Séance du 12 mai 1999
M. le président. « Art. 52. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 235 ter YA ainsi rédigé :
« Art. 235 ter YA . - I. - Les personnes redevables de la contribution des institutions financières peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre de leurs cotisations versées aux fonds de garantie prévus par la loi n° du relative à l'épargne et à la sécurité financière.
« II. - Le crédit d'impôt est égal à 25 % des charges effectivement constatées par l'établissement au profit du fonds de garantie dont il est adhérent. Il est imputé sur la contribution des institutions financières payée par l'établissement l'année suivant celle au cours de laquelle ces charges ont été constatées. L'excédent est imputé sur la contribution des institutions financières acquittée au cours des trois années suivantes. Le crédit d'impôt n'est pas restituable.
« III. - En cas de fusion intervenant au cours de la période de report du crédit d'impôt, la fraction de l'excédent du crédit d'impôt qui n'a pas encore été imputée par la société absorbée est transférée à la société absorbante dès lors que cette dernière a déjà versé, au moment de l'opération, des cotisations au fonds de garantie.
« IV. - Pour les établissements de crédit affiliés à un organe central mentionné à l'article 20 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, sont prises en compte pour l'application du présent article les sommes appelées par l'organe central auprès de ces établissements affiliés en application de l'article 52-5 de la même loi.
« V. - Un décret précise les modalités d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives incombant aux établissements redevables de la contribution des institutions financières et aux fonds de garantie afin de justifier du versement des cotisations de chaque établissement. »
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je souhaiterais que M. le ministre nous apporte quelques précisions sur le statut fiscal des fonds de garantie.
Le projet de loi ne précisant pas ce statut, c'est donc le droit commun de l'impôt sur les sociétés qui s'appliquera.
A l'Assemblée nationale, plusieurs amendements avaient été déposés pour aligner le régime fiscal des fonds de garantie sur celui des organismes à but non lucratif. Ils n'ont pas reçu l'aval du Gouvernement au motif, qui me semble judicieux, que le régime de droit commun serait plus avantageux que le statut fiscal des organismes à but non lucratif.
En effet, les cotisations versées par les adhérents devraient trouver leur contrepartie dans des provisions constituées en franchise d'impôt - mais pour qu'il y ait franchise d'impôt, il faut qu'il y ait assujettissement à l'impôt - en vue de faire face aux sinistres que ces cotisations doivent précisément couvrir.
Monsieur le ministre, pour que cette question soit définitivement clarifiée, pourriez-vous nous confirmer que, par ce moyen, la totalité des cotisations sera bien exonérée d'impôt sur les sociétés ?
Peut-on également considérer que les produits financiers de ces cotisations constitutives de provisions seront également exonérés de facto de l'impôt sur les sociétés ?
J'ajouterai que tous nos propos de ce matin sur la régulation de la trésorerie démontrent que ces fonds n'ont pas pour finalité d'être surdotés en trésorerie mais doivent gérer de la manière la plus satisfaisante le volume de trésorerie pertinent par rapport à la nature des risques rencontrés sur la place.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le rapporteur, je confirme votre interprétation sur les points que vous venez de soulever.
Le fonds de garantie est une société commerciale ayant des activités en direction de sociétés commerciales. En conséquence, aucun principe ne justifie une dérogation au droit commun. Mais il est légitime de s'interroger sur l'éventuelle fiscalité dont le fonds serait frappé.
La proposition, comme vous l'avez rappelé, a été faite à l'Assemblée nationale d'appliquer au fonds la fiscalité des organismes à but non lucratif. Mais, vous l'avez également relevé, cela aboutirait à lui faire payer plus d'impôts qu'il n'en acquitterait au titre de l'impôt sur les sociétés. En effet, le résultat du fonds de garantie devrait être très proche de l'équilibre par la mise en provision de sommes correspondant aux cotisations ; les cotisations seront calculées en fonction du risque présenté par le cotisant, de même que les provisions. De facto, l'impôt sur les sociétés sera, comme vous le dites, pratiquement nul.
A l'inverse, l'application de la fiscalité des organismes à but non lucratif verrait, avant calcul des provisions, puisque c'est ainsi que cela se fait, s'appliquer aux résultats financiers des taux de 10 % à 24 %, ce qui, finalement, aboutirait au total à une imposition sensiblement supérieure à celle qui résulterait d'une application de la fiscalité de droit commun.
Restons donc dans la fiscalité de droit commun. L'objectif du fonds de garantie n'est pas de faire des bénéfices. Il n'en fera d'ailleurs pas et ne sera donc pratiquement pas imposé.
M. le président. Par amendement n° 86, M. Marini, au nom de la commission, propose :
I. - Dans la première phrase du paragraphe II du texte présenté par l'article 52 pour l'article 235 ter YA du code général des impôts, de remplacer le pourcentage : « 25 % » par les mots : « 50 % la première année, 75 % la deuxième année et 100 % les années suivantes. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du I ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour le budget de l'Etat de l'augmentation du crédit d'impôt imputable sur la contribution des institutions financières est compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
III. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I. - ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Dans cet amendement que je qualifierai de principe, on retrouve les positions de fond de la commission des finances concernant la contribution des institutions financières que nous considérons comme introduisant des distorsions.
Monsieur le ministre, vous évoquiez tout à l'heure les OPCVM. Vous nous disiez que, si l'on créait des lourdeurs spécifiques en France, la concurrence se vengerait. En ce qui concerne la CIF, c'est une singularité franco-française. Si je puis dire, nous nous vengeons de cette singularité persistante en préconisant un taux de crédit d'impôt de 100 % du montant des cotisations.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le Gouvernement est obligé de reconnaître qu'il y a de la cohérence dans l'argument de M. le rapporteur. Mais comme il l'a dit aussi, c'est une position constante, classique de la commission des finances du Sénat. Même si j'ai de la sympathie pour les arguments de M. le rapporteur, je ne voudrais pas faire injure au Sénat en acceptant un amendement que mon prédécesseur, qui était issu de sa majorité, a lui-même refusé.
Dans ces conditions, sur cette question, je ne puis que suivre la ligne constante des gouvernements qui se sont succédé et donner un avis défavorable à cet amendement.
M. Jean Chérioux. Quelle sollicitude envers vos prédécesseurs !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 86, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 87, M. Marini, au nom de la commission, propose :
I. - De compléter le paragraphe IV du texte présenté par l'article 52 pour l'article 235 ter YA du code général des impôts par un alinéa ainsi rédigé :
« Le crédit d'impôt global reçu par un organe central et les établissements qui lui sont affiliés et qui sont adhérents au fonds de garantie des dépôts prévu par la loi n° du relative à l'épargne et à la sécurité financière peut alors, sur option, être réparti entre eux en proportion de la contribution des institutions financières payée par chacun d'eux. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du paragraphe I ci-dessus, de compléter in fine ce même article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour le budget de l'Etat de la modification de l'imputation du crédit d'impôt est compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement a pour objet de régler le problème des organes centraux des réseaux coopératifs, du type caisse d'épargne, je le répète, qui, dans certains cas, ont droit à des montants de crédit d'impôt supérieurs à la contribution aux institutions financières qu'ils acquittent.
Il est donc proposé, à la demande au demeurant raisonnable de ces institutions, de répartir le crédit d'impôt dont bénéficie le réseau entre l'organe central et les établissements affiliés en proportion de la contribution qu'ils paient.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Soyons concrets, cet amendement ne vise qu'un seul établissement mutualiste, le Crédit agricole, pour lequel se pose un problème de répartition du crédit d'impôt : la caisse centrale en bénéficie alors que les cotisations à la CIF sont payées par les différentes caisses.
Il ne me semble pas de bonne méthode de légiférer non pas ad nominem s'agissant du Crédit agricole, mais plutôt « ad banquem » ! (Sourires.)
Je vous propose donc, monsieur le rapporteur, de tenter de trouver une solution technique au problème réel que pose cette institution, en coordination avec les services du ministère, plutôt que par l'insertion d'une disposition dans la loi ne traitant que d'un cas particulier. Je ne suis d'ailleurs pas certain de la constitutionnalité d'une telle disposition !
Je vous propose donc - avec l'engagement du Gouvernement, qui a déjà commencé à étudier cette affaire - de voir, en liaison avec la commission des finances du Sénat, comment régler le cas particulier que pose la structure spécifique de ce groupe sans le traiter par la voie législative et par le biais d'une mesure spécifique.
M. Jean Chérioux. Ad institutionem !
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 87 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je serais heureux de répondre favorablement à la sollicitation de M. le ministre, mais je ne vois pas très bien, sur le plan juridique - puisque l'on se place sur ce terrain - comment résoudre ce problème spécifique en contradiction avec les termes de la loi que nous allons voter.
Sans doute faut-il trouver une solution. M. le ministre nous indique une voie symétrique de celle que nous proposons mais, par définition, opposée. Je crains que si nous votions le texte en l'état, nous ne manquions de base légale pour cette négociation ou cet ajustement à la situation spécifique qu'il évoquait.
Je suis un peu gêné pour retirer l'amendement dans la mesure où ce problème est réel. Certes, c'est le Crédit agricole qui a soulevé cette difficulté, mais, après tout, il se pourrait que des configurations différentes aboutissent aux mêmes effets.
Au Crédit agricole, les dépôts sont concentrés au niveau de l'organe central - qui paye donc de fortes cotisations au fonds de garantie - alors que celui-ci supporte peu de frais généraux et donc ne s'acquitte que d'un montant réduit de CIF ; la situation est inverse en ce qui concerne les caisses régionales. Il n'est pas fait masse de l'ensemble des contributions et il y a une sous-optimisation à l'échelon global du groupe. Comment faire pour traiter cette incompatibilité ?
M. Jean Chérioux. Il faut consolider !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le rapporteur, les deux voies que nous évoquons sont, en effet, non pas opposées mais symétriques.
Si le problème que nous sommes d'accord pour traiter mettait le Crédit agricole en contravention avec l'esprit de la loi en vigueur, ni vous ni moi ne serions favorables à un traitement de faveur. La loi est loi et elle est la même pour tout le monde !
Si certains, qu'il s'agisse d'un établissement financier - en l'occurrence, c'est le cas - ou de tout citoyen dans d'autres sujets, se trouvent être gênés par une loi qui est de portée générale, c'est un problème individuel. Nous ne sommes pas là pour légiférer pour un individu ou pour une entreprise. Toutefois, si vous et moi estimons qu'il faut faire quelque chose, c'est bien parce que nous savons que, en réalité, la situation de cette institution n'est pas en contradiction avec l'esprit des textes. Simplement, une organisation spécifique du Crédit agricole l'a conduit à rencontrer une difficulté que le législateur n'avait pas prévue initialement.
Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de faire intervenir la loi. C'est bien dans la façon de la mettre en oeuvre au travers des instructions fiscales que la solution doit pouvoir être trouvée, et nous n'avons pas besoin de base légale nouvelle qui serait spécifique ou, comme vous le disiez tout à l'heure, ad institutionem.
Voter une disposition législative pour régler un problème propre à une entreprise serait un précédent un peu fâcheux. La solution serait de recourir à une instruction fiscale.
Je propose d'en discuter avec la commission des finances. Mieux vaut ne pas créer un précédent qui pourrait ensuite nous être retourné pour telle entreprise et pour un problème qu'il serait peut-être moins légitime de régler par la voie législative.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je le retire, monsieur le président. M. le ministre nous a bien expliqué la démarche qu'il comptait adopter, et je pense qu'elle répond tout à fait à notre souci.
Nous éviterons d'encombrer la loi par des dispositions trop spécifiques, le même objectif pouvant être atteint en empruntant une autre voie.
M. le président. L'amendement n° 87 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 52, modifié.
(L'article 52 est adopté.)
Article 53