Séance du 12 juin 1998
M. le président. « Art. 42. - Le deuxième alinéa de l'article L. 331-1 du code de la consommation est ainsi rédigé :
« Elle comprend le représentant de l'Etat dans le département, président, le trésorier-payeur général, vice-président, le directeur des services fiscaux. Chacune de ces personnes peut se faire représenter, par un seul et même délégué, dans des conditions fixées par décret. La commission comprend également le représentant local de la Banque de France, qui en assure le secrétariat, ainsi que trois personnalités choisies par le représentant de l'Etat dans le département, la première sur proposition de l'Association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, la deuxième sur proposition des associations familiales ou de consommateurs, la troisième sur proposition du fonds de solidarité pour le logement parmi les représentants des locataires ou, à défaut, un membre du conseil départemental de la consommation représentant les locataires. »
Sur l'article, la parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se réjouissent que le surendettement soit traité dans ce projet de loi de lutte contre les exclusions.
Chacun veut bien reconnaître aujourd'hui que le phénomène de surendettement a profondément changé de nature. L'avènement d'un « surendettement passif », lié à la baisse tendancielle des ressources des ménages depuis vingt ans a provoqué une accélération des procédures de traitement du surendettement par les commissions instituées par la loi du 31 décembre 1989.
Selon nous, c'est davantage l'ampleur du phénomène qui a révélé à tous cet aspect qualitatif du surendettement, pourtant repérable dès 1989.
A ce propos, je rappellerai ici ce que disait notre collègue Charles Lederman à cette même tribune, lors du débat sur la loi Neiertz : « Incontestablement, la cause première, la cause essentielle du surendettement des ménages réside dans la baisse globale et constante du pouvoir d'achat des salariés au cours des dix dernières années. » Cela apparaît aujourd'hui comme une évidence, et tous les rapports en font état.
L'accroissement d'un chômage structurel, la virulence de la crise économique, les choix budgétaires opérés par les gouvernements successifs n'ont fait que favoriser le recours au crédit, d'une part, et amenuiser les capacités financières des ménages, d'autre part.
A qui profite le surendettement ? Essentiellement aux établissements bancaires et autres organismes de crédit à la consommation qui prospèrent sur la précarisation de personnes financièrement fragilisées et désorientées.
Il est donc difficile, selon nous, de s'attaquer au surendettement sans, au préalable, engager une réforme profonde du système bancaire dans son ensemble et sans donner plus de pouvoir d'achat aux salariés de ce pays.
Le texte ne nous paraît pas prendre en compte la nécessaire prévention du surendettement. Nous souhaitons insister sur cette dimension préventive en proposant de plafonner les taux d'intérêt applicables aux opérations de location avec option d'achat sur les biens de consommation courante. Il s'agit de placer des garde-fous contre certaines pratiques perverses qui consistent à leurrer les consommateurs les plus démunis.
Par ailleurs, nous proposons d'exonérer les débiteurs insolvables des frais de justice en cas de saisie immobilière.
La situation de surendettement doit en effet être appréciée en intégrant des frais qui, pour être jugés subalternes, n'en grèvent pas moins gravement les budgets.
Certaines revendications anciennes des associations de consommateurs se voient satisfaites dans ce texte.
Je pense tout d'abord à la définition du « reste à vivre ». C'est une notion que l'Assemblée nationale a considérablement améliorée, en fixant un plancher de ressources égal au RMI. Désormais, c'est le montant des mensualités de remboursement qui sera subordonné à ce seuil, les ressources nécessaires pour vivre dignement n'étant plus considérées comme un résidu.
D'autre part, la mise en place d'un moratoire des dettes sur une période de trois ans au plus, pouvant déboucher sur une réduction, voire un effacement de la dette correspond aux attentes des ménages englués dans les procédures de surendettement. C'est en effet la seule possibilité, dans certains cas, de redonner aux personnes concernées de nouvelles perspectives de vie.
Enfin, la discussion générale l'a montré, des divergences existent sur la pertinence de la décision de l'Assemblée nationale tendant à inclure les dettes fiscales et parafiscales dans le champ des mesures recommandées.
Je souscris à l'argument de notre collègue et ami Paul Loridant lorsqu'il met en avant le risque d'une confusion dangereuse entre dettes privées et dettes fiscales.
J'ai également été très sensible à l'argumentation développée mardi par Mme Lebranchu. Les trois dispositions que vous avez rappelées, madame la secrétaire d'Etat, répondent, en partie, à nos inquiétudes.
Toutefois, je ne peux m'empêcher de me mettre à la place de la personne surendettée qui bénéfice d'un plan de redressement. Que deviendra son « reste à vivre » si l'ensemble de ses dettes n'est pas pris en compte ? Le risque est grand, alors, de voir ce minimum vital se transformer en un acquis virtuel. Or le texte que nous discutons doit impérativement améliorer concrètement la vie extrêmement dure des plus démunis de nos concitoyens.
De plus, la personne surendettée est-elle toujours en mesure d'accomplir de nouvelles démarches, cette fois-ci en direction des administrations ? La recherche d'une simplification des procédures doit être présente dans l'esprit du législateur.
Enfin, notre groupe a déposé plusieurs amendements tendant à protéger le débiteur, avec le souci constant de le placer sur un pied d'égalité avec le créancier devant la commission.
C'est donc avec un esprit constructif que nous abordons ce volet « surendettement », afin de permettre aux ménages surendettés de sortir définitivement de la spirale de l'exclusion.
M. Paul Girod rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Puisque nous parvenons à un accord entre la commission des affaires sociales, la commission des finances et la commission des lois sur la présence, avec voix consultative, au sein de la commission de surendettement, d'un représentant des services sociaux du département désigné par le président du conseil général, ce que prévoit l'amendement n° 156, je demande que celui-ci soit examiné en priorité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
Dans ces conditions, je vais également appeler, en discussion commune avec l'amendement n° 156, les quatre amendements qui portent sur la première phase du texte proposé par l'article 42 pour le deuxième alinéa de l'article L. 331-1 du code de la consommation.
Par amendement n° 156, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose de compléter le texte présenté par l'article 42 pour l'article L. 331-1 du code de la consommation par un alinéa ainsi rédigé :
« Siège également au sein de la commission, avec voix consultative, un représentant des services sociaux du département désigné par le président du conseil général. »
Par amendement n° 253, M. Loridant, au nom de la commission des finances, propose, dans la première phrase du texte présenté par l'article 42 pour le deuxième alinéa de l'article L. 331-1 du code de la consommation, après le mot : « vice-président, », d'insérer les mots : « un représentant qualifié des services du département nommé par le président du conseil général, avec voix délibérative, ».
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement, n° 271, présenté par M. Charasse et tendant à compléter le texte présenté par l'amendement n° 253 pour insérer des dispositions dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 331-1 du code de la consommation par les mots : « sans qu'il puisse résulter de cette participation des charges supplémentaires obligatoires pour les collectivités locales et les organismes sociaux qui en dépendent. »
Par amendement n° 291 rectifié bis , M. Hyest et les membres du groupe de l'Union centriste proposent, dans la première phrase du texte présenté par l'article 42 pour le deuxième alinéa de l'article L. 331-1 du code de la consommation, après le mot : « vice-président, », d'insérer les mots : « un représentant des services sociaux du département nommé par le président du conseil général, avec voix délibérative, »
Par amendement n° 313, Mmes Dérycke, Dieulangard, Printz, MM. Huguet, Vezinhet, Autain et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la première phrase du texte présenté par l'article 42 pour le deuxième alinéa de l'article L. 331-1 du code de la consommation, après le mot : « vice-président, », d'insérer les mots : « un représentant des services sociaux du département nommé par le président du conseil général, avec voix consultative, »
Par amendement n° 361, Mme Terrade, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du texte présenté par l'article 42 pour le deuxième alinéa de l'article L. 331-1 du code de la consommation, après les mots : « vice-président, », d'insérer les mots : « un représentant des services sociaux du département nommé par le président du conseil général, avec voix délibérante, »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 156. M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Monsieur le président, je souhaite rectifier cet amendement.
Le texte de l'alinéa proposé serait le suivant : « Est présent également en observateur au sein de la commission un représentant des services sociaux du département désigné par le président du conseil général. »
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement, n° 156 rectifié, présenté par M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, et tendant à compléter le texte proposé par l'article 42 pour l'article L. 331-1 du code de la consommation par un alinéa ainsi rédigé :
« Est présent également en observateur au sein de la commission un représentant des services sociaux du département désigné par le président du conseil général. »
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je voudrais attirer l'attention sur deux points.
D'abord, bien souvent, un surendetté est passé, en le sachant ou sans le savoir, à côté de possibilités de se dégager de sa situation. Or ce n'est certainement pas le représentant de la succursale de la Banque de France qui est le mieux informé à cet égard. Par conséquent, il ne nous semble pas ridicule qu'un représentant des service sociaux du département puisse informer la commission qu'il existe éventuellement d'autres moyens que la procédure du surendettement.
Ensuite, deuxième aspect des choses, il pourra être nécessaire de mettre en place un suivi, madame le secrétaire d'Etat. On sera alors obligé d'obtenir l'accord du surendetté, car tous les membres de la commission sont tenus au secret professionnel, qu'ils soient présents à titre d'observateur ou qu'ils aient voix délibérative.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Absolument !
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. L'accord du surendetté sera nécessaire pour que l'on puisse diffuser à l'extérieur les renseignements correspondant à ce qui se sera passé au sein de la commission.
Dans le même temps, il est hors de question d'envisager que les finances départementales puissent être en quoi que ce soit concernées par les conclusions de la commission de surendettement. Il est également hors de question que, parce qu'ils auront une voix même seulement consultative, comme je l'avais un instant envisagé, les services sociaux du département, et par conséquent le conseil général, se trouvent engagés dans la solution du problème soumis à la commission de surendettement.
La disposition que je propose répond à ce double souci, à savoir le repérage de la solution sociale possible, avec, éventuellement, un suivi social et la protection des finances départementales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Nous progressons vers une solution plus satisfaisante. Nous pourrions d'ailleurs affiner encore la rédaction en précisant qu'un représentant des services sociaux est invité à participer aux travaux de la commission.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Oui !
M. Bernard Seillier, rapporteur. Ainsi, il sera libre de venir ou de ne pas venir.
Par ailleurs, il conviendrait de prendre en compte le sous-amendement n° 271...
M. le président. Messieurs les rapporteurs, je vous propose d'interrompre nos travaux quelques instants, afin que vous élaboriez un texte, ce qui nous permettra de débattre dans la clarté. (MM. les rapporteurs font un signe d'assentiment.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le samedi 13 juin 1998 à zéro heure trente, est reprise à zéro heure trente-cinq.)