Séance du 6 octobre 1999
M. le président. « Art. 10. - Sous réserve de la nécessité de préserver le bon fonctionnement des réseaux, Electricité de France et, dans le cadre de leur objet légal et dès lors que les installations de production sont raccordées à leur réseau de distribution, les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée sont tenus de conclure, si les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l'achat de l'énergie électrique produite sur le territoire national par :
« 1° Les installations qui valorisent des déchets ménagers ou assimilés mentionnés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales ou qui visent l'alimentation d'un réseau de chaleur ; dans ce dernier cas, la puissance de ces installations doit être en rapport avec la taille du réseau existant ou à créer ;
« 2° Dans la limite d'une puissance de 12 mégawatts par installation, les installations qui utilisent des énergies renouvelables ou qui mettent en oeuvre des techniques performantes en termes d'efficacité énergétique, telles que la cogénération, lorsque ces installations ne peuvent trouver des clients éligibles dans des conditions économiques raisonnables au regard du degré d'ouverture du marché national de l'électricité. Un décret en Conseil d'Etat fixe, par catégorie d'installations, les limites de puissance des installations qui peuvent bénéficier de cette obligation d'achat. Ces limites sont révisées pour prendre en compte l'ouverture progressive du marché national de l'électricité.
« Un décret précise les obligations qui s'imposent aux producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat, ainsi que les conditions dans lesquelles les ministres chargés de l'économie et de l'énergie arrêtent, après avis de la commission de régulation de l'électricité, les conditions d'achat de l'énergie ainsi produite.
« Sous réserve du maintien des contrats en cours et des dispositions de l'article 48, l'obligation de conclure un contrat d'achat prévu au présent article peut être partiellement ou totalement suspendue par décret, pour une durée qui ne peut excéder dix ans, si cette obligation ne répond plus aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements.
« Les contrats d'achat conclus par Electricité de France assurent des tarifs d'achat traduisant les dépenses d'investissement et d'exploitation évitées par Electricité de France. Les conditions d'achat feront l'objet d'une révision périodique afin de tenir compte de l'évolution des dépenses évitées et des conditions de marché. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 69 est présenté par M. Revol, au nom de la commission.
L'amendement n° 5 est déposé par MM. Besson,Pastor, Sergent et Weber.
Tous deux tendent, dans le premier alinéa de cet article, à remplacer les mots : « à leur réseau de distribution » par les mots : « aux réseaux publics de distribution qu'ils exploitent ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 69.
M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision rédactionnelle : les réseaux en question appartiennent aux collectivités concédantes ou aux collectivités qui ont une régie.
M. le président. La parole est à M. Besson, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Jean Besson. La rédaction du premier alinéa de l'article 10 est ambiguë et ne correspond pas à la réalité. En effet, d'une part, les distributeurs non nationalisés peuvent exploiter plusieurs réseaux, et, d'autre part, ils sont non pas propriétaires des réseaux, comme le laisse entendre le mot « leur », mais exploitants de ces réseaux, qui appartiennent à des collectivités locales juridiquement distinctes, excepté dans le cas des régies.
M. Jean-Marc Pastor. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'avis duGouvernement est très favorable. M. le rapporteur et M. Besson parlent d'or ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 69 et 5, acceptés par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Par amendement n° 324, MM. Lefebvre, Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa de l'article 10, de remplacer les mots : « sont tenus de » par les mots : « peuvent ».
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Le groupe communiste républicain et citoyen a déposé une série d'amendements sur l'article 10 afin de rendre plus équitable - au regard des conditions de la concurrence - et moins préjudiciable pour EDF l'obligation d'achat à laquelle cette dernière est soumise.
Ce premier amendement, n° 324, pose un principe : EDF et les distributeurs non nationalisés ne sont plus tenus de racheter l'électricité aux producteurs autonomes.
Sans remettre en cause, loin s'en faut, ni la nécessaire diversification de notre production énergétique nationale ni le traitement particulier réservé aux énergies renouvelables, qui peut être légitime, il s'agit d'éviter à EDF des surcoûts qui atteignent actuellement plus de 4 milliards de francs par an et, surtout, d'empêcher des phénomènes de substitution de modes de production qui auraient pour effet de limiter, voire de réduire, les capacités de développement de l'opérateur national.
L'obligation d'achat donne lieu, de l'avis des salariés et de la direction d'EDF, à des excès. EDF contribue, en effet, à partir des fonds publics, à subventionner ses futurs concurrents sans forcément que cela se traduise par de véritables contreparties, en termes d'environnement notamment.
Le cas de la cogénération est tout à fait symptomatique à cet égard et il mérite, selon nous, d'être étudié au cas par cas.
S'il s'agit de production combinée de chaleur et d'électricité ou de la récupération sous forme d'électricité des calories perdues dans une installation de production de chaleur, il est légitime de développer cette technique.
En revanche, s'il s'agit de sacrifier la production d'électricité pour une production de vapeur dans l'unique objectif de profiter des conditions de rachat de l'électricité par EDF, il faut s'interroger sur l'utilité de cette disposition obligatoire tant pour EDF, bien sûr, que pour les usagers qui rémunèrent ces producteurs via le prix du kilowattheure.
En outre, l'intérêt pour la collectivité nationale reste à démontrer dès lors que les techniques de cogénération, à partir du gaz notamment, tendent à accroître notre dépendance énergétique à l'égard de l'extérieur.
La comparaison avantage-coût mérite d'être effectuée à la lumière des apports en faveur de la qualité de l'environnement et des sommes consacrées directement ou indirectement au soutien de la cogénération.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Défavorable. Il faut en effet préserver absolument l'obligation d'achat dans les cas qui sont visés par l'article 10.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il faut maîtriser les possiblités ouvertes par le développement technologique et la cogénération pour que EDF ne se trouve pas dans une situation d'obligation d'achat qui excéderait ses capacités financières. C'est exact, et vous avez donc raison de proposer d'élever une barrière. C'est d'ailleurs ce qu'a demandé EDF et j'ai eu l'occation de rappeler très récemment quelles seront les limites de cette obligation d'achat.
De là à proposer la fin de l'obligation d'achat, je ne vous comprends pas, d'autant que l'obligation d'achat d'électricité par EDF est explicitement prévue par la loi de 1946, la loi Marcel Paul, pour faciliter l'innovation et le développement technologique.
Monsieur Lefebvre, comme je crois que nous nous comprenons sur le fond et que vous obtenez satisfaction sur l'idée de la maîtrise de l'obligation d'achat, je vous invite à retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Lefebvre, l'amendement n° 324 est-il maintenu ?
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous allons maintenir notre amendement car, vous le comprendrez aisément, nous avons le souci de préserver les intérêts de EDF.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Mais nous sommes d'accord !
M. Pierre Lefebvre. Nous voudrions nous prémunir contre tout risque d'extension.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 324.
M. Ladislas Poniatowski. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Je ne vais pas me priver du plaisir de dire que je suis contre cet amendement.
Il s'agit d'un amendement très important, monsieur Lefebvre, et je comprends que vous ayez le souci d'aller jusqu'au bout, de le maintenir pour voir ce qui va se passer dans cet hémicyle.
Supprimer l'obligation d'achat de EDF constitue une grave remise en cause. Mais je relève une contradiction dans votre raisonnement.
Vous voulez préserver les intérêts de EDF, et vous évoquez les 4 milliards de francs induits de la cogénération par an.
Or, dans d'autres circonstances, et à mon grand regret, vous n'avez pas hésité à « lui mettre sur le dos » des dépenses très lourdes. Mais nous en avons déjà parlé tout à l'heure.
Par ailleurs, j'aurais souhaité que vous vous rendiez compte des conséquences de votre proposition pour les collectivités locales. En effet, ce sont essentiellement les collectivités locales, notamment avec leurs usines d'incinération des ordures, qui produiront la plus grande part de la chaleur transformable en électricité.
Certaines collectivités auront la chance de pouvoir très facilement exploiter cette chaleur, ou cette électricité, par exemple pour chauffer les établissements scolaires et les gymnases. D'autres, en revanche, n'auront pas cette chance, parce que leur usine d'incinération est loin de toute agglomération. Il n'en demeure pas moins que ces collectivités-là doivent, elles aussi, pouvoir vendre l'électricité qu'elles produisent à EDF, ne serait-ce que pour préserver l'intérêt de leurs contribuables, ne serait-ce que pour couvrir une partie des dépenses liées à l'incinération des ordures ménagères.
Avec cet amendement, mon cher collègue, vous avez soulevé un vrai problème de fond. Cette obligation d'achat, on ne peut pas la remettre en cause ainsi, au détour d'un amendement. Il faudrait un vrai débat, un long débat sur le sujet.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 324, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous propose d'interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinq.)