Séance du 12 juin 1998
M. le président. Par amendement n° 334 rectifié bis , MM. Ostermann, Vasselle, Grignon, Doublet, Eckenspieller, Gournac, Vinçon et de Gaulle proposent d'insérer, après l'article 62, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré dans le code de la construction et de l'habitation, après l'article L. 613-5, deux articles ainsi rédigés :
« Art. L. 613-5-1 . - Lorsqu'en application de l'article 1244-1 du code civil, de l'article 62 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution ou des articles L. 613-1 et L. 613-2 du présent code, le juge accorde des délais aux occupants d'un local d'habitation dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, le propriétaire est indemnisé par l'Etat dans les conditions suivantes :
« L'indemnité est due pendant les délais accordés par le juge et au plus tard jusqu'à la date à laquelle le propriétaire retrouve la libre disposition des locaux.
« Le montant de l'indemnité est égal au dernier loyer pratiqué, auquel s'ajoute celui des charges locatives, et dont se déduisent les versements faits par les occupants.
« Art. L. 613-5-2. - Lorsque l'Etat refuse d'accorder le concours de la force publique à l'expulsion des occupants d'un local à usage d'habitation, la réparation mentionnée à l'article 16 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution prend, sans préjudice d'un complément d'indemnisation accordé par les juridictions compétentes, la forme de l'indemnisation suivante :
« L'indemnité est due pendant la durée du refus du concours de la force publique et au plus tard à la date à laquelle le propriétaire retrouve la libre disposition des locaux.
« Le montant de l'indemnité est égal au dernier loyer pratiqué à la date de résiliation du contrat de location, auquel s'ajoute celui des charges locatives, et dont se déduisent les versements faits par les occupants.
« II. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter du 1er janvier 1999.
« III. - Les charges résultant pour l'Etat de l'application du présent article sont compensées par le relèvement à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ainsi que par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle. Cet amendement vise à prévoir une indemnité pour les propriétaires lésés par les délais supplémentaires accordés aux locataires insolvables pour se maintenir dans les lieux, introduits aux articles 58 - procédure de résiliation de plein droit des baux d'habitation - et 62 - recours à la force publique en matière d'expulsion - du projet de loi.
Il est, en effet, tout à fait inacceptable de transférer sur le propriétaire la charge du logement des personnes en difficulté. Droit au logement et droit de propriété sont complémentaires et non concurrents car, sans propriétaires, point d'offre locative.
Or, faute de pouvoir obtenir de leur logement les revenus qui leur reviennent, les Français risquent de se détourner de cet investissement au risque de prolonger l'insuffisance de l'offre de logements sur le marché.
En outre, s'ils n'ont plus l'assurance que la loi sera appliquée efficacement, les propriétaires vont prendre, et prennent déjà, des précautions supplémentaires, en demandant, par exemple, des cautions et dépôts de garantie plus élevés, rendant ainsi l'accès au logement plus difficile. L'excès de protection risque donc de se retourner contre ceux qu'elle est censée protéger.
Le groupe du RPR, concernant cet article additionnel, se rangera à l'avis de la commission.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. M. de Gaulle a tout dit dans la dernière phrase de son exposé. Le dispositif ne doit pas se retourner contre les gens qu'il est censé protéger.
Cela dit, la commission des lois souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. J'indique aux auteurs de l'amendement que le préjudice causé au propriétaire par le maintien de l'ancien locataire dans les lieux est aujourd'hui réparé par une indemnité d'occupation fixée par le juge et égale au préjudice réellement subi, étant précisé que celui-ci est au minimum équivalent au montant du loyer éventuellement majoré.
Le dispositif de l'amendement n'aurait pour effet que de priver le juge de toute liberté dans l'estimation du préjudice subi ; mais comme il existe un plancher qui est le montant du loyer, cela ne pourrait qu'être préjudiciable aux intérêts du bailleur.
Sur ce point, les auteurs de l'amendement ont donc déjà satisfaction.
S'agissant de l'indemnisation par l'Etat du refus du concours de la force publique, l'article L. 613-5-2 du code de la construction et de l'habitation qui est proposé ne ferait que codifier le droit positif et la pratique des juges administratifs.
Pour toutes ces raisons - M. Girod aura retenu l'explication - le Gouvernement est défavorable à l'amendement. Le texte en vigueur protège mieux les intérêts du bailleur que ne le ferait le texte qui est proposé.
M. le président. Quel est donc, maintenant, l'avis de la commission des lois ?
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. M. le secrétaire d'Etat a raison sur ce point précis, mais il faut que nous soyons tous bien convaincus du fait que ce texte ne doit pas aboutir à l'inverse de l'effet recherché, c'est-à-dire qu'il ne doit pas faire disparaître l'offre locative du marché.
Cela étant, je demande à M. de Gaulle de bien vouloir accepter de retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur de Gaulle, l'amendement est-il maintenu ?
M. Philippe de Gaulle. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° 334 rectifié bis est retiré.
Article 62 bis