Séance du 3 mars 1999
CONVENTION DE VOISINAGE ENTRE LA FRANCE ET LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO DU 18 MAI 1963
Adoption de deux projets de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 60, 1998-1999)
autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres portant
aménagements du titre Ier de la convention de voisinage entre la France et la
Principauté de Monaco du 18 mai 1963 et du projet de loi (n° 61, 1998-1999)
autorisant l'approbation d'un accord sous forme d'échange de lettres relatif à
l'application de l'article 7 modifié de la convention de voisinage entre la
France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963. [Rapport n° 168
(1998-1999).]
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, le 18 mai 1963, dans le cadre de
la rénovation des accords les liant dans de nombreux domaines, la France et
Monaco ont signé une convention de voisinage dont le titre Ier portait sur
l'entrée, le séjour et l'établissement des étrangers.
Ce texte s'inscrivant dans un contexte strictement bilatéral, certaines de ses
dispositions ne sont plus en harmonie avec la convention d'application de
l'accord de Schengen, en vigueur depuis mars 1995. Cette dernière instaure un
contrôle obligatoire aux frontières extérieures, ce qui devrait être le cas de
la frontière franco-monégasque, où, pourtant, aucun contrôle n'est effectué. En
effet, depuis le rattachement du comté de Nice à la France, en 1860, la France
et Monaco forment un espace de libre circulation où les ressortissants des deux
Etats voyagent et s'établissent sans visa, bien que la mesure n'ait fait
l'objet d'aucune disposition d'un traité ou accord entre les deux pays.
Pour combler ces déficiences, nos deux gouvernements ont donc négocié, à
partir de juillet 1996, les échanges de lettres qui vous sont soumis
aujourd'hui.
Il convenait d'aménager le titre Ier sans toucher à l'essentiel et, surtout,
aux deux autres titres de la convention de voisinage, qui organisent une
coopération multiforme : coordination des mesures de police, transfèrement des
condamnés, frappe de la monnaie, monopole du tabac, transit des troupes. Par
ailleurs, le fonctionnement des points de passage autorisés nécessitait un
texte spécifique.
Le premier échange, à la base de l'édifice, porte sur l'entrée, le séjour, la
circulation et l'établissement des personnes.
Pour nos nationaux, la liberté d'entrée, de séjour, de circulation et
d'établissement devient une règle écrite. Pour les tiers, entrée, séjour,
circulation et établissement suivront la législation française.
Le régime de court séjour à Monaco, en France ou sur le territoire de nos
partenaires dans Schengen, est fonction de la nationalité de la personne et,
pour les étrangers titulaires d'un titre de séjour, de l'autorité qui l'a
délivré, Etat Schengen ou autre.
En ce qui concerne le long séjour et l'établissement, si l'étranger est
ressortissant d'un Etat de l'espace économique européen ou de l'Union
européenne, la procédure est allégée. Sinon, elle reste celle qui est
traditionnellement appliquée pour la France. Elle est cependant simplifiée
quand l'intéressé est résident depuis un an en France. Un étranger, quelle que
soit son origine, ne peut s'installer à Monaco si les autorités françaises s'y
opposent.
Pour répondre à un souhait monégasque, une procédure moins lourde, mais tout
aussi sécurisante pour la France, qui conserve son droit d'opposition, a été
prévue pour les étrangers recrutés pour la saison touristique, notamment les
artistes.
La France conserve également son pouvoir d'opposition sur la prolongation ou
la transformation du séjour, le changement d'activité ou le transit par la
France d'étrangers.
Enfin, ce premier accord matérialise l'enclavement de la principauté dans
l'espace Schengen, puisqu'il repousse la frontière extérieure aux frontières
aériennes et maritimes de la principauté. Il y établit des points de passage
contrôlés, dont les modalités de fonctionnement font l'objet du second échange
de lettres.
Ce second échange définit ainsi leur objet : un double contrôle, effectué par
les autorités de chacun des deux pays dans une zone déterminée et, pour la
France, par les services de la Direction centrale du contrôle de l'immigration
et de la lutte contre l'emploi des clandestins, la DICCILEC.
Le cadre des contrôles exercés par les autorités françaises est celui des
accords de Schengen : contrôle des personnes et des bagages, interrogation du
système d'information Schengen, refus d'admission, possibilité d'octroi de
visas à la frontière.
Les procédures s'appuient sur les règles posées par l'article 5 de la
convention d'application de l'accord de Schengen, qui s'imposent à la
principauté, conformément aux principes énoncés dans le premier échange de
lettres. Les autorités monégasques ont toutefois la possibilité de renforcer
ces règles ou de refouler un étranger qui, même s'il répond aux critères
Schengen, est jugé indésirable dans la principauté.
Conséquence logique : ce second échange fixe également les conditions
d'appréhension des personnes inscrites au système d'information Schengen et de
transfert en France, à moins que ces personnes ne soient également recherchées
à Monaco, y bénéficient du privilège de juridiction ou relèvent des
juridictions pénales locales.
Enfin, les modalités du contrôle que les autorités françaises effectuent aux
points de passage suivent une doctrine bien établie et constante en matière de
faute, de responsabilité et de compétence judiciaire.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent les accords
sous forme d'échanges de lettres portant aménagements du titre Ier et
application de l'article 7 modifié de la convention de voisinage entre la
France et la principauté de Monaco du 18 mai 1963, signées à Paris et à Monaco
le 15 décembre 1997, qui font l'objet des projets de loi aujourd'hui proposés à
votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Xavier de Villepin,
président, en remplacement de M. Masson, rapporteur de la commission des
affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. Paul Masson,
empêché, m'a demandé de présenter à sa place ces deux accords qu'il avait
commentés en commission, avec la grande compétence que lui donne sa
connaissance du dossier Schengen.
En effet, les deux présents accords sous forme d'échange de lettres entre la
France et Monaco ont pour objet d'adapter le volet de la convention de
voisinage de 1963 consacré à l'entrée, au séjour et à l'établissement des
étrangers aux dispositions de la convention d'application de l'accord de
Schengen.
Je ne reviendrai pas sur le dispositif de ces deux textes que vous venez de
présenter avec talent, monsieur le secrétaire d'Etat.
Je rappellerai qu'ils s'inscrivent dans le réseau très étroit des relations
nouées entre notre pays et Monaco depuis plusieurs siècles. Aux termes du
traité d'amitié protectrice du 17 juillet 1918, la France garantit l'intégrité
du territoire monégasque et, en retour, la principauté s'engage à ne rien
entreprendre qui puisse nuire aux intérêts de la France et à consulter au
préalable notre pays dans la conduite de ses relations internationales.
Par ailleurs, sur le plan institutionnel, la principauté réserve plusieurs
hautes fonctions à des Français. Il en est ainsi notamment pour les fonctions
de ministre d'Etat, qui assiste le prince dans l'exercice du pouvoir
exécutif.
Ces deux textes ont pour effet de ne pas permettre que Monaco devienne une
brèche dans le dispositif du contrôle aux frontières extérieures de l'espace
Schengen.
Le risque n'était pas théorique dans la mesure où le principe de libre
circulation prévaut entre la France et Monaco, alors même que la principauté,
qui n'est pas signataire des accords de Schengen, n'applique pas les mesures de
contrôle prévues par ces textes.
Or la part des étrangers qui se rendent sur « le rocher » ne peut être tenue
pour négligeable.
Ainsi, en 1997, 96 escales de croisière ont eu lieu, tandis que 3 683
mouvements de navires de plaisance ont été enregistrés. Les contrôles ont porté
sur un peu moins de 30 000 passagers maritimes. Fallait-il, dès lors,
réintroduire des contrôles entre la France et Monaco ? Cela n'était
naturellement pas envisageable.
C'est pourquoi ces deux accords ont dû être signés. Monaco, en coopération
avec la France, mettra en oeuvre les règles de contrôle fixées par les accords
de Schengen. La frontière extérieure de la principauté sera intégrée aux
frontières de l'espace Schengen. En contrepartie, la France a obtenu du comité
exécutif Schengen, en juin 1998, que nos partenaires reconnaissent la libre
circulation des Monégasques et des étrangers titulaires d'un titre de séjour à
Monaco au sein de l'espace Schengen.
En pratique, aucun effectif français ne sera affecté en permanence sur le
territoire monégasque. Les autorités de la principauté préviendront les
services compétents des Alpes-Maritimes de l'arrivée d'un hélicoptère provenant
d'un territoire situé hors de l'espace Schengen ou d'un navire provenant d'un
port non français. Les fonctionnaires français chargés des contrôles se
rendront en temps utile dans les zones qui leur sont attribuées en suivant des
itinéraires définis par arrangement administratif.
En conclusion, les accords de Schengen n'ont pas tenu compte de la situation
des micro-Etats ou principautés en Europe, dont le régime particulier est
souvent l'héritage des vicissitudes de l'histoire de notre vieux continent.
Certes, la plupart de ces Etats, enclavés dans les frontières intérieures de
l'espace Schengen, ne soulèvent guère de difficultés au regard de la libre
circulation des personnes.
Il n'en est toutefois pas de même de Monaco. Sauf à exposer la France aux
critiques justifiées de nos partenaires, la principauté ne devait pas
représenter une faille aux frontières extérieures de l'espace Schengen. Les
deux accords signés avec le gouvernement princier permettent de fixer les
garanties nécessaires et d'exercer aux frontières monégasques un contrôle
conforme aux dispositions des accords de Schengen. C'est pourquoi votre
commission vous invite à adopter les deux présents projets de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
PROJET DE LOI N° 60
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 60.
«
Article unique
. - Est autorisée l'approbation d'un accord sous forme
d'échange de lettres portant aménagements du titre Ier de la convention de
voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963, signées à
Paris et à Monaco le 15 décembre 1997 et dont le texte est annexé à la présente
loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
PROJET DE LOI N° 61
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 61.
«
Article unique
. - Est autorisée l'approbation d'un accord sous forme
d'échange de lettres relatif à l'application de l'article 7 modifié de la
convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai
1963, signées à Paris et à Monaco le 15 décembre 1997 et dont le texte est
annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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