Séance du 12 juin 1998







M. le président. « Art. 53. - I. - Le dernier alinéa de l'article 706 du code de procédure civile (ancien) est abrogé.
« II. - Après l'article 706 du code de procédure civile (ancien), il est inséré un article 706-1 ainsi rédigé :
« Art. 706-1 . - Si le montant de la mise à prix a été réévalué dans les conditions prévues au sixième alinéa de l'article 690 et s'il n'y a pas d'enchère, le bien est remis en vente, au prix ainsi fixé, à une audience d'adjudication qui ne peut être éloignée de plus de trente jours.
« L'adjudication remise est annoncée quinze jours au moins à l'avance par un avis du greffe à la porte du tribunal et, le cas échéant, par toute autre mesure de publicité ordonnée par le juge.
« A l'audience de renvoi, le juge procède à la remise en vente sans que le poursuivant ait à réitérer sa demande, sous réserve d'une déclaration expresse d'abandon des poursuites.
« A défaut d'enchère lors de cette audience, le bien est adjugé d'office au créancier poursuivant au prix mentionné au premier alinéa ci-dessus. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 177, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 333 rectifié, MM. Ostermann, Vasselle, Grignon, Doublet, Eckenspieller, Gournac et Vinçon proposent de compléter in fine le texte présenté par le paragraphe II de cet article pour l'article 706-1 du code de procédure civile (ancien) par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, dans le cas de copropriétés en difficulté, lorsque le créancier poursuivant est un syndicat de copropriété, si le montant de la mise à prix a été fixé dans les conditions prévues au sixième alinéa de l'article 690 et s'il n'y a pas eu d'enchère, le bien est immédiatement remis en vente sur baisses successives du prix fixées par le juge le cas échéant jusqu'au montant de la mise à prix initiale. A défaut d'adjudication, le poursuivant est déclaré adjudicataire pour la mise à prix initiale. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 177.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Au cours de la discussion générale, j'ai eu l'occasion d'exposer la position de la commission des lois sur l'ensemble du chapitre concernant la saisie immobilière et j'ai déploré le fait que le Gouvernement ne laisse apparemment pas vivre le dispositif de la loi du 23 janvier 1998 qui prévoit un système aux termes duquel, nous semble-t-il, les intérêts du débiteur comme ceux du créancier sont mieux protégés que par le système que le Gouvernement nous propose.
Quel est le système actuellement en vigueur et encore inappliqué ?
Le créancier demande la saisie d'un bien, annonce le montant de sa créance et demande la mise aux enchères à un prix correspondant à sa créance.
Le débiteur considère que ce prix est inférieur au prix réel du bien. Cela peut parfaitement arriver car la créance peut avoir été partiellement remboursée s'il s'agit d'un bien immobilier financé au moyen d'un prêt bancaire. Il demande donc au juge de fixer un autre niveau de mise à prix. La vente aux enchères sur saisie a lieu selon cette mise à prix.
Il peut arriver, pour des raisons soit arrangées - et nous en parlerons - soit simplement d'inexistence d'acheteur potentiel, que cette mise à prix ne soit pas couverte.
Il est prévu dans le système actuel une seconde mise aux enchères avec une mise à prix descendante entre le prix fixé par le juge et le prix demandé par le créancier, étant entendu que la première enchère portée dans cette formule descendante ne vaut pas attribution automatique à l'enchérisseur puisque, à ce moment, si le marché se crée, l'enchère repart à la hausse. En conséquence, une personne devient attributaire à un prix découlant normalement d'une enchère publique classique.
Le dispositif qui nous est proposé est différent : la seconde mise aux enchères a lieu au même prix que celui qui a été fixé par le juge ; s'il n'y a pas d'enchérisseur, le créancier se trouve être attributaire de plein droit à ce prix, donc à un prix non accepté par lui.
Le créancier n'a plus que trois solutions. Première solution : il accepte. Deuxième solution : il trouve quelqu'un pour se substituer à lui dans un délai de deux mois. Troisième solution : il ne lève pas le titre de propriété deux mois après. Dans ce dernier cas, l'enchère repart à zéro - c'est la folle enchère - et plus personne n'est protégé, ni le débiteur ni le créancier. Il s'agit là d'une vente parfaitement arrangée dans laquelle quelqu'un achète le « bien pour une bouchée de pain », comme on dit familièrement.
La commission des lois ne le veut pas. Elle souhaite donc que l'on abandonne ce dispositif qui lui semble fou et qui pourrait, par exemple, mettre une copropriété dans une situation infernale.
Je vous rappelle que les copropriétés ont un privilège en ce qui concerne les charges de copropriété : elles demandent la mise aux enchères du bien au niveau des charges qu'elles veulent récupérer ; le juge fixe un autre prix correspondant au prix de l'appartement - par exemple, 300 000 francs à récupérer, pour un appartement d'une valeur d'un million de francs. La copropriété se trouve en situation soit d'abandonner sa créance, soit de rembourser 700 000 francs pour devenir acquéreur d'un bien dont elle n'a que faire.
Ce dispositif est déjà intellectuellement insatisfaisant ; qui plus est, dans la réalité quotidienne, il se révèlera impossible à appliquer ou terriblement dangereux.
C'est la raison pour laquelle, sous réserve de l'adoption de l'amendement qui viendra ultérieurement en discussion et par le biais duquel il vous sera demandé de lutter contre la vente arrangée par modification du régime de la publicité de ces ventes, il nous semble plus sage de s'en tenir au dispositif actuel ainsi amélioré.
Cet amendement de suppression de l'article 53 - d'autres suivront - fait que c'est le texte actuellement en vigueur qui sera applicable, qu'on restera sur un système qui n'a pas vraiment été expérimenté. Nous déplorons cette initiative tendant à adopter un nouveau dispositif qui risque de brouiller les esprits pendant un certain temps.
M. le président. L'amendement n° 333 rectifié est-il soutenu ?...
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 177 ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement y est défavorable n° 177.
Le mécanisme institué par la loi du 23 janvier 1998 pour permettre une réduction progressive du montant de la mise à prix réévaluée par le juge au montant de la mise à prix initiale en l'absence d'enchères prive d'effet cette réévaluation.
En effet, il y a lieu de craindre que ce système n'incite les enchérisseurs à attendre la baisse de la mise à prix pour porter les premières enchères, dans l'espoir d'emporter le bien au meilleur prix.
Lors de l'adoption de la loi du 23 janvier 1998, j'avais eu l'honneur d'attirer l'attention de la Haute Assemblée sur cet inconvénient et sur ce risque et j'avais fait état du souci qu'aurait le Gouvernement de chercher à perfectionner ce dispositif.
Aux yeux du Gouvernement, le nouvel article 706-1 du code de procédure civile ancien remédie à cet inconvénient en prévoyant que, en l'absence d'enchère sur la mise à prix réévaluée, le bien est remis en vente à une seconde audience, après de nouvelles mesures de publicité.
Ce renvoi ouvre une seconde possibilité de vendre le bien à un prix supérieur à la mise à prix fixée par le juge et de permettre un meilleur apurement du passif, ce qui est évidemment très important.
En outre, à défaut d'enchérisseur, le créancier auquel le bien a été adjugé au montant de la mise à prix réévaluée peut se faire substituer toute personne de son choix. Le dispositif est donc assorti de garanties pour le créancier poursuivant.
Il permet en définitive de concilier les droits du créancier et du débiteur en assurant la réalisation de l'immeuble dans des conditions économiques plus satisfaisantes.
J'ai bien entendu M. Paul Girod objecter que la loi du 23 janvier 1998 n'a pas encore pu produire tous ses effets. Mais, comme nous avions des craintes sur ses conséquences dès son adoption, nous avions annoncé notre souci d'améliorer le dispositif.
Comme cette loi relative au surendettement n'a effectivement pas encore créé de situations de fait, le Gouvernement estime qu'il serait opportun de ne pas tarder à l'améliorer. Tel est l'objet des dispositions proposées et le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement de suppression.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 177, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 106:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 219
Contre 97

En conséquence, l'article 53 est supprimé.

Article additionnel après l'article 53