Séance du 31 mars 1999
M. le président. « Art. 35. - Après le premier alinéa de l'article L. 141-1 du code de l'urbanisme, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« Le schéma directeur de la région d'Ile-de-France a pour objectif de maîtriser la croissance urbaine et démographique et l'utilisation de l'espace tout en garantissant le rayonnement international de cette région. Il précise les moyens cohérents à mettre en oeuvre pour corriger les disparités spatiales, sociales et économiques de la région, coordonner l'offre de déplacement et préserver les zones rurales et naturelles afin d'assurer les conditions d'un développement durable de la région.
« A titre transitoire, ces nouvelles dispositions ne prendront effet qu'à la prochaine révision du schéma directeur de la région d'Ile-de-France selon les modalités prévues au huitième alinéa du présent article. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 304, M. Le Cam, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit cet article :
« Après le premier alinéa de l'article L. 141-1 du code de l'urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le schéma directeur de la région d'Ile-de-France a pour objectif de permettre une croissance équilibrée du territoire tout en garantissant le rôle national, européen et le rayonnement mondial. Il précise les moyens cohérents à mettre en oeuvre pour corriger les disparités spatiales, sociales, économiques et culturelles de la région, faciliter le développement de l'ensemble des activités économiques et notamment industrielles, coordonner et améliorer l'offre de déplacement urbain, notamment de banlieues à banlieues, promouvoir l'habitat social, et préserver les zones rurales, naturelles et agricoles afin d'assurer les conditions d'un développement durable de la région. »
Par amendement n° 89, MM. Larcher, Belot et Revet, au nom de la commission spéciale, proposent de rédiger comme suit le premier alinéa du texte présenté par l'article 35 pour être inséré après le premier alinéa de l'article L. 141-1 du code de l'urbanisme :
« Le schéma directeur de la région d'Ile-de-France précise les moyens cohérents à mettre en oeuvre pour renforcer la position de Paris comme métropole européenne, conforter le rayonnement international de la région d'Ile-de-France et assurer son développement qualitatif tout en maîtrisant sa croissance urbaine et démographique et l'utilisation de l'espace. Il précise les moyens cohérents à mettre en oeuvre pour réduire les disparités spatiales, sociales et économiques de la région et celles permettant de préserver les territoires ruraux et espaces naturels afin d'assurer les conditions d'un développement durable de la région. »
Par amendement n° 90, MM. Larcher, Belot et Revet, au nom de la commission spéciale, proposent :
I. - De compléter in fine l'article 35 par un paragraphe ainsi rédigée :
« B. - La seconde phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : "Il doit également prendre en compte les orientations des schémas directeurs d'équipements et de services, du schéma directeur des territoires ruraux et des espaces naturels et du schéma directeur du bassin parisien institués par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire". »
II. - En conséquence, de remplacer le premier alinéa de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'article L. 141-1 du code de l'urbanisme est ainsi modifié :
« A. - Après le premier alinéa sont insérés deux alinéas ainsi rédigés : ».
La parole est à Mme Beaudeau, pour présenter l'amendement n° 304.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre amendement vise à modifier l'expression des objectifs du schéma directeur de la région d'Ile-de-France, le SDRIF.
Tout d'abord, l'article 35 précise que le SDRIF doit « maîtriser la croissance urbaine et démographique ». Nous proposons de corriger cette expression, que nous trouvons étroite et restrictive, et de lui substituer les termes : « permettre une croissance équilibrée », que nous trouvons plus mobilisateurs, plus complets, plus riches en potentialité et, surtout, excluant toute limitation.
L'article 35 précise également que le SDRIF « garantit le rayonnement international de cette région ». Nous trouvons le terme : « international » trop vague ; le rôle européen de l'Ile-de-France comme complément du rôle national ne peut pas être oublié. Une étude réalisée récemment par une firme anglaise, Hesley et Baker, montre en effet que Paris est, après Londres, la ville la plus intéressante d'Europe pour les entreprises ; c'est également la deuxième cité du continent en termes d'accès aux marchés, que ce soit pour les fournisseurs ou les clients.
Quant au rayonnement mondial, de notre point de vue, il englobe des acquis, des réalités, mais aussi de fortes potentialités à développer.
Nous proposons donc d'écrire que le SDRIF garantit « le rôle national, européen et le rayonnement mondial ». Cette formulation nous semble plus fine et plus mobilisatrice.
Nous proposons également de retenir comme objectif la correction des disparités non seulement spatiales, sociales et économiques de la région, comme il est précisé dans le texte, mais aussi « culturelles ». C'est peut-être même dans le domaine culturel que les disparités sont les plus fortes.
Nous proposons par ailleurs d'ajouter à la coordination de l'offre de déplacements urbains un autre objectif : l'amélioration de cette même offre. C'est d'ailleurs l'objectif des plans de déplacement urbain actuellement fixés au cours des nombreuses réunions qui ont lieu dans les départements, sur l'initiative des préfets.
Je crois que notre proposition est réaliste, étant précisé que le SDRIF doit prévoir cette amélioration des transports en commun, notamment de banlieue à banlieue.
Deux autres objectifs doivent être également ajoutés : le développement du logement social, qui est une condition essentielle à un développement démographique de l'Ile-de-France, ainsi que la préservation des zones rurales et naturelles, qui doit donc s'accompagner de la préservation des zones agricoles.
Vous le voyez, mes chers collègues, nos propositions visent à rendre plus crédibles et plus percutants les objectifs donnés au SDRIF. En fait, notre amendement vise à apporter plus de finesse et d'efficacité à l'article 141-1 du code de l'urbanisme.
M. le président. La parole est à M. Larcher, rapporteur, pour présenter les amendements n°s 89 et 90 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 304.
M. Gérard Larcher, rapporteur de la commission spéciale. Trois des articles de la loi du 4 février 1995 étaient consacrés à l'Ile-de-France : l'article 39, qui insistait sur la nécessité de renforcer le rôle de Paris comme métropole européenne et le rayonnement de l'Ile-de-France ; l'article 40, qui déterminait le contenu du schéma directeur de la région d'Ile-de-France, et l'article 41, qui prévoyait un agrément pour le développement d'installations économiques.
Le projet de loi voté par l'Assemblée nationale a abrogé l'article 39, qui portait d'ailleurs sur le lien entre schéma directeur et schéma national d'aménagement et de développement du territoire.
Il a complété l'article 40 et il ne touche pas l'article 41, article qui prévoit un agrément pour le développement d'installations économiques dans le souci de rééquilibrage du territoire. Je rappelle que nous avions longuement débattu en décembre 1994 de ce rééquilibrage entre l'Ile-de-France et le reste de la France, notamment du fait de l'attractivité économique propre à cette région.
La commission propose de conserver les apports de l'article 40 en termes de maîtrise de la croissance, qu'elle soit économique, avec ses conséquences urbaines, ou démographique. Elle reprend les dispositions ambitieuses de l'article 39 sur la nécessité de renforcer Paris comme métropole européenne et sur le rayonnement international de l'Ile-de-France.
J'en viens à l'amendement n° 89, que je souhaite rectifier pour y mentionner les disparités culturelles. Il nous semble nécessaire - et nous partageons cette préoccupation avec Mme Beaudeau - de les viser, parce qu'il existe de véritables disparités entre certaines parties du territoire de la région Ile-de-France.
Quant à l'amendement n° 90, il est purement rédactionnel et de coordination.
Comme l'amendement n° 89, l'amendement n° 304 vise à réécrire l'article en faisant référence au rôle européen de l'Ile-de-France, en affirmant la nécessité d'équilibrer, y compris au sein de la région, les disparités spatiales, sociales, culturelles et économiques. Il répond en partie aux préoccupations traduites dans l'amendement de la commission.
Toutefois, celle-ci préfère la rédaction de son propre amendement. Elle a donc émis un avis défavorable sur l'amendement du groupe communiste républicain et citoyen.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 89 rectifié, présenté par MM. Larcher, Belot et Revet, au nom de la commission spéciale, et tendant à rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par l'article 35 pour être inséré après le premier alinéa de l'article L. 141-1 du code de l'urbanisme :
« Le schéma directeur de la région d'Ile-de-France précise les moyens cohérents à mettre en oeuvre pour renforcer la position de Paris comme métropole européenne, conforter le rayonnement international de la région d'Ile-de-France et assurer son développement qualitatif tout en maîtrisant sa croissance urbaine et démographique et l'utilisation de l'espace. Il précise les moyens cohérents à mettre en oeuvre pour réduire les disparités spatiales, sociales, culturelles et économiques de la région et celles permettant de préserver les territoires ruraux et espaces naturels afin d'assurer les conditions d'un développement durable de la région. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 304, 89 rectifié et 90 ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je vais, monsieur le président, m'efforcer à la brièveté que vous avez appelée de vos voeux.
L'amendement n° 304 tient peu compte du poids économique considérable de l'Ile-de-France, poids qui a d'ailleurs tendance à s'accroître. Je rappelle que cette région représentait 29 % du produit intérieur brut national en 1996, contre 27 % en 1982. Ces chiffres semblent bien indiquer que, année après année, l'écart avec la province continue de se creuser.
Dès lors, il ne me paraît guère souhaitable d'inscrire dans ce projet de loi un objectif de renforcement économique de cette région.
L'enjeu, en l'occurrence, c'est le rééquilibrage territorial et le polycentrisme d'une région qui ne peut axer sa dynamique uniquement sur Paris.
J'émets, par conséquent, un avis défavorable.
L'amendement n° 89 rectifié ne me semble pas apporter quoi que ce soit de fondamental par rapport à la rédaction actuelle de l'article 35, pour laquelle j'éprouve, je l'avoue, une tendresse toute particulière. (Sourires.)
Quant à l'amendement n° 90, il me paraît redondant. En effet, le schéma directeur de la région d'Ile-de-France tient bien lieu de schéma directeur régional aux termes de l'article L. 141-1 du code de l'urbanisme. Il doit donc être compatible avec les schémas de services collectifs.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 304.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Afin de faire gagner du temps, je m'exprimerai sur les trois amendements en discussion.
L'amendement n° 304 nous laisse quelque peu hésitants. Nous pensons qu'il n'apporte pas grand-chose par rapport à la rédaction qui nous vient de l'Assemblée nationale. Par conséquent, nous nous abstiendrons.
En revanche, nous sommes franchement défavorables à l'amendement n° 89 rectifié, auquel nous préférons nettement la rédaction de l'Assemblée nationale. En effet, cet amendement renverse complètement les priorités : il commence par affirmer le rôle de Paris comme métropole européenne, puis insiste sur la nécessité de conforter le rayonnement de la région parisienne, pour évoquer enfin la maîtrise de la croissance urbaine et démographique ainsi que de l'utilisation de l'espace.
Quant à l'amendement n° 90, il fait référence au schéma directeur du bassin parisien, que nous avons refusé hier ; nous ne pourrons donc, par cohérence, le voter.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. J'ai bien entendu ce que nous ont dit M. le rapporteur, puis Mme la ministre.
Je croyais que le constat et l'analyse des conditions de vie de la grande majorité des Franciliens étaient partagés.
Mme la ministre a rappelé le poids économique de la région d'Ile-de-France dans le pays. Mais il ne faut pas oublier qu'il existe, dans cette région, des territoires - c'est M. le préfet de région lui-même qui emploie ce terme pour montrer que le phénomène ignore les frontières départementales et que, notamment, certains arrondissements de l'est et du centre sont également touchés - dans lesquels le taux de chômage dépasse 30 %, voire 40 %.
Certes, cette région est riche, mais elle comprend aussi des secteurs en très grande difficulté. De nombreuses familles sont mal logées et bien d'autres problèmes sont loin d'être réglés. Or, comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, lorsqu'on règle les problèmes que connaît l'Ile-de-France, on entraîne le pays tout entier,
Les amendements n°s 89 rectifié et 90 ne prennent pas en compte les modifications que je souhaite apporter avec l'amendement n° 304.
Ainsi, M. le rapporteur nous propose de conserver la notion de « maîtrise ».
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous nous présentez Paris comme une métropole européenne, mais il n'est pas question de son rôle à la fois national et européen. J'ajoute que, accolé à l'idée de rayonnement, l'adjectif « international » nous paraît bien neutre par rapport à « mondial » ; je le trouve même inadapté et, en tout cas, très imprécis.
Vous reconnaissez que les disparités culturelles doivent être prises en compte, mais vous ne faites pas expressément référence à une préservation des zones agricoles.
Vous faites disparaître le rôle du schéma directeur de la région d'Ile-de-France dans le domaine de la coordination et de l'aménagement des transports urbains, notamment de banlieue à banlieue, alors que ces liaisons constituent un grave problème dans cette région.
Non seulement votre texte n'est pas plus complet que celui qui nous est présenté dans le projet de loi, mais il est plus imprécis, voire plus désordonné.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Larcher, rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. M. Bellanger nous reproche d'affirmer d'emblée le rôle de Paris comme métropole européenne. Cette affirmation est simplement le constat d'une réalité, celle de la place de Paris, non pas par rapport au reste de la région d'Ile-de-France ou de la France, mais au sein de l'Europe.
Je me permets de le renvoyer au classement établi quant au nombre de quartiers généraux entre le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique et la France. Nous fûmes longtemps les premiers et nous sommes maintenant, à cet égard, les cinquièmes de la classe !
Ce n'est en rien aller contre l'aménagement et l'équilibre du territoire que d'affirmer le rôle de Paris comme métropole européenne et de dire qu'il s'agit là d'un véritable enjeu pour l'ensemble du pays. Je n'inverse pas l'ordre des priorités : je tiens compte d'une réalité qui, dès 1994, nous préoccupait.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Me voilà déjà surprise à manquer à la règle de conduite que, à votre invitation, monsieur le président, je m'étais fixée. Mais je me sens obligée de répondre à M. le rapporteur.
En effet, il y a bien une différence entre nous. Dès l'article 2, nous avions souhaité affirmer que la politique d'aménagement et de développement durable du territoire reposait notamment sur le choix stratégique suivant : « renforcer les pôles de développement à vocation européenne et internationale, susceptibles d'offrir des alternatives à la région parisienne ». Nous nous situons bien dans une logique d'équilibre et de promotion de plusieurs pôles métropolitains d'équilibre.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Nous sommes d'accord sur ce point !
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Dès lors, le fait de préciser seulement le rôle de Paris comme métropole européenne dans un article qui vise à proposer une planification pour vingt ans, donc à long terme, s'agissant d'une région aussi étendue que l'Ile-de-France nous paraît extrêmement dangereux.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 304, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 89 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 90, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 35, modifié.
(L'article 35 est adopté.)
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