Séance du 23 juin 1998







M. le président. La parole est à M. Sérusclat, auteur de la question n° 262, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Franck Sérusclat. Je vous remercie, madame la ministre, d'être présente ; peut-être est-ce une chance que ce soit vous qui entendiez ma question et y répondiez partiellement, en accord avec M. Moscovici ou avec M. Védrine, car vous serez peut-être plus sensible que ne le sont les hommes à cette situation parfaitement intolérable qui affecte profondément tous ceux qui s'inquiètent du devenir, notamment, des enfants d'Irak.
En effet, depuis 1990, la liste des carences et de manque de soins qui frappent 1,5 million d'enfants irakiens est impressionnante. Les enfants n'ont pas pu connaître un développement physique, physiologique et intellectuel normal.
Cette situation est rappelée par l'UNICEF et par Equilibre, organisations qui se sont souvent rendues dans ces pays. L'embargo instauré en 1990 n'a en définitive pratiquement rien changé au comportement de Saddam Hussein ; il n'a eu d'incidence directe ni sur lui ni sur ses proches.
Pourtant, l'espérance de vie en Irak a baissé de dix ans ; la génération d'Irakiens nés depuis l'embargo est plus chétive, survivra moins longtemps et plus mal.
L'absence de médicaments, la pénurie d'électricité et d'eau potable ont pour conséquence que 30 % des membres de la société irakienne vivent en dessous du seuil de survie ; 33 % des enfants et 25% des adultes sont victimes de malnutrition. A cause du rationnement alimentaire, 43 % à peine des besoins vitaux en calories sont couverts. Les maladies dominantes sont les diarrhées infectieuses, le choléra, le tétanos, le paludisme. La scolarisation des enfants est tombée à 70 % et les écoles sont mal équipées. On est donc dans une situation qui ne peut pas perdurer.
Je sais que l'UNSCOM envisage de faire lever l'embargo. Mais je reste inquiet : pourquoi ne l'a t-elle pas fait plus tôt ?
Le Premier ministre a reconnu que la coopération entre l'Irak et la commission spéciale des Nations unies devait permettre de déboucher sur la levée des sanctions et de l'embargo. Madame la ministre, je souhaiterais cependant, d'une part, que vous confirmiez ces propos et, d'autre part, que vous informiez le Gouvernement que nous ne supportons plus de voir des images comme celles que l'on nous transmet de ce pays, que nous n'acceptons plus que ces enfants, ces femmes, ces hommes souffrent. Nous ne pouvons plus le tolérer non seulement par respect des droits de l'homme et du citoyen, mais aussi par pure humanité.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté, au lendemain de la guerre du Golfe, la résolution 687 qui fixe les termes du cessez-le-feu ainsi que les conditions de la levée des sanctions qui pèsent sur l'Irak. Ce texte prévoit, à son paragraphe 22, que l'embargo pétrolier sera levé une fois que la commission spéciale des Nations unies et l'Agence internationale de l'énergie atomique auront constaté qu'il n'y a plus d'armes de destruction massive dans ce pays.
Sept années après l'entrée en vigueur de cette résolution, des progrès considérables ont été accomplis, en particulier sur les volets nucléaire et balistique du désarmement.
En revanche, les déclarations irakiennes relatives aux programmes d'armements chimiques et biologiques présentent encore des insuffisances et, à ce stade, le constat de l'élimination complète des armements prohibés n'a pu être fait.
Cela étant, la France souhaite que le Conseil de sécurité reconnaisse les progrès réalisés, en matière d'élimination des armes de destruction massive, afin d'encourager l'Irak à accélérer sa coopération avec la commission spéciale et à éclaircir les dernières zones d'ombre.
La communauté internationale doit s'efforcer de montrer à la population irakienne la lumière au bout du tunnel, sauf à risquer de désespérer ce pays et à le pousser vers une fuite en avant, dont les conséquences pourraient être désastreuses pour la stabilité et la sécurité de la région et pour la population.
Ainsi la prise en charge par le seul contrôle à long terme de l'ensemble des activités de l'Irak dans le secteur nucléaire, qui devrait être décidée prochainement par le Conseil de sécurité, nous semble de nature à inciter Bagdad à faire la lumière sur ses programmes chimiques et biologiques passés.
A cet égard, « le plan de travail sur les problèmes de désarmement » agréé, le 14 juin à Bagdad, par le président de la commission spéciale et le vice-premier ministre irakien, est encourageant. Nous souhaitons que la mise en oeuvre de ce programme de deux mois sur les questions encore non résolues puisse permettre, le plus rapidement possible, la fin de la phase du désarmement.
Ce processus, prévu par les résolutions, est la seule voie menant à la levée de l'embargo pétrolier qui pèse sur ce pays. Il n'y a pas d'autre condition, cachée ni implicite, à la mise en oeuvre du paragraphe 22 de la résolution 687. La France, en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité, continuera d'y faire valoir ses vues et d'appeler les autorités irakiennes à collaborer davantage avec les inspecteurs de la commission spéciale.
Le chemin emprunté par l'Irakq le 23 février 1998, en signant l'accord avec le secrétaire général des Nations unies sur l'accès de la commission spéciale aux sites présidentiels, est le bon. Il s'agit désormais de ne pas en dévier, pour permettre le plus rapidement possible la réinsertion de ce pays de 22 millions d'habitants au sein de la communauté des Etats.
La France reste néanmoins vivement préoccupée et partage, monsieur le sénateur, votre souci à propos de la situation humanitaire dramatique que connaît la population irakienne. A cet égard, nous n'avons pas ménagé nos efforts pour améliorer le dispositif « pétrole contre nourriture » et permettre, par l'adoption de la résolution 1153, en février 1998, d'augmenter le plafond des ventes de pétroles autorisées de 2 milliards à 5,2 milliards de dollars par semestre. Cette réforme du dispositif, entrée en vigueur au début du mois de juin, devrait permettre de prévenir une aggravation de la situation dans laquelle se trouve la population irakienne.
La France a aussi particulièrement insisté sur la nécessité pour l'Irak d'être autorisé à réhabiliter les écoles et les hôpitaux, à importer des pièces de rechange pour les équipements pétroliers et électriques ainsi que pour les réseaux d'adduction d'eau, afin de stopper la dégradation d'infrastructures vitales pour l'économie et la société irakiennes.
Pour autant, la France considère que le mécanisme provisoire institué par la résolution 986 ne saurait se substituer à la levée de l'embargo pétrolier, qui interviendra lorsque les conditions précisées précédemment seront pleinement remplies par le Gouvernement irakien.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais permettez-moi de présenter deux considérations.
Tout d'abord, si l'embargo à l'encontre de l'Irak résulte du comportement militaire de Saddam Hussein, beaucoup d'autres pays sont actuellement en situation de guerre larvée, avec la menace du nucléaire, et on ne les met pas pour autant sous embargo ! Nous ne pouvons plus nous fonder sur le fait qu'un chef d'Etat est un danger public pour prendre une décision dont la population supporte toutes les conséquences.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas, d'une part, nous réjouir que la France vende pour 43 milliards de francs d'armes et, d'autre part, accepter qu'elle prône un embargo, une fois ces pays armés. Ces deux attitudes sont contradictoires.
J'ai cependant noté que notre pays soutient des initiatives pour le développement dans ce pays, notamment en matière d'adduction d'eau. Il nous faut choisir de jouer la carte très claire de la paix dans le monde plutôt que cette carte quelque peu ambiguë. Vous n'y êtes pour rien, madame la ministre, et moi non plus. C'est le fait des conceptions actuelles selon lesquelles les conflits mondiaux ne peuvent être réglés que par la guerre et non par des voies pacifiques.
Quoi qu'il en soit, madame la ministre, je vous remercie de votre appui pour que le programme d'aides que vous avez décrit soit très fortement amplifié et pour que l'on donne aux Irakiens les moyens de vivre dignement dans leur pays.

CONCOURS D'ACCÈS AUX ÉCOLES VÉTÉRINAIRES