Séance du 8 avril 1999
M. le président. « Art. 30. _ La section 10 "Dispositions diverses" est composée d'un article L. 5211-56 ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-56 . _ Sans préjudice des dispositions propres aux communautés urbaines, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale assure une prestation de services pour le compte d'une collectivité ou d'un autre établissement public de coopération intercommunale, les dépenses afférentes sont retracées dans un budget annexe au budget visé aux articles L. 5212-18 à L. 5212-21, L. 5214-23, ou L. 5216-8 selon le cas. Les recettes du budget annexe comprennent le produit des redevances correspondant au service assuré et les contributions de la collectivité ou de l'établissement au bénéfice duquel la prestation est assurée.
« Ces dispositions ne s'appliquent pas à la réalisation d'un investissement pour le compte d'une collectivité ou d'un autre établissement public de coopération intercommunale, qui est retracée budgétairement et comptablement comme opération sous mandat. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 131, M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 156, M. Gaillard propose, dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 30 pour l'article L. 5211-56 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « pour le compte d'une collectivité ou d'un autre établissement public de coopération », de supprimer le mot : « intercommunale ».
Par amendement n° 483 rectifié, MM. Vasselle, André, Delong, Flandre et Gerbaud proposent, dans la seconde phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 30 pour l'article L. 5211-56 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « le produit des redevances », d'ajouter les mots : « ou taxes ».
Par amendement n° 157 rectifié, M. Gaillard propose de compléter le second alinéa du texte présenté par l'article 30 pour l'article L. 5211-56 du code général des collectivités territoriales par une phrase ainsi rédigée : « Cette procédure comptable ne fait toutefois pas obstacle à la possibilité, ouverte à un établissement public de coopération intercommunale assurant la réalisation simultanée d'investissements de même nature pour le compte de plusieurs collectivités ou établissements publics de coopération intercommunale, de passer à cette fin un marché public global. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 131.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il s'agit, là encore, de répondre à un souci de simplification. L'amendement tend à revenir sur la création de budgets annexes pour retracer les prestations de services effectuées par un EPCI pour le compte d'une collectivité ou d'un autre EPCI.
M. le président. La parole est à M. Gaillard, pour présenter l'amendement n° 156.
M. Yann Gaillard. Je propose de supprimer le mot « intercommunale » pour que les établissements publics de coopération intercommunale puissent assurer des prestations de service pour des établissements publics de coopération tels que les syndicats mixtes.
Par ailleurs, en imposant aux établissements publics de coopération intercommunale assurant la réalisation simultanée d'investissements de même nature pour le compte de plusieurs collectivités ou EPCI, la passation d'un contrat, au titre de chacune de ces collectivités ou de chacun de ces établissements, on soustrait très souvent ces contrats, de montant unitaire fréquemment inférieur aux seuils prévus par le code des marchés publics, à toute mise en concurrence, au préjudice à la fois de transparence des procédures et de l'avantage financier qui pourrait résulter, pour ces collectivités et établissements, de la globalisation de leurs commandes dans un seul marché.
Quant à l'amendement n° 157 rectifié, il vise à permettre à l'EPCI de passer un marché public global.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour présenter l'amendement n° 483 rectifié.
M. Alain Vasselle. Il s'agit de combler un oubli en faisant référence aux taxes, car les recettes ne se limitent pas aux redevances. Nous savons bien que les collectivités peuvent instaurer, si elles le souhaitent également, des taxes, dont la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.
Cela étant, je pense que mon amendement fera long feu, M. le rapporteur ayant déposé un amendement de suppression. Pour ce qui me concerne, je m'en remets à la sagesse du Sénat quant au sort qui sera fait à cet amendement et, partant, au mien.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 156, 483 rectifié et 157 rectifié ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 131, 156, 483 rectifié et 157 rectifié ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 131, qui vise à supprimer l'article 30. En effet, cet article porte sur les prestations croisées au sein des établissements publics de coopération intercommunale et a été introduit pour des raisons de transparence et de sécurité juridique.
Il a deux objectifs.
Le premier consiste à lever l'ambiguïté actuelle sur la possibilité pour les EPCI d'effectuer des prestations de services au profit de communes extérieures, qui pourrait donner lieu à contentieux.
Le second objectif est de garantir aux communes membres de l'EPCI que l'exercice de la prestation rendue à une commune extérieure n'affecte en aucune façon le montant de leur participation financière ou le niveau de la fiscalité levée par l'EPCI.
Voilà donc un dispositif qui peut être géré avec des documents budgétaires simplifiés et qui n'entraîne pas de tâches administratives supplémentaires complexes. Si la prestation se limite à la réalisation de travaux, le dispositif des opérations sous mandat, encore plus allégé, peut se substituer au budget annexe.
C'est pourquoi le Gouvernement souhaite le maintien de cet article, qui offre quand même ces possibilités de prestations croisées.
Il est favorable à l'amendement n° 156 de M. Gaillard, qui vise à étendre les dispositions de l'article 30 aux syndicats mixtes.
En revanche, le Gouvernement est défavorable à l'amendement de M. Vasselle, car il n'est pas question que le groupement puisse se substituer à la commune, simple cliente, pour la perception par exemple, de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, en l'absence de tout transfert de compétences dans une optique intercommunale.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 157 rectifié.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 131.
M. Robert Bret. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Nous sommes quelque peu surpris, je l'avoue, que la commission nous invite à éviter que les opérations réalisées par les établissements publics de coopération intercommunale en faveur d'une autre collectivité ne fasse l'objet de l'inscription à un budget annexe.
Il nous semble en effet souhaitable, pour des raisons de transparence, qu'une telle orientation ne soit pas retenue d'autant que le rapport même de la commission des lois nous indique que c'est uniquement pour des raisons logistiques.
Nous posons d'ailleurs ici une question assez fondamentale : la mise en place d'un plus grand nombre d'établissements publics de coopération intercommunale va sans doute engendrer dans un avenir proche un certain nombre de coûts administratifs nouveaux.
La gestion comptable et administrative d'un EPCI est en effet suffisamment complexe pour justifier que l'on dispose, pour la suivre et la mettre en oeuvre, de personnels suffisamment nombreux et qualifiés.
Je l'ai déjà dit, même lorsqu'il s'agit d'un groupement de petites communes rurales et que cet ensemble finit par représenter la population d'une ville moyenne, on peut admettre la nécessité de transparence et de technicité particulière.
On ne peut notamment pas confier uniquement à des personnes sous contrat de travail précaire, sous contrat emploi-solidarité, par exemple, comme cela existe, ces fonctions hautement politiques.
Au regard de ces observations, nous vous invitons, mes chers collègues, à rejeter cet amendement.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Pour une fois, je vais être en désaccord avec la commission sur cette question du budget annexe.
Ce ne sont pas des raisons de simplification qui me guident en l'occurrence ; il me semble qu'il y a un problème de fond à régler.
J'ai connu une communauté de communes qui avait la compétence de voirie, mais non celle de la voirie rurale, et qui accomplissait des travaux de voirie rurale pour les communes membres. Le contrôle de légalité a estimé que, puisque ces travaux figuraient dans le budget de la communauté, ils devaient être financés par la fiscalité propre et non par le paiement des prestations. Etait donc exclue la contribution des communes à la communauté de communes. Je ne vois qu'un avantage à ce qu'il y ait un budget annexe, c'est d'éviter de pareils errements.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je me demande si l'amendement de suppression ne mériterait pas une deuxième lecture, en tout cas une nouvelle réflexion, de la part de la commission des lois.
La remarque faite à l'instant par notre collègue M. Fréville me paraît tout à fait pertinente. De tels cas de figure existent en nombre plus important qu'on ne l'imagine.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi d'attirer votre attention sur l'amendement que j'ai présenté. Il visait le produit des taxes et non pas la taxe. L'article 30 du projet de loi dispose que « les dépenses afférentes sont retracées dans un budget annexe au budget visé aux articles L. 5212-18 à L. 5212-21, L. 5214-23, ou L. 5216-8 selon le cas. Les recettes du budget annexe comprennent le produit des redevances ». Or les redevances, comme les taxes du reste, sont instituées par les communes. Donc, vous ne pouvez pas m'opposer le fait que l'intercommunalité ne peut pas recueillir le produit de la taxe si elle ne l'a pas instituée elle-même puisque le dispositif peut fonctionner alors que la redevance a été instituée non pas par l'intercommunalité mais par la commune.
Ma proposition ne vise que le produit ; l'article précise bien que « les recettes du budget annexe comprennent le produit des redevances ». Quand les communes ont institué la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, c'est le produit des recettes de cette taxe qui a été affecté à la dépense. En tout cas, si une commune a décidé d'instituer une taxe d'enlèvement des ordures ménagères et qu'on ne lui donne pas la possibilité d'en reverser le produit, dans le cadre d'un budget annexe, à la structure intercommunale qui exerce la compétence pour le compte de la collectivité, cela posera des problèmes.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il était bon que ce débat ait lieu et que les préoccupations de transparence soient évoquées.
Il ne s'agit pas pour la commission, à travers son amendement, de nier la nécessité d'information et de transparence mais, tout au long du débat, s'est manifesté le souci de ne pas alourdir inutilement, par des procédures complexes, les documents qui sont présentés aux conseils municipaux ou aux conseils communautaires.
C'est parce que la commission des lois avait le sentiment que ce souci de souplesse, d'allègement des procédures, de simplification ne devait se traduire dans les faits qu'après un long débat et après avoir échangé tous les arguments, qu'elle a adopté cet amendement.
M. Vasselle a dit qu'une deuxième lecture de la commission pourrait être utilement consacrée à ce sujet. Mais, mon cher collègue, s'il ne doit pas y avoir de deuxième lecture en séance plénière, il y a eu beaucoup plus que deux lectures en commission des lois ! C'est donc non pas à la légère, mais après mûre réflexion, qu'elle vous présente cet amendement. J'espère ne pas trop heurter les scrupules, les interrogations, les questions des uns et des autres en le proposant. Après tout, il ne portera pas atteinte à des principes fondamentaux auxquels nous sommes tous attachés.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 131, repoussé par le Gouvernement.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 156.
M. Robert Bret. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Je m'exprimerai à la fois sur l'amendement n° 156 et sur l'amendement n° 157 rectifié, qui portent tous deux sur les relations entre les établissements publics de coopération intercommunale et les autres collectivités locales.
Notre collègue M. Gaillard nous invite à faire en sorte que, sous certaines conditions, certaines opérations, notamment les opérations d'investissement, soient globalisées, dans un souci, qui pourrait paraître louable, de simplification et de réalisation d'économies d'échelle.
Nous nous interrogeons sur la portée de ces mesures qui, sous prétexte de transparence, risquent en fait de mettre des collectivités en situation de devoir passer par un prestataire de services qui serait « choisi » par l'établissement de coopération et non par elles-mêmes.
Nous pourrions, dans ce cas, assister à une sorte de dérive de l'intercommunalité, permettant en fait aux groupes industriels et commerciaux spécialisés dans les services aux collectivités locales de se tailler des parts de marché.
Que les choses soient claires : quand on pense « marché global », on pense nécessairement à autre chose qu'aux PME et aux entreprises de proximité auxquelles ont en général recours les élus locaux pour les marchés de taille réduite et non soumis à concurrence.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Notre collègue M. Bret a mis sur le même plan deux amendements qui, pour être complémentaires, ont tout de même des objets différents.
L'amendement n° 156, auquel le Gouvernement est, semble-t-il, favorable, a pour objet de permettre à des syndicats mixtes de participer à l'intercommunalité et de réaliser des travaux pour des établissements de coopération intercommunale. Il n'y est pas question de la globalisation des marchés.
C'est l'amendement n° 157 rectifié, auquel le Gouvernement est, semble-t-il, défavorable, qui franchit ce pas. Je ne pense pas que la critique « globalisante » de M. Bret puisse concerner l'amendement n° 156.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 156, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 483 rectifié.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Après les explications qui ont été données par M. Vasselle, j'indique qu'il existe effectivement deux modes de financement des services d'ordures ménagères : la redevance et la taxe. Si le produit de la redevance est affecté à cet objet, le produit de la taxe, même si celle-ci est perçue au titre de l'enlèvement des ordures ménagères, n'est pas, dans le budget, affecté à cet objet, et cela en vertu d'un principe général des finances publiques.
Votre remarque, monsieur Vasselle, est pertinente sur ce point. Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat sur votre amendement n° 483 rectifié.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 483 rectifié, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 157 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 30, modifié.
(L'article 30 est adopté.)
Article additionnel après l'article 30