Séance du 24 juin 1999
M. le président. « Art. 7. - Le premier alinéa de l'article L. 300 du même code est ainsi rédigé :
« Dans les départements où les élections ont lieu à la représentation proportionnelle, chaque liste de candidats doit comporter deux noms de plus qu'il y a de sièges à pourvoir. »
Par amendement n° 21, Mmes Luc, Beaudeau, Bidard, Borvo, Terrade, MM. Duffour, Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
I. - De compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque liste assure la parité entre candidats féminins et masculins. »
II. - En conséquence, de rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
« Le premier alinéa de l'article L. 300 du même code est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés : »
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Le débat sur la parité, que Mme Luc vient d'évoquer, n'a pas été, pour la majorité sénatoriale, au cours des derniers mois, l'occasion d'écrire une de ses plus belles pages. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Sans vouloir jouer les professeurs,...
M. Jean Chérioux. Cela changera !
M. Michel Duffour. ... je voudrais vous proposer, chers collègues, une session de rattrapage. (Rires sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jean-Jacques Hyest. Lundi !
M. Michel Duffour. Je crois en effet que, si vous votiez à l'unanimité notre amendement,...
M. Dominique Braye. Ça m'étonnerait !
M. Michel Duffour. ... le Sénat s'en trouverait grandi.
Lundi, nous serons donc à Versailles...
M. Henri de Raincourt. Et on votera le texte du Sénat !
M. Michel Duffour. ... pour modifier la Constitution.
Je vous propose de ne pas être une nouvelle fois en position d'attente.
Sans attendre que le Gouvernement fasse des propositions afin que la parité entre dans la vie, pour une fois, faites preuve d'esprit novateur et votez dès aujourd'hui cet amendement ! C'est un service que vous rendrez au Sénat.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Girod, rapporteur. Nous avons tous noté que le groupe communiste, paritaire en son sein,...
M. Jean-Jacques Hyest. Pas encore tout à fait !
M. Paul Girod, rapporteur. ... fait défendre cet amendement - mais avec quelle passion ! - par un représentant de ce qui demeure, en effet, sa partie dominante. (Sourires.)
Il reste que, pour l'instant, cet amendement est anticonstitutionnel. Certes, cela ne le sera peut-être pas longtemps, si le Congrès adopte lundi le texte qui lui sera soumis.
Au passage, je relève que c'est le texte du Sénat, et non celui de l'Assemblée nationale qu'il adoptera éventuellement, ce qui montre que la contribution du Sénat à ce débat n'est pas mince. Je suis d'autant plus à l'aise pour le souligner que, pour ma part, je reste opposé à cette réforme de notre Constitution : il ne me paraît pas bon de découper notre population en rondelles, et ce qui est en train de se passer à propos des langues régionales pose un problème de même nature.
M. Henri de Raincourt. Exactement !
M. Paul Girod, rapporteur. Le découpage de la population en sections est une mauvaise chose.
Toujours est-il qu'une révision constitutionnelle est vraisemblable, probable, quasi certaine, mais qu'elle n'est pas faite. Dans la mesure où nous n'en sommes, sur le présent texte, qu'au début d'un processus législatif qui promet d'être très long, puisque, selon le Gouvernement, il va s'étaler jusqu'en juin 2000, c'est-à-dire longtemps après la réunion du Congrès du 28 juin 1999, cet amendement est prématuré, et c'est pourquoi la commission y est défavorable.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. J'ai fait observer ce matin en commission que le texte serait inapplicable à partir du moment où certains départements comprendront trois élus.
J'ai alors proposé un honnête marché à M. Duffour : s'il se ralliait à notre proposition tendant à abaisser à quatre sièges le seuil d'application du mode de scrutin proportionnel, nous pourrions peut-être examiner la suggestion qu'il nous présentait. (Sourires.) Je ne sais pas si mon marché a été jugé honnête, mais, pour ma part, je pense qu'il l'était. (Nouveaux sourires.)
M. Guy Allouche. M. Jacques Larché, négociant en tapis ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. M. Jacques Larché est bien trop fin juriste pour penser que le marché qu'il propose puisse être véritablement honnête.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. C'est un marché !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Déjà, il suggère qu'il ne propose qu'un marché. Il me paraît, en effet, plus judicieux d'abandonner l'épithète.
Dans l'attente de la prochaine réunion du Congrès, qui doit se tenir pour la révision constitutionnelle tendant à favoriser la parité au sein des institutions de la République, le Gouvernement ne peut que rappeler que, en l'état actuel du droit, une disposition imposant la parité serait inconstitutionnelle, comme le Conseil constitutionnel l'a établi dans le onzième considérant d'une décision récente du 14 janvier 1999.
Par conséquent, le Gouvernement - je tiens à le dire à Mme Luc et à M. Duffour - sera conduit à tirer la conséquence légale du principe de parité lorsque celui-ci aura été inscrit dans la Constitution.
Je suggère donc à Mme Luc et à M. Duffour de reporter l'examen de leur proposition à une date qui permettra de vaincre l'obstacle constitutionnel que nous connaissons tous et qu'il faut faire tomber, sans céder aux sirènes d'un marché pas tout à fait honnête...
Mme Hélène Luc. Arrêtons de parler de marché !
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Mais je sais que, en raison de votre vertu républicaine, vous n'y céderez pas.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 21.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. M. le président de la commission a prouvé qu'il avait le sens de l'humour.
J'ajoute que sa proposition était incomplète. Les nouveaux départements dans lesquels sera institué le scrutin proportionnel ne doivent pas être les seuls pris en compte. N'oublions pas les autres. Il faudrait préciser que tous les départements doivent être représentés par un nombre pair de sénateurs.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Si je vous ai bien compris, monsieur le ministre, vous allez déposer, à l'automne, un projet de loi électorale qui permettra de préciser les conditions d'application de la parité, après la révision constitutionnelle ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. La révision constitutionnelle, lorsqu'elle aura été approuvée, permettra d'examiner cet amendement, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Il faudra donc l'incorporer dans le cours de la navette, mais je ne puis préciser à quel moment.
M. Paul Girod, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod, rapporteur. Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à la seconde question de Mme Luc.
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Gérard Cornu. C'est grave.
M. Paul Girod, rapporteur. M. le ministre, en employant une argumentation similaire à celle de la commission, a fait remarquer que l'amendement n° 21 était prématuré, mais qu'il pourrait être introduit au cours de la navette.
Mme Luc a demandé si un projet de loi électoral, couvrant bien entendu toutes les élections, serait déposé à la suite de la révision constitutionnelle.
Mme Hélène Luc. Pour appliquer la parité !
M. Paul Girod, rapporteur. C'est bien ce que j'ai compris.
Puisque le Congrès se réunit lundi, il serait intéressant, monsieur le ministre, d'être éclairé sur ce point.
M. Jean Chérioux. C'est important !
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Duffour ?
M. Henri de Raincourt. Nous voudrions bien connaître la réponse de M. le ministre.
M. Michel Duffour. Je ne suis pas intervenu après M. le président de la commission des lois pour évoquer sa proposition. Mais cela ne signifie pas pour autant que qui ne dit mot consent. En effet, nous n'approuvions pas cette proposition. Nous nous situons au niveau des principes, monsieur le président de la commission. Il ne s'agit donc pas de rabaisser le débat à ce niveau.
Notre proposition était fortement symbolique. Nous pensons que le Sénat, quoi qu'en disent certains ici, aurait tout intérêt à effacer l'image négative...
M. Henri de Raincourt. Ce n'est pas vrai !
M. Michel Duffour. ... qu'il a laissée après le débat sur la parité.
M. Henri de Raincourt. C'est faux !
M. Michel Duffour. Mais oui, mon cher collègue, je dis bien : « image négative ».
M. Jean Chérioux. Mais non !
M. Michel Duffour. Je persiste dans mon analyse. D'ailleurs, l'opinion publique vous a donné tort sur ce point. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Nous tenions à profiter de ce débat pour évoquer une nouvelle fois la parité. Nous souhaitons que celle-ci s'applique très rapidement et que nous puissions, pour nos futurs débats, disposer de propositions précises.
Cela dit, nous retirons notre amendement, en étant évidemment, sur le fond, très déterminés et très volontaristes dans notre recherche d'une solution.
M. le président. L'amendement n° 21 est retiré.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je souhaite simplement dire à mon collègue Michel Duffour que le Sénat n'a rien à se faire pardonner en la matière. Comme notre ami Henri de Raincourt l'a rappelé, c'est le texte du Sénat qui a été adopté.
Mais puis-je faire observer à Michel Duffour - peut-être n'a-t-il pas suivi ce débat-là ; il ne peut pas tous les suivre - que le Sénat a été saisi d'un texte important portant création de délégations parlementaires aux droits des femmes ? Ce texte, qui nous venait de l'Assemblée nationale, était strictement inapplicable. La plus mauvaise plaisanterie que nous aurions pu faire eût été de le voter dans les termes adoptés par l'Assemblée nationale. Nous aurions alors été sûrs qu'il n'y aurait jamais eu de délégations parlementaires aux droits des femmes ou que, si l'on avait essayé de les créer, elles auraient sombré dans l'anarchie, le désordre, ou auraient, par leurs interventions, perpétuellement alourdi un travail parlementaire qui n'a pas besoin de cet alourdissement supplémentaire.
A l'unanimité, nous avons fait adopter un texte applicable, qui a sauvegardé le principe qui nous était soumis et qui a comme conséquence, ce que nous souhaitons, que les délégations parlementaires aux droits des femmes seront très rapidement en état de fonctionner de manière efficace, ce qui n'eût pas été le cas si, d'aventure, comme je le disais tout à l'heure sous la forme d'une boutade de l'ordre de celle que j'ai faite ce matin à l'adresse de notre ami Michel Duffour, nous avions voté le texte conforme.
Les délégations parlementaires aux droits des femmes n'auraient pas pu fonctionner. Grâce à nous, elles fonctionneront. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8