Séance du 9 février 1999






ORDONNANCE RELATIVE AUX SPECTACLES

Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 512, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, portant modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles. [Rapport n° 543 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi portant modification de l'ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles, adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale le 17 juin 1998, revient aujourd'hui en deuxième lecture devant votre assemblée.
Je me réjouis, au nom du Gouvernement, du travail accompli par les deux assemblées qui ont su, chacune à son tour, enrichir le texte et en préciser la portée. Les définitions des catégories des entrepreneurs de spectacles ont été affinées ; les précisions indispensables ont été apportées, permettant l'identification des acteurs et des responsables concourant à la représentation des spectacles.
Vous le savez, l'adoption de ce texte contribuera au respect par l'Etat des engagements pris lors de la signature du protocole conclu à l'issue de la mission de M. Pierre Cabanes et lié à la reconduction des annexes 8 et 10 de l'assurance chômage. Je rappelle, en effet, que cette réforme législative est l'un des éléments essentiels du renforcement des droits des salariés du spectacle et de la lutte contre la précarité de leur situation.
L'Assemblée nationale a repris, en deuxième lecture, l'intégralité des amendements qui avaient été adoptés par le Sénat. J'y vois le signe d'une collaboration très constructive des deux assemblées sur ce texte.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Sans reprendre l'ensemble d'un projet qui a été présenté dans le détail lors de la première lecture, je rappellerai les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale qu'il vous appartient aujourd'hui d'examiner.
L'Assemblée nationale a précisé, à l'article 2 du projet de loi, la définition des catégories de diffuseurs en indiquant que sont inclus dans cette catégorie « les entrepreneurs de tournées qui n'ont pas la responsabilité d'employeur à l'égard du plateau artistique ».
Cette précision est utile et elle complète la rédaction qui avait été adoptée par le Sénat. Ainsi, la définition et le rôle de chacune des catégories d'entrepreneurs de spectacles sont désormais clarifiés.
Le décret d'application précisera que, dans tous les cas où un contrat est conclu entre un diffuseur et un exploitant de lieux, l'identité du producteur, responsable de l'emploi du plateau artistique, devra être mentionnée dans le contrat.
Ainsi, les responsabilités des différents professionnels qui concourent à des représentations de spectacles seront identifiées.
Je souhaite apporter des précisions sur la libre circulation en Europe, point qui a été évoqué par M. Nachbar dans son rapport.
Pour s'établir en France, les ressortissants étrangers devront effectivement solliciter une licence, comme les nationaux, sauf à produire un titre équivalent. Comme le souligne M. le rapporteur, ce type de législation n'est pas développé dans les autres pays européens. Cependant, pour respecter le principe communautaire de liberté d'établissement, la loi doit prévoir cette possibilité d'équivalence.
En ce qui concerne les entrepreneurs de spectacles qui ne sont pas établis en France et qui n'entrent pas dans la catégorie des ressortissants communautaires titulaires d'un titre équivalent, deux possibilités leur sont offertes : soit solliciter une licence temporaire, valable pour la durée des représentations envisagées ; soit passer un contrat avec un titulaire de licence en France et adresser une déclaration à l'autorité compétente.
Dans cette seconde hypothèse, le système de simple déclaration permet de mettre la législation française en conformité avec les principes de libre prestation de service, consacrés à l'échelon communautaire, tout en évitant une discrimination à l'encontre des entrepreneurs de spectacles français par rapport à leurs homologues européens qui exercent leur activité sans être soumis à des obligations équivalentes dans leur propre pays.
En pratique, l'exigence d'un contrat avec un entrepreneur de spectacles en France ne constitue pas un obstacle supplémentaire pour les entrepreneurs de spectacles étrangers ; la représentation d'un spectacle en France implique un lieu de spectacles, ce qui suppose, en toute hypothèse, un contrat avec un exploitant de lieu étant, aux termes de l'ordonnance, titulaire d'une licence.
Ainsi, l'article 4 permet d'assurer et de garantir aux ressortissants européens la liberté d'établissement et de prestation de service.
Le Gouvernement précisera, dans le décret d'application, la procédure permettant de contrôler les entrepreneurs de spectacles, qu'ils soient français ou ressortissants européens, et d'assurer une égalité de traitement.
C'est à ce titre que ce même article autorise l'inspection du travail, l'URSSAF, les organismes sociaux du spectacle et les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteurs à communiquer aux autorités administratives chargées de délivrer ou de renouveler les licences des informations sur la situation des entrepreneurs concernés.
En ce qui concerne la définition des organisateurs occasionnels, il est précisé à l'article 6 du projet que les amateurs qui ont recours à des artistes du spectacle percevant une rémunération relèvent bien, dans la limite des six représentations fixées par le texte, de l'activité occasionnelle d'entrepreneur de spectacles telle qu'elle est définie par la loi.
Il me paraît important, notamment dans le cadre du développement des pratiques amateurs, auquel je suis particulièrement attachée, que cette définition soit ainsi complétée.
Bien entendu, l'exonération de licence pour six représentations ne dispense pas du respect des législations sociale, du travail et fiscale, ni des obligations liées au droit de la propriété littéraire et artistique. Elle est destinée à alléger les obligations administratives pour les activités amateurs ou l'organisation ponctuelle de spectacles par des associations.
Je rappelle que les représentations ne faisant pas appel à des artistes professionnels rémunérés restent évidemment en dehors du champ d'application de la loi.
S'agissant des incompatibilités, qui font l'objet de l'article 12 bis, le projet de loi initial maintenait une incompatibilité entre la fonction d'agent artistique et celles d'exploitant de lieux et de diffuseur, inscrite à l'article L. 762-5 du code du travail.
Les débats précédents ont en effet démontré que, depuis 1945, ni l'ordonnance ni le code du travail ne faisaient référence aux diffuseurs et que de nombreux agents artistiques exerçaient cette activité.
C'est pourquoi l'Assemblée nationale a modifié la rédaction du projet sur ce point, afin de ne pas étendre au-delà de celle qui existe déjà le régime de l'incompatibilité entre exploitant de lieux et agent artistique.
La philosophie du projet étant de définir les métiers reconnus par les usages professionnels, il me semble important que les agents artistiques ne fassent pas l'objet d'une discrimination par rapport aux entrepreneurs de tournées, leurs activités respectives étant semblables sur bien des points.
J'en viens à la non-rétroactivité du texte.
L'adoption du dispositif prévu sur ce point à l'article 13 ne devrait pas présenter de difficulté, la portée de cet article étant limitée aux licences attribuées avant l'entrée en vigueur du texte et qui continueront à produire des effets jusqu'à la fin de leur validité, limitée à deux ans.
Bien entendu, toutes les licences définitives continueront à produire leur effet sauf si, des infractions aux obligations sociales ayant été relevées à leur encontre, une décision de retrait était prononcée.
Enfin, je souhaiterais vous dire quelques mots des deux amendements sur lesquels vous aurez, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous prononcer dans quelques minutes.
Tout d'abord, vous le savez, le Gouvernement a déposé un amendement de pure coordination à l'article 12, adopté conforme par les deux assemblées. Il ne s'agit absolument pas ici de revenir sur le fond de l'article ; il s'agit simplement de corriger une disposition devenue obsolète au regard des dispositions fiscales adoptées dans la loi de finances pour 1999. En effet, les collectivités territoriales peuvent désormais exonérer totalement de la taxe professionnelle certaines entreprises de spectacles.
En ce qui concerne l'amendement du président de la commission des affaires culturelles, M. Gouteyron, je souhaite vous dire d'ores et déjà qu'il a retenu toute mon attention. La préoccupation qu'il recouvre est tout à fait légitime, et je souhaite y répondre. Comme vous le savez, j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer cette question à la suite du dépôt d'un amendement de M. Patrick Bloche, rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale ; je suis donc tout à fait disposée à apporter les précisions complémentaires qui permettront, je l'espère, de mettre un terme aux inquiétudes dont le président Gouteyron se fait l'écho.
Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les points sur lesquels j'ai souhaité, au nom du Gouvernement, apporter des précisions.
Je voudrais, pour conclure, remercier à nouveau le rapporteur, M. Nachbar, du travail qu'il a effectué, l'ensemble de la commission des affaires culturelles et son président de l'intérêt qu'ils ont manifesté sur ce texte très attendu par l'ensemble du secteur du spectacle vivant et du spectacle enregistré. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Nachbar, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant modification de l'ordonnance de 1945 sur les spectacles, que nous avions examiné le 29 avril 1998 et qui a été adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, revient aujourd'hui devant nous.
Un tel délai, à l'évidence excessif, aura d'ailleurs pour conséquence, en dépit de l'avis conforme de la commission, d'imposer une troisième lecture par l'Assemblée nationale. Nous allons en effet examiner dans un instant un amendement que le Gouvernement est tenu de déposer pour rendre ce texte conforme à la loi de finances dans une de ses dispositions importantes.
Je tiens à préciser que ce délai, que je viens de qualifier d'excessif, ne tient en rien à une quelconque divergence entre les deux assemblées. A l'occasion de l'examen de ce projet de loi, le Sénat et l'Assemblée nationale ont en effet travaillé en étroite collaboration avec le Gouvernement, ce dont je ne peux que me féliciter.
En effet, ce texte répond à un objectif qui suscitait l'adhésion de chacun de ceux qui ont eu à l'étudier : adapter à la situation du spectacle vivant d'aujourd'hui un texte datant de 1945, qui, pour l'essentiel de son contenu, n'avait quasiment jamais varié. Devenues par conséquent tout à fait obsolètes, les dispositions visées nécessitaient, bien au-delà d'un simple toilettage, une refonte complète.
Je me dispenserai de revenir sur les détails du projet de loi que nous avions examiné l'an dernier pour me contenter d'en rappeler les trois principaux objectifs.
Il s'agit, d'abord, d'adapter l'ordonnance aux réalités des métiers du spectacle vivant, métiers qui, à l'instar d'une administration longtemps portée sur la réglementation, ont sensiblement évolué depuis la Seconde Guerre mondiale. La tendance actuelle consiste à laisser aux spectacles, et, plus globalement, aux métiers de la culture, une faculté de libre organisation.
Il s'agit, ensuite, de simplifier le régime de la licence d'entrepreneur de spectacles vivants.
Il s'agit, enfin, de renforcer les contrôles relatifs au respect de la législation sociale et du règlement des droits d'auteurs.
En première lecture, l'Assemblée nationale comme le Sénat ont approuvé ces orientations et ont adopté les principales dispositions du texte, en les assortissant de quelques amendements.
Lors de l'examen de ce projet de loi en avril dernier, notre assemblée avait introduit trois amendements principaux.
En premier lieu, elle avait institué un régime d'autorisation tacite pour la délivrance comme pour le renouvellement de l'autorisation de licence. Elle était en effet soucieuse d'éviter de nouvelles contraintes, aussi bien pour les professionnels du spectacle que pour les responsables de politique culturelle, notamment pour les collectivités locales.
Désireux de préserver la possibilité de libre administration des communes, le Sénat avait effectivement estimé nécessaire le maintien et le développement d'un régime d'autorisation tacite. Il avait été suivi sur cette voie par l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement.
En deuxième lieu, le Sénat avait précisé la définition des différentes catégories de licences d'entrepreneur de spectacles, notamment de celles qui sont relatives aux diffuseurs, afin de clarifier au maximum cette matière, complexe par nature.
Enfin, en troisième lieu, le Sénat, pour renforcer l'efficacité du dispositif adopté, avait étendu aux exploitants de lieux de spectacles et aux diffuseurs la possibilité, initialement réservée aux producteurs, d'accueillir en France des entrepreneurs étrangers, sous la seule réserve d'une déclaration, et non pas d'une demande de licence.
Lorsqu'elle a examiné le texte en deuxième lecture, en juin 1998, l'Assemblée nationale, après avoir approuvé les amendements du Sénat, a elle-même modifié le texte sur deux points que vous venez d'évoquer, madame la ministre.
A l'article 6, relatif aux spectacles occasionnels, les députés ont adopté, sur votre initiative, un amendement autorisant les groupements d'artistes amateurs ayant recours à des artistes du spectacle à organiser six représentations par an sans licence. J'y vois un assouplissement à mon sens tout à fait nécessaire. Comment imaginer qu'un spectacle organisé par des amateurs soit soumis à cette procédure relativement lourde de la licence, qui est destinée aux professionnels ?
L'article 12 bis précise le régime des incompatibilités entre les activités d'agent artistique et d'entrepreneur de spectacles vivants. Désormais, seule l'activité d'exploitant est incompatible avec celle d'agent artistique, pour des raisons aisément compréhensibles, tant un mélange des genres entre ces deux activités paraît peu concevable.
Suivant enfin votre initiative, l'Assemblée nationale avait introduit une disposition invitant les organismes sociaux, l'inspection du travail, les organismes de perception et de répartition des droits d'auteur à se coordonner avec les directions régionales des affaires culturelles afin qu'un contrôle soit exercé de la manière la plus souple possible au moment du renouvellement ou de l'octroi des licences.
Je vous confirme aujourd'hui l'avis favorable émis, lors de l'examen du texte, par notre commission sur les trois amendements introduits et votés par l'Assemblée nationale.
La commission souhaite en effet, comme l'ensemble du Sénat, comme l'Assemblée nationale, parvenir à un juste équilibre entre le nécessaire renforcement d'un contrôle de l'application de la législation sociale et la volonté de simplifier un secteur où la liberté de création doit être la règle. Il fallait maintenir une réglementation propre aux spectacles vivants.
M. Emmanuel Hamel. Y a-t-il des spectacles morts pour qu'on parle toujours de spectacles vivants ?
M. Philippe Nachbar, rapporteur. Telle était la volonté des professionnels, qui s'étaient exprimés par l'intermédiaire du Conseil national des professions.
Il fallait assurer le respect des droits des artistes, tout en maintenant le dynamisme et la créativité des professionnels du spectacle vivant. Les modifications apportées par notre assemblée en première lecture ont permis, à partir du texte que vous nous avez soumis, de concilier ces deux objectifs.
C'est la raison pour laquelle notre commission vous proposera d'adopter sans modification les cinq articles restant en discussion.
S'y ajouteront cependant deux amendements. Le premier vise, vous l'avez rappelé à l'instant, madame la ministre, à adapter l'un des articles du texte à la loi de finances, laquelle a autorisé les collectivités locales et les groupements à fiscalité propre à exonérer à 100 % - et non plus à 50 % - de la taxe professionnelle les entrepreneurs de spectacles. La commission a adopté cet amendement à l'unanimité.
Elle a, par ailleurs, donné un avis favorable à l'autre amendement, déposé par M. Gouteyron, qui tend à protéger les festivals - dont l'importance dans la vie culturelle de notre pays est connue - d'une interprétation excessivement stricte des dispositions relatives aux contrats de travail. Il est donc prévu de proposer un contrat de services aux troupes venant de l'étranger.
Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les positions prises lors de sa récente réunion par la commission des affaires culturelles à la fois sur les cinq articles encore en discussion et sur les deux amendements qui nous sont soumis et qu'elle vous demande de bien vouloir adopter. (Applaudissements.)
M. le président. Permettez-moi une remarque amicale, monsieur le rapporteur : la prochaine fois, pensez à nos sténographes, qui, pour être expérimentés, n'en sont pas moins parfois handicapés par une élocution trop rapide ! (Sourires.)
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, régi par une ordonnance de 1945 qui n'avait quasiment subi aucune modification, le monde du spectacle vivant attendait depuis longtemps cette réforme.
Comme vient de le rappeler M. le rapporteur, ce projet de loi, que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture, a suscité un large consensus. Nous pouvons nous féliciter qu'il adapte une ordonnance ancienne et devenue obsolète aux nouvelles réalités du spectacle vivant en affirmant la nécessité de faire respecter les obligations sociales dans un domaine où nous savons tous qu'elles sont moins bien appliquées que dans d'autres.
Dans une optique de professionnalisation du spectacle vivant, ce texte répond donc à deux grandes exigences : d'une part, simplifier et rationaliser le régime des licences octroyées aux entrepreneurs de spectacles, d'autre part, améliorer les conditions de respect par les entrepreneurs de spectacles de leur obligations en matière de droit social et de propriété littéraire et artistique.
Evoquons d'abord la simplification et la rationalisation du régime des licences.
Tout en maintenant le principe de la licence, le projet de loi la généralise à toutes formes de spectacles vivants. Seules les pratiques amateurs en sont désormais exclues. En revanche, toutes les structures, qu'elles soient publiques ou privées, de nature associative ou à but lucratif, sont soumises à ce même régime.
L'art dramatique, la danse et la musique ayant beaucoup évolué depuis la guerre, les six catégories de licences de l'ordonnance de 1945 n'offraient plus un reflet fidèle des pratiques artistiques actuelles.
Le projet de loi vise à instituer trois types de licences se référant à des métiers et non plus à des genres artistiques.
Ainsi distingue-t-il trois licences différentes selon qu'il s'agit d'un exploitant de salle, d'un producteur ou d'un diffuseur.
Au cours de la première lecture, nous avions souhaité que les entrepreneurs de tournées puissent bénéficier de la licence de la deuxième ou de la troisième catégorie, selon qu'ils sont ou non employeurs du plateau artistique. Je me félicite de l'introduction de cette précision par l'Assemblée nationale. L'activité d'un entrepreneur de tournées est en effet parfois beaucoup plus proche de celle d'un diffuseur que de celle d'un producteur : c'est notamment le cas lorsqu'il achète un spectacle « clés en main » et se contente d'en organiser la diffusion territoriale.
Par ailleurs, j'ai pris bonne note, madame la ministre, de la possibilité qui est donnée aux entrepreneurs de spectacles établis à l'étranger de passer par le détenteur de l'une des trois catégories de licence. Néanmoins, j'éprouve toujours quelques réticences quant à la possibilité de contracter avec les entrepreneurs de la première catégorie, en raison du risque de conséquences juridiques fâcheuses pour certains titulaires de cette catégorie. Je pense bien évidemment ici à tous les lieux de spectacle pas toujours très structurés sur le plan administratif qui fleurissent chaque été dans les plus petites de nos communes. Je me permets, madame la ministre, d'attirer votre attention sur la nécessité d'un important effort d'information en direction de ces petites structures.
S'agissant toujours des entrepreneurs étrangers, je pense qu'il faudra rapidement mettre en place par décret un système d'équivalences efficaces pour ceux qui sont établis dans l'Union européenne.
Enfin, il me semble particulièrement important que le fichier national regroupant toutes les demandes de licence effectuées auprès des DRAC, les directions régionales des affaires culturelles, soit rapidement mis en place.
Le projet de loi vise en outre à mieux faire respecter les obligations sociales par les entrepreneurs de spectacles. La volonté de professionnaliser le secteur s'accompagne naturellement du renforcement du statut des artistes dans un monde où l'intermittence de l'emploi domine et où le précarité est souvent perçue comme la règle.
Les conditions posées jusqu'ici par l'ordonnance de 1945 pour l'octroi de la licence ne permettaient pas de faire respecter les obligations qui nous semblent aujourd'hui essentielles. Ainsi, s'il fallait, pour obtenir une licence, disposer d'un certificat de bonne vie et moeurs, il n'était fait allusion nulle part au respect du droit social. Or, comme chacun sait - et comme nous avons maintes fois l'occasion de nous en apercevoir - le spectacle vivant est un domaine où les règles de droit sont bien souvent peu, voire pas respectées. Il sera désormais interdit de verser des subventions publiques aux entreprises qui ne se conformeraient pas aux règles du droit du travail, de la protection sociale et de la propriété littéraire et artistique. Ce texte prévoit un certain nombre de sanctions pouvant aller jusqu'au retrait de la licence. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
S'ils ne révolutionnent pas à proprement parler le secteur auquel ils s'appliquent, certains projets de loi, qui facilitent néanmoins grandement la vie de nos concitoyens, peuvent, en ce sens, être vécus comme de véritables petites révolutions. La profession souhaitait depuis longtemps que l'ordonnance qui régissait son secteur, vieille de cinquante ans, soit réactualisée et que des moyens efficaces de contrôle du respect des règles de droit soient mis en place. C'est chose faite.
Le groupe socialiste votera ce texte en deuxième lecture, comme il l'avait voté en première lecture. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel. Mme Pourtaud est une grande cantatrice ! (Sourires.)
M. le président. Et M. Hamel a toujours le propos flatteur ! (Nouveaux sourires.)
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de l'examen de ce texte en première lecture, notre collègue Ivan Renar rappelait l'importance du spectacle vivant dans le paysage culturel de notre pays, au regard notamment du nombre de structures, de leur diversité et du nombre de salariés concernés.
Le texte qui nous est soumis s'intéresse principalement à la qualification d'entrepreneur de spectacles vivants et constitue en cela un toilettage nécessaire de l'ordonnance de 1945.
Réglementer le statut d'entrepreneur de spectacles dans le sens d'une meilleure harmonisation, protéger le patrimoine des salles de spectacles des appétits de certains affairistes immobiliers, ce sont là des objectifs auxquels nous adhérions lors de l'examen de ce texte en première lecture et que nous soutenons à nouveau aujourd'hui.
Madame la ministre, vous avez annoncé le 12 janvier dernier, lors d'une conférence de presse, un certain nombre de mesures en direction du spectacle vivant.
L'ambition de ces dernières, qui est à la mesure de ce que l'on peut attendre de notre pays en matière de spectacle vivant, appellera, à n'en pas douter, certains développements.
Pour autant, le travail à accomplir pour moderniser, démocratiser, sensibiliser et promouvoir le spectacle vivant et ses créateurs en est à ses balbutiements au regard des enjeux de la création aujourd'hui.
Il est des priorités qui se font jour et auxquelles nous nous devons de répondre. Permettez-moi d'en citer quelques-unes.
Ainsi, il est à présent nécessaire d'oeuvrer à une harmonisation juridique des structures du spectacle vivant. Je pense notamment aux structures des collectivités territoriales, amenées très souvent, faute d'un cadre juridique adapté, à opter tantôt pour le statut associatif, tantôt pour la régie directe, avec les défauts que l'on sait dans l'un ou l'autre des cas.
Les inconvénients fiscaux pour le statut associatif, ou les problèmes de rigidité pour la régie directe ne sont pas des moindres.
Dois-je rappeler que notre groupe est à l'origine d'une proposition de loi qui permettrait cette harmonisation des structures culturelles locales attendue, par nombre d'élus locaux, mais aussi par les responsables de telles structures culturelles ?
Hors des structures elles-mêmes, il convient également de trouver une solution adaptée au problème de l'intermittence du spectacle, non seulement pour aller dans le sens de la création d'un statut des créateurs dans notre pays, mais aussi de nous interroger sur les causes du développement de l'intermittence dans des secteurs jusqu'à présent épargnés.
On ne peut laisser à l'appréciation des seules organisations patronales le soin de décider que des salariés seront par milliers privés de tout droit, au seul regard du déficit de leur caisse d'indemnisation chômage. Il y a, dans notre pays, des droits fondamentaux que nous nous devons de garantir pour tous.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Guy Fischer. Certes, le texte que nous examinons introduit, quant aux droits des salariés du spectacle vivant, quelques garde-fous, mais il faut aller plus loin encore.
Les compagnies indépendantes appellent, quant à elles, à la définition d'un statut particulier et ont quelques craintes dans l'assimilation à la qualité d'entrepreneur du spectacle.
De la même façon, il nous faudra rester attentifs au lien qui pourrait être établi par les services fiscaux entre la notion d'entrepreneur du spectacle et la qualification d'entreprise commerciale.
Les quelques questions que je viens de soulever méritent, par leur ampleur - je pense, notamment, au statut de la création et à ceux qui participent à son élaboration - la tenue d'un débat national sur les fondements de la politique culturelle dans notre pays.
Pour en revenir au texte, et avant même d'aborder l'examen des amendements, nous souhaiterions que le projet de loi qui nous est soumis fasse l'objet d'un consensus identique à celui qui a prévalu lors de la première lecture.
Il y va de l'adoption rapide d'un texte attendu par l'ensemble de ceux qui font du spectacle vivant leur métier, mais aussi - c'est un point important - de l'accord des deux assemblées sur ces sujets quand il s'agit de défendre et de promouvoir une conception originale de la politique culturelle dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Article 2