Séance du 24 juin 1999
RENFORCEMENT ET SIMPLIFICATION DE LA COOPÉRATION INTERCOMMUNALE
Adoption des conclusions modifiées
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 445,
1998-1999) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au renforcement
et à la simplification de la coopération intercommunale.
Avant de vous donner la parole dans la discussion générale, permettez-moi,
monsieur le rapporteur, de dire que cette commission mixte paritaire a fait un
excellent travail.
Vous avez la parole.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre réunion
d'aujourd'hui est l'aboutissement d'un long débat, approfondi, qui a fait suite
à la consultation de très nombreuses associations d'élus. Elle est également
l'aboutissement d'une réunion de commission mixte paritaire dont la durée
exceptionnelle aurait probablement pu être évitée si l'urgence n'avait pas été
déclarée sur ce projet de loi et, peut-être, si, conformément à une certaine
tradition, le Sénat avait été saisi en première lecture d'un texte de cette
importance relatif aux collectivités territoriales et en particulier aux
communes.
Ce texte a fait l'objet d'un examen approfondi notamment de la part de la
commission des lois, et venait après un certain nombre de travaux que nous
avions consacrés préalablement au projet de loi préparé par M. Dominique
Perben, membre du précédent gouvernement.
Dans ce contexte, nous estimons, en notre âme et conscience, que les
principes essentiels auxquels le Sénat est attaché ont pu être préservés ; en
particulier, nous avons pu concilier le principe du libre choix des communes et
celui de la solidarité, qui est le fondement même de l'intercommunalité.
A ce propos, je voudrais rappeler les quatre ou cinq points les plus
importants ayant fait l'objet de l'accord qui est intervenu en commission mixte
paritaire, après dix-huit heures de discussion.
En premier lieu, le texte ne comporte plus de dispositions relatives à la
désignation au suffrage universel des délégués dans les conseils des
communautés urbaines. Si nous pensons, les uns et les autres, que, dans une
perspective à plus long terme, ce mode de scrutin finira par l'emporter, il
nous paraît souhaitable d'éviter dans la période actuelle d'ériger des conseils
intercommunaux élus au suffrage universel en structures rivales des conseils
municipaux.
En revanche, nous avons admis le principe de la création de comités
consultatifs, qui peuvent être perçus comme une expression de la
démocratisation accrue des structures intercommunales.
Le deuxième débat de fond, probablement le plus difficile, celui qui voyait la
confrontation de positions de principe, concernait l'extension à titre
exceptionnel des périmètres des communautés de communes, des communautés
d'agglomération et des communautés urbaines. Nous avons cependant pris le soin
de poser trois limites à ces extensions exceptionnelles : d'abord, en
permettant la création de plusieurs EPCI, établissements publics de coopération
intercommunale, au sein d'une même agglomération ; ensuite, en évitant qu'une
commune qui fait partie d'un EPCI à taxe professionnelle unique puisse
éventuellement être incluse ; enfin, en subordonnant tout projet de cette
nature à une consultation préalable de la commission départementale de la
coopération intercommunale.
Le troisième grand débat de fond a porté sur le transfert des compétences. Au
départ, nous étions d'accord, Assemblée nationale et Sénat, pour que les
compétences obligatoires des communautés d'agglomération soient transférées
d'emblée. Le débat portait sur le bloc des compétences optionnelles dont le
Sénat avait admis la dévolution progressive. Le Sénat a accepté le principe de
leur transfert immédiat, en obtenant qu'un certain nombre d'entre elles, je
pense en particulier à l'eau, à l'assainissement, à la collecte et au
traitement des ordures ménagères - fassent l'objet d'aménagements dans un sens
réaliste. Nous avons veillé également à ce que ces compétences puissent être
transférées par un EPCI à un syndicat mixte, en évitant de mettre en cause des
structures syndicales qui, sur le terrain et depuis de longues années, ont fait
leurs preuves et qui, selon nous, restent le moyen le plus réaliste et le plus
efficace de faire face à de telles compétences.
Le débat financier a porté sur plusieurs aspects.
Nous sommes parvenus à un accord en fixant à cent soixante-quinze francs en
moyenne par habitant la dotation globale de fonctionnement - DGF - attribuée
aux communautés de communes, pour réduire l'écart, que nous jugions au départ
excessif, entre la DGF des communautés de communes et celle des nouvelles
communautés d'agglomération. Nous avons veillé ainsi à réduire l'écart entre
les avantages consentis à l'intercommunalité en milieu rural et ceux qui sont
accordés aux autres structures intercommunales. En termes d'aménagement du
territoire, cette décision nous paraissait nécessaire sur le plan de
l'équité.
Toujours sur le plan financier, le délai d'option pour la taxe professionnelle
unique, fixé au départ au 1er janvier de l'an 2000, a été prolongé jusqu'au 1er
janvier 2002. Compte tenu de l'importance de la décision de principe, il nous a
paru en effet opportun de prolonger ce délai de réflexion pour permettre aux
EPCI de prendre leur décision en dehors de toute pression liée à des échéances
comme celle de 2001 et avec toute la sérénité requise.
Enfin, toujours sur le plan financier - et c'est un point important - nous
avons obtenu que soit précisé un mécanisme d'encadrement de l'évolution de la
taxe professionnelle. En effet, les collectivités territoriales doivent, plus
que jamais, veiller à ce que la fiscalité soit en rapport avec les capacités de
financement des entreprises. L'intercommunalité ne doit pas être un moyen pour
déboucher, dans une certaine mesure, sur un accroissement global de la
fiscalité locale. En tant qu'élus responsables, nous devons être vigilants sur
ce point.
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Il importe enfin de rappeler, sur le plan du financement, que
nous avons également, dans l'accord final intervenu en commission mixte
paritaire, veillé à ce que la ponction sur la dotation de compensation de la
taxe professionnelle, la DCTP, qui, le cas échéant, doit permettre de financer
la DGF intercommunale, soit limitée aux années 2000 et 2001, c'est-à-dire
jusqu'à la fin de la période de l'application du contrat de croissance et de
solidarité.
J'insisterai à propos de ces dispositions d'ordre général sur un dernier point
: le rôle accru qui doit incomber désormais aux CDCI.
En ce qui concerne tant la création d'EPCI que la fixation de leur périmètre
ou toute disposition d'importance relative à leur développement, nous avons
veillé à ce que l'intervention de la CDCI soit prévue dans la loi. Le Sénat y
avait accordé une importance particulière en séance plénière. Le préfet a un
pouvoir de décision, mais celui-ci est lié à l'avis de la CDCI. Encore faut-il,
et ce sera un élément important, que les CDCI jouent pleinement leur rôle et
que, composées de représentants de toutes les catégories de communes - grandes,
moyennes et petites - elles expriment une opinion, elles prennent leurs
responsabilités. En effet, une intercommunalité harmonieuse ne pourra se
développer que grâce à un dialogue franc, loyal et direct entre les préfets et
les CDCI, représentatives des élus locaux. C'est un point fondamental !
Je conclurai mon propos en rappelant trois dispositions introduites par le
Sénat, qui ont fait l'objet d'un accord en termes précis, je crois, en
commission mixte paritaire : la première concerne la situation des
collaborateurs des groupes d'élus dans les assemblées départementales et
régionales, la deuxième a trait à la situation des collaborateurs des exécutifs
territoriaux, et la troisième vise les conditions d'exercice des fonctions de
directeur général de services.
Nous avons estimé que ces trois dispositions étaient liées d'une manière très
directe à la mise en oeuvre dans de bonnes conditions des lois de
décentralisation.
L'esprit des lois de décentralisation veut que soient désormais clarifiées un
certain nombre de situations qui, jusqu'à présent, ne l'étaient pas et que les
responsables des collectivités territoriales disposent, s'agissant de la
fonction publique territoriale, des moyens en personnel nécessaires, un
personnel exerçant ses fonctions dans un cadre fixé, un cadre qui permet
d'éviter des mises en cause injustifiées mais aussi des abus, car tel est aussi
l'esprit dans lequel nous voulons que la décentralisation puisse continuer à
s'exercer.
Voilà, mes chers collègues, l'essentiel des dispositions d'un accord intervenu
mardi dernier, qui a donné lieu parfois à des débats difficiles parce que
concernant des problèmes de principe. Ces débats nous ont toutefois permis, je
crois, de tenir un cap et d'aboutir à un résultat.
Je voudrais remercier tous ceux qui ont contribué à ce que cet accord puisse
intervenir, notamment le président de la commission des lois du Sénat pour la
manière avec laquelle il a su présider trois réunions qui furent difficiles,
mais qui ont permis d'aboutir.
Je voudrais remercier également mes collègues membres de la délégation
sénatoriale, particulièrement M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la
commission des finances. C'est dans la complémentarité que nous avons su
travailler et conduire ensemble ce débat au sein des deux commissions du Sénat
concernées.
Je tiens aussi à remercier les administrateurs de la commission des lois, qui
ont été, sur le plan technique, à la hauteur de la réputation qui est celle de
cette commission.
Je remercierai enfin M. le ministre, pour son ouverture au dialogue, ainsi que
le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Nous avons eu
des divergences, parfois fortes ; nous avons su les surmonter, et c'est dans un
esprit de dialogue que nous avons pu arriver à ce résultat.
Certes, ce n'est pas un résultat idéal pour qui que ce soit, car qui dit
commission mixte paritaire dit nécessairement compromis, et qui dit compromis
dit concession. Mais ne vaut-il pas mieux trouver un accord plutôt que de
renoncer à un certain nombre d'acquis qui, incontestablement, peuvent être
portés au crédit du Sénat ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur les
travées socialistes.)
(M. Gérard Larcher remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, nous arrivons au terme d'un débat qui fait honneur à nos
institutions parlementaires avec un texte issu des travaux de la commission
mixte paritaire.
L'accord entre les deux assemblées est à mes yeux très important. Il est le
fruit d'un long travail qui doit être salué.
Le mérite en revient d'abord aux rapporteurs des deux assemblées,
particulièrement à ceux du Sénat, MM. Daniel Hoeffel et Michel Mercier, sans
lesquels cet accord - je tiens à le dire - n'aurait pu se faire. Leur
attachement profond au développement de l'intercommunalité, leur parfaite
connaissance de la matière et leur esprit de compromis ont permis d'aboutir à
un texte équilibré.
Ce travail a donc permis au Sénat, comme vient de le dire M. le rapporteur, de
peser sur la rédaction finale du texte.
Je tiens également à remercier le président de la commission des lois, M.
Jacques Larché, ainsi que les autres commissaires, MM. Robert Bret,
Jean-Patrick Courtois, Paul Girod et Jean-Claude Peyronnet, qui ont également
rendu possible cet accord.
Si j'apprécie particulièrement cette réussite de la commission mixte
paritaire, ce n'est pas seulement parce qu'elle permet de gagner quelques mois,
utiles aux simulations et à l'élaboration des projets des élus locaux afin
qu'une première application de la loi puisse intervenir au 1er janvier 2000
dans de bonnes conditions.
Ce n'est pas non plus seulement parce que le consensus parlementaire augure
bien de la mise en oeuvre de la loi et permet d'espérer que, en matière
d'intercommunalité, les attachements partisans ne seront pas un obstacle dressé
entre les conseils municipaux.
Non, l'essentiel, à mes yeux, est que cet accord constitue un double succès,
pour la décentralisation et pour l'intercommunalité.
C'est un succès pour la décentralisation, tout d'abord. Par delà les fausses
oppositions, artificiellement gonflées par commodité entre Jacobins et
Girondins, entre centralisateurs et décentralisateurs, cet accord marque plutôt
le succès d'une décentralisation rationalisée aux dépens du « laisser-faire »
territorial. C'est donc une victoire de l'intérêt général.
Après l'accord sur la loi relative aux polices municipales, je ne vous cache
pas que ce nouveau consensus constitue à mes yeux un signe de bonne santé tant
de la décentralisation que du travail que nous pouvons faire en commun.
Ce texte - chacun l'a bien compris - traduit un équilibre que nous avons
collectivement et volontairement recherché : donner une forte impulsion au
développement local sans pour autant compromettre le cadre territorial
existant. En ce sens, il constitue une nouvelle étape dans le processus continu
de la décentralisation. Il réaffirme la solidité et la pertinence de nos
institutions locales.
Il ne pouvait pas être envisagé à mes yeux de réforme de l'intercommunalité
sans que celle-ci s'appuie sur l'institution communale, qu'il faut préserver.
Face à des évolutions démographiques et économiques qui ne les servent pas
toujours, il est nécessaire de réaffirmer et de soutenir la solidarité entre
les communes. C'est ce que fait le projet de loi. Il entend ainsi faire
participer pleinement nos communes au développement local, quelle que soit leur
taille.
Cet accord est également un succès pour l'intercommunalité, une
intercommunalité ambitieuse et exigeante, conformément au projet de loi que le
Gouvernement vous avait soumis et que vous n'avez pas dénaturé, mais, au
contraire, bien souvent amélioré.
S'agissant des dispositions sur lesquelles subsistaient des divergences
importantes, vous avez abouti, grâce à votre compétence en matière de vie
locale, à d'heureux compromis.
C'est le cas en ce qui concerne la définition des périmètres, un équilibre
étant trouvé entre la préservation de l'intérêt communal et la nécessaire
recherche de l'intérêt général.
C'est le cas également du rôle de l'Etat à qui se trouve confié un pouvoir
d'appréciation et un pouvoir d'initiative, mais après consultation de la
commission départementale de coopération intercommunale et dans le respect des
groupements préexistants s'ils sont à taxe professionnelle unique.
Comme l'a dit M. le rapporteur, tout cela implique un réel dialogue. J'en suis
tout à fait conscient et des instructions seront données en ce sens.
Vous avez maintenu les exigences nécessaires en matière de compétences, tant
pour les communautés d'agglomération que pour les communautés de communes qui
bénéficieront d'une DGF bonifiée. Cela permettra de faire bon usage, loin des
effets d'aubaine, des incitations financières que le Gouvernement proposait,
tant en recettes nouvelles - 500 millions de francs par an pendant cinq ans
pour les communautés d'agglomération - qu'en recettes trouvées dans la DGF,
pour les communautés de communes.
Vous avez renoncé à la désignation par le suffrage universel des délégués aux
conseils des communautés urbaines - il est vrai que c'était plutôt une
présentation des choses - en considérant que, même pour cette catégorie de
groupements anciens et très intégrés, cela pouvait porter atteinte aux
communes. Mais vous avez maintenu les dispositions favorisant un fonctionnement
démocratique de l'intercommunalité.
Le législateur met ainsi en place des outils puissants et simplifiés de
coopération intercommunale, dans le respect des principes de la
décentralisation.
Il confie aux trois formes de coopération - les communautés urbaines, les
communautés d'agglomération, les communautés de communes - des missions
essentielles : dans les agglomérations, la mission de bâtir des espaces de
solidarité où seront mises en commun les charges et les ressources sur un
projet s'attaquant aux problèmes de la ville, notamment à la ségrégation
spatiale qui vient redoubler la ségrégation sociale. Grâce aux communautés
d'agglomération, il sera possible de définir et de mettre en oeuvre à une
échelle pertinente les politiques d'urbanisme, d'habitat, de logement, de
transports, de développement économique et de solidarité sociale qui
permettront de favoriser la mixité de l'habitat et l'accès à la citoyenneté de
ceux qui, aujourd'hui, se sentent rejetés.
La loi forgera donc l'outil nécessaire au monde urbain : la communauté
d'agglomération dotée de compétences fortes, qui s'appuie sur le partage de la
taxe professionnelle unique. L'institution de la communauté d'agglomération à
partir de 50 000 habitants entraîne le relèvement du seuil de création des
communautés urbaines désormais fixé à 500 000 habitants ; il est d'ailleurs
souhaitable que les nouvelles communautés urbaines optent, elles aussi, pour la
taxe professionnelle unique.
Dans les espaces ruraux, une intercommunalité de projet appuyé sur des
communautés de communes consistantes, aussi bien sur le plan démographique -
vous avez retenu le seuil de 3 500 habitants - que sur le plan de leurs
compétences, et reposant également sur la taxe professionnelle unique,
permettra de sauver les petites communes en maintenant un service public de
base digne de notre temps et en animant le développement économique.
Je me réjouis de relever que les critiques qui avaient été formulées au moment
de la présentation du projet de loi, opposant le rural à l'urbain, ont
aujourd'hui disparu.
L'urbain et le rural ont des problèmes qui requièrent des traitements adaptés.
Le projet de loi, amélioré par nos débats, permet de donner, à travers la
communauté de communes, un avenir à nos communes rurales. L'une de nos forces
par rapport à nos voisins européens est l'étendue de notre espace rural. Il
constitue, à n'en pas douter, un facteur d'équilibre pour notre pays, une
source d'activités économiques et agricoles qu'il faut continuer à soutenir et
à développer. Le projet de loi y contribuera, je crois, grâce à la proposition
du Sénat d'encourager par une dotation globale de fonctionnement améliorée les
communautés de communes à taxe professionnelle unique, qui vont ainsi devenir
des pôles structurants du monde rural.
Le législateur met ainsi en place trois formules de coopération adaptées aux
particularités économiques, humaines et spatiales de notre pays.
Grâce à ce texte est réalisé un progrès attendu et indéniable dans le
fonctionnement de l'intercommunalité. Mais il ne s'agit pas que de cela :
l'intercommunalité, avec ses nouveaux moyens institutionnels, financiers et
fiscaux, doit pouvoir participer à la politique d'aménagement du territoire.
La mesure la plus forte est bien évidemment l'adoption de la taxe
professionnelle unique, mesure ouverte aux trois formes de l'intercommunalité.
L'encouragement à la taxe professionnelle unique vise, dans l'immédiat, à
réduire localement les inégalités entre communes et les concurrences stériles
pour aider à la constitution de groupements puissants. Cependant, dans sa
dimension territoriale, la taxe professionnelle unique ne constitue pas
seulement un instrument d'équité fiscale, elle permet également de rationaliser
les choix d'aménagement, d'organiser les services, de planifier les
équipements, et donc d'améliorer l'efficacité économique de la gestion publique
territoriale.
C'est donc une vraie réforme, une de celles dont les effets se feront
pleinement sentir sur le long terme. Il appartient maintenant aux élus locaux
et aux citoyens de s'en saisir au rythme adapté à chaque situation locale.
Cette réforme est inspirée du double souci de faire vivre la démocratie locale
et de redonner du souffle à la décentralisation.
Le travail à cet égard est intense, mais exaltant ; vous y avez très largement
contribué, mesdames, messieurs les sénateurs, ce dont je tiens à vous
remercier.
Je souhaite enfin vous remercier du soutien que vous avez apporté à ce texte
et des améliorations que vous avez permises, faites de sagesse, mais aussi de
modernité.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, huit mois
quasiment jour pour jour après le dépôt sur le bureau des assemblées du projet
de loi relatif au renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale, nous voilà attelés à l'adoption définitive du texte.
Le choix du Gouvernement de prononcer l'urgence, procédure qui ne prévoit
qu'une seule lecture dans chacune des chambres parlementaires avant la réunion
de la commission mixte paritaire, a conduit à minimiser l'importance de ce
texte.
Nous avons déjà déploré, lors des débats en séance publique, qu'une telle
procédure soit engagée. Il me semble d'ailleurs que nous avions été nombreux à
le faire, sur toutes les travées, et je ne peux que regretter que nous ne
soyons que si peu à ne pas nous féliciter de cette adoption à la hâte.
De plus, la technicité des dispositions a, elle aussi, certainement limité le
champ du débat public, y compris avec les élus.
Pourtant, l'ampleur du texte, ses répercussions sur nos institutions,
l'envergure des modifications qu'il engendre dans le déroulement de notre vie
publique et pour la démocratie locale, méritaient que nous nous attardions plus
longuement sur ce projet de loi.
Cela dit, nous pouvons nous féliciter des riches débats que nous avons eus en
séance publique et en commission mixte paritaire. Ceux-ci ont témoigné de
l'importance du sujet et des multiples interrogations qu'il soulève.
Ce projet de loi ne représente pas seulement une nouvelle étape de la
décentralisation, comme vous aimez à le souligner, monsieur le ministre. Il
représente, à nos yeux, une réelle réorganisation pour nos institutions.
Au nom du renforcement et du développement de la coopération intercommunale,
des principes essentiels, dont certains sont de valeur constitutionnelle, ont
été malmenés.
La libre administration des collectivités locales en est le meilleur exemple.
Alors qu'elle avait déjà été mise à mal par la règle de la majorité des deux
tiers, instaurée par la loi du 6 février 1992, l'autodétermination des communes
est dénigrée par l'adoption des articles 1er
bis,
4
bis
et 27,
qui autorisent l'inclusion d'office de communes au nom de la cohérence spatiale
après élargissement du périmètre de l'EPCI par le préfet.
Certes, vous avez consenti que les communes intéressées soient consultées.
C'est un « plus », mais le problème de la libre administration des
collectivités locales reste entier.
Ce constat, que nous ne sommes pas les seuls à faire, a d'ailleurs fortement
mobilisé les élus des communes membres de la communauté urbaine de Bordeaux.
Les témoignages des acteurs de terrain sont sans appel !
Mon ami Robert Bret rappelait, lors de la discussion générale, que, parmi les
18 876 communes membres d'un EPCI, seules 87 avaient choisi la communauté de
villes. Ces chiffres ne sont pas le fruit du hasard ! Il dénote qu'il est
important de ne pas prévoir des structures toutes ficelées, des moules trop
rigides, sans quoi les coopérations intercommunales se révèlent
infructueuses.
L'intercommunalité devrait permettre aux municipalités de s'associer pour
créer des synergies de projet politique en vue d'améliorer les réponses
qu'elles se doivent, en raison de leurs prérogatives, d'apporter aux besoins
des populations.
Nous sommes convaincus que ce projet de loi s'inscrit dans un dispositif
beaucoup plus global, dispositif qui se profilait déjà avec la loi du 6 février
1992 et qui consistait à un abandon de l'exceptionnalité française en opérant
un remodelage des rapports entre collectivités locales elles-mêmes et entre
celles-ci et l'Etat et l'Union européenne. N'y a-t-il pas là une volonté de
rationner et de rentabiliser les actions des collectivités locales au détriment
de la démocratie locale ?
M. Alain Vasselle.
C'est un réquisitoire !
M. Thierry Foucaud.
N'aurait-il pas été préférable et logique, face à l'atomisation de l'intérêt
de nos concitoyens pour la vie publique, au recul des valeurs républicaines et
citoyennes, de resserrer les liens entre les institutions et la population ?
Avec ce texte, on fait le contraire. Vous prétendez qu'éloigner le pouvoir de
décision des populations est dans la continuité des lois de décentralisation et
que, par voie de conséquence, c'est une chance pour la démocratie. Nous ne
sommes nullement convaincus ! Nos propositions, qui permettaient une
amélioration des dispositifs démocratiques, n'ont pas été adoptées, alors que
les structures intercommunales souffrent déjà aujourd'hui d'une carence
démocratique.
Je fais allusion ici à nos propositions sur l'instauration des règlements
intérieurs ou à la désignation des membres du comité syndical.
La portée de l'article 14
ter
, que nos collègues députés avaient
introduit en première lecture et qui prévoyait une répartition démocratique des
sièges au sein du comité syndical, a été terriblement amoindrie.
Je note avec satisfaction, en revanche, que l'article 29 a été maintenu dans
sa rédaction initiale, malgré l'opposition de la majorité sénatoriale, afin
d'offrir la possibilité aux EPCI de mettre en place des comités
consultatifs.
D'un point de vue général, ce texte, comme les précédents en la matière,
propose des cadres juridiques trop rigides, ce qui ne laisse que très peu de
place aux choix des élus locaux. Il s'agit non pas de coopérations basées sur
des projets, mais de coopérations intercommunales de gestion.
Je sais qu'il se pose ici un problème sémantique : ce que nous définissons
comme intercommunalité de projet, vous le dénommez intercommunalité à la carte.
Il ne s'agit, en fait, pour nous, que de laisser la plus grande marge de
manoeuvre et de choix possible aux élus locaux en fonction des besoins à
satisfaire et des réalités du terrain dans chaque agglomération.
Les débats que nous avons eus sur l'élection des conseillers communautaires
urbains - doit-elle se faire au suffrage universel ? - témoignent du sursis
dans lequel vont subsister les communes, désormais contraintes à ne gérer que
l'état civil et démunies de la quasi-totalité de leurs compétences et de leurs
ressources.
Là encore, ne nous voilons pas la face. Si la commission mixte paritaire n'a
pas retenu le suffrage universel, ce n'est pas par volonté de préserver
l'autodétermination des communes et la démocratie locale, mais uniquement parce
que l'opinion publique n'est pas prête. En la matière, vous avez préféré
attendre la prochaine échéance pour avoir le temps de convaincre et ne pas
aller, pour le moment, contre l'avis des élus locaux. J'aimerais, monsieur le
ministre, que vous m'indiquiez le contraire !
Ensuite, les modalités financières de la coopération intercommunale ne sont
pas non plus satisfaisantes à nos yeux. La pérennité des moyens alloués aux
établissements publics de coopération intercommunale n'est pas assurée au-delà
de 2004, les financements relèvent plus de « carottes budgétaires » et de
redéploiements des richesses existantes que de moyens nouveaux et d'une réelle
solidarité, d'une péréquation financière entre les collectivités locales, alors
que l'objectif premier visé avec ce projet de loi était l'élargissement de la
solidarité et de la péréquation.
M. Alain Vasselle.
Que de sévères critiques !
M. Thierry Foucaud.
Nous aurions souhaité que ce texte soit l'occasion de dégager des moyens
nouveaux pour les collectivités locales et leurs groupements. Lors du débat
d'orientation budgétaire, j'ai ainsi longuement fait état de nos propositions
sur la taxation des actifs financiers, qui représentent 29 000 milliards de
francs et qui ne sont aucunement taxés.
La fiscalité mixte est désormais ouverte à toutes les structures de
coopération. Or elle constitue une dérive dangereuse qui risque d'alourdir
encore la pression fiscale pesant sur les ménages.
Le mécanisme de solidarité qu'est le fonds de solidarité des communes de la
région d'Ile-de-France est en deçà des besoins de rééquilibrage financier au
sein de la région parisienne.
Malgré cela, les parlementaires communistes sont soucieux d'instaurer des
coopérations intercommunales permettant aux communes d'améliorer leurs réponses
aux besoins des citoyens et d'assumer pleinement leurs prérogatives, sans cesse
élargies par les lois de décentralisation et les nouvelles normes
européennes.
Il nous faut, en ce sens, permettre à la coopération intercommunale de se
fonder sur des projets communs de synergie d'intérêts locaux et de
rationalisation des structures de service.
Il est bien évident que les politiques économiques d'aménagement de l'espace -
les transports urbains et interurbains, par exemple - mais aussi les politiques
de l'habitat ou encore les nouvelles normes en matière d'environnement -
collecte et traitement des déchets, assainissement des eaux - ne peuvent se
développer qu'au sein de structures intercommunales.
L'expérience des élus locaux en la matière, leur attachement à la démocratie
et aux valeurs de la République seront certainement déterminantes sur le
terrain pour utiliser le meilleur de ce texte à la concrétisation de projets
améliorant le quotidien de nos concitoyens.
On peut déjà, d'ailleurs, se féliciter de la non-application dans les faits de
la règle de la majorité des deux tiers : mieux que quiconque, les élus locaux
ont fondé la constitution de structures intercommunales sur des projets
politiques négociés, partant de choix partagés.
C'est dans cet esprit de confiance et de vigilance que les sénateurs
communistes s'abstiendront.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, d'une
part, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ; d'autre
part, étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, le Sénat statue
sur les amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :