Séance du 9 février 1999
ORDONNANCE RELATIVE AUX SPECTACLES
Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n°
512, 1997-1998), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en
deuxième lecture, portant modification de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre
1945 relative aux spectacles. [Rapport n° 543 (1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi portant modification de
l'ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles, adopté en deuxième
lecture par l'Assemblée nationale le 17 juin 1998, revient aujourd'hui en
deuxième lecture devant votre assemblée.
Je me réjouis, au nom du Gouvernement, du travail accompli par les deux
assemblées qui ont su, chacune à son tour, enrichir le texte et en préciser la
portée. Les définitions des catégories des entrepreneurs de spectacles ont été
affinées ; les précisions indispensables ont été apportées, permettant
l'identification des acteurs et des responsables concourant à la représentation
des spectacles.
Vous le savez, l'adoption de ce texte contribuera au respect par l'Etat des
engagements pris lors de la signature du protocole conclu à l'issue de la
mission de M. Pierre Cabanes et lié à la reconduction des annexes 8 et 10 de
l'assurance chômage. Je rappelle, en effet, que cette réforme législative est
l'un des éléments essentiels du renforcement des droits des salariés du
spectacle et de la lutte contre la précarité de leur situation.
L'Assemblée nationale a repris, en deuxième lecture, l'intégralité des
amendements qui avaient été adoptés par le Sénat. J'y vois le signe d'une
collaboration très constructive des deux assemblées sur ce texte.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Sans reprendre l'ensemble
d'un projet qui a été présenté dans le détail lors de la première lecture, je
rappellerai les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale qu'il vous
appartient aujourd'hui d'examiner.
L'Assemblée nationale a précisé, à l'article 2 du projet de loi, la définition
des catégories de diffuseurs en indiquant que sont inclus dans cette catégorie
« les entrepreneurs de tournées qui n'ont pas la responsabilité d'employeur à
l'égard du plateau artistique ».
Cette précision est utile et elle complète la rédaction qui avait été adoptée
par le Sénat. Ainsi, la définition et le rôle de chacune des catégories
d'entrepreneurs de spectacles sont désormais clarifiés.
Le décret d'application précisera que, dans tous les cas où un contrat est
conclu entre un diffuseur et un exploitant de lieux, l'identité du producteur,
responsable de l'emploi du plateau artistique, devra être mentionnée dans le
contrat.
Ainsi, les responsabilités des différents professionnels qui concourent à des
représentations de spectacles seront identifiées.
Je souhaite apporter des précisions sur la libre circulation en Europe, point
qui a été évoqué par M. Nachbar dans son rapport.
Pour s'établir en France, les ressortissants étrangers devront effectivement
solliciter une licence, comme les nationaux, sauf à produire un titre
équivalent. Comme le souligne M. le rapporteur, ce type de législation n'est
pas développé dans les autres pays européens. Cependant, pour respecter le
principe communautaire de liberté d'établissement, la loi doit prévoir cette
possibilité d'équivalence.
En ce qui concerne les entrepreneurs de spectacles qui ne sont pas établis en
France et qui n'entrent pas dans la catégorie des ressortissants communautaires
titulaires d'un titre équivalent, deux possibilités leur sont offertes : soit
solliciter une licence temporaire, valable pour la durée des représentations
envisagées ; soit passer un contrat avec un titulaire de licence en France et
adresser une déclaration à l'autorité compétente.
Dans cette seconde hypothèse, le système de simple déclaration permet de
mettre la législation française en conformité avec les principes de libre
prestation de service, consacrés à l'échelon communautaire, tout en évitant une
discrimination à l'encontre des entrepreneurs de spectacles français par
rapport à leurs homologues européens qui exercent leur activité sans être
soumis à des obligations équivalentes dans leur propre pays.
En pratique, l'exigence d'un contrat avec un entrepreneur de spectacles en
France ne constitue pas un obstacle supplémentaire pour les entrepreneurs de
spectacles étrangers ; la représentation d'un spectacle en France implique un
lieu de spectacles, ce qui suppose, en toute hypothèse, un contrat avec un
exploitant de lieu étant, aux termes de l'ordonnance, titulaire d'une
licence.
Ainsi, l'article 4 permet d'assurer et de garantir aux ressortissants
européens la liberté d'établissement et de prestation de service.
Le Gouvernement précisera, dans le décret d'application, la procédure
permettant de contrôler les entrepreneurs de spectacles, qu'ils soient français
ou ressortissants européens, et d'assurer une égalité de traitement.
C'est à ce titre que ce même article autorise l'inspection du travail,
l'URSSAF, les organismes sociaux du spectacle et les sociétés de perception et
de répartition des droits d'auteurs à communiquer aux autorités administratives
chargées de délivrer ou de renouveler les licences des informations sur la
situation des entrepreneurs concernés.
En ce qui concerne la définition des organisateurs occasionnels, il est
précisé à l'article 6 du projet que les amateurs qui ont recours à des artistes
du spectacle percevant une rémunération relèvent bien, dans la limite des six
représentations fixées par le texte, de l'activité occasionnelle d'entrepreneur
de spectacles telle qu'elle est définie par la loi.
Il me paraît important, notamment dans le cadre du développement des
pratiques amateurs, auquel je suis particulièrement attachée, que cette
définition soit ainsi complétée.
Bien entendu, l'exonération de licence pour six représentations ne dispense
pas du respect des législations sociale, du travail et fiscale, ni des
obligations liées au droit de la propriété littéraire et artistique. Elle est
destinée à alléger les obligations administratives pour les activités amateurs
ou l'organisation ponctuelle de spectacles par des associations.
Je rappelle que les représentations ne faisant pas appel à des artistes
professionnels rémunérés restent évidemment en dehors du champ d'application de
la loi.
S'agissant des incompatibilités, qui font l'objet de l'article 12
bis,
le projet de loi initial maintenait une incompatibilité entre la fonction
d'agent artistique et celles d'exploitant de lieux et de diffuseur, inscrite à
l'article L. 762-5 du code du travail.
Les débats précédents ont en effet démontré que, depuis 1945, ni l'ordonnance
ni le code du travail ne faisaient référence aux diffuseurs et que de nombreux
agents artistiques exerçaient cette activité.
C'est pourquoi l'Assemblée nationale a modifié la rédaction du projet sur ce
point, afin de ne pas étendre au-delà de celle qui existe déjà le régime de
l'incompatibilité entre exploitant de lieux et agent artistique.
La philosophie du projet étant de définir les métiers reconnus par les usages
professionnels, il me semble important que les agents artistiques ne fassent
pas l'objet d'une discrimination par rapport aux entrepreneurs de tournées,
leurs activités respectives étant semblables sur bien des points.
J'en viens à la non-rétroactivité du texte.
L'adoption du dispositif prévu sur ce point à l'article 13 ne devrait pas
présenter de difficulté, la portée de cet article étant limitée aux licences
attribuées avant l'entrée en vigueur du texte et qui continueront à produire
des effets jusqu'à la fin de leur validité, limitée à deux ans.
Bien entendu, toutes les licences définitives continueront à produire leur
effet sauf si, des infractions aux obligations sociales ayant été relevées à
leur encontre, une décision de retrait était prononcée.
Enfin, je souhaiterais vous dire quelques mots des deux amendements sur
lesquels vous aurez, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous prononcer dans
quelques minutes.
Tout d'abord, vous le savez, le Gouvernement a déposé un amendement de pure
coordination à l'article 12, adopté conforme par les deux assemblées. Il ne
s'agit absolument pas ici de revenir sur le fond de l'article ; il s'agit
simplement de corriger une disposition devenue obsolète au regard des
dispositions fiscales adoptées dans la loi de finances pour 1999. En effet, les
collectivités territoriales peuvent désormais exonérer totalement de la taxe
professionnelle certaines entreprises de spectacles.
En ce qui concerne l'amendement du président de la commission des affaires
culturelles, M. Gouteyron, je souhaite vous dire d'ores et déjà qu'il a retenu
toute mon attention. La préoccupation qu'il recouvre est tout à fait légitime,
et je souhaite y répondre. Comme vous le savez, j'ai déjà eu l'occasion
d'évoquer cette question à la suite du dépôt d'un amendement de M. Patrick
Bloche, rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale ; je suis donc tout à
fait disposée à apporter les précisions complémentaires qui permettront, je
l'espère, de mettre un terme aux inquiétudes dont le président Gouteyron se
fait l'écho.
Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
points sur lesquels j'ai souhaité, au nom du Gouvernement, apporter des
précisions.
Je voudrais, pour conclure, remercier à nouveau le rapporteur, M. Nachbar, du
travail qu'il a effectué, l'ensemble de la commission des affaires culturelles
et son président de l'intérêt qu'ils ont manifesté sur ce texte très attendu
par l'ensemble du secteur du spectacle vivant et du spectacle enregistré.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Nachbar,
rapporteur de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant
modification de l'ordonnance de 1945 sur les spectacles, que nous avions
examiné le 29 avril 1998 et qui a été adopté par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, revient aujourd'hui devant nous.
Un tel délai, à l'évidence excessif, aura d'ailleurs pour conséquence, en
dépit de l'avis conforme de la commission, d'imposer une troisième lecture par
l'Assemblée nationale. Nous allons en effet examiner dans un instant un
amendement que le Gouvernement est tenu de déposer pour rendre ce texte
conforme à la loi de finances dans une de ses dispositions importantes.
Je tiens à préciser que ce délai, que je viens de qualifier d'excessif, ne
tient en rien à une quelconque divergence entre les deux assemblées. A
l'occasion de l'examen de ce projet de loi, le Sénat et l'Assemblée nationale
ont en effet travaillé en étroite collaboration avec le Gouvernement, ce dont
je ne peux que me féliciter.
En effet, ce texte répond à un objectif qui suscitait l'adhésion de chacun de
ceux qui ont eu à l'étudier : adapter à la situation du spectacle vivant
d'aujourd'hui un texte datant de 1945, qui, pour l'essentiel de son contenu,
n'avait quasiment jamais varié. Devenues par conséquent tout à fait obsolètes,
les dispositions visées nécessitaient, bien au-delà d'un simple toilettage, une
refonte complète.
Je me dispenserai de revenir sur les détails du projet de loi que nous avions
examiné l'an dernier pour me contenter d'en rappeler les trois principaux
objectifs.
Il s'agit, d'abord, d'adapter l'ordonnance aux réalités des métiers du
spectacle vivant, métiers qui, à l'instar d'une administration longtemps portée
sur la réglementation, ont sensiblement évolué depuis la Seconde Guerre
mondiale. La tendance actuelle consiste à laisser aux spectacles, et, plus
globalement, aux métiers de la culture, une faculté de libre organisation.
Il s'agit, ensuite, de simplifier le régime de la licence d'entrepreneur de
spectacles vivants.
Il s'agit, enfin, de renforcer les contrôles relatifs au respect de la
législation sociale et du règlement des droits d'auteurs.
En première lecture, l'Assemblée nationale comme le Sénat ont approuvé ces
orientations et ont adopté les principales dispositions du texte, en les
assortissant de quelques amendements.
Lors de l'examen de ce projet de loi en avril dernier, notre assemblée avait
introduit trois amendements principaux.
En premier lieu, elle avait institué un régime d'autorisation tacite pour la
délivrance comme pour le renouvellement de l'autorisation de licence. Elle
était en effet soucieuse d'éviter de nouvelles contraintes, aussi bien pour les
professionnels du spectacle que pour les responsables de politique culturelle,
notamment pour les collectivités locales.
Désireux de préserver la possibilité de libre administration des communes, le
Sénat avait effectivement estimé nécessaire le maintien et le développement
d'un régime d'autorisation tacite. Il avait été suivi sur cette voie par
l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement.
En deuxième lieu, le Sénat avait précisé la définition des différentes
catégories de licences d'entrepreneur de spectacles, notamment de celles qui
sont relatives aux diffuseurs, afin de clarifier au maximum cette matière,
complexe par nature.
Enfin, en troisième lieu, le Sénat, pour renforcer l'efficacité du dispositif
adopté, avait étendu aux exploitants de lieux de spectacles et aux diffuseurs
la possibilité, initialement réservée aux producteurs, d'accueillir en France
des entrepreneurs étrangers, sous la seule réserve d'une déclaration, et non
pas d'une demande de licence.
Lorsqu'elle a examiné le texte en deuxième lecture, en juin 1998, l'Assemblée
nationale, après avoir approuvé les amendements du Sénat, a elle-même modifié
le texte sur deux points que vous venez d'évoquer, madame la ministre.
A l'article 6, relatif aux spectacles occasionnels, les députés ont adopté,
sur votre initiative, un amendement autorisant les groupements d'artistes
amateurs ayant recours à des artistes du spectacle à organiser six
représentations par an sans licence. J'y vois un assouplissement à mon sens
tout à fait nécessaire. Comment imaginer qu'un spectacle organisé par des
amateurs soit soumis à cette procédure relativement lourde de la licence, qui
est destinée aux professionnels ?
L'article 12
bis
précise le régime des incompatibilités entre les
activités d'agent artistique et d'entrepreneur de spectacles vivants.
Désormais, seule l'activité d'exploitant est incompatible avec celle d'agent
artistique, pour des raisons aisément compréhensibles, tant un mélange des
genres entre ces deux activités paraît peu concevable.
Suivant enfin votre initiative, l'Assemblée nationale avait introduit une
disposition invitant les organismes sociaux, l'inspection du travail, les
organismes de perception et de répartition des droits d'auteur à se coordonner
avec les directions régionales des affaires culturelles afin qu'un contrôle
soit exercé de la manière la plus souple possible au moment du renouvellement
ou de l'octroi des licences.
Je vous confirme aujourd'hui l'avis favorable émis, lors de l'examen du texte,
par notre commission sur les trois amendements introduits et votés par
l'Assemblée nationale.
La commission souhaite en effet, comme l'ensemble du Sénat, comme l'Assemblée
nationale, parvenir à un juste équilibre entre le nécessaire renforcement d'un
contrôle de l'application de la législation sociale et la volonté de simplifier
un secteur où la liberté de création doit être la règle. Il fallait maintenir
une réglementation propre aux spectacles vivants.
M. Emmanuel Hamel.
Y a-t-il des spectacles morts pour qu'on parle toujours de spectacles vivants
?
M. Philippe Nachbar,
rapporteur.
Telle était la volonté des professionnels, qui s'étaient
exprimés par l'intermédiaire du Conseil national des professions.
Il fallait assurer le respect des droits des artistes, tout en maintenant le
dynamisme et la créativité des professionnels du spectacle vivant. Les
modifications apportées par notre assemblée en première lecture ont permis, à
partir du texte que vous nous avez soumis, de concilier ces deux objectifs.
C'est la raison pour laquelle notre commission vous proposera d'adopter sans
modification les cinq articles restant en discussion.
S'y ajouteront cependant deux amendements. Le premier vise, vous l'avez
rappelé à l'instant, madame la ministre, à adapter l'un des articles du texte à
la loi de finances, laquelle a autorisé les collectivités locales et les
groupements à fiscalité propre à exonérer à 100 % - et non plus à 50 % - de la
taxe professionnelle les entrepreneurs de spectacles. La commission a adopté
cet amendement à l'unanimité.
Elle a, par ailleurs, donné un avis favorable à l'autre amendement, déposé par
M. Gouteyron, qui tend à protéger les festivals - dont l'importance dans la vie
culturelle de notre pays est connue - d'une interprétation excessivement
stricte des dispositions relatives aux contrats de travail. Il est donc prévu
de proposer un contrat de services aux troupes venant de l'étranger.
Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues,
les positions prises lors de sa récente réunion par la commission des affaires
culturelles à la fois sur les cinq articles encore en discussion et sur les
deux amendements qui nous sont soumis et qu'elle vous demande de bien vouloir
adopter.
(Applaudissements.)
M. le président.
Permettez-moi une remarque amicale, monsieur le rapporteur : la prochaine
fois, pensez à nos sténographes, qui, pour être expérimentés, n'en sont pas
moins parfois handicapés par une élocution trop rapide !
(Sourires.)
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, régi par une
ordonnance de 1945 qui n'avait quasiment subi aucune modification, le monde du
spectacle vivant attendait depuis longtemps cette réforme.
Comme vient de le rappeler M. le rapporteur, ce projet de loi, que nous
examinons aujourd'hui en deuxième lecture, a suscité un large consensus. Nous
pouvons nous féliciter qu'il adapte une ordonnance ancienne et devenue obsolète
aux nouvelles réalités du spectacle vivant en affirmant la nécessité de faire
respecter les obligations sociales dans un domaine où nous savons tous qu'elles
sont moins bien appliquées que dans d'autres.
Dans une optique de professionnalisation du spectacle vivant, ce texte répond
donc à deux grandes exigences : d'une part, simplifier et rationaliser le
régime des licences octroyées aux entrepreneurs de spectacles, d'autre part,
améliorer les conditions de respect par les entrepreneurs de spectacles de leur
obligations en matière de droit social et de propriété littéraire et
artistique.
Evoquons d'abord la simplification et la rationalisation du régime des
licences.
Tout en maintenant le principe de la licence, le projet de loi la généralise à
toutes formes de spectacles vivants. Seules les pratiques amateurs en sont
désormais exclues. En revanche, toutes les structures, qu'elles soient
publiques ou privées, de nature associative ou à but lucratif, sont soumises à
ce même régime.
L'art dramatique, la danse et la musique ayant beaucoup évolué depuis la
guerre, les six catégories de licences de l'ordonnance de 1945 n'offraient plus
un reflet fidèle des pratiques artistiques actuelles.
Le projet de loi vise à instituer trois types de licences se référant à des
métiers et non plus à des genres artistiques.
Ainsi distingue-t-il trois licences différentes selon qu'il s'agit d'un
exploitant de salle, d'un producteur ou d'un diffuseur.
Au cours de la première lecture, nous avions souhaité que les entrepreneurs de
tournées puissent bénéficier de la licence de la deuxième ou de la troisième
catégorie, selon qu'ils sont ou non employeurs du plateau artistique. Je me
félicite de l'introduction de cette précision par l'Assemblée nationale.
L'activité d'un entrepreneur de tournées est en effet parfois beaucoup plus
proche de celle d'un diffuseur que de celle d'un producteur : c'est notamment
le cas lorsqu'il achète un spectacle « clés en main » et se contente d'en
organiser la diffusion territoriale.
Par ailleurs, j'ai pris bonne note, madame la ministre, de la possibilité qui
est donnée aux entrepreneurs de spectacles établis à l'étranger de passer par
le détenteur de l'une des trois catégories de licence. Néanmoins, j'éprouve
toujours quelques réticences quant à la possibilité de contracter avec les
entrepreneurs de la première catégorie, en raison du risque de conséquences
juridiques fâcheuses pour certains titulaires de cette catégorie. Je pense bien
évidemment ici à tous les lieux de spectacle pas toujours très structurés sur
le plan administratif qui fleurissent chaque été dans les plus petites de nos
communes. Je me permets, madame la ministre, d'attirer votre attention sur la
nécessité d'un important effort d'information en direction de ces petites
structures.
S'agissant toujours des entrepreneurs étrangers, je pense qu'il faudra
rapidement mettre en place par décret un système d'équivalences efficaces pour
ceux qui sont établis dans l'Union européenne.
Enfin, il me semble particulièrement important que le fichier national
regroupant toutes les demandes de licence effectuées auprès des DRAC, les
directions régionales des affaires culturelles, soit rapidement mis en
place.
Le projet de loi vise en outre à mieux faire respecter les obligations
sociales par les entrepreneurs de spectacles. La volonté de professionnaliser
le secteur s'accompagne naturellement du renforcement du statut des artistes
dans un monde où l'intermittence de l'emploi domine et où le précarité est
souvent perçue comme la règle.
Les conditions posées jusqu'ici par l'ordonnance de 1945 pour l'octroi de la
licence ne permettaient pas de faire respecter les obligations qui nous
semblent aujourd'hui essentielles. Ainsi, s'il fallait, pour obtenir une
licence, disposer d'un certificat de bonne vie et moeurs, il n'était fait
allusion nulle part au respect du droit social. Or, comme chacun sait - et
comme nous avons maintes fois l'occasion de nous en apercevoir - le spectacle
vivant est un domaine où les règles de droit sont bien souvent peu, voire pas
respectées. Il sera désormais interdit de verser des subventions publiques aux
entreprises qui ne se conformeraient pas aux règles du droit du travail, de la
protection sociale et de la propriété littéraire et artistique. Ce texte
prévoit un certain nombre de sanctions pouvant aller jusqu'au retrait de la
licence. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
S'ils ne révolutionnent pas à proprement parler le secteur auquel ils
s'appliquent, certains projets de loi, qui facilitent néanmoins grandement la
vie de nos concitoyens, peuvent, en ce sens, être vécus comme de véritables
petites révolutions. La profession souhaitait depuis longtemps que l'ordonnance
qui régissait son secteur, vieille de cinquante ans, soit réactualisée et que
des moyens efficaces de contrôle du respect des règles de droit soient mis en
place. C'est chose faite.
Le groupe socialiste votera ce texte en deuxième lecture, comme il l'avait
voté en première lecture.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Emmanuel Hamel.
Mme Pourtaud est une grande cantatrice !
(Sourires.)
M. le président.
Et M. Hamel a toujours le propos flatteur !
(Nouveaux sourires.)
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de
l'examen de ce texte en première lecture, notre collègue Ivan Renar rappelait
l'importance du spectacle vivant dans le paysage culturel de notre pays, au
regard notamment du nombre de structures, de leur diversité et du nombre de
salariés concernés.
Le texte qui nous est soumis s'intéresse principalement à la qualification
d'entrepreneur de spectacles vivants et constitue en cela un toilettage
nécessaire de l'ordonnance de 1945.
Réglementer le statut d'entrepreneur de spectacles dans le sens d'une
meilleure harmonisation, protéger le patrimoine des salles de spectacles des
appétits de certains affairistes immobiliers, ce sont là des objectifs auxquels
nous adhérions lors de l'examen de ce texte en première lecture et que nous
soutenons à nouveau aujourd'hui.
Madame la ministre, vous avez annoncé le 12 janvier dernier, lors d'une
conférence de presse, un certain nombre de mesures en direction du spectacle
vivant.
L'ambition de ces dernières, qui est à la mesure de ce que l'on peut attendre
de notre pays en matière de spectacle vivant, appellera, à n'en pas douter,
certains développements.
Pour autant, le travail à accomplir pour moderniser, démocratiser,
sensibiliser et promouvoir le spectacle vivant et ses créateurs en est à ses
balbutiements au regard des enjeux de la création aujourd'hui.
Il est des priorités qui se font jour et auxquelles nous nous devons de
répondre. Permettez-moi d'en citer quelques-unes.
Ainsi, il est à présent nécessaire d'oeuvrer à une harmonisation juridique des
structures du spectacle vivant. Je pense notamment aux structures des
collectivités territoriales, amenées très souvent, faute d'un cadre juridique
adapté, à opter tantôt pour le statut associatif, tantôt pour la régie directe,
avec les défauts que l'on sait dans l'un ou l'autre des cas.
Les inconvénients fiscaux pour le statut associatif, ou les problèmes de
rigidité pour la régie directe ne sont pas des moindres.
Dois-je rappeler que notre groupe est à l'origine d'une proposition de loi qui
permettrait cette harmonisation des structures culturelles locales attendue,
par nombre d'élus locaux, mais aussi par les responsables de telles structures
culturelles ?
Hors des structures elles-mêmes, il convient également de trouver une solution
adaptée au problème de l'intermittence du spectacle, non seulement pour aller
dans le sens de la création d'un statut des créateurs dans notre pays, mais
aussi de nous interroger sur les causes du développement de l'intermittence
dans des secteurs jusqu'à présent épargnés.
On ne peut laisser à l'appréciation des seules organisations patronales le
soin de décider que des salariés seront par milliers privés de tout droit, au
seul regard du déficit de leur caisse d'indemnisation chômage. Il y a, dans
notre pays, des droits fondamentaux que nous nous devons de garantir pour
tous.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Certes, le texte que nous examinons introduit, quant aux droits des salariés
du spectacle vivant, quelques garde-fous, mais il faut aller plus loin
encore.
Les compagnies indépendantes appellent, quant à elles, à la définition d'un
statut particulier et ont quelques craintes dans l'assimilation à la qualité
d'entrepreneur du spectacle.
De la même façon, il nous faudra rester attentifs au lien qui pourrait être
établi par les services fiscaux entre la notion d'entrepreneur du spectacle et
la qualification d'entreprise commerciale.
Les quelques questions que je viens de soulever méritent, par leur ampleur -
je pense, notamment, au statut de la création et à ceux qui participent à son
élaboration - la tenue d'un débat national sur les fondements de la politique
culturelle dans notre pays.
Pour en revenir au texte, et avant même d'aborder l'examen des amendements,
nous souhaiterions que le projet de loi qui nous est soumis fasse l'objet d'un
consensus identique à celui qui a prévalu lors de la première lecture.
Il y va de l'adoption rapide d'un texte attendu par l'ensemble de ceux qui
font du spectacle vivant leur métier, mais aussi - c'est un point important -
de l'accord des deux assemblées sur ces sujets quand il s'agit de défendre et
de promouvoir une conception originale de la politique culturelle dans notre
pays.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 2