Séance du 23 juin 1998
M. le président. La parole est à M. Fournier, auteur de la question n° 287, adressée à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
M. Bernard Fournier. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite appeler votre attention sur la reconnaissance du statut des artisans diplômés « meilleurs ouvriers de France ».
Il apparaît que cette distinction ne semble recouvrir qu'un caractère honorifique et ne bénéficier d'aucune protection juridique spécifique. J'ai ainsi été étonné de constater que certains tribunaux de grande instance, sous la pression d'industriels conseillés par des avocats de renom, pouvaient prononcer à l'encontre d'un « meilleur ouvrier de France » un jugement lui interdisant de faire usage de son nom au motif de son homonymie avec une entreprise de plus grande taille.
Sans porter préjudice à l'indépendance de la justice, on s'accordera à reconnaître que de tels jugements mettent en péril des entreprises artisanales, le plus souvent familiales, où l'amour du travail bien fait prime sur les objectifs économiques.
Il me semble absolument nécessaire de prendre rapidement toutes les mesures utiles afin que le statut de « meilleur ouvrier de France » soit assimilé à celui des artistes et que, en conséquence, on ne puisse plus interdire à un artisan reconnu comme l'un des maîtres de la profession de signer et donc, subséquemment, de vendre ses oeuvres.
Aussi, madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de m'apporter quelques précisions sur la nature de la reconnaissance du titre de « meilleur ouvrier de France », et je vous demande si vous entendez prendre des mesures réglementaires afin de doter d'une véritable protection juridique ces « meilleurs ouvriers de France », dans l'intérêt des entreprises artisanales qui sont des éléments essentiels du renom international de notre savoir-faire.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le sénateur, le titre « Un des meilleurs ouvriers de France » est délivré par le ministre chargé de l'éducation nationale et homologué au niveau IV. II sanctionne un savoir-faire par la présentation d'un chef-d'oeuvre dans le cadre d'un concours organisé tous les trois ans. Ce concours regroupe 220 spécialités, tant artisanales qu'industrielles.
L'utilisation du titre « Un des meilleurs ouvriers de France » est donc subordonnée à l'obtention de ce diplôme, qui est par ailleurs reconnu comme équivalent au baccalauréat dans les conventions collectives.
Dans le domaine spécifique de l'artisanat, le titre « Un des meilleurs ouvriers de France » est pris en compte pour justifier de la qualification professionnelle exigée par la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996, ainsi que pour l'attribution de la qualité d'artisan et du titre de maître artisan.
Le titre « Un des meilleurs ouvriers de France », comme tout diplôme national, ne peut être utilisé comme marque distinctive et ne relève pas de la propriété industrielle. En effet, l'Institut national de la propriété industrielle accepte les reconnaissances industrielles honorifiques, mais pas les diplômes.
Les difficultés rencontrées par certains artisans relèvent de l'utilisation non pas de l'appellation « Un des meilleurs ouvriers de France », mais du nom patronymique d'un chef d'entreprise dans sa raison sociale. Elles ne sont pas liées au fait de détenir ou non le diplôme.
Le fait de détenir le titre « Un des meilleurs ouvriers de France » n'ouvre pas, par ailleurs, droit à l'utilisation d'une autre marque distinctive si celle-ci est déjà utilisée par une entreprise existante. Cette question n'est pas liée à l'utilisation frauduleuse ou à l'absence de reconnaissance de ce titre, mais au problème de l'utilisation du nom patronymique.
Nous n'avons donc pas à prendre de mesures réglementaires, parce que nous ne répondrions pas ainsi au problème que vous avez posé, monsieur le sénateur. Nous pourrons néanmoins l'examiner par ailleurs de manière plus détaillée, si vous le souhaitez.
Sanctionné par un diplôme, ce titre a cependant une renommée européenne et internationale. Nous sommes, ainsi, le seul pays à avoir mis en place ce concours et à avoir homologué son résultat. Il est assez aisé d'obtenir de nombreux prix, mais voir le résultat d'un concours homologué par l'éducation nationale est rare.
Nous essaierons donc, avec l'ensemble des professions artisanales, de valoriser encore ce diplôme en introduisant dans les épreuves des notions liées aux nouvelles technologies, par exemple, pour qu'il suive l'évolution de l'artisanat français.
Le titre « Un des meilleurs ouvriers de France » demeure une grande reconnaissance française et européenne, mais je vous confirme, monsieur le sénateur, que l'on ne peut pas répondre, avec ce diplôme, à la question de la concurrence en matière d'utilisation patronymique. J'en suis désolée !
M. Bernard Fournier. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de ces éclaircissements. J'en prends bonne note, mais je tiens à affirmer à nouveau qu'il est important d'accorder une protection juridique à ces artisans d'élite.
AVENIR DES « POINTS PUBLICS »