Séance du 23 juin 1998
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 2, M. Jolibois, au nom de la commission, propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans l'article 19 de la Constitution, les mots : "et 61" sont remplacés par les mots : ", 61 et 65". »
Par amendement n° 5, M. Charasse propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans l'article 19 de la Constitution, les mots : "et 61" sont remplacés par les mots : ", 61 et 65 (deuxième alinéa)". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement tend à réparer une omission dans la rédaction de l'article 19 de la Constitution en ajoutant la mention de l'article 65 relatif au Conseil supérieur de la magistrature parmi l'énumération des articles visant les actes du Président de la République ne faisant pas l'objet d'un contreseing, de façon à faire apparaître explicitement que la désignation de membres du Conseil supérieur de la magistrature constitue un pouvoir propre du Président de la République exercé sans contreseing.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Michel Charasse. Cet amendement est satisfait par celui de la commission des lois. Je le retire donc au profit de ce dernier.
M. le président. L'amendement n° 5 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Il est en effet logique que la désignation par le Président de la République de membres du Conseil supérieur de la magistrature ne fasse pas l'objet d'un contreseing, à l'instar de ce qui a lieu pour la désignation, par le Président de la République, de trois membres du Conseil constitutionnel.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 6 rectifié, M. Charasse, Mme Durrieu, MM. Autain, Biarnès, Chabroux, Hesling, Percheron et Debarge proposent d'ajouter, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa de l'article 64 de la Constitution est complété par les trois phrases suivantes :
« Cette loi organique détermine les règles particulières applicables aux procédures civiles et pénales, y compris en matière de poursuites, engagées contre les magistrats de l'ordre judiciaire lorsque leur reponsabilité civile est mise en cause à raison de l'exercice de leurs fonctions ou lorsque leur responsabilité pénale est engagée pour des faits qualifiés crimes ou délits commis pendant qu'ils sont en position statutaire d'activité. Elle fixe également la nature et la composition des juridictions dont relèvent ces magistrats pour les procédures précitées. Ces juridictions, tant en ce qui concerne les poursuites que le jugement et la cassation, sont constituées de formations collégiales dont la majorité des membres ne peut avoir la qualité de magistrat, professionnel ou non. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Il s'agit de compléter l'article 64 de la Constitution par un nouvel alinéa qui fixe les conditions de poursuites et de jugement des affaires qui intéressent les magistrats de l'ordre judiciaire, afin que le corps ne procède pas lui-même au jugement de ses propres membres.
Je me suis longuement expliqué cet après-midi sur ce point, et je n'ai rien à ajouter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission n'a pas estimé souhaitable de créer une juridiction spéciale pour examiner le problème de la responsabilité des magistrats.
Il a d'ailleurs été rappelé, dans le cours du débat, que figurait, dans le code de procédure pénale, la procédure de suspicion légitime pour les cas où il serait nécessaire de délocaliser un jugement concernant un magistrat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Les magistrats de l'ordre judiciaire ne bénéficient d'aucune immunité. Que ce soit en matière de responsabilité civile ou pénale, il sont jugés par des juridictions de droit commun et cela ne présente aucune difficulté.
Je crois en outre que cet amendement en dit à la fois trop et pas assez.
Il en dit trop parce qu'il crée un nouvel ordre de juridiction qui va contre l'universalité du juge pénal et civil. Rien à mes yeux n'impose la création d'une juridiction spéciale. Dès aujourd'hui, la délocalisation du jugement peut faire échapper le magistrat au jugement de ses collègues qui seraient trop proches de lui.
En revanche, si on allait dans son sens, ce texte n'en dirait pas assez puisqu'il ne précise pas quelle judiridiction jugerait les juges.
La Cour de justice de la République, elle, est définie dans la Constitution. L'institution de formations collégiales constituées en majorité de non-magistrats n'apporte pas, en tout état de cause, les garanties constitutionnelles indispensables pour juger les juges.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6 rectifié.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Je dirais presque qu'il va de soi que je ne voterai pas l'amendement de notre collègue Michel Charasse, et cela pour trois raisons.
Premièrement, derrière cet amendement se profile en filigrane un non-dit tellement évident qu'il saute aux yeux : l'accusation de partialité portée à l'encontre de magistrats jugeant d'autres magistrats, ce qui constitue l'une des offenses les plus graves que l'on puisse faire à la conscience d'un magistrat. Deuxièmement, cette accusation étant portée, je considère comme blessante à l'égard du corps des magistrats la proposition formulée.
M. Michel Charasse a justement rappelé à la fin de ses explications que cette accusation de partialité ne valait pas pour la grande majorité des magistrats.
Dans ma vie, au cours d'une longue période d'activité judiciaire, j'ai connu beaucoup de magistrats ; j'en ai d'ailleur affronté certains lors du déroulement de grands drames judiciaires. Or je les ai toujours trouvé loyaux et, contrairement à ce que beaucoup pensent, extrêmement humains. J'ai ensuite eu à la Chancellerie des collaborateurs magistrats ; ils sont tous restés mes amis. Ce sont des femmes et des hommes de grande qualité, et je ne crois pas qu'à l'instant où il s'agit de restaurer la confiance du public dans la justice française, cet amendement serve notre projet commun.
La troisième raison est purement technique.
C'est très bien de dire que les juges ne doivent pas juger les juges. Mais moi je pose une question précise : qui jugera ?
La justice pénale et la justice civile, en France, sont rendues par des magistrats au niveau correctionnel, et par des jurés au niveau de la cour d'assises. Par conséquent, en ce qui concerne les crimes que commettraient les magistrats, la question est déjà réglée.
S'agissant maintenant des juridictions correctionnelles, par qui remplacerait-on les magistrats ? Par des membres du Conseil d'Etat, des membres de la Cour des comptes, des membres des tribunaux administratifs, des inspecteurs des douanes, que sais-je ? Là, on se tait ! Seraient-ce des jurés populaires qui jugeraient des magistrats ? Vous vous imaginez ce que cela signifie implicitement !
Voilà la réalité. Il ne suffit pas de lancer une idée ; encore faut-il examiner la façon dont on peut la mettre en oeuvre.
Par ailleurs, je ne vois pas comment il pourrait y avoir une formation collégiale qui, si je comprends bien, assumerait les poursuites autant que le jugement. Quelles seraient ces formations singulières ? Un corps d'inspecteurs particulier serait-il chargé de conduire les poursuites contre les magistrats ?
Non, tout cela n'est pas sérieux et - je le dis à Michel Charasse, avec lequel, depuis des années, j'entretiens des liens d'amitié - tout cela est mal venu.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On nous a dit ce matin que cet amendement tend à mettre en place des juridictions d'exception, ce à quoi j'ai répondu que le tribunal de commerce, le conseil des prud'hommes, la Cour de justice de la République sont également des juridictions d'exception et que n'est donc pas là un argument contre.
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas tout à fait pareil !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vais m'expliquer si vous le voulez bien.
A la vérité, le fondement de cette réforme est d'éviter que le Gouvernement puisse être soupçonné de vouloir étouffer des affaires, même si ces affaires sont peu nombreuses.
Je dois à la vérité de dire que des juges non plus ne doivent pas pouvoir être soupçonnés - je n'ai pas dit « les » juges. J'observe aussi qu'un médecin ne soigne pas sa famille !
Certains ont tendance à généraliser. J'avoue qu'une telle attitude me hérisse car, pour en avoir rencontré beaucoup au cours de ma carrière professionnelle, je sais que la plupart des magistrats sont absolument au-dessus de tout soupçon.
D'autres généralisent dans l'autre sens. S'il est de bonne guerre pour un ministre de défendre ceux qui dépendent de lui et qui, d'ailleurs ne devraient pas en dépendre s'agissant des magistrats, il ne me paraît pas anormal qu'un garde des sceaux, ancien ou nouveau fasse, systématiquement l'éloge de tous les magistrats. Ils ne sont pas tous dignes d'un tel éloge. Toutefois, aucun ne devrait pouvoir être soupçonné.
Telles sont les raisons pour lesquelles le fond de cet amendement ne m'a pas paru sans intérêt. Mais - car il y a un « mais » - il est certain que le contexte dans lequel il a été présenté conduirait l'ensemble des magistrats à considérer cette disposition comme un outrage inadmissible, outrage auquel je ne veux pas m'associer.
Vous demandiez, monsieur le rapporteur, de quelle juridiction il s'agirait. Evidemment, c'est la loi organique qui devrait le préciser.
Nous avons estimé normal que les ministres ne soient pas jugés par la même juridiction que les autres, et vous avez même décidé qu'une majorité de parlementaires, c'est-à-dire de politiques, devaient juger les ministres, qui sont des politiques. Ce problème peut être débattu mais, je le répète, une telle disposition serait incomprise dans le contexte actuel. C'est pourquoi, et à mon très grand regret, je voterai contre cet amendement. M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, je ne suis pas certain qu'il faille faire un drame majeur autour de cette affaire qui, dans mon esprit, est très simple. Certains diront peut-être simpliste...
Je persiste à penser que, même si, comme l'a dit M. Dreyfus-Schmidt, un tout petit nombre de magistrats est concerné directement ou indirectement, il n'est pas sain que le corps règle lui-même les affaires judiciaires concernant ses propres membres. Si l'on ne veut pas résoudre le problème aujourd'hui, il faudra bien, cependant, le faire un jour.
Sur le plan technique - j'ai bien écouté ce qu'a dit mon ami Robert Badinter - je propose de poser un principe et de renvoyer, pour le détail de son application, à une loi organique. Si nous ne posons pas ce principe dans la Constitution elle-même - de ce point de vue, Robert Badinter a raison - la loi organique ne permettra pas de déroger au principe d'égalité qui fait que, aujourd'hui, les magistrats sont traités de la même manière que les autres citoyens, par les mêmes juridictions, selon les mêmes procédures. Seule la Constitution peut prévoir d'y déroger.
Quels juges siègeront ? La loi organique le dira ! Pourquoi pas des citoyens sélectionnés d'une certaine manière ? On choisit bien des citoyens pour siéger dans les cours d'assises ! Je ne vois pas pourquoi l'on n'arriverait pas à en choisir pour siéger dans des formations spécialisées de poursuite et de jugement. Car, en l'espèce, il me semble qu'il ne faut pas laisser la poursuite aux seuls magistrats, même si, je le répète, je ne mêle pas les uns et les autres dans mes critiques, tant s'en faut. Est-ce une juridiction d'exception ? Pas du tout ! C'est une juridiction spécialisée, et Michel Dreyfus-Schmidt a eu raison de dire, comme la Cour de justice de la République. La Cour de justice de la République a en outre une raison d'être supplémentaire : c'est le principe de la séparation des pouvoirs en vertu duquel le juge de droit commun ne peut pas juger des faits accomplis par des ministres dans l'exercice de leurs fonctions, surtout depuis que la Cour de cassation a limité l'exercice des fonctions aux faits commis effectivement pendant l'exercice des fonctions, à l'occasion de l'exercice des fonctions et à propos de décisions qui ont été prises en fonctions.
Voilà, monsieur le président, mes chers collègues, les motivations de cet amendement. On peut le trouver imparfait. On peut estimer qu'il pose un vrai problème mais qu'il ne le résout pas. Quoi qu'il en soit, tout ce qui a été dit cet après-midi et ce soir ne m'a pas particulièrement convaincu que cette mesure n'était pas indispensable, même si je veux bien rendre à mes amis des armes sur l'imperfection de la rédaction.
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Je ne saurais, moi non plus, voter un tel amendement.
Monsieur Charasse, il s'agit bien d'abord d'une juridiction d'exception et non pas d'une juridiction spécialisée. Par sa construction même, elle serait une juridiction d'exception. On ne peut invoquer l'exemple de la Cour de justice de la République, pour laquelle le problème est d'éviter, comme vous l'avez dit vous-même, un éventuel contrôle du pouvoir judiciaire sur le pouvoir exécutif, contrôle qui serait tout à fait contraire à tous les principes.
En réalité, il n'y a pas d'équivalent. La justice pénale, pour des raisons assez évidentes qui n'ont pas besoin d'être rappelées, doit être unique et homogène. On ne peut pas diversifier la justice pénale. En matière civile, on a pu estimer souhaitable, pour des raisons techniques, une certaine diversification des juridictions. Mais cela ne peut pas jouer en matière pénale, car c'est profondément contraire aux principes essentiels du droit.
Au demeurant, il n'y a aucune raison de suspecter les juges du fond de faire montre d'une indulgence particulière envers leurs collègues. On peut aussi bien soutenir qu'ils seront encore plus sévères à l'égard des erreurs commises par des collègues. Là encore, ce sera une question de conscience et d'appréciation chez chaque juge.
Ce que l'on pourrait éventuellement suspecter, et que vous avez paru suspecter en des termes que, moi aussi, je déplore, après beaucoup d'autres encore plus autorisés que moi, c'est que la poursuite ne soit pas ce qu'elle devrait être. Cela nous ramène à l'idée selon laquelle il est important de conserver à la structure du parquet un système hiérarchisé qui permette au Gouvernement de prendre des initiatives et de veiller à ce que les poursuites se développent dans des conditions normales et parfaitement égales pour tous.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 7, M. Charasse propose d'ajouter, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa de l'article 64 de la Constitution est complété par les mots suivants : "qui sont répartis entre deux corps, celui du siège et celui du parquet, sans qu'il soit possible de passer de l'un à l'autre". »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Il s'agit d'affirmer, à l'article 64 de la Constitution, que, compte tenu du nouveau statut qui va être le leur, magistrats du siège et magistrats du parquet formeront deux corps totalement distincts et qu'il ne sera plus possible de passer de l'un à l'autre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
Nous avons réalisé un équilibre entre l'unité du corps des magistrats, représentée par le Conseil supérieur de la magistrature en formation plénière, et la dualité de leurs fonctions, représentée, au sein de ce même conseil, par la formation compétente à l'égard du siège d'un côté et la formation compétente à l'égard du parquet d'un autre côté. La commission souhaite s'en tenir à ce dispositif, qu'elle vous propose d'adopter.
De plus, M. Charasse propose qu'il soit impossible de passer du siège au parquet ou inversement, et c'est là une question qui me paraît relever de la loi organique, mais certainement pas, en l'état de nos réflexions, de la Constitution.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
En effet, comme je l'ai rappelé dans mon discours introductif, le choix du Gouvernement est celui de l'affirmation de l'unité du corps judiciaire. C'est pourquoi les magistrats du parquet comme ceux du siège bénéficieront désormais de garanties similaires en matière de nomination et en matière disciplinaire.
L'amendement proposé mêle deux idées.
S'agissant tout d'abord de la séparation de la magistrature en deux corps, le Gouvernement est contre. Isolé du reste de la magistrature, le parquet dériverait vite vers une fonctionnarisation.
L'unité de la fonction judiciaire est essentielle au regard des libertés publiques. Les magistrats du parquet, comme ceux du siège, participent au contrôle du respect des libertés individuelles et des droits de l'homme. Ils ont, en outre, à apprécier l'opportunité des poursuites et à diriger l'action de la police judiciaire, missions qui ne peuvent être confiées qu'à un magistrat.
La deuxième idée de M. Charasse est de rendre impossible le passage entre siège et parquet.
Le Gouvernement ne peut accepter une séparation totale, mais il réfléchit, dans la ligne de la commission Truche, à l'instauration de limites de temps et de lieu quant aux passages entre siège et parquet.
Cette orientation sera examinée dans le cadre du projet de loi organique relatif au statut de la magistrature.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'argument de Mme le garde des sceaux selon lequel il faut bien que les représentants du parquet soient des magistrats compte tenu de ce que sont leurs prérogatives ne me convainc pas.
Il est évident que, si les membres du parquet devenaient des fonctionnaires révocables ad nutum et soumis à l'autorité du garde des sceaux, il faudrait que leurs prérogatives soient différentes de ce qu'elles sont actuellement et que la plupart de leurs anciennes prérogatives soient exercées par des magistrats, c'est-à-dire par des juges.
Il n'est pas indispensable, en vérité, que l'amendement indique que les magistrats sont répartis en deux corps. Il pourrait se contenter de constater qu'il existe ceux du siège et ceux du parquet puisque tout le monde est d'accord pour admettre que leurs fonctions sont différentes.
Quant à la question de la possibilité ou non du passage du siège au parquet et inversement, ou des conditions de cet éventuel passage, elle se pose à l'évidence à chacun d'entre nous.
Vous dites, madame le garde des sceaux, que nous pourrons examiner cette question lors de la discussion du projet de loi organique, et j'en suis d'accord. Cela étant, l'amendement a le mérite de rappeler que ce problème se pose, et cela précisément parce que les fonctions sont différentes.
C'était encore plus vrai, je dois le dire, avant la proposition qui nous est faite de modifier la Constitution. Il n'était théoriquement pas pensable - et pourtant, c'est la situation actuelle - pour un magistrat du parquet, après avoir été nommé par le Gouvernement, d'intégrer la magistrature assise, puis, pour obtenir de l'avancement, de profiter de la présence de ses amis au pouvoir et de retourner au parquet. Cette situation est très choquante !
Dans la mesure où les fonctions du siège et du parquet sont différentes, il est imaginable de demander à un jeune magistrat de faire des stages au parquet - et à tous les magistrats de faire des stages au barreau, comme jadis - puis d'opter une fois pour toutes, pour le siège ou pour le parquet. Cela pourrait ne pas valoir à la Cour de cassation puisque les magistrats du parquet de la Cour de cassation n'ont pas du tout le même rôle que le ministère public auprès des autres juridictions.
Quoi qu'il en soit, ces problèmes relèvent effectivement de la loi organique. C'est pourquoi, si mon ami Michel Charasse ne retire pas son amendement, j'aurai le grand regret de voter contre.
M. le président. Monsieur Charasse, votre amendement est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. En l'occurrence, du point de vue de la procédure et du point de vue juridique, le problème posé est différent de celui que je souhaitais résoudre avec mon précédent amendement. Dans ce dernier, il fallait une délégation constitutionnelle pour pouvoir agir par la loi organique.
On me dit de tous côtés que la présente question peut être réglée par la loi organique. Effectivement, il n'est pas question de corps unique dans la Constitution. Dès lors, celle-ci ne fait pas obstacle à ce que la question soit réglée par la loi organique.
Dans ces conditions, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 7 est retiré.
Monsieur le président de la commission, souhaitez-vous que nous abordions maintenant l'examen de l'article 1er ou bien désirez-vous que la suite du débat soit d'ores et déjà renvoyée à la prochaine séance ?
M. Jacques Larché, président de la commission. Je suis prêt à commencer la discussion de l'article 1er, si cela convient à Mme le garde des sceaux. (Mme le garde des sceaux fait un signe d'assentiment.)
M. Charles de Cuttoli. On pourrait consulter le Sénat !
M. le président. Nous allons donc aborder l'examen de l'article 1er. (Protestations.)
Mes chers collègues, cela ne signifie pas que nous allons achever ce soir l'examen de cet article ! Nous pouvons au moins entendre M. le rapporteur présenter l'amendement n° 3.
M. Guy Allouche. Mais c'est l'amendement principal !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est un amendement qui couvre l'ensemble des problèmes soulevés !
M. Charles de Cuttoli. Il est impossible de scinder la discussion de cet article !
M. le président. M. le président de la commission et Mme le garde des sceaux se sont consultés et sont tombés d'accord pour continuer à travailler quelque temps.
M. Charles de Cuttoli. Le Sénat est au-dessus !
M. le président. Je ne suis pas obligé de consulter le Sénat sur cette question. J'ai demandé par courtoisie l'avis de M. le président de la commission qui, lui-même, a demandé par courtoisie l'avis de Mme le garde des sceaux.
Je n'ai pas obligation de faire voter le Sénat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Par courtoisie, vous pouvez le faire !
M. Charles de Cuttoli. Sinon, la courtoisie est à sens unique !
M. Charles Pasqua. Jusqu'à quelle heure allons-nous travailler ?
M. le président. Je vous propose de poursuivre nos travaux jusqu'à zéro heure trente. C'est le souhait que j'ai cru recueillir auprès de M. le président de la commission et de Mme le garde des sceaux.
Rappel au règlement
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, pour une fois que M. le président de la commission des
lois est d'accord pour travailler le soir, et en particulier après minuit, je
comprends que vous y prêtiez attention un instant.
Pour le reste, il est vrai que, lorsqu'une priorité est demandée, elle est de
droit aux termes de notre règlement dès lors qu'il y a accord entre le
Gouvernement et la commission. Mais cela ne vaut pas pour l'organisation de nos
travaux.
Dans la mesure où l'amendement n° 3 recouvre l'ensemble des problèmes posés
par la modification proposée du rôle et de la composition du CSM, je pense,
d'une part, que nous ne pouvons pas en interrompre la discussion une fois
qu'elle sera commencée et, d'autre part, que nous ne pouvons pas non plus
l'achever avant zéro heure trente.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le président, de bien vouloir
consulter le Sénat ainsi éclairé par la position de la commission, par celle du
Gouvernement et, je l'espère, par les propos que je viens de tenir.
M. Charles de Cuttoli.
Très bien !
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous connaissez bien le règlement et vous savez que
je n'ai pas l'obligation de consulter le Sénat. Toutefois, puisque vous me le
demandez, comme d'habitude, avec beaucoup de gentillesse et de courtoisie, je
vais le faire.
Je consulte donc le Sénat sur la proposition acceptée par la commission et par
le Gouvernement, de poursuivre nos travaux jusqu'à zéro heure trente.
(La proposition n'est pas adoptée.)
M. le président.
Par conséquent, nous allons interrompre maintenant nos travaux.
La suite de la discussion est donc renvoyée à la prochaine séance.
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