Séance du 22 décembre 1998






CINQUIÈME PROTOCOLE À L'ACCORD
GÉNÉRAL SUR LE COMMERCE DES SERVICES

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 22, 1998-1999) autorisant l'approbation du cinquième protocole (services financiers) annexé à l'accord général sur le commerce des services. Rapport (n° 103, 1998-1999).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après vous avoir présenté un certain nombre de textes qui n'avaient pas de rapports directs avec mes fonctions au sein du Gouvernement - ce qui aurait pu vous faire croire à une sorte de volonté hégémonique du secrétariat d'Etat au commerce extérieur ! (Sourires) - je suis particulièrement heureux de vous soumettre un projet qui relève manifestement beaucoup plus du domaine dont j'ai la charge.
Le cinquième protocole annexé à l'accord général sur le commerce des services complète, dans le secteur des services financiers, les dispositions de l'accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce, signé le 15 avril 1994 à l'issue des négociations du cycle de l'Uruguay. Il remplace le deuxième protocole, qui avait été conclu en juillet 1995 à titre intérimaire.
A ce protocole sont annexées, pour chacun des membres qui y ont souscrit, une liste d'engagements spécifiques ainsi qu'une liste de dérogations à la clause de la nation la plus favorisée. A compter de la date d'entrée en vigueur du protocole, fixée au 1er mars 1999, ces listes remplaceront, pour chacun des membres concernés, les listes déjà annexées au deuxième protocole et complèteront, pour les membres qui n'avaient pris aucun engagement en 1995, les listes annexées à l'accord général sur le commerce des services.
Outre la Communauté européenne et ses Etats membres - sur ce point, pour une fois, l'Union européenne s'est prononcée d'une seule voix - cinquante-cinq membres de l'OMC, parmi lesquels l'ensemble des grands pays industrialisés, y compris les Etats-Unis, un peu réticents au départ, mais aussi les grands pays émergents, notamment ceux d'Asie, ont souscrit au cinquième protocole, ce qui porte à cent deux membres de l'OMC le nombre des pays et territoires qui ont pris des engagements en matière de services financiers.
Quels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, le contenu de ce protocole et ses conséquences pour la France ?
Les engagements pris en annexe du protocole concernent les secteurs de l'assurance et de la banque ainsi que des services boursiers. L'ensemble des pays ayant désormais pris des engagements à l'OMC sur ces secteurs représente 95 % du marché mondial des services bancaire, boursier et d'assurance, estimé à environ 30 000 milliards de dollars.
Les principes de base que les membres signataires s'engagent à respecter sont le traitement national, interdisant de traiter les prestataires étrangers moins favorablement que les prestataires nationaux, la clause de la nation la plus favorisée, interdisant d'opérer des discriminations entre les prestataires étrangers, et l'accès au marché, dont l'objectif est de permettre aux prestataires étrangers de fournir leurs services sur le marché national soit en s'y implantant, soit directement depuis l'étranger, soit par déplacement du fournisseur ou de l'acheteur.
La mise en oeuvre du cinquième protocole n'implique aucune modification des directives et des règlements communautaires ou de la législation française en matière de services financiers. Les engagements déposés par la France à cet accord sont identiques à ceux qu'elle avait déposés en annexe du deuxième protocole et qui avaient été ratifiés par le Parlement dans le cadre de la loi du 28 juin 1996.
Les autres membres de l'OMC ont souscrit des engagements substantiels, ce qui ouvrira aux prestataires français de services financiers de nouvelles possibilités et leur assurera une plus grande sécurité juridique dans ces pays. En nombre comme en qualité, les engagements de libéralisation pris en décembre 1997 démontrent en effet une nette amélioration par rapport à 1995. Le contenu des listes est lui aussi nettement amélioré.
Pour les pays développés, les améliorations les plus significatives concernent le Canada mais surtout le Japon, qui a accepté d'inclure dans son offre les dispositions des trois accords bilatéraux conclus avec les Etats-Unis entre 1994 et 1995, dans les secteurs de l'assurance, de la banque et des services boursiers.
La « multilatéralisation » des accords bilatéraux Etats-Unis-Japon est un élément essentiel de l'accord car le calendrier annoncé pour l'ouverture du marché japonais est dorénavant contraignant et soumis au règlement des différends de l'OMC.
De plus, l'application de la clause de la nation la plus favorisée garantit aux entreprises européennes de ne pas faire l'objet de discriminations sur le marché japonais par rapport à leurs concurrents américains.
S'agissant des Etats-Unis, la concession la plus significative est la levée de la dérogation générale à la clause de la nation la plus favorisée introduite en 1995, qui soumettait à une condition de réciprocité l'accès au marché américain. Le retour des Etats-Unis dans le cadre multilatéral s'explique par les améliorations des offres des pays émergents.
En effet, malgré la crise financière en Asie, les pays émergents ont consenti des améliorations substantielles de leurs engagements. Le niveau des offres des pays d'Europe centrale et orientale et d'Amérique latine est globalement très satisfaisant.
Parmi les pays dont l'offre était jugée insuffisante en 1995, le Brésil, les Philippines, l'Indonésie, la Thaïlande et la Malaisie ont consenti des améliorations significatives dans l'accès à leur marché.
Seule, la Corée avait dû limiter ses engagements à un niveau inférieur à celui qui avait été envisagé lors de son entrée à l'OCDE en 1996.
L'Inde, pour sa part, dont les engagements restent assez limités, a pris néanmoins des engagements supplémentaires de libéralisation dans le secteur bancaire.
La Malaisie, quant à elle, a finalement accepté, après de difficiles négociations, de relever le seuil autorisé de participations étrangères dans les secteurs de la banque et de l'assurance à 51 %, tout en contraignant les entreprises étrangères, en l'occurrence américaines, déjà présentes avec des participations supérieures à revenir au seuil de 51 %.
En conclusion, permettez-moi de souligner, mesdames, messieurs les sénateurs, que plusieurs facteurs incitent à minimiser les conséquences que pourrait avoir la crise financière des pays émergents sur la mise en oeuvre de l'accord qui vous est soumis.
Comme vous l'avez noté, le cinquième protocole porte plus sur la libéralisation de l'accès au marché des services financiers que sur celle des mouvements de capitaux. L'architecture de l'accord est d'ailleurs relativement protectrice des mouvements de capitaux à court terme, dans la mesure où l'annexe sur les services financiers autorise, de manière très large, le recours à des mesures prudentielles de protection.
Plus largement, il convient de rappeler que l'accord général sur le commerce des services permet à un membre d'adopter des restrictions destinées à protéger l'équilibre de sa balance des paiements.
A une exception près - la Malaisie, qui n'est pas pour autant revenue sur ses engagements pris dans le cadre du GATS - il convient, par ailleurs, de souligner que la crise financière semble avoir plutôt incité nombre de pays, notamment la Thaïlande, l'Indonésie, les Philippines et la Corée, à donner des signes d'ouverture supplémentaires pour attirer les capitaux étrangers dans un secteur financier en phase de restructuration.
Loin d'être un facteur de perturbation dans le contexte actuel, le cinquième protocole sur les services financiers est, au contraire, un signal positif à l'attention des pays en crise, mais aussi des opérateurs européens, notamment français, qui devraient tirer un large avantage de cet accord.
Enfin, cet accord ne se limite pas à garantir une plus grande transparence pour l'avenir. Il permet aussi le recours, dans ce domaine, au règlement des différends dans le cadre de l'OMC, qui est désormais reconnu par tous.
Cet accord contribue au renforcement de l'OMC et, plus généralement, à la mise en place du cadre multilatéral dont nous avons besoin pour assurer que l'internationalisation des échanges s'accompagne de la mise en place de règles multilatérales.
Les services financiers resteront clairement au rang de nos priorités offensives dans la perspective des futures échéances commerciales multilatérales. Le marché européen est, en effet, très ouvert sur l'extérieur et la France dispose de grandes sociétés, qui ont intérêt à l'émergence d'un marché global. C'est pourquoi nous devrons rechercher un approfondissement du travail dans ce domaine.
L'introduction d'un corps de règles et de disciplines multilatérales renforcé et cohérent est un objectif auquel le Gouvernement accorde une importance particulière. Le cinquième protocole sur les services financiers constitue une étape importante du processus mis en oeuvre à Marrakech.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle le cinquième protocole annexé à l'accord général sur le commerce des services, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Boyer, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes invités à examiner un projet de loi autorisant l'approbation du cinquième protocole relatif aux services financiers et annexé à l'accord général sur le commerce des services, l'AGCS.
S'agissant des services financiers, deux domaines particulièrement importants sont couverts par l'AGCS et concernent les modes de fournitures de ces services.
Il s'agit, tout d'abord, des échanges transfrontaliers des services financiers permettant, par exemple, de souscrire un contrat d'assurance auprès d'une compagnie étrangère.
Il s'agit, ensuite, des conditions d'établissement des entreprises étrangères, plus ou moins contraignantes ou souples selon les législations relatives à l'investissement étranger ou selon les restrictions posées à l'activité d'entreprises bancaires ou d'assurances par rapport aux entreprises nationales.
C'est donc sur ces deux éléments principaux que la négociation du cinquième protocole s'est surtout focalisée.
Mes chers collègues, le contexte dans lequel s'inscrit le cinquième protocole est celui de l'enjeu économique considérable du secteur des services financiers.
Le marché mondial de l'assurance a atteint 15 000 milliards de francs en 1997. En croissance forte, son chiffre d'affaires a quadruplé en dix ans. Il se structure autour de trois régions principales qui représentent 95 % du total, à savoir, tout d'abord, l'Asie - l'objectif essentiel et la priorité de la négociation a été la libéralisation des marchés asiatiques - ensuite, l'Amérique du Nord et, enfin, l'Union européenne, qui représente 28 % du total des cotisations.
La France occupe le cinquième rang mondial, avec un chiffre d'affaires de 1 000 milliards de francs, derrière les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne, à égalité avec le Royaume-Uni.
S'agissant du secteur des services bancaires et boursiers, les banques françaises, malgré les récentes restructurations, poursuivent leur mouvement d'internationalisation. Le stock d'investissement français à l'étranger s'élève à 93 milliards de francs, et les flux ont atteint 12 milliards de francs en 1997.
Quels sont, mes chers collègues, les acquis, au demeurant contrastés, du cinquième protocole ?
La France et l'Union européenne avaient plus d'intérêts offensifs dans la négociation que de positions à défendre compte tenu des législations européenne et française dans ce domaine, déjà largement conformes aux obligations de l'accord.
Cela étant, l'offre de l'Union européenne préserve des dispositions protectrices. Ainsi la France a-t-elle introduit des réserves destinées à protéger les réglementations nationales qui limitent, dans certains domaines, l'accès au marché des entreprises non communautaires. L'engagement de la France dans le cadre de l'accord se fait donc à législation constante.
Les acquis positifs de la négociation, inclus dans le cinquième protocole, proviennent essentiellement des offres présentées par les pays émergents, même si des dispositions restrictives demeurent, limitant le degré d'ouverture de ces marchés pour les entreprises européennes.
Les offres de pays importants ont été décevantes. Il en a été ainsi de l'Inde et du Pakistan, dont les marchés demeurent très fermés. Le marché japonais reste hermétique, même si le Japon a accepté de consolider les accords conclus bilatéralement avec les Etats-Unis dans les secteurs de la banque et de l'assurance. Enfin, le Canada et les Etats-Unis ont adopté une attitude très prudente.
On pouvait aussi légitimement s'interroger sur les conséquences de la crise financière asiatique dont les prémices ont précédé la conclusion du cinquième protocole.
Cette inquiétude ne s'est pas concrétisée. Les pays émergents d'Asie du Sud-Est ou d'Amérique latine, touchés par cette crise, ont pu percevoir l'intérêt que représenterait, pour eux, une ouverture de leurs marchés aux opérateurs occidentaux du secteur financier.
La concurrence étrangère sur leur territoire, en contraignant leurs propres établissements financiers à une rigueur accrue, est finalement de nature à prémunir ces pays, à l'avenir, contre des stratégies financières hasardeuses dont la crise qui les frappe a été la sévère sanction.
Mes chers collègues, plus de soixante-dix nations ont souscrit à cet accord, qui, comme l'a déclaré le négociateur pour l'Union européenne, sir Leon Brittan, « va contribuer à restaurer la confiance en Asie et va offrir d'importantes possibilités pour l'Europe et les Etats-Unis ». A partir de l'an prochain, les activités internationales des sociétés financières seront libéralisées dans 95 % du marché mondial.
L'Union européenne et la France ont beaucoup à attendre des conséquences de cette libéralisation. Je ne peux donc, mes chers collègues, que vous inviter à voter le projet de loi qui nous est soumis. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique . - Est autorisée l'approbation du cinquième protocole (services financiers) annexé à l'accord général sur le commerce des services, adopté à Genève le 27 février 1998 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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