Séance du 20 janvier 1999
M. le président. Par amendement n° 129, M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, avant l'article 1er ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« La nation se fixe comme objectif de porter, d'ici quatre ans, les pensions de retraite versées par le régime agricole à un montant au moins égal au minimum vieillesse, sous réserve d'une carrière complète en agriculture. » Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 326 rectifié, présenté par MM. Vasselle, Althapé, Bernard, Besse, Bizet, Braun, Cazalet, César, Cornu, Courtois, Debavelaere, Doublet, Dufaut, Esneu, Flandre, Fournier, François, Gaillard, Gérard, Gerbaud, Goulet, Gruillot, Hamel, Hugot, Jourdain, Larcher, Lassourd, Lauret, Legrand, Martin, Murat, Ostermann, de Richemont, Rispat, de Rohan, Taugourdeau, Vinçon, Vissac et les membres du groupe du RPR, et tendant à remplacer, dans le texte proposé par l'amendement n° 129, les mots : « quatre ans » par les mots : « deux ans ».
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales, pour défendre l'amendement n° 129.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales se préoccupe, comme vous-même, monsieur le ministre, et comme tous les parlementaires, du niveau des retraites d'un certain nombre d'agriculteurs, qui n'ont peut-être pas cotisé assez tôt, mais qui se trouvent de fait dans des situations extrêmement défavorables sur ce plan.
Tout à l'heure, notre collègue Aymeri de Montesquiou demandait qu'en cinq ans on atteigne le niveau des retraites du régime général. M. Le Cam a, lui, souhaité que l'on atteigne les trois quarts du SMIC.
Notre amendement tend, pour ma part, à porter le montant minimal des pensions de retraite versées par le régime agricole au niveau du minimum vieillesse, et ce en quatre ans.
Vous avez certes objecté tout à l'heure, monsieur le ministre, que cette disposition représentait un coût de 7 milliards de francs. Notre évaluation aboutissait à un chiffre légèrement inférieur. Quoi qu'il en soit, nous pensons que cet objectif peut être atteint en quatre ans.
Vous me direz, monsieur le ministre, qu'il est toujours possible de percevoir un complément, mais celui-ci provient, je crois, du fonds de solidarité vieillesse, et il est bien entendu récupérable sur la succession. Cette dernière opération est difficilement admise dans le monde agricole, et c'est pourquoi, finalement, les personnes intéressées ne demandent pas à bénéficier du complément. Par conséquent, nombre de retraités agricoles se retrouvent avec des pensions de retraite extrêmement faibles. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté cet amendement, qui a été adopté par la commission.
Certes, des efforts ont été consentis depuis 1994 pour améliorer la situation, mais que l'on me permette tout de même de formuler une observation.
En 1998 et en 1999, alors que rien n'était spécialement prévu au titre du BAPSA, le budget annexe des prestations sociales agricoles, ce fut la cerise sur le gâteau : au dernier moment, le Gouvernement a accordé un supplément. C'était certes généreux vis-à-vis des retraités agricoles, mais, aux yeux du Parlement, il serait tout de même préférable de faire figurer de telles dispositions dans le BAPSA.
Tout à l'heure, notre collègue Aymeri de Montesquiou réclamait l'instauration d'un système simple. Or, finalement, la lecture de ce texte est très difficile et le dispositif est assez compliqué. Je ne sais, mes chers collègues, si vous avez décompté les renvois à des décrets, mais je l'ai fait, et je suis parvenu à un total de quarante-cinq décrets, dont trente-cinq pris en Conseil d'Etat. Je sais bien qu'un certain nombre de ces décrets ont été introduits par nos collègues députés, mais c'est dire que nous ne sommes pas à la veille de voir ce texte entrer en application, à moins bien sûr que tout ne soit déjà prêt.
Nous proposons donc une mesure simple. Le coût de sa mise en oeuvre est certes élevé, mais il peut être supporté, à mon sens, par le BAPSA.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour présenter le sous-amendement n° 326 rectifié.
M. Alain Vasselle. Lors de la discussion générale, je me suis plu à rappeler à l'ensemble de mes collègues, ainsi qu'à M. le ministre, qui ne pouvait pas l'ignorer, la situation dans laquelle se trouvent aujourd'hui la plupart des retraités agricoles. Je redonne les chiffres : actuellement, 300 000 retraités agricoles perçoivent une pension inférieure au minimum vieillesse. Ils représentent un tiers des 900 000 bénéficiaires des prestations du fonds national de solidarité. Par comparaison, la proportion des retraités des autres branches allocataires de ce fonds est beaucoup plus faible.
A l'aube du troisième millénaire, notre pays ne peut tolérer que de nombreux retraités agricoles, qui étaient d'ailleurs, pour la plupart, au temps de leur activité, à la tête de petites exploitations, soient maintenus dans cette situation.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, j'ai estimé, avec plusieurs de mes collègues, qu'il fallait accélérer le processus de revalorisation des retraites agricoles les plus modestes. Si nous ne saisissons pas l'occasion de l'élaboration d'une loi d'orientation agricole pour arrêter des décisions et marquer notre détermination à garantir à nos agriculteurs des retraites qui soient dignes de notre temps, je ne sais pas quand nous le ferons !
Par conséquent, je pense qu'il faut être plus volontaire que ne l'est la commission des affaires sociales, qui prévoit d'atteindre cet objectif en quatre ans.
J'entends bien qu'un problème financier se pose, puisque le coût estimé de cette mesure est de l'ordre de 6 milliards à 7 milliards de francs, mais M. le Premier ministre et Mme Aubry ont su trouver les moyens de financer les emplois-jeunes. J'imagine donc difficilement que l'on ne puisse pas dégager sur deux ans les crédits qui permettront de financer des retraites d'un montant digne, à la hauteur des efforts de ceux qui ont durement travaillé la terre. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Bernard Piras. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait en 1997 ?
M. Paul Raoult. Vous auriez dû le faire plus tôt !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 129 et sur le sous-amendement n° 326 rectifié ?
M. Michel Souplet, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 129 proposé par la commission des affaires sociales, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 326 rectifié, la commission pense que l'idée de M. Vasselle est bonne. Il vaudrait mieux en effet accélérer le processus, mais un problème financier se pose. Nous sommes obligés d'en tenir compte, compte tenu surtout de la réaction qui a été la nôtre lors de l'établissement du budget pour l'année 1999.
Je demande donc à M. Vasselle de retirer son sous-amendement, la commission préférant la rédaction initiale de l'amendement n° 129.
M. le président. Monsieur Vasselle, le sous-amendement n° 326 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Avant de me prononcer, je souhaiterais entendre la réponse de M. le ministre.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 129 et sur le sous-amendement n° 326 rectifié ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet, mais je suis très heureux de constater que M. Vasselle prend en compte la situation des retraités agricoles les plus modestes. Mais, comme le disaient certains membres de cette assemblée, que n'avez-vous agi lorsque vous étiez au pouvoir ! (M. Alain Vasselle proteste.)
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Cela a commencé en 1994 !
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Non ! Toutes les retraites étaient concernées, le dispositif n'était pas ciblé sur les plus faibles ! C'est très différent ! (Protestations sur les travées du RPR.)
Quoi qu'il en soit, je considère pour ma part que, sur le fond, il n'existe pas de divergences entre nous : plus tôt on alignera le montant des retraites agricoles les plus modestes sur le minimum vieillesse, mieux cela vaudra. L'article 1er répond d'ailleurs d'une certaine manière à ce souci, puisqu'il précise que la revalorisation est un objectif qui devra être atteint.
Cela étant, je répète que l'alignement sur le minimum vieillesse coûterait 7 milliards de francs, soit 3,5 milliards de francs par an sur deux ans. Par conséquent, j'invoque ici l'article 40 de la Constitution.
En outre, nous avons décidé d'opérer une revalorisation sur cinq ans. Deux étapes ont déjà été franchies, et un rapport relatif aux modalités de réalisation des trois étapes suivantes me sera remis dans le courant du premier semestre.
Attendons donc de connaître les conclusions de ce rapport avant de prendre des décisions en cette matière. Dans l'immédiat, j'invoque l'article 40 de la Constitution contre l'amendement n° 129 et le sous-amendement n° 326 rectifié.
M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable à l'amendement n° 129 et au sous-amendement n° 326 rectifié ?
M. Michel Charasse, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il l'est dans les deux cas, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 de la Constitution étant applicable, l'amendement n° 129 et le sous-amendement n° 326 rectifié ne sont pas recevables.
Par amendement n° 418, MM. Deneux et Machet proposent d'insérer, avant l'article 1er ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement présentera au Parlement dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi un rapport sur les adaptations législatives et réglementaires nécessaires en vue d'harmoniser l'ensemble des prestations servies par la Mutualité sociale agricole et les autres régimes de sécurité sociale. »
La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 418 est retiré.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.
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