Séance du 9 février 1999
M. le président. « Art. 4. - L'article 4 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« Art. 4. - L'exercice de l'activité d'entrepreneur de spectacles vivants est soumis à la délivrance, par l'autorité administrative compétente, aux personnes physiques visées à l'article 5 d'une licence d'une ou plusieurs des catégories mentionnées à l'article 1er-1. « Les entrepreneurs de spectacles vivants, ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen peuvent exercer, sans licence, leurs activités en France lorsqu'ils produisent un titre jugé équivalent par le ministre chargé de la culture.
« La licence d'entrepreneur de spectacles vivants est délivrée pour une durée de trois ans renouvelable lorsque l'entrepreneur de spectacles est établi en France.
« Lorsque l'entrepreneur de spectacles n'est pas établi en France et n'est pas titulaire d'un titre jugé équivalent, il doit :
« - soit solliciter une licence pour la durée des représentations publiques envisagées ;
« - soit adresser une déclaration à l'autorité compétente un mois avant la date prévue pour les représentations publiques envisagées. Dans ce deuxième cas, le spectacle fait l'objet d'un contrat conclu avec un entrepreneur de spectacles détenteur d'une licence correspondant à l'une des trois catégories mentionnées à l'article 1er-1.
« La délivrance de la licence est subordonnée à des conditions concernant la compétence ou l'expérience professionnelle du demandeur.
« La licence ne peut être attribuée aux personnes ayant fait l'objet d'une décision judiciaire interdisant l'exercice d'une activité commerciale.
« La licence peut être retirée en cas d'infraction aux dispositions de la présente ordonnance et des lois relatives aux obligations de l'employeur en matière de droit du travail et de sécurité sociale ainsi qu'à la protection de la propriété littéraire et artistique.
« Les administrations et organismes concernés communiquent à l'autorité compétente pour délivrer la licence toute information relative à la situation des entrepreneurs de spectacles au regard des obligations mentionnées à l'alinéa précédent.
« Un décret en Conseil d'Etat définit les conditions d'application du présent article. Il fixe notamment le délai à l'expiration duquel la licence est réputée délivrée ou renouvelée. »
Par amendement n° 1, M. Gouteyron propose de compléter in fine le sixième alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 4 de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 par une phrase ainsi rédigée : « Ce contrat est un contrat de prestation de services au sens de l'article L. 341-5 du code du travail. »
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Le problème que nous entendons résoudre par cet amendement est, vous le savez, madame la ministre, puisque vous l'avez mentionné dans votre propos, un problème sérieux.
Nombre de festivals font venir en France des orchestres et des spectacles étrangers, en passant à cet effet des contrats avec un entrepreneur de spectacles étranger, par exemple la Philharmonie de Berlin. J'appelle votre attention sur ce point, mes chers collègues : la situation est alors exactement la même que lorsque le festival fait venir, notamment, l'Orchestre national de Lille, cher à notre collègue Ivan Renar,...
M. Emmanuel Hamel. Cher à nous tous ! (Sourires.)
M. Adrien Gouteyron. ... ou l'Orchestre national de Lyon, cher à M. Fischer... et à vous-même, monsieur Hamel !
M. Emmanuel Hamel. Bien sûr !
M. Adrien Gouteyron. Il s'agit d'un contrat entre deux entreprises, et l'entrepreneur de spectacles invité est responsable du paiement des salaires et des cotisations sociales des artistes dont il est l'employeur.
Malheureusement, les caisses complémentaires de retraite du spectacle - dont, au demeurant, je comprends fort bien les difficultés - ont poursuivi en justice plusieurs organisateurs de festivals pour leur réclamer des rappels de cotisations, en faisant valoir que les artistes étrangers appartenant aux formations invitées devaient être considérés comme leurs salariés, en application de l'article L. 762-1 du code du travail.
Certains « petits » festivals se trouvent donc en très grande difficulté parce qu'ils se voient réclamer, à ce titre, des sommes dépassant un million de francs. J'ai présent à l'esprit plusieurs exemples, et un en particulier. Ces festivals ne pourraient évidemment pas acquitter de telles sommes s'ils devaient en fin de compte être condamnés.
Cette situation est tout à fait absurde. Elle met en péril plusieurs festivals, et donc l'emploi artistique.
Madame la ministre, je crois savoir que la ministre des affaires sociales ne soutient guère la position des caisses complémentaires, qui, de fait, ne paraît pas défendable. Bien que la question ait été maintes fois posée aux ministres de la culture ou aux ministres des affaires sociales qui se sont succédé - elle le fut pour la première fois en 1992 et s'adressait à M. Bianco - aucune solution n'a été trouvée.
On nous a annoncé des circulaires et des textes réglementaires. Vous avez vous-même indiqué à l'Assemblée nationale, lorsque la question a été soulevée par la commission ad hoc , à l'occasion d'un amendement qui, en fin de compte, a été retiré, que vous alliez traiter ce problème. Mais nous attendons toujours.
La seule solution me paraît donc être de préciser dans la loi la nature des contrats passés entre les entrepreneurs de spectacles étrangers et les festivals qui les font venir en France. Il s'agit bien en effet de contrats d'entreprise, ce qui doit logiquement exclure toute présomption de contrat de travail entre le festivalier français et les artistes détachés temporairement en France par un orchestre étranger ou par une compagnie théâtrale étrangère qui vient donner un concert ou une représentation.
J'ajoute - et j'insiste tout particulièrement sur ce point car il est très important - que cette qualification du contrat va dans le sens d'une plus grande égalité de concurrence entre les entreprises de spectacles françaises et étrangères. En effet, quand une entreprise étrangère effectue en France une prestation de services, l'article L. 341-5 du code du travail, auquel mon amendement se réfère, lui impose de garantir aux salariés venant en France des conditions équivalentes à celles dont bénéficient les artistes français, que ce soit en termes de rémunération, de couverture sociale ou de conditions de travail. L'article en question est parfaitement clair.
Madame la ministre, cet amendement permettra à la fois de clarifier une situation qui pourrait mettre en péril nombre de festivals et de protéger nos artistes et nos entreprises artistiques contre la concurrence que leur font parfois les compagnies ou les orchestres originaires de pays où le niveau de vie et la législation sociale ne sont pas les mêmes qu'en France.
Par conséquent, et vous ne vous en étonnerez pas, je ne vois, dans cet amendement, que des avantages.
Je continue à espérer que le Gouvernement se rendra à mes arguments. Si cet amendement est adopté, il permettra de résoudre un problème difficile et, de surcroît, il rendra service au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Nachbar, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Gouteyron, je comprends les préoccupations qui ont guidé le dépôt de cet amendement, que vous avez brillamment défendu. Il s'agit de déterminer clairement, lorsqu'un entrepreneur de spectacles accueille une troupe ou un orchestre étrangers, à qui incombent les responsabilités de l'employeur, notamment en matière de droit du travail et de sécurité sociale.
Cette question est, selon moi, aujourd'hui clairement réglée par le texte qui vous est soumis. L'article 1er de l'ordonnance, tel que les deux chambres du Parlement l'ont adopté, clarifie en effet les responsabilités des différents intervenants. Il précise que c'est au producteur du spectacle qu'incombent les obligations d'employeur. C'est une nouveauté puisque le texte en vigueur ne définissait pas les différentes catégories d'entrepreneurs de spectacles et se contentait de classer les licences en fonction des genres de spectacles.
Le contrat qu'aura passé un producteur de spectacles étranger avec un exploitant de lieu ou un organisateur de tournées en France sera évidemment un contrat de prestation de services. Le producteur étranger devra respecter les articles L. 341-5 et D. 341-5 à D. 341-5-14 du code du travail qui énumèrent les dispositions applicables aux salariés détachés à titre temporaire pour exécuter en France une prestation de services dans le cadre d'un contrat d'entreprise ou d'une mise à disposition de salariés. Le projet de décret d'application de l'ordonnance de 1945, en préparation, permet également de reprendre ces dispositions en indiquant les responsabilités d'employeur et de producteur de spectacles, en exigeant que les exploitants de lieu ou les diffuseurs s'assurent, par mention dans leur contrat avec les producteurs, que ceux-ci sont titulaires de la licence ou ont effectué la déclaration mentionnée à l'article 4, mais cela relève, bien sûr, davantage du décret que de la loi.
Ces dispositions n'ont cependant ni pour objet ni pour effet de modifier les dispositions du code du travail relatives au travail des étrangers en France. De plus, dans l'hypothèse où le contrat passé avec l'entrepreneur étranger est un contrat de coproduction effective, la responsabilité de l'employeur peut alors être partagée entre les deux entrepreneurs de spectacle coproducteurs, en application du contrat de coproduction.
Je voudrais rappeler que la Haute Assemblée a déjà modifié l'article 1er pour y supprimer la mention d'« entreprise » qualifiant les contrats en cause.
Le texte du Gouvernement est donc en parfaite cohérence avec les dispositions de cet article qui précisent, en outre, les responsabilités qui pèsent sur chaque entrepreneur de spectacles, producteurs, diffuseurs, exploitants de lieux, quelle que soit leur nationalité.
Enfin, je conclurai en disant que cet amendement ne permettrait pas de résoudre les litiges actuels dans le sens que chacun pourrait souhaiter.
Compte tenu de ces arguments, je demande à M. Gouteyron de retirer son amendement. En effet, le dispositif pourrait, tel qu'il est formulé, prêter à confusion dans le cas de contrats de coproduction effective, ne résoudrait pas les litiges en cours et n'apporterait pas de précision supplémentaire par rapport à l'article 1er tel qu'il a été adopté par les deux assemblées.
En revanche, je suis bien consciente qu'il est nécessaire de préciser, dans le décret d'application, la nature des contrats que devront conclure les producteurs de spectacles, afin d'éviter toute erreur dans l'application de la réglementation.
Telle est la raison pour laquelle cet amendement n'aura pas infailliblement l'effet que vous en attendez. Aussi, je vous demande de nouveau de bien vouloir le retirer. M. le président. Monsieur Gouteyron, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
M. Adrien Gouteyron. Madame la ministre, vous l'avez sans doute deviné, je ne retirerai pas mon amendement, car il y a vraiment trop longtemps que nous attendons.
L'article 1er du texte résout le problème, et c'est parfaitement clair, avez-vous dit. Apportons une précision de plus et donnons à ceux qui sont actuellement en difficulté - je pense aux organisateurs de festivals ou de représentations théâtrales - un moyen supplémentaire de se faire entendre et de faire prévaloir leur point de vue.
Madame la ministre, voilà peu de temps, notre collègue Jean Boyer avait soulevé devant vous à peu près la question dont nous débattons aujourd'hui, et vous aviez alors répondu que l'article L. 341-5 du code du travail devait s'appliquer et qu'une circulaire du ministère de l'emploi et de la solidarité l'avait précisé en 1996.
Or, je suis bien obligé de constater que les actions en cours ne se sont pas arrêtées, par conséquent, si nous ne faisons rien - je le redis, mes chers collègues - un certain nombre de festivals vont se trouver en grande difficulté.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement et, malgré tout le désir que j'ai de vous être agréable, madame la ministre, je ne puis le retirer. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, ainsi modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 6