Séance du 3 mars 1999
CONVENTION COMMUNE SUR LA SÛRETÉ
DE LA GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 135, 1998-1999)
autorisant l'approbation de la convention commune sur la sûreté de la gestion
du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs.
[Rapport n° 170 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la
gestion des déchets radioactifs suscite aujourd'hui des interrogations
légitimes quant à la façon de les traiter de manière sûre et d'éviter que
ceux-ci ne constituent pour les générations futures un fardeau, voire une
menace.
Dans ce contexte, l'adoption en septembre 1997 de la convention commune sur la
sûreté de la gestion des déchets radioactifs constitue une avancée notable.
Elle est l'expression de la volonté de la communauté internationale de traiter
cette question importante de façon concertée en donnant la priorité à la notion
de sûreté.
La sûreté nucléaire relève de la responsabilité exclusive des Etats. Les
études menées dans ce domaine dans un cadre transnational ont longtemps été le
fait d'experts, essentiellement sous l'égide de l'Agence internationale de
l'énergie atomique, mais aussi sous celle de l'Agence de l'énergie nucléaire de
l'OCDE ou d'autres instances internationales, conduisant à la mise au point de
recommandations non contraignantes.
En 1986, la catastrophe de Tchernobyl a suscité une prise de conscience de la
nécessité d'une approche collective des questions de sûreté nucléaire. Cette
préoccupation commune a été le facteur déclencheur qui a permis l'engagement de
la négociation de la convention sur la sûreté nucléaire, adoptée en juin 1994,
ratifiée par la France en septembre 1995 et entrée en vigueur en octobre 1996,
dont le champ d'application a été limité aux réacteurs nucléaires.
Cette convention, tout en réaffirmant le principe de la responsabilité
exclusive des Etats en matière de sûreté nucléaire, a posé un certain nombre de
principes dont les Etats s'engageaient à s'inspirer pour la mise en oeuvre de
leur législation ou réglementation nationale. Des conférences périodiques
d'examen des politiques nationales « par les pairs » - la première doit avoir
lieu au printemps 1999 - doivent permettre de suivre l'effet pratique de cette
approche « pédagogique » qui vise à promouvoir une « culture de la sûreté
nucléaire ». L'Agence internationale de l'énergie atomique sous l'égide de
laquelle cette convention a été négociée parle, quant à elle, de « convention
incitative ».
Si je reviens sur la convention sur la sûreté nucléaire, c'est qu'initialement
il avait été envisagé qu'elle traite également de la question de la sûreté des
déchets radioactifs. La complexité des problèmes que ceux-ci soulevaient et le
souci de ne pas prolonger outre mesure la négociation ont conduit à les exclure
et à convenir qu'ils feraient l'objet d'un instrument juridique séparé : la
convention commune de 1997.
Il n'est donc pas surprenant que l'inspiration, la philosophie générale et
même l'architecture de ces deux instruments juridiques soient très
similaires.
Cependant, la convention commune a dû tenir compte de certaines
particularités. Le point majeur a été la question de l'inclusion des
combustibles usés. Pour les Etats qui n'ont pas choisi l'option du
retraitement, ceux-ci sont des déchets, pour lesquels aucun usage ultérieur
n'est envisagé. En revanche, dans une perspective de retraitement, les
combustibles usés constituent une matière valorisable. Dans le même temps, les
impératifs de sûreté sont les mêmes que les combustibles usés soient considérés
comme des matières valorisables ou comme des déchets. Une initiative française
a permis de trouver une solution d'équilibre entre ces deux concepts : le
traitement de la sûreté de la gestion du combustible usé et de la sûreté de la
gestion des déchets est décrit dans deux chapitres distincts, mais comportant
des dispositions similaires.
Un autre point délicat a été la question de l'inclusion dans le champ de la
convention commune des combustibles usés et déchets radioactifs faisant partie
ou provenant de programmes militaires. Après de longues discussions, il a été
convenu qu'ils seraient exclus, les Etats parties gardant la possibilité de
soumettre aux dispositions de la convention certains de leurs combustibles ou
déchets d'origine militaire.
Enfin, la question des mouvements transfrontières a donné lieu à discussions,
certains Etats souhaitant introduire de nouvelles contraintes pour les
transports de combustibles usés ou de déchets radioactifs. Finalement, le
chapitre consacré au mouvement transfrontières est, du point de vue du
Gouvernement, équilibré. Nous attachons une importance particulière au fait que
le principe de la liberté de navigation ait pu être réaffirmé expressément.
Sans entrer dans les détails des dispositions de la convention commune, on
notera que celle-ci se limite à établir des principes de sûreté très généraux,
le choix des moyens pour atteindre ces objectifs étant du ressort des Etats. Le
principe de base est que l'Etat doit se doter d'un cadre législatif et
réglementaire pour régir la sûreté de la gestion du combustible usé et des
déchets radioactifs et, par ailleurs, assurer l'indépendance effective des
fonctions de réglementation par rapport aux autres fonctions dans les
organismes qui s'occupent à la fois de réglementation et de gestion dans ce
domaine.
Il est de fait que la France et les principaux pays industrialisés ont depuis
longtemps introduit dans leur législation ou leur réglementation le type de
dispositions prescrites par la convention. En revanche, des progrès restent à
faire dans de nombreux pays d'Europe de l'Est et du tiers-monde. Le mécanisme
d'examen par les pairs, qui implique de réunir les parties contractantes pour
des réunions d'examen qui doivent se tenir à intervalle de trois ans au plus,
est destiné à permettre la confrontation des expériences et une émulation
positive.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention
commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et la sûreté de la
gestion des déchets radioactifs qui fait l'objet du projet de loi proposé
aujourd'hui à votre approbation.
M. François Trucy.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Del Picchia,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, en effet, la gestion des combustibles usés et des déchets nucléaires
reste un sujet très sensible. Sans revenir sur l'actualité toute récente de nos
relations commerciales avec l'Allemagne dans le domaine du nucléaire, le sujet
est sensible en ce qu'il intéresse la sûreté surtout et, bien sûr aussi, au
regard de la protection de l'environnement.
La convention du 5 septembre 1997 « sur la sûreté de la gestion du combustible
usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs » constitue en
quelque sorte le complément logique et même indispensable de la convention de
1994 sur la sûreté nucléaire, laquelle était en effet limitée à la sûreté des
centrales électronucléaires.
Cette nouvelle convention de 1997 représente en quelque sorte le second pilier
d'une réglementation internationale établie sur la base des prescriptions et
des recommandations de l'Agence internationale de l'énergie atomique,
réglementation qui codifie les règles techniques, jusqu'alors dépourvues de
force contraignante, et qui couvre désormais, avec la question des déchets,
l'ensemble de la gestion du cycle du combustible nucléaire.
Cette convention du 5 septembre 1997 pose un certain nombre de principes
applicables tant aux opérations de stockage définitif de déchets radioactifs
qu'au combustible usé, lorsque les Etats ont choisi l'option du retraitement,
ainsi qu'aux mouvements transfrontières de ces matières.
J'ai détaillé dans mon rapport écrit la déclinaison de ces différents
principes, inspiré du souci de promouvoir une « culture de sûreté nucléaire
».
Le contrôle de l'application de la convention reposera sur un mécanisme souple
d'examen périodique par les parties signataires des rapports présentés par
chaque Etat.
Notre commission des affaires étrangères a observé que la France avait pris
une part très importante à l'élaboration de cette convention, qui est
totalement en phase avec les conceptions en vigueur dans notre pays.
Les textes généraux relatifs à l'environnement, ainsi que ceux qui sont
spécifiques au nucléaire, en particulier la loi de 1991 relative aux recherches
sur la gestion des déchets radioactifs, ont déjà défini un cadre législatif et
réglementaire conforme aux prescriptions de la convention. Au demeurant, ce
cadre juridique n'est pas figé ; il est appelé à évoluer dans le sens d'un
renforcement des préoccupations de sûreté.
Il est donc logique et souhaitable que la France rejoigne rapidement les
quelques pays, encore peu nombreux, qui ont déjà ratifié la convention.
Trente-sept pays ont signé le texte, mais cinq seulement l'ont ratifié :
l'Allemagne, le Canada, la Hongrie, la Norvège et la Slovaquie.
Rappelons que cette convention n'a toujours pas été signée par des pays
importants disposant de capacités nucléaires, tels que la Chine, l'Inde, le
Pakistan, le Japon ou encore le Mexique. Quant à la Russie, son président avait
annoncé voilà quelques semaines son intention d'engager la procédure de
signature. On ne peut que souhaiter que ce signe encourageant soit suivi
d'effet.
Il nous paraît bien entendu très important que cette convention rallie le plus
grand nombre de signataires, afin notamment de favoriser une amélioration
significative de la sûreté dans des pays où celle-ci est insuffisante, que ce
soit des pays de l'ex-Union soviétique ou des pays émergents.
La commission des affaires étrangères, considérant que la convention du 5
septembre 1997 constitue une pièce très importante dans le dispositif visant à
renforcer la sûreté nucléaire, demande donc au Sénat d'adopter le présent
projet de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de la convention
commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la
gestion des déchets radioactifs, signée à Vienne le 29 septembre 1997, et dont
le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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