, dans le
premier alinéa du texte présenté par le III de l'article 31 pour l'article L.
642-1 du code de la construction et de l'habitation, de remplacer les mots : «
dix-huit mois » par les mots : « deux ans ».
La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon.
Cet amendement vise à porter de dix-huit mois à deux ans le délai de vacance
qui permet au préfet de réquisitionner des logements vides.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des lois ?
M. Paul Girod,
rapporteur pour avis.
La commission des lois, saisie, pour avis, n'a pu
examiner cet amendement. Cependant, cet amendement est acceptable d'autant que
le délai qu'il prévoit est identique à celui qui était envisagé par le
Gouvernement pour la taxe de vacance.
M. Serge Vinçon.
Effectivement !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
La procédure contradictoire qui est menée après la
notification de l'intention de réquisitionner aboutit à un délai effectif de
vacance qui est en fait supérieur à deux ans, même si on prévoit un délai de
dix-huit mois. Le Gouvernement préfère maintenir le délai de dix-huit mois.
Aussi, il émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 403, accepté par la commission des lois et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 355, Mme Terrade, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A. - De compléter
in fine
le premier alinéa du texte présenté par le
III de l'article 31 pour l'article L. 642-1 du code de la construction et de
l'habitation par les mots suivants : « ainsi que dans les communes où le taux
de logements sociaux est inférieur à 20 % ».
B. - Pour compenser les pertes de ressources résultant du A ci-dessus, de
compléter
in fine
cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé
:
« Les pertes de ressources résultant de l'élargissement des possibilités de
réquisition du préfet dans les communes où le taux de logements sociaux est
inférieur à 20 % sont compensées par une réduction à due concurrence du taux
prévu au
e
du 1° de l'article 31 du code général des impôts. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Cet amendement vise à élargir les conditions de réquisition.
Le texte initial prévoit que la réquisition est permise dans les collectivités
où il existe un important déséquilibre entre l'offre et la demande.
Or, cette condition évince évidemment certaines collectivités du
dispositif.
On l'a dit précédemment, si on compare le nombre de logements sociaux de La
Courneuve et de Neuilly et ensuite le nombre de demandes de logements sociaux,
le constat est clair : La Courneuve détient tous les records. Pourquoi ?
Simplement parce qu'il ne rime à rien de demander à accéder à un logement
social dans une ville qui n'en a pas ou quasiment pas.
C'est la raison pour laquelle nous vous proposons de voter notre amendement,
qui vise à étendre les dispositions de la réquisition y compris aux villes dans
lesquelles le taux de logements sociaux est inférieur à 20 %.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des lois ?
M. Paul Girod,
rapporteur pour avis.
L'avis est défavorable. Je note d'ailleurs au
passage que le Gouvernement prévoit des réquisitions selon un critère de
déséquilibre entre l'offre et la demande de logements à caractère social qui
s'applique à des communes, et non à des agglomérations. Elargir le champ
d'application du dispositif autant que le prévoit l'amendement créerait des
déséquilibres graves.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement souhaite attirer l'attention des
auteurs de l'amendement n° 355 sur le fait que, dans son esprit, les communes
dans lesquelles il y a un déficit de logements sociaux entrent déjà dans le
champ d'application de la loi, puisque le texte du projet de loi prévoit
qu'elle s'applique dans les communes où existent d'importants déséquilibres
entre l'offre et la demande de logements, au détriment des personnes à revenus
modestes et des personnes défavorisées.
Il est clair que moins il y a de logements sociaux et plus le déséquilibre est
constaté, et c'est bien cela le champ d'application de la mesure.
En réalité, je ne vois pas d'objection à ce qu'on le précise, mais
l'amendement est déjà satisfait. Je souhaitais rassurer les auteurs de cet
amendement sur ce point.
M. le président.
Madame Borvo, l'amendement n° 355 est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo.
Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 355 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 121, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois,
propose, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 31 pour
l'article L. 642-1 du code de la construction et de l'habitation, d'insérer un
alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables aux sociétés
civiles constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième
degré inclus. »
Par amendement n° 404, MM. Pasqua, Vasselle, Gournac et Ostermann proposent,
après le premier alinéa du texte présenté par le III de l'article 31 pour
l'article L. 642-1 du code de la construction et de l'habitation, d'insérer un
alinéa additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables aux locaux des
sociétés civiles constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu'au
quatrième degré inclus. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis, pour défendre
l'amendement n° 121.
M. Paul Girod,
rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à exclure du champ de la
réquisition possible les personnes morales qui sont des sociétés civiles
composées de personnes physiques parentes les unes des autres.
Pour la gestion de leur patrimoine immobilier, ne serait-ce qu'en raison de la
préparation d'une succession, ou simplement parce qu'ils vivent en concubinage
- ce qui, pour l'instant, est une situation plus fréquente que certains ne le
souhaitent, mais moins rare qu'on ne le croit - nombre de nos compatriotes sont
conduits à constituer une société civile pour faire en sorte que les droits des
uns et des autres, sur ce qui est un patrimoine commun, soient convenablement «
affichés ».
Il serait tout de même souhaitable que ces sociétés civiles immobilières
familiales soient exclues du champ de la réquisition. Tel est l'objet de
l'amendement n° 121.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle, pour présenter l'amendement n° 404.
M. Alain Vasselle.
Cet amendement vise à étendre aux sociétés civiles immobilières à caractère
familial la non-application du dispositif de réquisition aux personnes
physiques.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des lois ?
M. Paul Girod,
rapporteur pour avis.
Cet amendement est pratiquement identique à
l'amendement n° 121.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 121 et 404 ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement ne voit pas d'objection de fond à
l'adoption de la disposition qui est proposée par ces amendements qui sont
quasi identiques. Il se doit néanmoins d'appeler l'attention de la Haute
Assemblée sur le très sérieux problème de la constitutionnalité qu'ils
soulèvent. La différence de traitement entre personnes morales à raison de leur
forme juridique apparaît très difficilement justifiable au regard de la
jurisprudence constitutionnelle.
Cela étant dit, le Gouvernement prend l'engagement, puisque ce sont ses
intentions, de réserver la réquisition aux seuls locaux détenus par des
organismes publics et parapublics ou par des investisseurs institutionnels. La
réquisition ne sera donc pas appliquée sans discernement. Aussi, sans
l'adoption de cette disposition qui pose le problème de constitutionnalité que
j'ai évoqué, le Gouvernement s'engage à satisfaire ces amendements dans leur
esprit et sur le fond.
M. Paul Girod,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod,
rapporteur pour avis.
J'entends bien, monsieur le secrétaire d'Etat, et
je prends acte avec satisfaction de l'engagement que vient de prendre le
Gouvernement.
Cela étant dit, je ne suis pas totalement convaincu par l'argument
d'inconstitutionnalité. En effet, si on allait jusqu'au bout du raisonnement,
les personnes morales et les personnes physiques sont des personnes et, à ce
titre, l'inconstitutionnalité pourrait s'appliquer de la même manière.
Par conséquent, il serait préférable, si le Sénat en est d'accord, d'adopter
l'amendement en l'état pour que l'on puisse, par la suite, faire une analyse
plus approfondie, en attendant la commission mixte paritaire, voire la nouvelle
lecture. Et si le Conseil constitutionnel est amené à trancher, il tranchera
!
Je ferai tout de même remarquer que l'expression utilisée est celle qui figure
à l'article 13 de la loi du 6 juillet 1989, que chacun dans cette enceinte et
en cet instant connaît plus ou moins personnellement.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le président, notre amendement étant semblable à celui de la
commission des lois, nous le retirons au profit de celui-ci.
M. le président.
L'amendement n° 404 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 121.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 122, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois,
propose de rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte présenté par
l'article 31 pour l'article L. 642-1 du code de la construction et de
l'habitation :
« Les locaux réquisitionnés sont donnés à bail par un attributaire à des
personnes bénéficiaires visées à l'article L. 642-4. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod,
rapporteur pour avis.
Là encore la commission des lois essaie de chasser
toute ambiguïté, et son souci est de faire en sorte que les locaux
réquisitionnés qui vont être mis à la disposition d'un attributaire soient
effectivement loués par ce dernier à des bénéficaires et non pas utilisés pour
y loger, par exemple, ses propres bureaux.
Je crois que le Gouvernement a quelques objections sur cette rédaction, mais,
sur le fond, je ne suis pas sûr que nous soyons très éloignés les uns les
autres.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
On ne peut rien cacher à M. Paul Girod : il a
effectivement raison !
L'amendement n° 122 vise à supprimer la phrase prévoyant que la réquisition
permet de donner la jouissance des locaux à un attributaire. Par conséquent,
s'il était adopté, le texte ainsi amendé prévoirait que l'attributaire donne à
bail les logements réquisitionnés sans préciser comment il devient bailleur. Il
manquerait donc une étape dans la procédure.
Le Gouvernement souhaite par conséquent que la commission des lois et son
rapporteur pour avis puissent admettre son argumentation, qui lui semble
fondée.
M. Paul Girod,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod,
rapporteur pour avis.
A partir de l'instant où nous sommes d'accord sur
le fait que l'attributaire ne peut pas se servir des locaux à son propre usage,
nous sommes d'accord sur le fond.
Cela étant, l'objection de M. le secrétaire d'Etat sur le fait qu'il est
nécessaire de garder une étape intermédiaire n'est pas sans fondement. Je
retire donc l'amendement n° 122.
M. le président.
L'amendement n° 122 est retiré.
Par amendement n° 123, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois,
propose de rédiger comme suit la première phrase du troisième alinéa du texte
présenté par l'article 31 pour l'article L. 642-1 du code de la construction et
de l'habitation :
« La réquisition ouvre le droit pour l'attributaire de réaliser des travaux,
payés par lui, de mise aux normes minimales de confort et d'habitabilité. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod,
rapporteur pour avis.
L'amendement n° 123 tend à apporter une précision.
L'attributaire va recevoir des locaux ; il va y faire réaliser des travaux. Il
est prévu, plus tard, - nous en reparlerons - que l'indemnité qu'il doit au
titulaire du droit d'usage est réduite de l'amortissement des travaux. Encore
faut-il savoir qui a payé les travaux ; cela ne veut pas dire qu'il les
finance, car il peut très bien recevoir des subventions à cet effet. A tout le
moins est-il nécessaire de bien préciser que c'est l'attributaire qui est le
maître d'ouvrage et que c'est lui qui paie les travaux, de façon qu'il ne
puisse pas y avoir de recours contre le propriétaire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement considère que la précision que vise à
apporter l'amendement n° 123 n'est pas incompatible avec le fait que
l'amortissement du montant des travaux soit imputé sur l'indemnité versée au
propriétaire, comme le prévoit le texte proposé pour l'article L. 642-15 du
code de la construction et de l'habitation.
Dans ces conditions, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute
Assemblée.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 123, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 124, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois,
propose de rédiger comme suit la seconde phrase du troisième alinéa du texte
présenté par l'article 31 pour l'article L. 642-1 du code de la construction et
de l'habitation :
« L'attributaire informe le titulaire du droit d'usage de la nature des
travaux et de leur délai d'exécution ; il lui communique le tableau
d'amortissement du coût de ces travaux. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod,
rapporteur pour avis.
Il s'agit là d'un problème de transparence.
L'attributaire reçoit les locaux. Il va y faire un certain nombre de travaux,
lesquels peuvent être très importants.
Nous souhaitons donc qu'il y ait une parfaite transparence entre le titulaire
du droit d'usage et l'attributaire : il faut que le détenteur du droit d'usage
soit au moins informé de ce qui se passe dans des biens qui restent les siens,
mais qui peuvent éventuellement être très profondément transformés, avec des
conséquences financières qui ne sont pas négligeables.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
La précision que vise à apporter cet amendement n'est
sans doute pas de nature législative et ne mérite peut-être pas de figurer dans
cet article qui est un article de principe.
Toujours est-il que, sur le fond, cet amendement ne pose bien évidemment pas
de problème. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée
sur ce point.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 124, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 125, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois,
propose, avant le dernier alinéa du texte présenté par l'article 31 pour
l'article L. 642-1 du code de la construction et de l'habitation, d'insérer un
alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, lorsque l'importance
des travaux de mise aux normes minimales de confort et d'habitabilité le
justifie, la durée de la réquisition peut être supérieure à six ans, dans la
limite de douze ans. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod,
rapporteur pour avis.
Nous retrouvons ce qui était le souci de M. le
secrétaire d'Etat voilà quelques instants.
Vous avez indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat, que la disposition contenue
dans l'amendement n'était sans doute pas de nature législative. Mais nous
sommes d'une certaine manière sur une remise en cause assez profonde du droit
de propriété. C'est la raison pour laquelle la commission des lois souhaite
qu'au texte proposé pour l'article L. 642-1, on cadre bien tout le système,
transparence incluse ; l'information du titulaire du droit d'usage par
l'attributaire réalisant les travaux me semble faire partie de cette définition
globale.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'Etat, pour la
commission des lois constitutionnelles - et j'insiste sur l'adjectif «
constitutionnelles » que j'avais d'ailleurs déployé comme une bannière lors de
mon intervention dans la discussion générale - pour la commission des lois
constitutionnelles, disais-je, qui, entre autres, a à veiller aux principes
constitutionnels parmi lesquels se trouve, au premier chef, le droit de
propriété, affirmé par l'article XVII de la Déclaration des droits de l'homme,
les dérogations doivent être exceptionnelles, très fortement motivées et
extrêmement encadrées. Nous acceptons l'idée de monter jusqu'à douze ans, mais
nous vous supplions de faire figurer cette disposition dans le texte proposé
pour l'article L. 642-1 et non pas dans le texte proposé pour l'article L.
642-6.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Dans la mesure où nous avons abordé l'examen des
amendements sans discussion préalable sur l'article, il me faut procéder à un
très bref rappel.
Nous sommes en train de substituer un texte sur la réquisition au texte de
base qu'était l'ordonnance de 1945.
Il est vrai que nous sommes là sur un dossier qui concerne le droit de
propriété ; mais je rappelle que l'ordonnance de 1945 ne faisait pas de
distinction entre personnes morales et personnes physiques et prévoyait que la
réquisition pouvait affecter aussi bien la sous-occupation que la vacance. Par
conséquent, les dispositions dont nous discutons visent à moderniser
considérablement l'ordonnance de 1945 et à alléger les contraintes.
L'amendement n° 125 est parfaitement cohérent avec l'amendement n° 120 qui a
été précédemment adopté. Bien évidemment, dans un souci de cohérence, le
Gouvernement y est favorable, car, s'il était repoussé, la durée de douze ans
ne serait plus possible, alors que c'est un objet fort de la modification
proposée.
M. Paul Girod,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod,
rapporteur pour avis.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je me permettrai de
faire une observation parallèle en forme d'antithèse de ce que vous venez de
dire.
Vous nous dites que nous transformons l'ordonnance de 1945. Pardonnez-moi,
mais il n'est dit nulle part dans le projet de loi que l'ordonnance de 1945 est
abrogée. Elle demeure, et vous en aurez d'ailleurs besoin, même si elle est
devenue obsolète sur bien des points, y compris sur le service local du
logement.
Par conséquent, on ne peut pas dire que l'on remplace des dispositions de 1945
par des dispositions de 1998. On crée un nouveau système de réquisition
a
priori,
et non sur personne désignée, comme c'était le cas en 1945.
Rappelons-nous dans quelle ambiance l'ordonnance de 1945 a été prise : à
l'époque, plusieurs millions de personnes avaient vu leurs habitations
totalement détruites. Il s'agissait donc de partager une pénurie de locaux pour
que tout le monde ait un toit.
Pour l'instant, il s'agit de partager un excès de locaux imprudemment affectés
à des destinations autres que celle du logement ou exagérément retenus par tel
ou tel type d'investisseurs. Vous avez dit vous-même tout à l'heure, monsieur
le secrétaire d'Etat, que les sociétés civiles immobilières de caractère
familial serait exclues du processus. Nous ne sommes donc pas tout à fait sur
la même longueur d'onde, dans le même contexte et dans la même situation de
crise suraiguë qu'en 1945.
Le souci de la commission des lois - je l'ai d'ailleurs dit dans la discussion
générale, monsieur le secrétaire d'Etat - est de faire en sorte que, de
gouvernement à gouvernement, l'adoption de ce projet de loi, si nécessaire
soit-elle, permette de résoudre provisoirement des difficultés qu'éprouve une
certaine catégorie de nos concitoyens à cause de la crise. Mais, sauf
affirmation contraire de votre part, je ne crois pas que votre souci soit de
nous amener insidieusement à remettre en cause ce fondement des sociétés
occidentales qu'est le droit de propriété.
Par conséquent, quand on aborde un principe de cet ordre, il faut le faire à
pas prudents ou d'une main tremblante, suivant la manière dont on conçoit les
choses.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois cherche à encadrer le
dispositif de manière très stricte et très prudente mais en même temps
prospective, car elle est ouverte, comme tout le monde, à la solidarité
nationale et à la nécessité d'aider nos concitoyens en difficultés. Elle
cherche en effet à faire en sorte que les choses se passent le mieux
possible.
L'ordonnance de 1945 n'est pas remplacée ; elle est toujours là et, sur des
cas ponctuels, vous pouvez en avoir besoin, monsieur le secrétaire d'Etat. Le
projet de loi vise à la création d'un nouveau système de passage presque en
force de la puissance publique sur les droits privés. Concevez que nous
l'encadrions un peu !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 125, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 642-1 du code de
la construction et de l'habitation.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 642-2 DU CODE DE LA CONSTRUCTION
ET DE L'HABITATION